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Rechercher : le dit du mistral

  • La horde du contrevent - Alain Damasio

    La horde du contrevent - Alain Damasio - Edition La Volte ou Folio SF
    la horde.gifVoilà un roman que vous n’oublierez pas, adepte ou réfractaire, passionné ou irrité, il ne vous laissera pas indifférent.

    Un avertissement tout d’abord : j’ai bien failli le planter là, abandonner car les premières pages étaient incompréhensibles, le vocabulaire complètement déjanté et malgré la grande confiance que j’accordais aux personnes qui me l’avaient recommandé, non là vraiment ce n’était pas possible.
    C’est grâce à Isa (elle se reconnaîtra) que j’ai poursuivi ma lecture puis que j’ai terminé le roman littéralement envoûtée, elle m’a donné un conseil et je vais vous le donner en guise de préambule : Lisez ce livre comme de la poésie, sans vous poser de questions, sans chercher de sens à tout, poursuivez, laissez vous porter par le vent et la magie de Damasio agira.

    Ils sont 23, marchant de l'extrême aval vers l'extrême amont pour y comprendre l'origine des vents.
    Ils sont la Horde du Contrevent, la 34ème ... après 33 échecs. Leur enfance n'a été qu'un apprentissage de cette lutte contre les vents avec l'espoir de faire partie de cette horde mythique. Cette 34ème horde est réputée la meilleure, on dit qu’elle percera les secrets du vent, on dit qu’elle sera la dernière horde.
    Chaque membre de la horde à un rôle bien défini.
    Il y a Golgoth le traceur, le chef, le guide
    Il y a Erg le protecteur de la horde, Caracole le poète troubadour, Oroshi qui sait tout des vents, Pietro le prince.
    Il y a Sov le scribe, c’est lui qui garde la trace de la horde, qui écrit pour les prochaines hordes.
    Il y a un fauconnier, un géomaître, une soigneuse et une cueilleuse.
    Trouver de la nourriture, faire du feu, soigner les plaies, dire le chemin, chacun rempli sa tâche.
    Une extraordinaire force les lie les uns aux autres, ils devront se dépasser pour parvenir à l’extrême amont.

    Autant le dire tout de suite, après mes hésitations du début, je n’ai plus lâché ce livre et j’ai voyagé avec la horde pour mon plus grand plaisir.
    Alain Damasio joue avec la langue, avec les mots, en invente, les tord dans tous les sens, son imagination est sans borne. Son inventivité est stupéfiante et les créations de son vocabulaire ébouriffantes.
    C’est un récit polyphonique dans lequel chaque personnage a son langage propre et son « signe symbolique » il est ainsi reconnu lorsqu’il prend la parole. L’orchestration de Damasio est parfaite. Il n’a oublié aucun détail, la pagination inversée du livre est le compte à rebours du voyage de la horde.

    La critique du Monde de novembre 2004 dit « Alain Damasio a relevé tous les défis : décrire un univers d'une logique interne très étrangère à notre expérience, mettre en scène plus de vingt personnages au long de ces 500 pages, trouver une voix particulière pour les plus importants d'entre eux. Il a gagné son pari : La Horde du contrevent est un chef-d'œuvre. »

    Extrait
    « Imaginez une Terre poncée, avec en son centre une bande de cinq mille kilomètres de large et sur ses franges un miroir de glace à peine rayable, inhabité. Imaginez qu'un vent féroce en rince la surface. Que les villages qui s'y sont accrochés, avec leurs maisons en goutte d'eau, les chars à voile qui la strient, les airpailleurs debout en plein flot, tous résistent. Imaginez qu'en Extrême-Aval ait été formé un bloc d'élite d'une vingtaine d'enfants aptes à remonter au cran, rafale en gueules, leur vie durant, le vent jusqu'à sa source, à ce jour jamais atteinte : l'Extrême-Amont.
    Mon nom est Sov Strochnis, scribe. Mon nom est Caracole le troubadour et Oroshi Melicerte, aéromaître. Je m'appelle aussi Golgoth, traceur de la Horde, Arval l'éclaireur et parfois même Larco lorsque je braconne l'azur à la cage volante. Ensemble, nous formons la Horde du Contrevent. Il en a existé trente-trois en huit siècles, toutes infructueuses. Je vous parle au nom de la trente-quatrième : sans doute l'ultime. »


    Embarquez vous, vous ne le regretterez pas

    Pour mieux connaître l’univers fantastique de la Horde


    L’auteur

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    Alain Damasio est né en 1969 à Lyon
    Sorti de l'ESSEC en 1991, il choisit de s'isoler pour s'adonner à l'écriture.
    Son premier texte long est la Zone du dehors, roman d’anticipation politique.
    La horde du contrevent a été récompensée par le Grand Prix de l'Imaginaire 2006.

  • Venise n'est pas à vendre - Petra Reski

     

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    Venise aujourd’hui

    Etes-vous des amoureux(ses) de Venise ?

    Je suis allée trois fois à Venise, la dernière fois date déjà de quelques années, mais je n’ai jamais cessé de lire sur Venise.
    Une ville qui, dit Petra Reski, « subit l’amour de plus de trente millions de personnes par an »

    Elle ajoute « Aujourd’hui pour ses habitants, vivre à Venise signifie surtout observer sa ville en train de mourir. »
    Un livre choc car on a beau savoir que tout n’est pas rose à Venise, lire ce livre c’est un peu passer du rose au noir hélas.

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    Petra Reski est journaliste pour des journaux de langue allemande, depuis trente ans elle vit à Venise. Elle est mariée à un vénitien pure souche.

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    Depuis qu’elle est capable de piloter sa Topetta, elle est devenue une vénitienne à part entière et c’est comme vénitienne qu’elle nous parle et nous fait entendre une vraie déclaration d’amour pour sa ville.

    J’ai aimé les pages où elle nous livre ses souvenirs intimes, autour de lieux disparus ou transformés en machine à sous.
    De façon surprenante le confinement lié au Covid a représenté une parenthèse enchantée car il rendu Venise à ses habitants.

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    Venise par temps de Covid

    Son livre devient polémique, mais peut-ont lui en vouloir quand elle dit que pendant le carnaval la ville est en état de siège, que ce sont 150 000 touristes qui font bloc face à …50 000 vénitiens !!

    venise

    Par temps de Carnaval

    Les maires qui se sont succédés, ont transformé la ville en une machine à sous en plein air, transformer les fêtes historiques en promotion commerciale.
    Laisser les bateaux de croisière géants parcourir le Grand Canal avec tous les risques afférents.

    venise

    Voilà ce qui dit Luigi Brugnaro un maire entrepreneur (ben oui c’est possible) « Ceux qui n’aiment pas la foule et n’ont pas envie de s’amuser n’ont qu’à aller se retirer à la campagne et n’ont pas à vivre à Rialto ou dans le centre de Venise. »

    Finalement le dernier obstacle ce sont les vénitiens eux-mêmes, pour qui il ne reste que deux options : soit quitter Venise, soit rester chez soi enfermés comme les habitants du quartier de Cannaregio devenus otages des touristes lors des fêtes vénitiennes.

    Les lois électorales ont dénaturé les décisions, à Venise 50 000 habitants le maire de Venise n’est pas élu par les vénitiens mais par les habitants du continent, les communes peuplées elles de 178 000 habitants, le découpage électoral donne donc les vénitiens perdants à tout coup.

    venise

    Venise est devenue la poule aux œufs d’or pour les propriétaires de logement : vive Airbnb !!! et pour les maires qui se succèdent et qui se laissent prendre dans les filets des compagnies de croisières et autres attractions sonnantes et trébuchantes.
    « Aujourd’hui pour ses habitants, vivre à Venise signifie surtout observer sa ville en train de mourir. »

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    Projet Moïse

    C’est un livre écrit sous le coup de la colère et de l’inquiétude et qui m’a fortement touché d’autant qu’aux risques liés au tourisme s’ajoute les risques de submersion dévastatrice.

    Le creusement des canaux fait que l’érosion de la lagune s’est accentuée et que cela augmente le mouvement des vagues.
    Le projet Moïse ne fonctionne pas et rend même le risque de submersion très prégnant.

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    Les touristes

    Qui peut accepter une ville ou depuis 10 ans une moyenne de 100 nouveaux bars, restaurants s’ouvrent chaque année ? A San Marco il y a 173 bars pour …3590 habitants : A la vôtre !!!

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    Petra Reski, vit à Venise depuis 1991 et nous adresse une déclaration passionnée d’amour et de résistance, une lecture indispensable pour tous les amoureux de cette ville.

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    Le livre : Venise n’est pas à vendre – Petra Reski – Traduit par G Zimmermann - Editions Arthaud

  • Vie et Destin - Vassili Grossman

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    C’est une relecture que je fais cet été. J’ai lu Vie et destin à sa sortie en 1980 je crois.
    Depuis le texte a été remanié pour inclure des passages absents lors de la première édition.

    Un gros pavé écrit par Vassili Grossman qui fut à ses débuts un fervent communiste, mais Vie et destin est plutôt un brûlot contre le Stalinisme alors comment cet homme est-il passé de fervent communiste à accusateur de la dérive totalitaire de son pays ?

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    Qu’a-t-il vu pour en arriver là ? Grossman fut reporter de guerre pendant la Seconde Guerre mondiale et c’est à ce moment-là que ses yeux se sont dessillés.

    Ce qui impressionne le plus dans le récit de Vie et destin c’est le rapprochement que fait Grossman entre Stalinisme et nazisme.

     

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    Il faut se rendre compte que cette comparaison n’est pas seulement neuve pour l’époque, elle proprement incroyable, le peuple russe vient au prix de sacrifices inimaginables de gagner la guerre au terme de la « Grande guerre patriotique »

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    Qu’un auteur russe vienne dire qu’il y a une ressemblance entre ce pays qui a lutté contre l’Allemagne et le système nazi, c’est proprement monstrueux.

    Aujourd’hui ce rapprochement n’est plus aussi osé, encore que, KGB et Gestapo même pratiques ? Goulag et camps de concentration même répression ?

    Pour faire entendre son propos Vassili Grossman met en scène une multitude de personnages, des focus sur des lieux, des moments, des faits qui convergent vers ce rapprochement.

    Il tente de nous peindre les mécanismes partagés par les deux régimes, la délation, la répression, l’enfermement.

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    Vassili Grossman campe toute une série des personnages comme Sturm le physicien juif, qui parvient à retrouver son poste perdu à la condition de signer une lettre contre ses amis chercheurs, cela ressemble tellement à ce qu’a dû faire Vassili Grossman contre ses amis écrivains pour continuer à être publié !!!

    Des personnages broyés par les aléas de l’histoire.
    Mais ce n’est pas tout, Grossman poursuit son analyse et compare les régimes totalitaires actuels avec ceux des Tsars.

    Barbarie contre barbarie pour aboutir à un chef-d’œuvre.

    Un livre magnifique, un livre indispensable, et Grossman que l’on entend derrière tout ce livre nous dit que tout système qui supprime la liberté est inacceptable.

    Nous devons conserver notre croyance en l’homme et Grossman le dit ainsi

    « C'est la bonté d'une vieille, qui, sur le bord de d’une route et qui donne un morceau de pain à un bagnard qui passe, c'est la bonté d'un soldat qui tend sa gourde à un ennemi blessé, la bonté de la jeunesse qui a pitié de la vieillesse, la bonté d'un paysan qui cache dans sa grange un vieillard juif. »

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    Comme moi vous serez emporté dans Stalingrad assiégé, vous pénétrerez dans un camp de concentration comme Grossman le fit à Treblinka.
    Vous serez du côté de ceux qui souffrent de la famine, de la terreur, des exactions de la guerre.

    Je ne peux pas terminer ce billet sans faire écho à la lettre que Vassili Grossman écrit en hommage à sa mère. Elle fut vraisemblablement tuée par les Einsatzgruppen, lors des massacres du ghetto de Berditchev comme le furent d’autres juifs dans les fossés de Kiev.

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    Un roman achevé en 1962 mais confisqué par le KGB dont les agents auraient dit : nous ne sommes pas venus arrêter l’auteur, mais le livre

    Vassili Grossman meurt en 1964 et ne verra pas son roman publié.
    Le microfilm parvient à franchir le Rideau de fer et en 1980 le livre est publié chez l’âge d’homme puis chez Julliard pour l’édition française.

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    Un livre testament, une immense fresque historique, un livre majeur pour ce vingtième siècle qui fut à la fois un formidable changement pour l’homme mais aussi un temps d’effroi et d’horreur qu’il nous faut conserver en mémoire.  

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    Le livre : Vie et destin – Vassili Grossman – Traduit par - Éditions Robert Laffont

  • Le Fil sans fin - Paolo Rumiz

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    J’ai fait cet été quelques lectures plombantes pour le moral autour du réchauffement climatique, je n’en parlerai pas ici parce que les récits ne tenaient pas vraiment la route mais furent suffisants pour me rendre très très morose.

    Alors j’ai décidé de me faire du bien avec le dernier livre de Paolo Rumiz. Un auteur que j’aime énormément et qui est très présent sur ce blog.
    Son dernier livre est de ceux qui peuvent enclencher la polémique, et bien tant pis je me lance.

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    Amatrice Aout 2016

    Lors d’une randonnée, les pas de P Rumiz le portent à Amatrice, une des villes pratiquement rayée de la carte par un séisme le 24 août 2016.

    Il découvre des ruines laissées à l’abandon, vidées de toute vie. Un spectacle sinistre signe manifeste de l’incurie des politiques plusieurs années après le séisme.

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    Quand quelques jours plus tard il voit la statue de Benoît de Nursie, le saint patron de l'Europe, Paolo Rumiz fait un rapprochement entre ce qui s’est passé des siècles plus tôt et ce qui se passe aujourd’hui en Italie et ailleurs en Europe. L’Europe dont Rumiz nous dit qu’elle a toujours été un espace de migrations.
    Il décide de partir sur les traces de ce saint patron.

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    Saint Benoît expliquant la règle (miniature du xive siècle).

    Avec une formule restée célèbre Ora et labora et lege et une Règle difficile et exigeante, Benoît va lutter à sa façon face à l’anarchie qui a suivi la chute de l’Empire romain, face aux hordes barbares qui dévastent et qui n’ont rien à voir avec la migration des dépossédés d’aujourd’hui.

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    Il va suivre la trace du Saint et de son oeuvre à travers les abbayes et monastères d’Europe à un moment où ils incarnaient la résistance.
    L’Europe dont Rumiz nous dit qu’il a toujours été un espace de migrations.

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    Sankt Ottilien près de Fribourg en Brisgau

    L’Italie bien entendu, San Giorgio Maggiore ou Praglia,  mais aussi Marienberg au Tyrol, Sankt Ottilien en  l’Allemagne, Cîteaux et Saint Wandrille pour la France , la Suisse à Saint Gall ou Pannonhalma en Hongrie 

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    Citeau en Bourgogne

    Un réseau d'abbayes communicant entre elles, basées sur un même élan.
    Monastères où  travail manuel et intellectuel se confondent, où la richesse repose sur un travail quotidien bien fait et sur l’exceptionnel comme la copie ou la restauration de manuscrits.

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    Saint Wandrille 

    Une vie tournée vers le collectif, cuisines, jardin des simples, ruchers, ateliers, scriptorium.
    Une vie de labeur et de prières qui n’exclue pas la rigueur de la pensée, ou l’art du chant.

    Une sorte d’équilibre retrouvé après les invasions et qui permet un élan vital vers la reconstruction. 
    Faire reculer la peur, redonner de l’espoir. Des langues différentes mais une même culture .

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    Saint Gall en Suisse 

    Peut on balayer d’un revers de mains nos origines, nos racines culturelles, je ne suis pas croyante du tout mais je ne vois pas comment nier mes racines européennes de traditions chrétiennes.

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    Abbaye millénaire de Pannonhalma en Hongrie

    Pour P Rumiz c’est ce qui est à retrouver c’est un élan qui nous permet de lutter contre l’absolutisme, contre les fondamentalistes de tous bords, contre les pilleurs de la terre. Et tout cela en respectant nos identités culturelles, politiques, linguistiques ou juridiques.

     

    Paolo Rumiz met sa prose virtuose au service d’une idée.
    Il attend un  prodigieux élan de reconstruction de l'Europe, sans autres guerres, en tissant un solide réseau entre les peuples comme l’a su fait Benoît en son temps. 

    Une Europe unie, solide et solidaire sans exclusion.
    C’ est son voeu et c’est le mien. A voir ce qui se profile pour les élections en Italie on se dit que P Rumiz n’a pas été suffisamment lu.

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    Le Livre : Le fil sans fin - Paolo Rumiz - Traduit par Béatrice Vierne - Editions Arthaud 

  • Madame de Sévigné : un film, deux livres

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    Les cours de français au lycée m’ont toujours pesé, froids, sans âme, je m’y suis ennuyée à périr à quelques exceptions près, par exemple quand il fut question de Mme de Sévigné, cette femme me plaisait infiniment.

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    Depuis outre ses lettres j’ai lu une biographie sérieuse, un petit livre très plaisant, et maintenant deux livres qui donnent envie de replonger dans la correspondance de la marquise.

    C’est un péché mignon pour moi, de faire ces balades sur les pas d’un écrivain, faute de retourner à Grignan comme autrefois.

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    On se plait bien vite en lisant Isabelle Brocard, à imaginer Madame de Sévigné en compagnie de Madame de La Fayette, ou dans un salon avec Monsieur de La Rochefoucauld, ou plus sagement avec un des messieurs de Port Royal ou de façon plus attendue, la plume à la main pour délivrer tout son amour de mère à Françoise de Grignan « la plus belle fille de France » c’était semble-t-il l’avis du roi lui-même.

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    La plus belle fille de France
    Pierre Mignard – Musée Carnavalet

    Bon voilà un livre destiné à ceux et celles qui ne veulent pas lire toute la correspondance, à celles et ceux qui sont allés voir le film et qui veulent élargir un peu la focale.

    Pour compléter et pour faire nettement plus sérieux sans être pédante je vous propose un essai sur l’écriture de la belle marquise.
    Le livre de Nicolas Garotté est un livre un peu exigeant mais parfaitement composé.

    Il y a une longue analyse très détaillée, ce que j’ai bien aimé c’est pouvoir repérer dans les lettres quelle personne, quel événement, quel auteur, était à l’origine de certaines expressions, de certaines métaphores de Mme de Sévigné car dit Nicolas Garotté
    « son principe n’est pas la réduction mais la reprise. Faite d’allusions, de citations, d’imitations, elle consiste à toujours prendre un mot pour un autre, à réécrire au lieu d’écrire. »

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    Ce qui inspire Madame de Sévigné lorsqu’elle rêve assise devant son écritoire la plume à la main ou au long de ses multiples voyages, songez qu’à l’époque il ne fallait pas loin de dix-huit jours pour aller de Paris en Provence !

    Vous pourrez découvrir où elle trouve son inspiration pour rendre ses lettres attractives, drôles, parfois vachardes mais toujours pleines d’esprit. Les célèbres rabutinades moqueuses et caustiques qu’elle partage avec son cousin Bussy-Rabutin, celui qui lui écrira lorsqu’il la saura souffrante : « Que ferais-je au monde sans vous ?»
    Les vers de La Fontaine dont elle raffole, les bons mots de Monsieur de La Rochefoucauld. 
    Un vocabulaire foisonnant, imagé, riche, drôle, quelques exemples ?
    « escousse, coqueter, se panader, billebaude, trémeur, hurlubrelu…. »
    Elle aime faire référence au sacré en parsemant ses lettres de citations bibliques « Madame de Sévigné enrôle la liturgie au service de son amour » amour pour sa fille bien entendu.

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    Elle a grandi avec Molière nous dit Nicolas Garotté, elle a avec sa fille assisté à toutes les pièces, et l’on retrouve moult citations dans les lettres « Madame de Sévigné déchiffre le livre du monde avec des lunettes moliéresques »

    Pour Molière et La Fontaine, Nicolas Garotté parle « d’affinités électives » elle donne aux personnages de son entourage des surnoms empruntés aux fables et au théâtre, elle emprunte des tournures de phrases à la Tartuffe « c’est un homme qui …ah…un homme…un homme enfin »
    Elle écrit à sa fille « vous sentez donc l’amour maternel ; j’en suis fort aise et bien moquez-vous … »

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    Château des Rochers en Bretagne

    Une caractéristique de son rapport aux livres ? « Elle les lit et relit intégralement ou comme elle dit jusqu’à l’Approbation » elle voltige d’un livre à l’autre mais peut « s’appesantir sur Le Tasse, Pascal, Nicole, Rabelais ou Cervantès »

    Un film et deux livres pour suivre la Marquise de la Bretagne à la Bourgogne, de Paris à Grignan et qui m’ont fait rouvrir mes pléiades avec bonheur.

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    Les livres :
    Madame de Sévigné, l’excessive tendresse - Isabelle Brocard – Éditions Fayard.
    Poétique de Madame de Sévigné – Nicolas Garotté – Éditions PUF

  • Robert Lalonde : un compagnon en littérature

    « Là, je donne la parole à tous ces auteurs qui m'obsèdent depuis des années. Je fais ça quand j'en ai marre de la fiction. C'est une bouffée d'air »

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    Jolie façon de démarrer un billet non ?

    Parmi les livres que l’on lit, que l’on accumule, certains s’imposent par leurs qualités. N’y a t-il pas, parmi les écrivains que vous avez lu, des hommes ou des femmes dont vous voudriez être l’ami ? Robert Lalonde fait partie de ces gens là. 

    Je l’ai lu pour la première fois en 1997, j’avais par hasard trouvé son livre sur le stand du Québec au Salon du livre.

    Je n’ai eu que du bonheur à le lire et cela s’est répété trois fois. Alors je vous fait aujourd’hui un joli cadeau en vous livrant ses trois livres.

     

    Robert Lalonde est un grand lecteur, il livre dans ces trois livres ses amours pour des auteurs, pour la littérature mais pas seulement...

    Il est aussi un observateur assidu de son entourage, des paysages, des animaux, voici ce qu’il dit

     

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    « Voir, regarder, déceler est une obsession d'écriture, comme celle de faire des liens entre des choses qui ne se touchent pas.» 

     

    Liens, correspondances au sens où l’entend Baudelaire, dialogues avec ses écrivains préférés dont il nous livre des citations à profusion nous gratifiant de ses propres traductions.Une véritable orgie de citations.

     

    Ses livres sont des journaux de bord d’un écrivain sensible qui parfois se retire « en ermite » et qui se veut comme le dit Giono « un professeur d’espérance »

    Il aime méditer, observer, fidèle en ça à Flaubert qui disait « Pour qu’une chose soit intéressante il faut la regarder longtemps » 

    Il prend des chemins de traverse, il exerce son oeil, sa patience, sa

    modestie.

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    Ces trois livres se répondent, se complètent, on les déguste à petites lampées, on y revient année après année.

    C’est bon de se plonger dans cet hymne païen à la littérature, d’être un peu submergé par l’avalanche de citations qui sont là pour nous nourrir, pour nous éblouir. 

    Lui a fait de Proust, de Montaigne, d’Annie Dillard, de Jean Giono, de Rick Bass, d’Emily Dickinson, de Rimbaud, de Rousseau, de Schopenhauer, de Flannery O’Connor et de Gabrielle Roy, ses amis.

    Je vous propose de faire de Robert Lalonde votre ami en littérature.

     

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    Les livres de Robert Lalonde

    Le monde sur le flanc de la truite - Editions Boréal ou Editions de l’Olivier 

    Le vacarmeur - Editions Boréal 1999 et version numérique

    Le seul instant - Boréal 2011 et version numérique