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A sauts et à gambades - Page 124

  • Un temps pour se taire - Patrick Leigh Fermor

    Faire retraite

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    Ma première lecture de Patrick Leigh Fermor remonte à ...je préfère ne pas compter !

    A l’époque j’avais cherché d’autres livres de lui mais rien n’était édité alors de guerre lasse j’avais acheté en anglais :  A Time to keep silence, mais bien sûr j’ai calé sur la lecture trop ardue pour moi.

    Aujourd’hui je comprends pourquoi ! Le livre est enfin traduit en français grâce à Guillaume Villeneuve et aux éditions Nevicata et la langue, les réflexions, les interrogations de ce petit livre sont d’une telle densité, d’une telle qualité que ... je n’avais aucune chance.

     

    En 1948 PL Fermor fait sa première retraite à l’abbaye de Saint-Wandrille en plein pays de Caux. Elle sera suivie de beaucoup d’autres, il fera retraite à Solesmes haut lieu du chant grégorien et même à la Grande Trappe celle du « riche, beau et fastueux » abbé de Rancé.

     

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    Solesmes

    C’est une courte lecture, cet amateur de marche, ce bon vivant qui peut chanter dans plusieurs langues, cet amoureux de la vie s’est à plusieurs reprises retiré dans une abbaye et vécu au rythme des chants grégoriens.

    Sa première expérience fut difficile, les règles lui semblent intimidantes et le silence est dur à supporter « L’endroit avait le caractère d’un énorme tombeau, d’une nécropole dont j’étais le seul habitant vivant » mais bientôt sa dépression disparait, son agitation s’apaise et un sommeil d’enfant lui apporte un repos et une capacité de travail jamais connue « cette extrême lassitude se réduisit à rien, la nuit se ramena à cinq heures de sommeil léger, sans rêve, parfait, suivi d’un réveil plein d’énergie et de fraîcheur limpide » 

    PL Fermor a des mots magnifiques pour exprimer ce temps de solitude, ce changement intervenu en lui, son voyage intérieur est riche et passionnant.

     

    Pourtant l’auteur n’en reste pas là et avec sa culture et sa verve habituelle il nous fait parcourir les hauts lieux du monachisme en france, en Angleterre et jusqu’en Cappadoce où il a découvert  des monastères troglodytes riches de trésors

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    « les marches aboutissaient à une salle scintillante qu’éclairait au zénith un rayon de soleil assourdi. Lentement une église byzantine, complexe, ténébreuse, se matérialisa autour de nous. Nous étions sous un dôme central orné d’une fresque du Christ Pantocrator » 

     

    Ce voyageur impénitent nous ouvre les portes des monastères rupestres de Cappadoce où il cherchât les traces des premiers chrétiens anachorètes.

    Il nous invite à connaitre un peu mieux ce monachisme oriental et la figure de Saint Basile dont il nous livre une lettre particulièrement révélatrice de l’esprit de cet homme érudit, tolérant, chose surprenante pour l’époque.

     

    Vous avez compris que ce livre m’a énormément plu, PL Fermor est « Un compagnon sans égal, libre de tout horaire ou convention, d'une curiosité et d'un enthousiasme inlassables. » ce n’est pas moi mais le New York Times qui le dit.

    Son récit d’une belle qualité littéraire est épuré et riche. Son écriture nous restitue sa recherche, ses doutes, le silence auquel il aspire.

    La traduction de Guillaume Villeneuve est parfaite. 

    Je vous invite à poser ce livre sur les rayons de votre bibliothèque.

     

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    Le livre - Un temps pour se taire - Patrick Leigh Fermor - Traduit par Guillaume Villeneuve - Editions Nevicata

  • Le Phare Voyage immobile - Paolo Rumiz

    Après avoir cavalé derrière lui sur les routes d’Europe, sur les traces d’Hannibal, ouf je peux faire une pause avec le dernier livre de Paolo Rumiz.

    Un voyage immobile sur une île dont on devine un peu la situation au milieu de la Méditerranée sans doute du côté de la côte Dalmate.

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    Un phare peut être comme celui là

     

    Paolo Rumiz réalise un rêve vieux comme le monde, partir sur une île déserte (enfin presque), se couper du monde et vivre là sans contraintes autres que celles de la météo.

    Il va vivre trois semaines dans un phare, avec les gardiens pour seuls compagnons et porter son regard sur ce qui d’habitude nous échappe : les nuages, les étoiles, le vent.

    Le temps qui passe est ponctué de pêche parfois miraculeuse, d’incursion en cuisine lorsqu’il invite ses hôtes autour d’un risotto dont le fumet vient nous titiller les papilles. Il observe ces énormes bateaux qui croisent au loin

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     les oiseaux qui « saluent la mort de la lumière » par un concert tonitruant.

     

    Paolo Rumiz se fait ermite et épicurien à la fois et c’est l’occasion pour lui de revenir vers ses lectures, vers ses amis, de rêver et de perdre pied parfois.

     

    Même si je le préfère en voyageur, j’ai pris un grand plaisir à cette lecture.

    Un récit qui s’adresse plus aux adeptes du Taoïsme qu’à ceux de Marco Polo .

     

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    Le livre : Le phare voyage immobile - Paolo Rumiz - Traduit par Béatrice Vierne - Editions Hoëbeke

  • Trois huttes - Christian Doumet

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    © Jonathan Andrew

    Si vous avez un penchant pour la poésie japonaise, pour la vie d’ermite et pour la peinture alors ce livre est fait pour vous.

    Partons retrouver : Bashô, Patinir et Thoreau.

    Christian Doumet nous propose trois lieux et trois huttes où se retirer, où méditer, il nous présente trois « constructeurs de solitude », pour se faire il utilise même un verbe que je n’avais jamais rencontré : le verbe hutter.

    Hutter c’est habiter un lieu «  à distance des choses afin de mieux en éprouver le goût. » c’est « éprouver la vie, le silence relatif, la solitude »

     

    Pour Thoreau je pense que vous n’êtes pas surpris de le trouver là, c’est vraiment le symbole du retirement du monde, car nous dit Christian Doumet, Walden « peut être lu comme le plus vaste des poèmes en prose ». Sa lecture procure un plaisir singulier même à ceux qui sont généralement hostiles à la nature. 

    Thoreau nous dit-il fait partie de « la grande famille des solitudes de la littérature », la hutte est son laboratoire mais elle n’est pas « la demeure d’un oisif ».

    En une soixantaine de page Christian Doumet nous aide à penser Walden avec Thoreau.

     

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    La hutte de Thoreau

    « l’isolement, le retranchement du monde qui dotaient l’endroit d’une étrangeté surnaturelle »

     

    Patinir cela était nettement moins évident pour moi, je connaissais ses tableaux car je suis amateur de peinture flamande mais je ne les avais pas en tête, vive le web qui m’a permis de lire un oeil sur le livre et l’autre sur la reproduction du tableau Saint Jérôme dans le désert.

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    Clic pour avoir le tableau en grand

     

    Je dois dire que j’ai été bluffé par la richesse du propos sur cette oeuvre.

    On dit que Patinir inventa l’art du paysage mais il fait entrer aussi la philosophie dans le tableau car il manifeste une intelligence du monde dont le spectateur se sent inondé.

    Pour Christian Doumet, Patinir peint des huttes qui nous offrent « l’idée d’un parfait ermitage », il enrichit encore le propos en nous invitant à voir mieux des tableaux de Dürer, de Metsys. Il nous contraint, mais la contrainte est douce, à comparer deux cabanes, à les chercher car se sont dit Doumet des « huttes passagères » et le but du peintre est peut être de « montrer ceci : la ferveur d’une contemplation ? ».

    Saint Jérôme est pour le peintre à la fois un modèle et une leçon. Et nous, nous jouons les voyeurs car c’est grâce à l’enveloppe crevée de la hutte que ce secret nous est livré. 

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    «  C’est ainsi que Patinir peint Jérôme. Ainsi que l’homme des Flandres casanières imagine la sainteté »

     

     

    Avec Bashô le point de vue est différent car nous avons là un ermite poète mais surtout un grand marcheur qui a du concilier « l’appel des horizons immenses et le goût du repli ». 

    Bashô c’est l’éternel vagabond, le marcheur des confins et des brumes du nord, la hutte ne lui sert que de havre provisoire, au Japon il fait halte dans des ermitages d’où le nom d’un recueil de ses poèmes.

     

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    « La pente douce du jardin d’azalées, la petite source tout près, la croupe du Mont Hiei, la lumière du couchant ....)

     

    Le poète amateur de concision avec les mots, a aussi le goût des habitats provisoires, des demeures de fortune qui lui laisse tout loisir de marcher et d’écrire ce qui nous dit Christian Doumet « relèvent de la même pulsion vitale. »

    Pour Bashô il suffit de « construire une hutte pour atteindre la fin du voyage ; de tracer une seule phrase pour faire le tour du langage. »

     

    Cet essai est superbe et j’ai pris un immense plaisir à la lecture de ce triptyque poétique et philosophique

     

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    Joachim Patinir, Triptyque de la Pénitence de Saint Jérôme

     Metropolitan Museum

    Si vous êtes amateur d’ « Éloignement, isolement, retranchements. » ajoutez ce livre à votre bibliothèque

     

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    Le livre : Trois Huttes - Christian Doumet - Editions Fata Morgana

  • Laisser le monde derrière soi

    Il y a bien des façons de laisser le monde, de délaisser montre, agenda ou téléphone.

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    Saint Jérôme - Patinir - Musée du Louvre 

    De tout temps les hommes ont cherché des havres de paix, les uns dans des cabanes au fond des bois, d’autres ont élu domicile sur une île déserte, d’autres encore ont choisi une vie monacale

     

    Des livres pour vous faire entrer dans l’intimité des ces hommes sans rien détruire du mystère qui entoure un tel choix

  • Toujours Dostoïevski

    Un auteur et un traducteur 

     

    Pour ceux et celles qui sont intéressés par la collection Thésaurus

     

     

    dostoïevski

     

     

    le premier tome date de 1998 ( et moi qui croyais que cela datait de 5 ans !!) avec Crime et châtiment, le joueur et l’Idiot

     

    le second tome est de 2014 et regroupe les oeuvres écrites entre 1875 et 1880  l’adolescent, la Douce, le rêve d’un homme ridicule, les Frères Karamzov et des nouvelles Le moujik Mareï, le garçon à la menotte, le Triton et la Centenaire

     

    Troisième tome en 2015 avec les oeuvres de 1846 à 1849  : beaucoup de textes courts mais aussi Les pauvres gens, le Double, Nétotchka Nezvanova, le Petit héros, Les Nuits blanches et neuf autres nouvelles

     

    dostoïevski

    André Markowicz traducteur de l'oeuvre chez Actes Sud

     

    Il reste encore à paraître : Souvenirs de la maison morte, Humiliés et offensés, l’Eternel mari, Carnet du sous-sol, et bien sûr Les Démons plus sans doute quelques nouvelles 

    J'espère qu'Actes sud n'attendra pas éternellement pour nous les proposer 

  • Le Moujik Mareï - Fedor Dostoïevski

    Il était temps de renouveler un peu ma bibliothèque russe, constituée par des livres de poche essentiellement et un rien de pléiade. Les poches tombaient en loques alors...

     

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    J’ai choisi pour Dostoïevski les thésaurus publiés par Actes Sud, il manque encore un ou deux volumes à l’appel mais on a déjà le principal.

    Un inconvénient ? oui oui : gros et lourds et mous ....on ne peut pas tout avoir, j’ai privilégié la qualité de la traduction.

     

    Cela a été l’occasion de lire des nouvelles publiées par Dostoïevki dans les journaux et qui ont été ajoutées à ses grands romans.

    D’habitude les nouvelles m’agacent mais je dois dire que j’ai pris à ces deux là un grand plaisir 

     

    Le Garçon à la menotte a été publiée dans le « journal d’un écrivain » et André Markowicz a fait le choix de l’ajouter aux romans publiés entre 1875 et 1880.

     

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    l’expression « à la menotte » signifie qui tend la main, qui mendie.

    Voilà une version noire de « la petite marchande d’alumettes », une histoire qui, même si l’on sait que Dostoïevski avait un penchant pour les larmes, nous touche au plus profond. 

    Un enfant de 5 ou 6 ans contraint de faire la manche, il est maigre, il est à peine vêtu alors que l’hiver est là, il voit des lumières, des dorures, il entend de la musique, aperçoit même de la nourriture, c'est noël....mais rêve ou réalité ? Ses doigts ne peuvent plus guère remuer tant le froid est intense, il se recroqueville tel un tas de chiffon et entend près de lui la voix de sa mère. 

     

    Dostoïevski le dit, c’est une histoire inventée par un écrivain mais tellement réelle et franchement l'on est fortement ému par le récit.

     

    La seconde nouvelle piochée dans ce thésaurus c’est l’histoire du Moujik Mareï. Parue de la même façon que la nouvelle précédente dans « Le journal d’un écrivain » et publiée en 1876.

    C’est un jeu de poupées russes cette nouvelle. l'auteur se souvient du bagne et du souvenir qui au bagne l’a assailli un jour de Pâques, au milieu d’hommes frustres, violents, assassins pour certains. 

     

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    C’est un souvenir d’enfance qui relate la rencontre de l'écrivain avec un moujik.

    « L’été touchait à sa fin » bientôt il faudrait repartir à Moscou et retourner au collège, Fédor profite des derniers jours de liberté en pleine nature. Il observe les insectes, ramasse des hannetons. Lorsqu’il croit entendre « au loup » il est pris de peur et dit « je courus tout droit jusqu’au paysan qui labourait.»

    C’est le moujik Mareï « un homme de quelque cinquante ans, solidement bâti, d’assez haute taille, à la barbe en éventail châtain foncé déjà fortement grisonnante. »

    Celui-ci parvient à calmer la peur de l’enfant par quelques mots simples.

    L’écrivain revoit le bon visage de Mareï, son sourire bienveillant, ses signes de croix pour éloigner le mal, sa voix pleine de sollicitude.

    « Brusquement à présent, vingt ans plus tard en Sibérie, je me souviens de toute cette rencontre »

    Ce n’était qu’un serf et subitement Dostoïevski,  par la grâce du souvenir voit autrement sa chambrée, ses compagnons de bagne  «  j’ai brusquement senti que je pouvais poser sur ces malheureux un regard différent. »  sans doute ce qui lui permit ensuite de faire le récit de ces années là.

     

    Deux nouvelles loin des grands romans mais qui possèdent une force et un charme indéniables 

     

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    Le livre - Fedor Dostoïevski Oeuvres Romanesques 1875-1880 - Traduction André Markowicz - Editions Actes Sud Thesaurus 2014