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A sauts et à gambades - Page 205

  • Le journal des cinq saisons - Rick Bass

    La vallée du bout du monde au confins du Montana

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    L’oeuvre de Rick Bass est déja riche de nombreux livres, des nouvelles, un long roman ( là où était la mer) et deux essais sur sa vallée, son territoire (le livre de Yaak et Winter) mais aujourd’hui il franchit une frontière avec ce livre.

    Journal météorologique et poétique, au fil des mois et des saisons Rick Bass nous livre ses observations sur sa vallée et son marais, la vie dans cette contrée grandiose, dangereuse, qui porte le sceau encore visible de l’ouest sauvage.
    Ses observations portent parfois la marque du scientifique, du géologue, mais le plus souvent celle du poète, du militant écologiste, du père qui s’interroge sur l’avenir qu’il peut promettre à ses filles.

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    Tout commence rituellement en janvier « le mois où le cerveau ralentit », un mois magnifique et difficile, l’isolement pendant parfois plusieurs jours, il faut pelleter la neige, sa cabane d’écriture est inutilisable. Des mois propices au travail lent et régulier « aux besognes rudimentaires » car l’hiver c’est l’ensevelissement sous un neige « si douce, si lourde, si apaisante »
    Février est le mois du froid « le marais est encore une vaste plaque marbrée de glace et de neige » et pourtant déjà quelques oiseaux sont de retour et le premier papillon « le théâtre de l’univers avec ses divers groupes et tous ses comédiens, est en train de ressusciter »

    Le printemps occupe un maximum de pages pour répondre à  la splendeur et la folle fécondité, la saison où le marais reprend vie, marais que Rick Bass appelle son « réservoir de couleurs et de parfums ». Avril est le mois où l’on entend à nouveau « le babil apaisé » des oies qui remontent du sud.
    C’est la saison où les ours noirs et les grizzlys sortent la tête de leurs tanières et « se mettent à arpenter les pentes inondées de soleil  » attirés par les lys avalanche vifs et jaunes, l’auteur les admire faire de folles glissades et se gaver de lys odorants et sucrés  « il arrive que des tâches jaunes s’accrochent à leur fourrure dorée et au museau de ces grands ours » améliorant ainsi naturellement la pollinisation.

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    la profusion de l’été, les randonnées en famille, les clairières baignées de soleil, les caches des fraises des bois, la cueillette de myrtilles. C’est aussi la période de retour à la civilisation, voyages, concert, rencontres. Mais comme rien n’est jamais parfait c’est aussi le temps des mauvaises herbes, sus à l’épervière d’une belle couleur mais par trop envahissante.
    La saison aussi des incendies, utiles parfois, dangereux toujours, qui mettent parfois en péril la maison et la vallée et oblige à dormir d’un seul oeil.

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    Vallée du Yaak

    Et c’est l’éclatement de l’automne, le retour de la pluie qui annonce déjà le long hiver, l’automne et ses impondérables comme cet accident de camion qui a tout d’un film d’horreur projeté au ralenti.
    Septembre c’est la lumière automnale « si intense maintenant qu’elle en est presque palpable, pareille au froissement d’un parchemin »
    Octobre sent le bois coupé. Les bois résonnent des tirs des chasseurs, tétras, faisans, antilope, cerfs et wapiti, pour profiter des cadeaux de la nature.

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     L'imposant wapiti

    Rick Bass a toujours plaidé pour la protection de l’environnement, il veut pour ses filles un monde où le mot sauvage aura encore un sens, où la main de l’homme n’aura pas tout détruit, où elle pourront continuer d’aller à l’école en pleine forêt, avec des pommiers dans la cours et « des cerfs broutant paisiblement la pelouse »
    Il aime cette vallée « majestueusement reculée, nichée  » à la frontière du Canada et du Montana et il défend sa cause.
    Je vous laisse découvrir ce qu’il appelle la cinquième saison, intermédiaire pour lui entre l’hiver et le printemps.

    C’est un guide envoûtant, avec ce livre Rick Bass prend place dans la longue lignée des écrivains de la nature car derrière le botaniste et le géologue se cache l’écrivain et le poète.
    J’ai aimé cette relation physique avec la nature, les combats perdus d’avance contre les mauvaises herbes, les solstices qui rythment la vie de la maisonnée.
    J’ai aimé ses propos car il n’est pas donneur de leçons,  son militantisme, bien réel, reste discret, il cherche à convaincre plus par la beauté que par l’injonction. Rick Bass n’est pas un ayatollah de la cause environnementale, il a trop la fibre libertaire et souvent la mélancolie l’emporte sur le combat.

    Faites un place à ce livre dans votre bibliothèque

    Le livre : Le Journal des cinq saisons - Rick Bass - Traduit de l'américain par Marc Amfreville - Editions Christian Bourgois 2011

    rickbass-500x500.jpgL’auteur
    Rick Bass est un écrivain et écologiste américain, est né le 17 mars 1958 à Fort Worth dans l'état du Texas. Il a étudié la géologie à l'Université d'Etat de l'Utah. Émule de Jim Harrison, il a commencé à écrire de courtes histoires alors qu'il travaillait comme géologue pétrolier à Jackson, au Mississippi... En 1987, il s'installe avec sa femme, l'artiste Elizabeth Hughes, à Yaak Valley, à l’extrême nord-ouest du Montana, près de Troy, où il œuvre à la protection de sa région d'adoption. Rick Bass siège au conseil d'administration du Conseil Yaak Valley Forest and Round River Conservation Studies. (Ulike)


  • Voyage à l'île de Rügen - Carl Gustav Carus

    Un petit livre qui évoque à la fois un lieu et un peintre des paysages de la Baltique
    En 1819 Carl Gustav Carus lui même peintre fait un « voyage à l’île de Rügen » sur les traces et avec les conseils de son ami Caspar David Friedrich.

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                                                 Eichen am Meer - Carl Gustav Carus

    Il part aussi en quête d’une solitude lui qui appartient à la mouvance romantique de l’époque cherche un lieu propice à la méditation.
    Depuis Berlin le voyage est long et aventureux, il est tout de suite charmé par les paysages « les environs de herzberg, si joliment boisé de chênes, avec ça et là quelques pins pittoresques, des cigognes perchées sur les chaumières rustiques dans la lumière du matin » Il traverse la Poméranie qui lui rappelle les tableaux de Ruysdael.
    Pour parvenir sur l’île il fait son premier voyage en mer « un petit vent de terre nous poussa vers le large, les vagues ondoyaient contre la petite embarcation et souvent le crayon sur le papier, nous suivions des yeux les yoles et les bateaux de pêche. »
    Si Rügen est aujourd’hui un haut lieu du tourisme allemand, à l’époque l’île est quasi déserte et Carus est ébloui par « une vie de la nature, aussi belle et solitaire »
    Son voyage donne lieu à un récit à la fois artistique et champêtre où se mêlent des considérations esthétiques sur l’art et des descriptions empreintes de poésie et de romantisme.

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                                 Wanderer on the mountains top - Musée de Saint Louis USA

    La région est superbe et les hautes falaises de craie de l’île sont l’occasion pour Carus de s’extasier « Dans l’obscurité, je sortis encore pour écouter, auprès de ces hautes parois de craie d’où émanait une lumière quasi phosphorescente, le fracas de la mer montant des profondeurs »

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     Les falaises de Rügen peintes par son ami et men

    Kreidefelsen auf Rûgen - Caspar David Friedrich

    Museum Oskar Reinhart am Stadtgarten

     

    Le voyage ne dure que quelques jours, il souhaitait voir se rétablir sa santé, c’est chose faite, il peut rentrer.

    C’est un texte plein de charme et d’un certain lyrisme romantique  qui donne une saveur un peu surannée à la lecture.

    Voilà comment Kenneth White qui écrit la préface du livre décrit Rügen et cette région
    La région est « la grande plaine prussienne  » parcourue par l’Elbe, la Vistule, l’Oder c’est « un labyrinthe de bras marécageux » l’ensemble compose un paysage « mouvant et émouvant »


    Le livre : Voyage à l’île de Rügen - Carl Gustav Carus - Traduit de l’allemand par Nicole Taubes - Edtions Premières pierres  1999

  • Deux voix, une mer, une île, un homme, un livre

    Un billet à deux voix, deux voix et deux langues pour parler d’une mer, d'une île, d'un homme et de son livre.

    Colo et Dominique se sont alliées pour vous faire naviguer vers Majorque, quatre mains pour le billet qui est publié sur nos deux blogs , des photos de Colo et de Israel Pampín un livre lu par Dominique , un petit bouquet du savoir de drapeau_espagnol.gifColo sur son île et ses histoires d'invasions et de pirates......Pour les aficionados de la langue espagnole le billet chez colo est bilingue !!  .................vous êtes prêts ?

     

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    Majorque  photo © Colo

    " Chaque jour de chaque été se lève et la lumière ne semble pas venir des cieux, mais s’élever, légère, fraîche, insolente, de la terre : les arbres et les talus s’amplifient lentement et se parent d’une délicate tonalité. Puis le soleil se renverse : les monts et les vallées se teignent d’un doré si intense, si clair qu’il stupéfie. "



    L’homme de l'île 

    Né à Majorque, dans le village d’Andratx en 1937, décédé en 2009, fils d’une famille d’agriculteurs et pêcheurs, B. Porcel décida jeune qu’il voulait être écrivain. 

    Baltasar_Porcel.jpg"Il a construit son monde magique et mythique autour de la terre, pauvre, d’Andratx avec des contrebandiers, des émigrants de Cuba, des marins intrépides, des histoires fantastiques et crédibles qu’il a rendus actuels avec les changements du tourisme et de la corruption" (El País 2009).

    Il a publié un grand nombre de romans et sa vie fut intense, vous pouvez lire une belle biographie de lui dans le Magazine Littéraire
    Tout comme dans son livre sur la Méditerranée, dans  Baleares , il offre avec beaucoup d’amour non dénué d’une touche d’ironie et d’un bon sens critique, une vision historico-socio-artistique des îles et un très grand nombre de photos.



    Le livre de la mer


    Baltasar Porcel est l’auteur d’un livre monde, un livre qui tisse des liens historiques, artistiques, littéraires entre les pays, les villes qui bordent la Méditerranée. Un livre pour conter sept mille ans d’histoire de cette mer vecteur de civilisation.
    Comme un très grand récit de voyage il nous emmène de la Grèce au delta du Nil, d’Istambul à l’Andalousie, de Corfou à Jérusalem, de Malte à ...Venise... car il prend aussi quelques libertés avec la géographie. On navigue et l’on marche d’île en île de ports en ports.

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    Une autre île : Capri   photo © Laurent Dubreuil

    C’est un guide tout à fait extraordinaire car les escales sont nombreuses, Porcel aime le vagabondage aussi bien historique que littéraire et l’on est comblé. Tous les héros de cette Méditerranée sont conviés, les Romains, les armées de Scipion l’Africain, Barberousse et les chevaliers de Malte, Soliman le magnifique, sans oublier Ulysse et Achille au plus fort de la bataille.
    Le monde littéraire est là aussi : Pline racontant l’éruption du Vésuve, les poètes Andalous, Lampedusa le sicilien célébrant la mort de son monde.
    On comprend en le lisant l’attrait qu’exerce la Méditerranée depuis des siècles et comment elle a su prendre dans ses filets aussi bien Byron le héros de Missolonghi que Nietzsche réfugié à Rapallo.  Son récit à le lyrisme des grandes épopées et l’érudition d’une encyclopédie.

    Baltasar Porcel qui gallos 017.jpgprésidait un Institut de recherche sur la Méditerranée, était un homme de convictions et il réussit parfaitement à vous convaincre sans jamais ennuyer. La vie économique, les batailles, les inventions, la mythologie le livre couvre tous les champs sans jamais nous égarer.
    Il cherche tout ce qui relie, qui rassemble :  les paysages, les mêmes oliviers, les orangers, les forêts de châtaigniers, et le parfum de thym de la garrigue.
    Un hymne bercé par les musiques du sud, car B Porcel veut croire que malgré les conflits du passé, les guerres civiles et elles furent nombreuses et sanglantes, le bassin méditerranéen peut être une terre d’unité et de solidarité.
    Le livre se termine chez lui à Majorque avec une touche intimiste qui vibre de son amour pour sa terre natale.

    "Je marche au milieu de l’herbe verte, masse souple, pleine de chardons tendres qui seront beaux et agressifs. Il souffle un vent très léger et majestueux, qui apporte de vagues parfums de mer et de sève. Les dernières fleurs de l’amandier, fermeté laiteuse, sentent le miel. Mais l’arbre fruitier le plus généreux est le citronnier, avec sa succession constante de citrons, la merveille jaune et son parfum enivrant."

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    Le livre : Baltasar Porcel - Méditerranée, Tumultes de la houle Baltasar Porcel  Traduit de l’espagnol par Nelly Lhermillier - Actes Sud 1998


    L’île en Méditerranée 

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     L'histoire de Majorque 

    Bref historique des premières invasions basé sur le livre Baleares de B. Porcel qui n'existe qu'en langue espagnole.

    Comme la plupart des îles de la Méditerranée, Majorque, et malgré qu’on l’appelle « Isla de la calma », a toujours vu arriver des vagues de visiteurs-envahisseurs.
    Avant  992firo4.jpg, date de l’occupation arabe qui dura jusqu’en 1229, l’île fut « visitée » tour à tour par les grecs, les romains qui fondèrent Palma et Pollença, les vandales et les byzantins.
    Les arabes apportèrent énormément sur le plan de l’agriculture, de l’extraction de l’eau, ces moulins à vent que vous pouvez encore voir partout dans la plaine.
    Et de tous temps, des pirates de tous bords. Ce qui décida le Roi Jaime I de chasser les arabes de l’île.

     

     

    " La conquête de Jaime I, roi de la Couronne catalano-aragonaise, en 1229, a été due en bonne partie à la piraterie qu’exerçaient sur les navires catalans les maures de l’archipel, alors les Almohades."

    firo3.jpg Moros y Cristianos © Israel Pampín

    Nombre d’entre eux venaient d’Afrique du Nord ou même de Turquie pour piller.
    B. Porcel écrit que les arabes, excellents navigateurs, arrivaient sur de petites embarcations pour voler ou kidnapper des paysans, ce qui les intéressait bien plus que combattre, tandis que les turcs, moins habiles en mer, étaient des lutteurs féroces.
    Mais ne croyez pas, ajoute-t-il, que les insulaires étaient des anges ! Non seulement ils se défendaient mais ils rendaient visite  aux arabes pour essayer de récupérer les chrétiens pris en esclavage, Cervantès par exemple.

    Que les côtes soient des endroits dangereux a eu d’innombrables conséquences : les villages sont intérieurs, seuls quelques pêcheurs vivaient au bord de mer, les habitants, méfiants, vivent repliés sur eux-mêmes dit Porcel, l’alimentation  en est affectée…

    (un autre billet suivra qui parlera de culture et cuisine, oui !)

     

    firo2.jpg                                               Moros y Cristianos © Israel Pampín

    firo5.jpgJe terminerai ce billet par une fête commémorative, historico ludique qui a lieu en divers endroits de la Méditerranée et de Majorque,  Moros y Cristianos .

    Au village de Sóller elle a lieu de second lundi de mai et elle commémore l’exploit réalisé en 1561 quand la population locale s’opposa à une attaque de pirates turcs et algériens.  Si elle a une base religieuse c’est son côté théâtral qui frappe le plus. Imaginez : la moitié de la population, principalement les jeunes, s’habille en maures, l’autre en chrétiens de l’époque (on dit que les habitants préfèrent être maures, mais… ?). Les combats commencent au port où débarquent les pirates qui gagnent les deux premières batailles. Se croyant déjà vainqueurs ils se rendent dans la ville où, sur la place, un guet-apens leur est tendu et le combat final est remporté…par les chrétiens.
    Dans ce chaos les femmes jouèrent un rôle important : elles tuèrent deux pirates avec une barre en fer et elles sont honorées pour ce haut fait.

    Si vous voulez les images et le son  c'est par là

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       Moros y Cristianos © Israel Pampín

    Rendez-vous est pris avec Colo pour tout savoir sur la culture et la  gastronomie de son île nous vous attendons nombreux !

  • 24 avril Anniversaire du Génocide arménien

    24 avril 1915

    Le mot "génocide" a été inventé par Richard Lemkin, un avocat juif polonais après la seconde guerre mondiale. Ce dernier a toujours parlé des 2 génocides juif et arménien.

    Mais donner un nom à un "crime sans nom" n'a pas été suffisant pour les arméniens: leur génocide a toujours été nié par les autorités turques.

    La date du 24 avril a été choisie pour célébrer le 96 eme anniversaire d'un cri désespéré de notables arméniens qui alertait le monde sur le crime qui se préparait dans leur pays et qui allait durer un peu plus d'un an. Le monde était alors resté indifférent et 1 million et demi d'arméniens dont les notables ont péri sous la folie meurtrière des turcs.  Le Post 


    joursdecendres.gifJe n’avais jamais rien lu sur le génocide arménien, ce livre m’a immédiatement attiré car il s’agit du récit autobiographique d’une femme qui a fuit la Turquie et fait sa vie en France, son fils devenu avocat,  a assuré la traduction de ce livre.

    1915 la guerre est commencée depuis un an, la Turquie est alliée de l’Allemagne et les arméniens vivant à Istanbul font l’objet d’une surveillance très insistante.
    Berdjouhi vient d’avoir un fils, son mari Sarkis Barseghian est un militant arménien brillant au visage "de prophète antique"
    Il est,comme elle, animé par une foi totale dans la cause arménienne et prêt à sacrifier sa vie. Pour lui elle a quitté une famille riche et respectée.
    Elle est inquiète " Tous les soirs j’avais le sentiment que nous nous réveillerions le lendemain en quelque désert sauvage, que plus rien des belles résidences, des jardins, des paysages merveilleux que nous avions tant admirés ne subsiterait, qu’un formidable typhon aurait tout emporté durant la nuit"

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    Istanbul en 1915


    Le 24 avril 1915 lorsque la police secrète turque arrête six cent intellectuels arméniens (écrivains, journalistes, juristes) c’est le début du génocide.
    Commencent pour Berdjouhi et les femmes arméniennes d’Istanbul ce qu’elle appelle " les jours de cendres" pendant cinq ans elle vivra seule, sans ressources, attendant en vain le retour de son mari. La ville est devenue dangereuse, elle est sans arrêt suivi lorsqu’elle se hasarde dans la rue.
    A lire ce livre on est impressionné par le courage, la volonté qui anime Berdjouhi. Elle va devoir lutter contre la peur, le désespoir, la faim parfois. Son courage elle le puise auprès d’autres femmes dans cette communauté arménienne d’Istanbul privée des chefs de famille.
    Cela nous vaut des pages émouvantes et passionnantes sur la vie de cette communauté, ses traditions, ses coutumes.

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     Jeunes survivants du génocide dans le village de Cheikh Said dans le désert Hawran
     

    L’auteur rend très vivant le rôle du hammam haut lieu d’échanges entre les femmes, les repas pris ensemble, les croyances et les superstitions, la vie du quartier de pêcheurs qui après les arrestations est " un cimetière peuplé de vieillards "
    Quatre femmes vont reprendre le combat des hommes. Les échos des massacres, des exactions, des tueries viennent jusqu’à elles " Comment appartenir à un peuple dont on éventre par jeu les femmes enceintes ? "
    genocidearmenien.jpgLeurs moyens sont limités, elles vont se consacrer à sauver des enfants arméniens enlevés à leur famille et adoptés par des dignitaires ou des policiers turcs.La situation rappelle les enlèvements d’enfants par les nazis, par la dictature en Argentine magnifiquement évoqué dans " Luz ou le temps sauvage" d'Elsa Osorio. On retrouve ici la même douleur, la même lutte.

    Ce génocide fut un moment de honte pour l’humanité, Berdjouhi dit " la langue des hommes est impuissante à exprimer l’horreur que l’homme inflige à l’homme" Après bien des péripéties, Berdjouhi fera l’expérience de l’exil et consacrera sa vie à la protection des enfants immigrés.

    J’ai beaucoup aimé ce témoignage, sobre, sincère, qui est un document fort sur cette période.
    Le génocide des arméniens en 1915 dont on attend toujours la reconnaissance par le gouvernement turc.

    Le livre : Jours de cendres à Istanbul - Berdjouhi - Traduit de l’Arménien par Armen Barseghian - Editions Parenthèses

     un article sur le site Hérodote

    Pour continuer votre approche le billet de Cathe sur une BD évoquant le même sujet

     

  • Entre deux verres - Lawrence Block

    Dans les cuisines de l'enfer

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    Vous en connaissez vous des flics, des privés, qui ne boivent pas ?  Harry Hole ou Jack Taylor sont presque confits dans l’alcool et combien d’autres. Mais certains, et cela ne les rend pas moins bon policier, moins bon enquêteur, ont tiré un trait sur la bibine.
    J’en connais deux personnellement, Dave Robicheaux le privé de Louisiane et Matt Scuder le légendaire privé New-Yorkais créé par Lawrence Block.

    New-York dans les années 80, Matt Scudder, détective privé, vit dans le quartier Saint-Paul, un quartier qui a bien changé et que parfois il ne reconnait plus « En regardant les immeubles que l’on était en train de rénover de fond en comble, je me demandai ce qu’étaient devenus les gens qui les occupaient avant que quelqu’un ne vire leurs murs et leurs sols »

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    Hell's Kitchen - New-York 

    Mais il n’a pas le temps de s’attarder sur le problème « Oublie ces pauvres cons. La Ville va s’occuper d’eux, leur trouver une benne à ordures sympa où ils pourront s’installer»  Matt n’est pas insensible mais il court les réunions des Alcooliques Anonymes car devenu sobre depuis un an l’essentiel de son énergie est destiné à tenir ses démons éloignés et à suivre le programme des AA. Sa survie en dépend.
    C’est dans une réunion qu’il rencontre Jack Ellery, un copain d’enfance, du temps où môme il vivait dans le Bronx. Ils ont bifurqués, l’un est devenu flic, l’autre petit malfrat. Après un séjour en prison Jack s’est assagi, il ne boit plus et a entamé les Etapes de la sobriété prônées par les AA.

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     Le plus vieux bar New-Yorkais

    Lorsque quelques mois plus tard Matt Scudder a des nouvelles de Jack, s’est pour apprendre sa mort. Gregory Stillman, le parrain AA de Jack va lui demander d’enquêter sur cette mort suspecte. Il faut dire que Jack pour suivre son programme AA, avait entrepris de  “réparer ses torts” auprès de ses anciennes victimes. Evidemment, quand un mauvais garçon commence à coucher sur le papier tous les coups tordus qu’il a fait il prend des risques. 
    Matt Scudder comme d’habitude va travailler en solo, il va devoir remonter dans la vie de la victime et par la même dans la sienne. Il va mettre dans la recherche de la vérité la même ténacité qu’à rester sobre.

    block.jpgQuel plaisir de retrouver Lawrence Block et Matt Scudder, ils se ressemblent beaucoup ces deux là, ils vont ensemble aux réunions de AA, on sent bien que c’est important pour eux deux.
    L’intrigue avance lentement au rythme des réunions et le savant savoir faire de Block fonctionne à merveille. On hante avec lui les rues de Hell’s Kitchen, les bars enfumés où l’on carbure uniquement au café noir. Retrouvailles très réussies.

    Si vous n’avez jamais rencontré Matt, je vous conseille de commencer par le meilleur épisode à mon goût : Huit millions de façons de mourir un petit poche bien noir vous trouverez une chronique sur Lecture/Ecriture

     

    Le livre : Entre deux verres - Lawrence Block - Traduit de l’américain par Etienne Menenteau - Editions Calmann-Lévy
     

  • La Peste de Londres

    Le Fléau  après Florence : Londres

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    Ce fut vers le début de septembre 1666 que, comme mes voisins, j'entendis dire incidemment que la peste avait reparu en Hollande, car elle y avait été très violente, particulièrement à Amsterdam et à Rotterdam, en l'année 1663. Daniel Defoe

    Ce soir, en rentrant pour souper, j’apprends que la peste vient de faire son apparition dans la Cité, et cela justement dans Fenchurch Street, chez le docteur Burnett, mon bon ami et voisin.....Au bureau pour terminer mes lettres, préoccupé de mettre mes affaires et ma fortune en ordre, au cas ou il plairait à Dieu de m’appeler à Lui. Que sa volonté soit faite!  Samuel Pepys

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     Médecins au temps de la peste

    La cour était pleine de chariots et de gens prêts à quitter la ville... Dans cette partie de la ville, la peste gagne chaque jour du terrain. Le bulletin de mortalité est déjà de deux cent soixante-sept; quatre-vingt-dix de plus que le dernier. Samuel Pepys

    Je me prépare à déménager à Woolwich, la peste ayant augmenté cette semaine au-delà de toute prévision: plus de six mille mortsSamuel Pepys

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    Pierre Brueghel – Le triomphe de la mort 1562  Musée du Prado, Madrid

     

    Il faut le reconnaître, les Londoniens absents qui, bien que s'étant enfuis pour trouver la sécurité à la campagne, portaient un très grand intérêt au bien-être de ceux qu'ils avaient laissésDaniel Defoe

    Toute ma famille et tous mes amis se sont bien portés pendant la peste.   Samuel Pepys



    Les livres
    Journal - Samuel Pepys - Robert Laffont Bouquins
    Le journal de l’année de la peste - Daniel Defoe - Gallimard