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  • L'Enquête prussienne - Michael Gregorio

    Après la poésie un enquêteur féru de philosophie ça vous tente ? 

     

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                              Sous les auspices d'Emmanuel Kant

    Un polar original c'est bon à prendre. Parce que non content d’en référer fréquemment à Kant notre héros Hanno Stiffeniis est un magistrat qui vit en Prusse Orientale alors que celle-ci est sous la botte de la France.

    Petit cours de rattrapage, après la bataille d’Iéna le pays est occupé par les français, inutile de dire qu’ils ne sont pas les bienvenus, l’occupation s’accompagnant nécessairement d’exactions, de misère, de peur et de haine « Bonaparte avait apporté un souffle nouveau à la Prusse mais ce n’était autre que celui de la terreur » 

     

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                 Le soir d'Iéna (1806) par Jean-Baptiste-Edouard Detaille 

     

    Nous sommes à Lottingen, un crime ignoble y est commis, le massacre des trois jeunes enfants Gottewald, Hanno Stiffeniis va participer à l’enquête aux côtés d’un français, sans doute le premier criminologue de l’histoire, Serge Lavedrine.

    On est rapidement au coeur de l’action dans ce pays de forêts sombres, où il fait un froid de loup et où les chemins sont très peu sûrs.

    Vous allez me dire et Kant là-dedans ? Lavedrine et Stiffeniis sont des adeptes du philosophe grognon et ils vont mettre au service de l’enquête toute la rigueur nécessaire.

     

    L’enquête va conduire le prussien auprès des siens, en effet le père des enfants est en garnison dans la forteresse de Kamenetz « d’une laideur rebutante » occupée par des fanatiques qui veulent une revanche sur les français et qui sont prêts à tout pour y parvenir. 

    Hanno fait chou blanc, l’homme est mort avant le crime, et il découvre en rentrant que la mère des enfants a été assassinée également. Tout une famille tragiquement effacée. L’enquête s’annonce difficile d’autant plus qu’il s’avère que sa propre épouse, Helena est la dernière personne à avoir vu les victimes vivantes, elle lui avoue « je me promenais non loin des bois quand le massacre a eu lieu »

    La ville se terre, les langues vont bon train et un rituel juif est évoqué par les habitants. L’antisémitisme renait dès que l’on apprend que c’est un juif qui était propriétaire de la cabane des Gottewald.

     

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                   Un pays ou il fait un froid de loup

     

    Un livre tout à fait passionnant, nous vivons les débuts de la police scientifique,  un tant soit peu logique, raisonnée. Les deux enquêteurs en appellent à la médecine, à la tout neuve psychiatrie, consultent des archives pour comprendre les motifs de ce meurtre. 

    Bon ce ne sont pas les Experts mais pas loin ...

    J’ai aimé ce polar historique qui avance lentement et méthodiquement (merci M Kant), j’ai aimé l’atmosphère, les notables du cru étant partagés entre une collaboration de bon aloi avec l’occupant ou une réserve qui pourrait leur attirer bien des ennuis. J’ai aimé le portrait de cette ville sous la botte de l’occupant.

     

    Bref je vous recommande ce livre et je vais m’empresser de lire la première enquête d’Hanno Stiffeniis.

     

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    Le livre : L’enquête Prussienne - Michael Gregorio - Traduit par Marie Boudewyn - Editions JCLattès

  • Promenades littéraires en Provence

    En Avignon et à Fontaine de Vaucluse
    fontaine-histoire-petrarque.jpgQu’il est tentant de suivre le jeune Pétrarque dans ces ruelles qui n’ont pas changé depuis le 6 avril 1327, jour où, sur le parvis de l’église Sainte Claire, il entrevit Laure, Provençale blonde. « Des cheveux d’or flottaient sur ses épaules, son teint était d’une blancheur éclatante, sa bouche n’offrait que de perles et des roses, sa taille était fine et souple. » Elle portait une robe de soie verte semée de violettes et l’atour, sorte de béguin, encadrait son visage.

    Vauvenargues
    Le doux et sensible Vauvenargues, disent les manuels de littérature.
    Doux et sensible, certes, mais aussi amoureux et résolu, machiavélique et ambitieux. Ce moraliste qu’on veut nous faire passer pour tiède est d’abord un conquérant. C’est le capitaine Fracasse de notre littérature.
    Tandis que le mistral chantait dans les pins et que les ruisseaux murmuraient à mes pieds, j’ai ouvert au hasard le petit recueil scolaire où j’ai fini par marquer d’une croix presque toutes les maximes. (...) Il est des écrivains qui me forcent à penser, d’autres qui m’émeuvent. Sa pensée si droite, sa poésie si profonde atteignent l’âme et l’esprit.

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    Vauvenargues - Le Château

    Le livre : Ma route de Provence - Raymond Dumay - Editions La Table Ronde

  • Peinture et littérature

    Quand un tableau est à la fois peinture et littérature 

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    « Il ne suffit pas de regarder pour voir. Proust le savait, lui qui avait remarqué que le tableau du Mauritshuis de La Haye s’était imprimé dans sa mémoire, non par impression de l’ensemble, mais par ce « petit pan de mur jaune » qu’on aperçoit immédiatement à gauche des tours de la porte de Rotterdam, l’une des deux portes, celle de droite, qui ferme l’enceinte, séparée par un pont sous l’arche duquel l’eau du Zuidkolk pénètre dans la ville et irrigue ses canaux. 

    A bien le regarder, le « petit pan de mur jaune » n’est pas vraiment jaune, il est plutôt d’or liquéfié, émulsionné sous le coup de soleil, presque dématérialisé par le rayonnement de la lumière. »

    proust,vermeer

    « Enfin il fut devant le Ver Meer qu’il se rappelait plus éclatant, plus différent de tout ce qu’il connaissait, mais où, grâce à l’article du critique, il remarqua pour la première fois des petits personnages en bleu, que le sable était rose, et enfin la précieuse matière du tout petit pan de mur jaune. (…) C’est ainsi que j’aurais dû écrire, disait-il. Mes derniers livres sont trop secs, il aurait fallu passer plusieurs couches de couleur, rendre ma phrase en elle-même précieuse, comme ce petit pan de mur jaune

     

    Le livre 

    Vermeer le jour et l’heure - Jacques Darriulat et Raphaël Enthoven - Editions Fayard
    La prisonnière - Marcel Proust - Editions Gallimard

     

  • Le noël des animaux

    Le noel des animaux 

     

    On dit qu’à Noël, dans les étables, à minuit,

    l’âne et le bœuf, dans l’ombre pieuse, causent.

    Je le crois. Pourquoi pas ? Alors, la nuit grésille :

    les étoiles font un reposoir et sont des roses.

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    Entre le boeuf et l'âne gris 

    L’âne et le bœuf ont ce secret pendant l’année.

    On ne s’en douterait pas. Mais, moi, je sais qu’ils ont

    un grand mystère sous leurs humbles fronts.

    Leurs yeux et les miens savent très bien se parler.

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    Ils sont les amis des grandes prairies luisantes

    où des lins minces, aux fleurs en ciel bleu, tremblent

    auprès des marguerites pour qui c’est dimanche

    tous les jours puisqu’elles ont des robes blanches.

     

    Ils sont les amis des grillons aux grosses têtes

    qui chantent une sorte de petite messe

    délicieuse dont les boutons d’or sont les clochettes

    et les fleurs des trèfles les admirables cierges.

     

    L’âne et le bœuf ne disent rien de tout cela

    parce qu’ils ont une grande simplicité

    et qu’ils savent bien que toutes les vérités

    ne sont pas bonnes à dire. Bien loin de là.

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    Mais moi, lorsque l’Été, les piquantes abeilles

    volent comme de petits morceaux de soleil,

    je plains le petit âne et je veux qu’on lui mette

    de petits pantalons en étoffe grossière.

     

    Et je veux que le bœuf qui, aussi, parle au Bon Dieu,

    ait, entre ses cornes, un bouquet frais de fougères

    qui préserve sa pauvre tête douloureuse

    de l’horrible chaleur qui lui donne la fièvre.

     

    Le Livre : De l’angelus à l’aube à l’angélus du soir  - Francis Jammes 

  • Provence

    Quand je viens dans ce pays, quelque chose se délie en moi, mon inquiétude intérieure prend fin : c’est comme si l’on posait une main ferme et douce sur une blessure qui commencerait à se fermer. C’est une sensation de fraîcheur.(1)
    La Provence donne des leçons d’attachement qui ne sont pas perdues pour celui qui la visite non pas en touriste, mais en ami et qui l’habite au lieu d’y passer. (1)

     

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    La provence de Cézanne


    Le bleu chante, d’une pureté absolue, dans le ciel et sur la mer. Un figuier déplie ses premières feuilles sur la nudité grise des branches. Et une prairie s’étale, pour le jeu des fées, un tapis dont la brise penche les laines les unes sur les autres et les mélange, des pierres fauves et des disques de soleil que couvre et découvre, comme la vague, un champ de marguerites et de boutons d’or. (2)

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    Les Oliviers

    Les oliviers composent d’immenses temples silencieux et sombres ; la vigne avec ses bras noirs tout tordus envahit les champs les uns après les autres ; les terres les plus solitaires portent les forêtes d’amandiers brûlants dans des feutres d’herbes dures, de chardons et de thym qui mélangent sous l’ombre claire les somptueuses couleurs de leurs fleurs bleu-jaune et rouges franchement. (3)

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    Les amandiers



    Les livres
    1 Inspirations méditerranéennes - Jean Grenier - Gallimard
    Idées et visions - André Suarès - Robert Laffont Bouquins
    Provence - Jean Giono - Gallimard

     

  • Eloge de l'ombre

     

                       陰翳礼讃

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    Jardins de Kyoto


    D’aucuns diront que la fallacieuse beauté créée par la pénombre n’est pas la beauté authentique. Toutefois, ainsi que je le disais plus haut, nous autres Orientaux nous créons de la beauté en faisant naître des ombres dans des endroits par eux-mêmes insignifiants.

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    Paravent à six feuilles en laque noir décoré au laque d'or. Canton, 18ème siècle

    Je crois que le beau n’est pas une substance en soi, mais rien qu’un dessin d’ombres, qu’un jeu de clair-obscur produit par la juxtaposition de substances diverses. De même qu’une pierre phosphorescente qui, placée dans l’obscurité émet un rayonnement, perd, exposée au plein jour, toute sa fascination de joyau précieux, de même le beau perd son existence si l’on supprime les effets d’ombre.

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    En fait, la beauté d’une pièce d’habitation japonaise, produite uniquement par un jeu sur le degré d’opacité de l’ombre, se passe de tout accessoire.

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     ''La cuisine japonaise, a-t-on pu dire, n'est pas chose qui se mange, mais chose qui se regarde ; dans un cas comme celui-là, je serais tenté de dire: qui se regarde, et mieux encore, qui se médite !''


    Le livre : Eloge de l'ombre - Junichirô Tanizaki - Editions  Verdier