Voyage en Orient - Alphonse de Lamartine - Editions Arléa
En juillet 1832 un homme politique français, un poète honoré dans l’Europe entière, le père d’une enfant adorée et en mauvaise santé, s’embarque à Marseille pour un voyage en Orient de plusieurs mois.
Une femme, trois amis, dix neuf hommes d’équipage, une bibliothèque de 500 livres et « un arsenal particulier de fusils, de pistolets et de sabres » sont aussi du voyage.
Il vient d’être battu aux élections législatives, il espère le climat de l’orient profitable à son enfant, le chrétien en lui aspire à voir les lieux saints, le poète romantique est en quête de nouveaux paysages, il résume ainsi les motifs de son entreprise « Amour, poésie et religion »
Donnons tout de suite la parole à l’auteur, à Monsieur Alphonse de Lamartine « Toute ma vie l’Orient avait été le rêve de mes jours de ténèbres dans les brumes d’automne et d’hiver de ma vallée natale. »
L’itinéraire est somptueux, la Grèce, Malte, Chypre, le Liban et la Palestine, Jérusalem et Damas, Constantinople et les Balkans.
L'itinéraire de Lamartine ( Source l'éditeur)
Dès le début du voyage il sait faire preuve de sincérité, inutile de voir en lui le romantique béat prêt à s’extasier sur tout. Athènes et le Parthénon seront la première déception « L’effet de cet édifice, le plus beau que la main humaine ait élevé sur la terre, au jugement de tous les âges, ne répond en rien à ce qu’on en attend (...) vous voyez s’élever irrégulièrement de vieilles murailles noirâtres, marquées de tâches blanches. »
Le regard critique ne l’empêche pas d’admirer la Grèce et « la grandeur colossale d’un peuple ».
La goélette « Alceste » dépasse Rhodes et Chypre, sur le bateau Monsieur de Lamartine lit, l’histoire du Liban, celle d’Hérode.
L’arrivée au Liban est un enchantement, il part à la recherche d’une maison, on devrait plutôt dire d’un palais, pour que amis et famille puissent se reposer, c’est de ce palais que Lamartine partira pour un périple à l’intérieur de la Syrie et de la Palestine.
Il va longuement sillonné la Palestine, la Syrie, la Galilée ...Tyr, le Mont Carmel, Acre qu’ Ibrahim Pacha a « récemment réduit à un monceau de ruines » Jéricho, Jérusalem enfin où il ne peut pénétrer à son aise en raison d’une épidémie de peste.
Le voyage est ici interrompu car sa fille chérie meurt au liban dans la maison où la famille s’était établie.
Le voyage se prolongera plusieurs mois vers Damas et Baalbek mais le coeur n’y est plus.
Le journal de voyage d’Alphonse de Lamartine est un document passionnant. Curieux de tout, il sait apprécier l’hospitalité des chefs arabes, faire revivre l'Empire Ottoman d'alors, son esprit ouvert fait en permanence le parallèle entre Orient et Occident.
Il fait des rencontres importantes : l’Emir Béchir l’homme fort du Liban de l’époque qui le reçoit, la connaissance qu’il tirera de ces observations le rendront de retour en France, l’homme politique ayant la meilleur connaissance de cette partie du monde qui déjà en 1830 était une vrai poudrière.
Au moment du voyage de Lamartine, un personnage défraie la chronique européenne, Lady Esther Stanhope, nièce de M Pitt le Premier ministre britannique. Fixée dans les montagnes du Liban, sa fortune perdue, après avoir été proclamée « Reine de Palmyre » elle vit en ermite et ne reçoit personne. Obstiné Lamartine obtient d’être reçu et le courant passe. En de longues pages il décrit sa rencontre avec cette femme vieillissante qu’il admire et dont il comprend le besoin de solitude.
Tolérant aux coutumes, désireux de comprendre les habitudes des peuples de l’endroit : Maronites, Druzes, Turcs, il fait preuve d’une étonnante ouverture d’esprit et d’une absence totale de jugement condescendant. Il s’inquiète du jeu des grandes puissances qui ont toutes un oeil vers l’Orient. « Un tel pays, serait encore la terre de promission aujourd’hui si la providence lui rendait un peuple, et la politique du repos et de la liberté ».
Plus étonnant encore de la part de ce chrétien convaincu, son admiration et son amour pour l’Islam et pour le Coran « J’aime ce peuple, car c’est le peuple de la prière ».
David Roberts - Nazareth
C’est un livre riche que ce « Voyage en Orient » pour le lecteur c’est un récit de 700 pages, la plume très alerte de Lamartine fait oublier les propos parfois un peu trop lyriques ou trop emphatiques.
L’acuité du regard, la curiosité, la témérité parfois, le rendent très sympathique, on oublie le noble riche et oisif pour s’attacher à l’homme couchant à même le sol et ignorant la peste pour pénétrer dans Jérusalem, au père dévasté par la mort de son enfant.
J’ai savouré mon plaisir à suivre le poète tout au long de son voyage. Je vous engage à le suivre à votre tour car il est « de la famille des grands voyageurs et, sans doute, l’un des plus intelligents, des plus sympathiques et des plus intéressants aussi, parce que l’un des plus délicieusement bavard ». *
* Robert Mattlé - Lamartine voyageur (1936)
Commentaires
Dominique, tu m'étonneras toujours : qui lit encore Lamartine de nos jours ?! Heureusement, tu es là. Nos auteurs du XIXe avaient vraiment le virus du voyage et ils en ont parfois ramené de très beaux textes.
@ Ys : je ne suis pas très adepte de la littérature romantique mais je dois dire qu'un récit de voyage très bien écrit c'est agréable, en plus Lamartine se révèle un compagnon de voyage très ouvert et cela m'a plu. bien sûr il ne peut pas s'empêcher d'être un peu trop lyrique mais c'est pêché véniel
Merci pour ce magnifique billet, j'ai très envie de faire ce voyage en orient avec Lamartine! Je note
Douce nuit et jolis rêves
Quelle surprise Larmartine grand voyageur! Même si c'était l'époque d'un goût prononcé pour l'Orient, je ne l'ai jamais imaginé ainsi.
Je n'en ai qu'une connaissance vaguement scolaire...
ça vaut la peine de voir au-delà du fameux Lac.
@ Dominique : j'ai été surprise aussi car j'ignorais totalement cet aspect, je le savais homme politique mais pas tourné vers l'orient comme c'est le cas
Il a des remarques très justes sur beaucoup de sujet et j'aime son regard à la fois très incisif et à la fois plein de tolérance
@ Kenza : Lamartine est un vrai amoureux de l'orient qui aime le lever du jour dans le désert; la rudesse des nuits sous la tente et les ciels d'orient
Nous présenter Lamartine sous cet angle, c'est... passionnant!
Quant à la bibliothèque de 500 livres... J'ai gardé en mémoire la grande (et lourde!) malle en bois de Montaigne (à La Tour Montaigne, en Dordogne) qu'il avait emportée avec lui, lors de ses déplacements à l'étranger pour ses cures thermales... Bref là, je crois qu'il est temps de comprendre tout l'intérêt du numérique ;)
@ Macile : en plus des livres il y avait aussi une cave bien garnie car voyager oui mais pas comme un ascète
J'ignorais complètement cet épisode de sa vie. D'ailleurs je dois reconnaître que je ne sais pas grand chose sur lui, hormis sa figure de romantique. Ils avaient soif du monde à cette époque, et de tels périples méritent l'attention.
@ Aifelle : j'ignorais tout aussi, le voyage, la mort de sa fille, je n'avais en tête que le lac et Milly ce qui était bien peu
Voilà que comme d'habitude la chose est superbement bien raconté etn comme d'habitude on a une envie de se précipiter chez son libraire...
Intéressant billet pour ce gros livre qui traine désespéremment sur mes étagères, en attente d'un client perdu !