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  • Maison des autres - Silvio d'Arzo

    maisonautres.gifMaison des autres - Silvio d’Arzo - Traduit de l’italien par Bernard Simeone - Editions Verdier (1980)
    Montelice, un village perdu des apennins, tout juste un village d’ailleurs «sept maisons adossées et rien d'autre» le curé est là depuis trente ans, c’est lui qui raconte.
    Il raconte la vie du village, des gens qui sont là depuis toujours, qui vivent au rythme des saisons, accomplissant des tâches dures avec des gestes vieux de mille ans. Les hommes rentrent des pâturages à la lumière des lanternes le soir, le climat est rude et le curé a déjà vu trente noëls ici, sous la neige. La misère est le lot commun, le prêtre s’inquiète  « j'ai vraiment peur de ne plus pouvoir être utile à grand-chose dans un cas de ce genre. Tout cela est pour moi une autre langue...Fêtes, saintes huiles, un mariage sans façon, voilà désormais mon lot.»
    Le curé s’interroge car une femme, nouvelle dans ce village, l’intrigue, elle semble toujours sur le point de lui parler mais au dernier moment renonce. C’est Zelinda, pauvre entre les pauvres, elle lave le linge des villageois, se nourrit d’un croûton de pain et du lait de ses chèvres. Elle vit hors du village « plus loin que le sentier des ormes, juste à la limite de la paroisse, et après ce ne sont que ravins, toubières ou pire encore».

     

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    village des Apennins

    Jour après jour il la voit laver le linge,  un jour elle vient au presbytère l’interroger, mais c’est une ruse, sa question est sans objet, du moins elle n’a pas posé la question qui la tourmente, elle a feinté. Quand va-t-elle se décider ? Enfin un jour elle dépose une lettre à son intention.
    J’arrête là car il y a un suspense dans ce récit, comme le vieux curé, on attend, on essaye de comprendre cette femme. Silvio d’Arzo dont c’est la nouvelle la plus connue, nous arrache à notre petite vie pour nous faire vivre au rythme de sa prose, sèche, dure, les couleurs sont sombres dans ce pays de désolation « Les ravines et les bois, les sentiers et les pâturages deviennent d'une couleur vieille rouille, puis violette, puis bleue »

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    J"e sentais dans mes os l'hiver proche"

    Dans une seconde nouvelle "Un moment comme ça" autour de la disparition d'un soldat son récit est sobre et tragique.
    J’ai beaucoup aimé ces deux récits, graves, cruels, qui laissent le lecteur  avec des questions qui n’ont peut être pas de réponse. On peut rapprocher ce livre des récits de Ferdinando Camon (jamais vu soleil ni lune)  mais plus encore des hommes et femmes décrits par Carlo Levi dans « Le Christ s’est arrêté à Eboli ».


    Une oeuvre à découvrir Le billet de Theoma pour qui ce fut "un coup de poing"

    L’auteur
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    Silvio d'Arzo de son vrai nom Ezio Comparoni est né en 1920 et mort à 32 ans. Il est des figures les plus mystérieuses de la littérature italienne (Source l’éditeur)

  • Pétra la bariolée

    Pétra la bariolée

    "Les veines bleues, roses, les stries qui ondulent et serpentent à travers le grès, la moirure des couches ferrugineuses font frissonner la pierre.
    Avec ses demeures froissées par le vent, fripées par le sable, cette ville morte est recouverte d’un voile qui en brouille la perfection géométrique.
    Ce voile soyeux a même donné son nom à l’une des tombes, la « tombe de soie » sans que l’on puisse oublier que Pétra s’appelait en araméen Arquem, en nabatéen requem : « la bariolée ».

     

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    "On a beau l'avoir vu mille fois, c'est un choc. Le "Trésor" apparaît "

    "Quand ce n’était pas par Alexandrie ou Palmyre, le commerce de la soie transitait par Pétra, celui de l’encens aussi, la myrrhe, les épices, l’huile d’olive, l’asphalte, les dattes, le cuivre - jusqu’à ce que les Romains, pour limiter les intermédiaires, déroutent le trafic par la mer Rouge et par Alexandrie, et tarissent la fortune de la ville."


    Le livre : Rendez-vous dans une autre vie - Jérôme Prieur - Seuil
    la photo : sur ce site

  • Eté noir

    Je m’étais promis de les emporter en vacances mais je n’ai pas résisté 2 polars pour mettre dans vos valises, à lire en chaise longue, en pique-nique ou sous parasol, attention lecture prenante, risque majeur de coups de soleil !

    La Descente de Pégase - James Lee Burke - Editions Rivages
    Un tour dans les marais de Louisiane avant Katrina et la marée noire, si vous êtes allés dans les marais à la Brume électrique avec Tavernier vous allez retrouver Dave Robicheaux avec grand plaisir.

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    Paysage en voie de disparition

    Le pseudo suicide d’une jeune étudiante, une belle arnaqueuse fille d’un convoyeur de fonds mort sous les yeux de Robicheaux quelques vingt ans plus tôt, enfin pour compléter cette liste le cadavre d’un SDF trouvé dans le fossé. Trois affaires où présent et passé se mêlent dans ce nouveau roman et les trois affaires vont se croiser mais comptez sur notre héros pour trouver les points communs et dérouler la pelote.
    A la croisée des chemins il y a Bello Lujan truand violent et un mafioso Whitey Bruxal bien connu de Dave Robicheaux, notre héros fidèle à lui-même va traquer le mal en essayant de ne pas se perdre en route.
    James Lee Burke et son sens du récit, ses portraits riches et ambigus et sa Louisiane moite et violente où Katrina pointe le bout de son nez.  Un très bon moment de lecture

    Une interview de James Lee Burke



    L’Epouvantail - Michael Connelly - Editions du Seuil
    Une nouveau Connelly pour l’été ça ne se refuse pas, si vous ne l’avez jamais lu précipitez vous sur les premiers titres tous en poche, avec Harry Bosch pour vous faire vibrer, ils sont tous excellents mais ici retour vers un héros qui a fait les beaux jours de Connelly. Nous voilà dans la salle de rédaction du Los Angeles Times, la presse écrite est en difficulté comme partout et les mesures drastiques. Jack McEvoy vient d’en faire les frais, remercié, proprement viré, la rage au ventre il va tenter de mettre son  nom au bas d’une dernière enquête. Il a des atouts le monsieur, c’est lui qui avait couru derrière Le Poète tueur en série malin et machiavélique.

     

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    La cyber criminalité

    Les aveux étrangement faciles d’un jeune meurtrier de 16 ans le mettent sur la piste d’un tueur d’un sadisme ahurissant. Wesley Carver le tueur (je ne trahis aucun secret) utilise toutes les technologies de la cyber criminalité pour tuer et tromper tout le monde, McEvoy aura besoin d’aide, heureusement il n’a pas rompu le contact avec Rachel Walling du FBI avec qui il avait traqué "Le Poète"
    Un polar ultra classique, quelques accélérations, quelques plages de repos, un souci du détail, la technique de Connelly même si elle s’essouffle un peu reste assez efficace pour vous faire passer un bon moment. Mais si par hasard vous n'avez pas lu "Le Poéte" alors n'hésitez pas il est meilleur et de loin que cet épouvantail là.

  • Avec Tolstoï - Dominique Fernandez

    avectolstoi.gifAvec Tolstoï - Dominique Fernandez - Editions Grasset
    Passion Russie, c’est ainsi que j’aurais pu intituler ce billet,  c’est Dominique Fernandez qui nous invite auprès du
    "plus puissant romancier de tous les temps". Sa lecture à 15 ans de Guerre et Paix l’a laissé à jamais amoureux de la Russie et de Tolstoï " un Zola, aussi puissant mais mille fois plus artiste, qui aurait trempé sa plume dans l'encre de Flaubert..."
    Dominique Fernandez, sans faire oeuvre de biographe, il revient sur différents épisodes de la vie de l’écrivain, sa jeunesse libertine, son mariage et ses malentendus, sa révolte contre la richesse, celle d’un homme qui se reproche sans cesse de " mener une vie contraire à ses idées " et nous fait bien sentir le contraste violent entre sa vie réelle et sa soif d’absolu.
    Il revient en détail sur les romans et les nouvelles avec un grand talent pour nous les rendre proches, intelligibles, accessibles, en faire ressortir les détails, les particularités.
    Rien d’étonnant de consacrer de longues pages à Guerre et Paix, "le plus complet des romans jamais écrits"
    Quand on parle de littérature russe il est fréquent d’opposer Tolstoï et Dostoievski, Georges Steiner l’a fait avec érudition et brio, et Dominique Fernandez se livre aussi à l’exercice.
    Il trouve que Dostoievski est en permanence dans l’outrance alors que pour lui Tolstoï a "cette qualité unique dans la littérature romanesque de dire tout ce qui est et seulement ce qui est".

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    Guerre et Paix au cinéma


    Rien d’étonnant de consacrer de longues pages à Guerre et Paix, "le plus complet des romans jamais écrits"
    Il n’hésite pas à en dévoiler les faiblesses  (le livre IV) mais cela ne diminue en rien son admiration  "Je ne crois pas que, dans toute l'histoire de la littérature, on puisse trouver un autre écrivain qui ait placé ainsi sa confiance dans la force de ce qui est dit plutôt que dans la façon de le dire"
    Il aime la capacité de Tolstoï à nous rapprocher de ses personnages en quelques mots, sa facilité à parler comme eux et il nous fait partager cela dans plusieurs exemples par lesquels il nous montre que " Tolstoï lui seul s’assied tranquillement au gouvernail et raconte ce qui arrive, sans grossir les événements, sans dire plus que ce qui est, sans se mettre en valeur par des recherches d’écriture, sans chercher d’aucune façon à paraître original. Il reste de plain-pied avec la vie, avec les choses, avec nous ".

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    Greta Garbo la sublime



    Les pages consacrées à Anna Karénine sont passionnantes, il admire l’écriture " Il ne dépose jamais sa plume fine pour souligner au fusain. Il ne cherche pas à frapper, à retenir. Il nous éloigne peu à peu du rivage et, captivé par l’immensité de la haute mer dont le spectacle change sans cesse tout en demeurant le même, nous ne pensons plus au but du voyage "
    Fernandez présente aussi les écrits derniers, ceux où l’auteur devient un peu trop prédicateur aveuglé par ses tourments religieux et moraux.

    Depuis son roman sur la mort de Tchaïkovski et son Dictionnaire amoureux on connaît la passion de Dominique Fernandez pour la Russie et Tolstoï en particulier. J’aime beaucoup qu’on me parle de mes écrivains préférés, j’aime les lire bien entendu, mais j’apprécie également qu’un autre me les dévoile, me permette parfois de les lire autrement ou attire mon attention sur l’aspect d’une oeuvre que je n’ai pas su voir.
    Cet excellent livre est une belle réflexion sur la création littéraire et le cheminement qui va d’Homère à Tolstoï et des tragiques grecs à Dostoïevski.


    fernandez.jpgL’auteur
    Dominique Fernandez est né à Paris en 1929. Ecole Normale Supérieur, agrégation d'italien, doctorat ès-lettres. Il écrit régulièrement pour le Nouvel Observateur. Il a obtenu le prix Médicis en 1974.
    Il publie  L'Art de raconter en 2007 et Ramon la biographie de son père en 2009. ( source l’éditeur)

    Une interview de Dominique Fernandez

     

     

    Les livres dans le livre
    Tolstoï ou Dostoïevski - Georges Steine - 10/18
    Tolstoï - Henri Troyat - Fayard
    La délivrance de Tolstoï - Yvan Bounine - Editions de l'oeuvre
    Guerre et Paix
    Anna Karénine
    Maître et serviteur

    Le Père Serge
    Résurrection

  • L'olivier

    Une brindille dédiée à Colo

     

    Cueilleurs d’olives

    Andalous de Jaén,
    Altiers ceuilleurs d’olives,
    Dites-moi du fond de l’âme
    Qui a fait naître l’olivier ?

    Ni le néant,
    Ni l’or, ni Dieu
    mais la terre silencieuse,
    le travail et la sueur.

    Unis à l’eau pure
    aux planètes unis,
    ils donnèrent
    la beauté des troncs tordus

     

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    Les oliviers

    Les oliviers tordus par les temps
    et par les vents d’orages, se sont levés
    sur le sourcil étroit de cette terre,
    comme s’ils enlaçaient le sol et la pierre
    de leurs branches qui ont tant souffert

     

     

    La photo chez Espaces, instants

    Les auteurs
    Cueilleurs d'olives - Miguel Hernandez Giner
    Les oliviers - Dimitris Gotsis

    Le livre
    Feuilles d'olivier anthologie poétique et littéraire - Jacques Bonnadier et Joseph Pacini - Editions A Barthélémy

  • L'Entreprise des Indes - Erik Orsenna

    entreprise.gifL’Entreprise des Indes - Erik Orsenna - Editions Stock/Fayard
    J’ai entamé ce livre avec plaisir mais celui-ci s’est émoussé au fil des pages. Dommage.
    Ni biographie, ni roman historique, ce récit à la première personne est conduit par Bartolomé Colomb, le frère, celui qui n’a pas été du premier voyage et qui finit ses jours sur l’île d’Hispañola.
    Il va raconter les quelques huit années où les frères vivent à Lisbonne et tentent d’asseoir leurs connaissances en cartographie et mathématiques pour convaincre le roi du Portugal de financer leur voyage vers les Indes. Bartolomé a participé à l’Entreprise, le nom que Christophe Colomb donne à son projet, mais lui n’est pas un aventurier, c’est un homme d’études " Quelqu’un qui s’arrange pour vivre à l’écart de la vie et de ses horreurs.”
    Son récit dresse une fresque de l’Europe de l’époque, de ce Portugal qui veut se hisser au rang des grandes nations et cette Espagne aux prises avec : les arabes, l’expulsion des juifs et l’Inquisition.

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    Les cartes de l'époque

    J’ai aimé les descriptions du travail de cartographe, les fausses cartes dessinées pour tromper l’adversaire, la fièvre qui s’empare des savants qui doivent nommer les plantes et animaux rapporter par les caravelles de retour d’Afrique, les aventures de Bartolomé ( réelles ?) pour rapporter à Lisbonne Le fameux Devisement du monde devenu un livre imprimé
    Pourtant je me suis lassée assez vite, ni livre d'historien, ni vrai roman,  on voudrait s’attacher aux personnages mais hélas cela manque de souffle, l’accumulation d’anecdotes ne fait par un roman même lorsqu'elles sont bien racontées.

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    Commencé par cette interrogation " Pourquoi cette curiosité, pourquoi cette fièvre des découvertes se sont-elles soudain muées en la plus terrible des cruautés ?" Orsenna ne revient sur le sujet qu'en quelques lignes en toute fin du livre.
    Un mérite pourtant, celui de faire connaître le sermon prononcé par le frère Antonio de Montesinos qui du haut de sa chaire prend fait et cause pour les indiens et fustige les conquérants bien avant les écrits de Las Casas.

    " Vous êtes tous en état de péché mortel à cause de la cruauté et de la tyrannie dont vous usez à l’égard de ce peuple innocent. Dites-moi en vertu de quel droit et de quelle justice maintenez-vous ces Indiens dans une servitude si cruelle et si horrible? Qui vous a autorisés à faire des guerres aussi détestables à ces peuples qui vivaient si paisiblement dans leur pays, où ils ont péri en quantité infinie? " Sa voix hélas n’a pas été entendue.

    Je ne suis pas au diapason des critiques qui trouvent le livre érudit, poétique, flamboyant... pour ma part je dirai que certains passages sont excellents mais que l’ensemble est confus et que pour moi le compte n’y est pas.