La vallée du bout du monde au confins du Montana
L’oeuvre de Rick Bass est déja riche de nombreux livres, des nouvelles, un long roman ( là où était la mer) et deux essais sur sa vallée, son territoire (le livre de Yaak et Winter) mais aujourd’hui il franchit une frontière avec ce livre.
Journal météorologique et poétique, au fil des mois et des saisons Rick Bass nous livre ses observations sur sa vallée et son marais, la vie dans cette contrée grandiose, dangereuse, qui porte le sceau encore visible de l’ouest sauvage.
Ses observations portent parfois la marque du scientifique, du géologue, mais le plus souvent celle du poète, du militant écologiste, du père qui s’interroge sur l’avenir qu’il peut promettre à ses filles.
Tout commence rituellement en janvier « le mois où le cerveau ralentit », un mois magnifique et difficile, l’isolement pendant parfois plusieurs jours, il faut pelleter la neige, sa cabane d’écriture est inutilisable. Des mois propices au travail lent et régulier « aux besognes rudimentaires » car l’hiver c’est l’ensevelissement sous un neige « si douce, si lourde, si apaisante »
Février est le mois du froid « le marais est encore une vaste plaque marbrée de glace et de neige » et pourtant déjà quelques oiseaux sont de retour et le premier papillon « le théâtre de l’univers avec ses divers groupes et tous ses comédiens, est en train de ressusciter »
Le printemps occupe un maximum de pages pour répondre à la splendeur et la folle fécondité, la saison où le marais reprend vie, marais que Rick Bass appelle son « réservoir de couleurs et de parfums ». Avril est le mois où l’on entend à nouveau « le babil apaisé » des oies qui remontent du sud.
C’est la saison où les ours noirs et les grizzlys sortent la tête de leurs tanières et « se mettent à arpenter les pentes inondées de soleil » attirés par les lys avalanche vifs et jaunes, l’auteur les admire faire de folles glissades et se gaver de lys odorants et sucrés « il arrive que des tâches jaunes s’accrochent à leur fourrure dorée et au museau de ces grands ours » améliorant ainsi naturellement la pollinisation.
la profusion de l’été, les randonnées en famille, les clairières baignées de soleil, les caches des fraises des bois, la cueillette de myrtilles. C’est aussi la période de retour à la civilisation, voyages, concert, rencontres. Mais comme rien n’est jamais parfait c’est aussi le temps des mauvaises herbes, sus à l’épervière d’une belle couleur mais par trop envahissante.
La saison aussi des incendies, utiles parfois, dangereux toujours, qui mettent parfois en péril la maison et la vallée et oblige à dormir d’un seul oeil.
Vallée du Yaak
Et c’est l’éclatement de l’automne, le retour de la pluie qui annonce déjà le long hiver, l’automne et ses impondérables comme cet accident de camion qui a tout d’un film d’horreur projeté au ralenti.
Septembre c’est la lumière automnale « si intense maintenant qu’elle en est presque palpable, pareille au froissement d’un parchemin »
Octobre sent le bois coupé. Les bois résonnent des tirs des chasseurs, tétras, faisans, antilope, cerfs et wapiti, pour profiter des cadeaux de la nature.
L'imposant wapiti
Rick Bass a toujours plaidé pour la protection de l’environnement, il veut pour ses filles un monde où le mot sauvage aura encore un sens, où la main de l’homme n’aura pas tout détruit, où elle pourront continuer d’aller à l’école en pleine forêt, avec des pommiers dans la cours et « des cerfs broutant paisiblement la pelouse »
Il aime cette vallée « majestueusement reculée, nichée » à la frontière du Canada et du Montana et il défend sa cause.
Je vous laisse découvrir ce qu’il appelle la cinquième saison, intermédiaire pour lui entre l’hiver et le printemps.
C’est un guide envoûtant, avec ce livre Rick Bass prend place dans la longue lignée des écrivains de la nature car derrière le botaniste et le géologue se cache l’écrivain et le poète.
J’ai aimé cette relation physique avec la nature, les combats perdus d’avance contre les mauvaises herbes, les solstices qui rythment la vie de la maisonnée.
J’ai aimé ses propos car il n’est pas donneur de leçons, son militantisme, bien réel, reste discret, il cherche à convaincre plus par la beauté que par l’injonction. Rick Bass n’est pas un ayatollah de la cause environnementale, il a trop la fibre libertaire et souvent la mélancolie l’emporte sur le combat.
Faites un place à ce livre dans votre bibliothèque
Le livre : Le Journal des cinq saisons - Rick Bass - Traduit de l'américain par Marc Amfreville - Editions Christian Bourgois 2011
L’auteur
Rick Bass est un écrivain et écologiste américain, est né le 17 mars 1958 à Fort Worth dans l'état du Texas. Il a étudié la géologie à l'Université d'Etat de l'Utah. Émule de Jim Harrison, il a commencé à écrire de courtes histoires alors qu'il travaillait comme géologue pétrolier à Jackson, au Mississippi... En 1987, il s'installe avec sa femme, l'artiste Elizabeth Hughes, à Yaak Valley, à l’extrême nord-ouest du Montana, près de Troy, où il œuvre à la protection de sa région d'adoption. Rick Bass siège au conseil d'administration du Conseil Yaak Valley Forest and Round River Conservation Studies. (Ulike)