Le crépuscule d’une idole - Michel Onfray - Fayard
Je fais partie des gens que le freudisme agace, cela depuis de lointaines études et l’interdiction qu’il y avait alors à mettre en doute les affirmations de l’enseignant. Elles devaient être admises sans discussions possibles. J’ai toujours considéré la psychanalyse comme une thérapie peu fiable aux résultats très incertains et d’une durée risible. Ceci posé je n’ai jamais, au grand jamais mis totalement en doute les thèses de Sigmund Freud ou comme les appelle Michel Onfray ses " cartes postales"
«Freud a découvert l’inconscient tout seul à l’aide d’une auto-analyse extrêmement audacieuse et courageuse»
«Freud a découvert une technique qui, via la cure et le divan, permet de soigner et de guérir les psychopathologies»
«la psychanalyse procède d’observations cliniques, elle relève de la science»
«le complexe d’Œdipe est universel»,
«la conscientisation d’un refoulement obtenue lors de l’analyse entraîne la disparition du symptôme»
et bien sûr : l’interprétation des rêves, les actes manqués, le déni, toutes ces notions développées dans une oeuvre qui occupe plusieurs rayons de bibliothèque, oeuvre qui semblait intouchable.
C’était sans compter sur Michel Onfray, éternel empêcheur de penser en rond qui s’attaque à la statue du commandeur.
C’est toute l’oeuvre de Freud qu’Onfray a lu pour écrire son livre, mais aussi sa correspondance, même si une partie de celle-ci est encore interdite d'accès.
Que nous dit Michel Onfray en multipliant les citations de Freud lui-même ?
Que les thèses développées par l’inventeur de la psychanalyse répondaient surtout aux obsessions de leur inventeur
Que Freud était fasciné par des techniques qui frôlaient le charlatanisme
Que lors des entretiens thérapeutiques avec ses patients il lui arrivait de s’endormir sans gêne aucune
Qu’il a inventé des patients et masqué ses échecs thérapeutiques en falsifiant les rapports de ses expériences
Qu’assoiffé de gloire et de richesse il n’hésitait pas à dénigrer, calomnier ses amis si cela pouvait servir ses intérêts
Que son épouse, sa fille, sa belle-soeur ont toutes fait les frais de ses tourments personnels sans compter plusieurs patients qui ne se sont jamais remis des traitements infligés.
Le divan du psychanalyste à Vienne
Mais Onfray ne s’arrête pas là, après avoir affirmé que Freud n’a jamais guéri personne, il insiste aussi sur les positions très conservatrices de Freud et lui reproche son silence sur la montée du Nazisme, car Freud n’a jamais écrit " contre Hitler, contre le national- socialisme, contre la barbarie antisémite, alors qu'il n'hésite pas, régulièrement, à publier de longues analyses contre le communisme, le marxisme, le bolchevisme"
La charge est violente et le réquisitoire très sévère, on sort de cette lecture un peu ahuri, se demandant pourquoi ces faits n’ont jamais été étudiés, comparés, pourquoi alors que la science réclame en permanence des preuves, on a accepté comme vérité la parole seule de Freud sans aucune preuve à l’appui. " Freud ne s'est pas contenté de créer un monde magique, il y a conduit nombre de personnes et a souhaité y faire entrer l'humanité tout entière"
En voilà assez pour abattre n’importe quel statue, et l’homme Freud apparaît bien petit, on comprend mieux désormais sa haine des biographes et la destruction par lui ou ses proches d’une partie de sa correspondance.
Alors tout est à jeter ? Non, même si le bilan est assez terrible, Michel Onfray reconnaît Freud comme philosophie et reconnaît l’apport important qui a " fait entrer le sexe dans la pensée occidentale "
Il ne dénigre pas la psychanalyse mais refuse de la considérer comme une science comme Wittgenstein, Popper ou Deleuze avant lui.
Onfray aime la polémique et ses passages sur les plateaux télé sont devenus trop fréquents, son livre d’une écriture directe et simple est plein d'approximations disent ses détracteurs, mais beaucoup d'arguments avancés reposent sur les écrits de Freud lui-même ce qui affaiblit considérablement la critique. A cette lecture on s’offusque, on rit, on s’étonne, on est d’accord ou non, mais on ne s’ennuie pas un seul instant. Lisez ce livre dérangeant et tonique.
Une interview de Michel Onfray