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  • La Route de la Kolyma - Nicolas Werth

     La Kolyma

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                          Magadan ©  Магадан

     

    A l’été 2011 un récit de voyage pas tout à fait comme les autres. Un voyage vers l’enfer vers cet extrême orient russe qui fut la région emblématique du travail forcé en Union Soviétique, vers la Kolyma où un million de personnes furent envoyées.

    Le Goulag fut pendant des années un réel mode de vie : ceux qui y étaient, ceux qui en revenaient et ceux qui tremblaient d’y être envoyés. Les camps du Goulag couvraient toute la Russie avec une place à part pour la Kolyma vaste région (deux fois la France) isolée de la Sibérie à quelques neuf heures d’avion de Moscou.

     

    C’est donc sur les traces des Zek de la Kolyma que part Nicolas Werth, le voyage il l’effectue avec plusieurs russes qui sont tous membres de l’association Mémorial, une ONG russe qui tente sans aucun moyens de préserver la mémoire du Goulag et de cette période des répressions staliniennes.

    ll est grand temps car les témoins disparaissent, la plupart des survivants de la Kolyma ont autour de 80 ans et les rares vestiges que l’on peut encore trouver vont disparaitre à jamais. Bientôt il ne restera rien du plus grand système concentrationnaire du vingtième siècle.

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                               Magadan  ©  Магадан

     

    L’arrivée à Magadan le coeur de la Kolyma est un choc, la région est magnifique « entre deux promontoires maritimes » et totalement sinistrée, les bâtiments sont à l’abandon, peu de circulation, des terrains vagues, une cité lépreuse.

    Le travail commence, visite du musée local à la recherches d’objets du Goulag, rencontres avec des témoins.

    Cette façon d’opérer va se répéter pendant deux semaines, de ville en ville, absence de vestiges, traces effacées volontairement ou non. Les détenus arrivaient ici après des semaines dans des trains glacés, plusieurs jours à fond de cale du bateau qui marquait la fin du périple.

     

     

               Le film dont parle Nicolas Werth dans son interview

     

    Les statistiques du Goulag se passent de commentaires : de 1930 à 1955 : 20 millions de soviétiques ont été envoyés dans les camps, 2 millions y ont trouvé la mort, 1 million y ont été exécutés.

    Les témoignages des gardiens de la mémoire sont terribles, importants pour préserver une mémoire des faits car, au delà des statistiques qui sont maintenant connues, il y a un réel refus de se souvenir du million de personnes qui passa ici à la Kolyma.

     

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                           la Kolyma  © Daniel De Roulet

     

    Le voyage rend bien compte de ce que devaient être les difficultés dans ce pays au climat effrayant, en ce mois d’août la température avoisine les 2° confirmant le dicton de la Kolyma « Douze mois d’hiver, Le reste c'est l'été ». ll a suffit de laisser les vestiges des camps à l’abandon pour qu’ils s’effacent du paysage.

    La parole libre aujourd’hui est malgré tout difficile car comme le dit Miron Markovitch un ancien de la Kolyma âgé de 82 ans : «  Le Goulag, il est dans nos gènes. Il fait partie de notre patrimoine génétique »

    Le témoignage d’Evguenia Petrovna qui à l’âge de 22 ans avaient déjà passé 6 années à Ravensbrück et à la Kolyma, suivant en cela le destin de Margareth Buber-Neumann

     

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                            Le mémorial de la Serpantinka et celui de Magadan © Igor Krasnov

     

    Comme un hommage le groupe va faire une halte à la Serpantinka au haut lieu des exécutions de masse pendant ce que l’on appelle la Grande Terreur d’août 37 à octobre 38, une année pendant laquelle entre six et dix mille personnes ( 750 000 pour la Russie entière). Les gardiens de la mémoire ont fait érigé un monument sur les lieux, une croix de granit, un simple plaque de marbre noir.

     

    Un livre indispensable pour qui s’intéresse à cette période de l’histoire. Nicolas Werth l’historien a pris la route pour nous révéler cette « civilisation goulaguienne » 

    Un livre qui dit-il est un hommage à « l’humble obstination » des hommes et femmes qui tentent de lutter contre l’oubli.

     

    Le récit du plus ancien rescapé de la Kolyma 

     

    Le voyage d'un autre écrivain Daniel De Roulet

     

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    Le livre : La Route de la Kolyma - Nicolas Werth - Editions Belin

     

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    L’auteur : Nicolas Werth est un historien chercheur au CNRS spécialiste de la Russie soviétique et du Stalinisme. 

     
  • Alexandre Soljenitsyne Le courage d'écrire

    L’ âme Russe - Episode 2 Dans les pas d'un géant

    « A tous ceux à qui la vie a manqué pour raconter cette histoire »

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    J’ai eu envie d’intituler ce billet dans les pas d’un géant  car « Des millions de lecteurs ont eu leur vie accompagnée par Alexandre Soljenitsyne »

    Une exposition et un livre consacré au géant de la littérature russe, de la littérature du Goulag. Pour une fois l’expo n’est pas parisienne mais Genevoise, Lyon Genève 1H30 de route qui hésiterais ?
    Septembre est magnifique et ce fut un plaisir de découvrir la Fondation Bodmer dominant le lac Léman.

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    La Fondation Bodmer Cologny

    La Suisse qui accueillit Soljenitsyne en 1974 chassé d’URSS.
    Je dois dire que j’avais une petite appréhension car une expo de peintures c’est une évidence, une expo autour d’un écrivain je craignais un peu la sécheresse ou la mise en valeur d’objets sans intérêt et peut-être l’ennui.
    Combien de fois lisant Chalamov et ses Récits de la Kolyma j’ai eu l’envie de rencontrer l’homme, de l’entendre parler de son expérience, ici grâce à la qualité de l’exposition on entend Soljenitsyne.
    C’est une exposition tout à fait impressionnante et fascinante consacré à un monument de la littérature du XX ème siècle et sans doute à son plus grand écrivain.
    J’ai eu l’envie d’en garder la trace, le souvenir à travers le livre édité à cette occasion.
    Quand je publierai ce billet l’expo sera fermée mais vous pourrez vous tourner vers le livre qui est lui-même un événement.

    Le titre du livre d’abord  Le courage d’écrire  et le préambule écrit par C Méla directeur de la fondation qui dit dans la préface
    « Soljenitsyne a mené une lutte clandestine, puis ouverte, au nom de la vérité, pour révéler au monde une entreprise de servitude sans précédent » justifiant ainsi immédiatement le titr
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    Le livre/catalogue est réalisé par Georges Nivat que tout lecteur amateur de littérature Russe connaît. Il est professeur honoraire à l'université de Genève et commissaire de l’exposition, ses liens personnels et amicaux avec Soljenitsyne ont permis la réalisation et la réussite de l’ensemble.

    J’ai été fasciné dans l’exposition par les  textes inconnu, les articles de journaux, les objets, les lettres, les manuscrits dont certains étaient parmi les fameux samizdat imprimés ou copiés clandestinement. J’ai ressenti de la ferveur, de l’admiration et de la stupéfaction devant l’ampleur du travail d’un homme, travail réalisé sous le joug permanent de la peur. On retrouve tout cela dans le livre.

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    Le Zek matricule CHth-854

    Le livre permet cette découverte avec les fac-similés des feuillets, 466 feuillets autographes de l’Archipel du Goulag dont le manuscrit est resté enfoui en Estonie Le livre qui  est venu réveiller la conscience de l’occident sur la réalité du Goulag.
    Tout est magnifique et émouvant dans ce livre, les photos de Soljenitsyne portant sa veste de Zek , les bouts de crayons qui ont tracé les mots de son oeuvre, des objets personnels issus de sa maison de Troïtse-Lykovo. Les souvenirs des années de labeur, des années d’exil  à Cavendish et du temps du retour.

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    Ce livre qui raconte une destinée d’écrivain est magnifique, j’ai découvert la gestation de la Roue rouge qui se se veut la généalogie de la révolution russe, son explication, ses noeuds (une oeuvre qui me reste à lire).
    Les efforts de l’écrivain pour maintenir en détention sa mémoire intacte sont particulièrement impressionnants. Les pages de Georges Nivat, pour éclairer chaque période, sont riches, les extraits nombreux et les photos toutes choisies avec soin.

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    1998 le temps du retour  Photo : Grigory Dukor/ Reuters

    J’ai croisé avec bonheur dans ce livre/catalogue : Nikita Struve l’éditeur de l’Archipel du Goulag, Claude Durand son agent littéraire pour le monde entier ; Bernard Pivot qui a donné à la France entière l’envie de lire Soljenitsyne et dont les entretiens sont aujourd’hui disponibles en DVD, les photos de Soljenitsyne instituteur ou recevant son Prix Nobel.

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    Bernard Pivot reçoit Alexandre Soljénitsyne à Apostrophes
    le 11 avril 1975.

    Ce livre est un cadeau, cadeau pour nous lecteur, cadeau à faire. Lisez le, offrez le et faites lui une place dans votre bibliothèque.
     
    Le livre : Alexandre Soljenitsyne Le courage d’écrire - Sous la direction de Georges Nivat - Editions des Syrtes
     

     

  • Proust contre la déchéance - Joseph Czapski

    Un livre sur Proust ? non pas vraiment, un livre sur les camps soviétiques ? non plus.

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    Un livre sur la dignité, le courage, sur la place de la vie intellectuelle quand celle-ci est interdite, un livre sur la lecture quand elle est devenue impossible, un livre sur la mémoire et son rôle dans le maintien en position debout des hommes que l’on veut abattre.

    scan_11314153945_1.jpgCe livre rend compte des conférences improvisées par Joseph Czapski officier polonais au camp d’internement soviétique de Griazioweitz.
    Quand plus rien n’est possible les prisonniers du camp décident en prenant beaucoup de risque, d’échanger leur savoir, pour maintenir le moral des hommes voilà des conférences improvisées avec des sujets très variés en fonction des compétences de chacun. C’est vital pour ces hommes pour « essayé de reprendre un certain travail intellectuel qui devait nous aider à surmonter notre abattement, notre angoisse, et défendre nos cerveaux de la rouille de l'inactivité. »

    Joseph Czapsik est peintre mais aussi bon connaisseur de l’oeuvre de Proust et de la littérature française, le voilà lancer dans des exposés sur La Recherche, faisant vivre pour ses compagnons les personnages de l’oeuvre, tentant de faire comprendre la richesse du style, la complexité de la construction. Le travail de mémoire est fantastique de précision, de justesse et de simplicité et se révèle être un joli clin d’oeil à Proust et au travail de la mémoire qui sous-tend son oeuvre et qui ici devient une belle leçon et pas seulement littéraire.


    scan_11314154514_1.jpgLe public est fidèle malgré les risques, et lire les feuillets préparatoires, griffonés, corrigés, parcourus de flèches, de soulignements est très émouvant. Ecoutez Joseph Czaspki « Je vois encore mes camaraedes entassés sous les portraits de Marx, Engels et Lénine, harassés après un travail dans un froid qui descendait jusqu’à quarante-cinq degrés sous zéro, qui écoutaient nos conférences sur des thèmes tellement éloignés de notre réalité d’alors. Je pensais alors avec émotion à Proust, dans sa chambre surchauffée aux murs de liège, qui serait bien étonné et touché peut-être de savoir que vingt ans après sa mort des prisonniers polonais, après une journée passée dans la neige et le froid, écoutaient avec un intérêt intense l’histoire de la duchesse de Guermantes, la mort de Bergotte et tout ce dont je pouvais me souvenir de ce monde de découvertes psychologiques précieuses et de beauté littéraire ».

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    Joseph Czapski peintre

    Ce livre longtemps empêché de parution comme celui de Julius Margolin ressort aujourd’hui faites lui une place dans votre bibliothèque comme l'ont fait Aifelle et Keisha

    Le livre : Proust contre la déchéance - Joseph Czapski - Editions Noir sur blanc

    L’auteur
    czapski.jpgNé à Prague en 1896 dans une famille aristocratique polonaise, Joseph Czapski passa son enfance en Biélorussie, puis fit des études de droit à Saint-Pétersbourg et de peinture à l’Académie des Beaux-arts de Cracovie. Czapski fut parmi les rares officiers de l’armée polonaise qui survécurent au massacre de Katyn en 1940. Son livre Souvenirs de Starobielsk retrace ses efforts pour faire connaître la vérité à propos de ce crime.
    Comme peintre, Czapski est connu notamment pour son appartenance au mouvement kapiste, qu'il contribua à fonder avec quelques amis, pendant son séjour à Paris (1924–1933). Après la Seconde Guerre mondiale, il vécut en exil en France, à Maisons-Laffitte, dans la banlieue de Paris. Il participa à la fondation du mensuel culturel polonais Kultura de Jerzy Giedroyc. Il y est mort en 1993.(source l’éditeur)

  • Voyage au pays des Ze-Ka - Julius Margolin

    Un témoignage irremplaçable

     

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    Julius Margolin est un intellectuel juif polonais qui a émigré en Palestine à la fin des années 30, l’été 1939 il est en visite en Pologne, du jour au lendemain les frontières se ferment, le pacte Germano-Soviétique va conduire cet agrégé de philosophie à chercher refuge dans sa ville natale de Pinsk où se retrouvent beaucoup de juifs fuyant les nazis.
    Pendant une année Margolin va tenter de sortir du pays, faisant valoir son passeport palestinien, lui qui a au cours de sa vie changer plusieurs fois de nationalité au gré des guerres, va se retrouver sans nationalité, toutes ses tentatives échouent et il est finalement arrêté pour infraction aux lois sur les passeports !
    Condamné, un voyage interminable aux conditions matérielles épouvantables, va le conduire au fin fond de la Sibérie. Il n’est plus un homme, il est devenu un Ze-Ka terme qui désignait les prisonniers qui creusaient le canal de la mer Blanche à la Baltique : le sinistre Belomorkanal, et qui passa dans le langage des camps. Il passera cinq années au Goulag.

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    De Varlam Chalamov à Soljenitsyne, de  Evguenia Guinzbourg à Gustaw Herling,  ils sont nombreux à avoir témoigné sur le Goulag. Qu’est ce qui fait de ce livre un document très particulier ?

    Julius Margolin n’est pas Russe, il n’a jamais vécu sous le régime soviétique, il n’a pas été soumis à l’idéologie communiste, il n’a subi aucune répression. Il a une très grande capacité d’observation et de réflexion, sa formation intellectuelle le pousse à s’interroger, à tenter de comprendre le processus qui est à l’oeuvre au Goulag. Très tôt pendant sa détention il s’imagine alertant l’opinion publique mondiale, il s’ingénie à décrypter l’absurde des situations, le phénomène de déshumanisation qui est en oeuvre, il lutte avec acharnement allant jusqu’à vouloir écrire des traités de la haine ou du mensonge.

    Il décortique pour mieux les analyser les consignes qui régissent le camp : la ration de nourriture est proportionnelle au travail accompli, les jours de repos la ration diminue, si le Zek est malade la ration diminue, s’il fait un travail moins dur la ration diminue.
    Il démonte les consignes ridicules sur le rendement attendu des prisonniers, les punitions, les brimades, la terreur que font régner les ourkis prisonniers faisant régner la terreur , les chantiers épuisants et inutiles, les simulacres de justice.
    Il décrit les relations entre prisonniers, le grand mélange de nationalités qui exacerbe les sentiments les plus violents, il en est lui même victime et lorsqu’un jour il frappe un de ses compagnons il dit « Parmi toutes les choses que je ne pardonnerai jamais, ni au camp ni à ses sinistres créateurs, ce coup restera dans ma mémoire, car il fit de moi un instant, leur complice, leur élève, leur prosélyte »

    Le livre de Julius Margolin est irremplaçable, la traduction de Nina Berberova et Luba jurgenson respecte toute profondeur du texte, font entendre magnifiquement la voix qui s’élève contre la barbarie. Dans la postface vous apprendrez le rôle important qu’à joué jusqu’à sa mort l’auteur pour alerter l’opinion mondiale car dit-il « Chaque crime commis dans le monde doit être appelé par son nom, à haute voix. Sinon, la lutte contre lui est impossible

    Faites une place à ce livre dans votre bibliothèque


    Le livre : Voyage au pays des Ze-Ka - Julius Margolin - Traduit du Russe par Nina Berberova et Luba Jurgenson - Editions Le Bruit du temps

    JuliusMargolin.jpgL’auteur : Né dans une famille juive de Pinsk (Biélorussie), Julius Margolin (1900-1971) est élevé dans la culture russe. Après avoir terminé ses études de philosophie à Berlin, il s'installe en Palestine. En 1939, il est en séjour à Lodz lorsque la Pologne est envahie. Il se réfugie alors dans sa ville natale, à l’est du pays. Arrêté le 19 juin par le NKVD, il est envoyé dans un camp de travail sur la rive nord du lac Onéga. Ayant survécu par miracle à cinq années de Goulag, libéré en 1945, il écrit le Voyage au pays des Ze-Ka dès son retour à Tel-Aviv, et doit faire face à une opinion internationale incrédule, l’URSS étant encore auréolée de sa contribution à la victoire contre le nazisme. Il vient à Paris en 1950 témoigner au procès de David Rousset contre Les Lettres françaises, et ne cessera de lutter, jusqu’à sa mort en 1971, pour la libération des Ze-Ka, les prisonniers des camps.(source l’éditeur)


  • Goulag une histoire - Anne Applebaum

    goulag.gifGoulag une histoire - Anne Applebaum - Traduit par Pierre-Emmanuel Dauzat - Editions Grasset ou Gallimard Folio
    Goulag de Iossip Pasternak et Hélène Châtelain  DVD Arte la sept Doriane film

    Un seul sujet mais deux façons d’entrer dans ce monde du Goulag russe, je suis allée de l’un à l’autre, l’un éclairant l’autre et pour moi aujourd’hui ils forment un tout.
    Mon intérêt pour ce sujet est ancien, il remonte à un jour d’Août 1967, j’étais jeune et je séjournais chez des amis tchèques dans une petite ville proche de Prague, au retour d’une balade en voiture en approchant de leur domicile mon ami s’est figé et a dit « Arrêtez-vous ! » . Sur la place une voiture de police était stationnée, sa peur était palpable, quelques minutes passèrent, puis nous sommes repartis, ce n’était pas pour lui, ni pour sa famille, que la police était là.
    Jamais je n’ai oublié la peur de cet homme, la quasi terreur qu’il avait ressenti, j’avais compris en quelques minutes ce que "régime policier" veut dire. Au mois d’août de l’année suivante les troupes russes entraient en Tchécoslovaquie pour mettre fin au Printemps de Prague.
    Ensuite ce furent la lecture des écrits de Soljenitsyne, Eugenia Ginzburg et Varlam Chalamov.

    Anne Applebaum elle a écrit une histoire du goulag, l'histoire des camps de concentration soviétiques : leur origine avec la révolution bolchevique, leur essor et leur apogée sous Staline, leur mutation avec ses successeurs, leur arrêt en 1986, sur décision de Gorbatchev, petit-fils d'un paysan emprisonné.
    En se rendant sur les lieux historiques de "L’archipel du Goulag" Iossif Pasternak et Hélène Châtelain donnent la parole aux victimes des déportations, à leurs descendants, aux témoins. Je leur laisse la parole :
    "Ce voyage fut une tentative pour échapper aux convictions toutes faites. Pour s’enfoncer dans une Russie différente, plus profonde, plus secrète celle des silencieux qui n’ont écrit ni mémoires ni témoignages, le petit peuple des villages et des ateliers qui a constitué pendant près de 40 ans, la population majoritaire des camps.(...) Nous avons choisi de nous limiter aux grands camps du Nord, les plus extrêmes, les plus mythiques : des îles Solovki, au milieu de la Mer Blanche, au Nord Ouest jusqu’à la Kolyma –le Nord Est polaire qui, à 5000 kilomètres de là, touche à l’Alaska"

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    Le monastère des Solovki

    La Russie des Tsars avaient déjà envoyés en Sibérie ou à Sakhaline bons nombre d’être humains, mais le régime soviétique va l’ériger en système.
    Goulag est un acronyme de Glavnoe Oupravlenie Laguereï, la direction générale des camps. Le premier camp est crée sur les îles Solovki en 1920, aux confins de la Russie au bord de la mer Blanche. On utilise le monastère des moines véritable forteresse.
    Les premiers prisonniers sont des officiers de l’armée blanche, des hauts dignitaires de l’église, réfractaires au pouvoir, grands criminels, des marins ayant pris part à des révoltes comme à Cronstadt.
    A la création du camp le pouvoir soviétique n’a pas l’intention de détruire l’économie du monastère, il compte même lui donner une impulsion nouvelle. Le pouvoir propose d’organiser les solovki en camp de travail , les conditions sont favorables : une vie dure, un régime strict : bonne école pour les détenus.
    La vie quotidienne est terrible, le froid, la faim, les châtiments corporels et les actes sadiques des gardiens.
    L’administration est loin et curieusement des espaces de liberté sont conservés, les détenus montent des spectacles et même comme le racontent deux charmantes vieilles dames à Hélène Chatelain, sortent pour se rendre aux obsèques de Kropotkine.
    Anne Applebaum écrit " Solovetski, le premier camp soviétique conçu et construit pour durer, se développa sur un véritable archipel"
    Soljenitsyne en fera son "Archipel du Goulag"
    En 1921, on dénombrait déjà quatre-vingt-quatre camps.

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    « des îles de la mer Blanche aux côtes de la mer Noire, du cercle Arctique aux plaines d'Asie centrale, de Mourmansk au Kazakhstan, du centre de Moscou aux faubourgs de Leningrad  »


    1929 Staline entreprend la collectivisation et l’industrialisation du pays , le régime recours au travail forcé, l’exemple le plus frappant et l’ouverture du chantier de Belomorkanal. Désormais au froid, à la faim et aux mauvais traitements va s’ajouter l’épuisement par le travail. Varlam Chalamov écrit  "Il suffisait de vingt à trente jours d’affilée de journées de travail de seize heures sans jours de repos, associés à la faim systématique; des vêtements en haillons et des nuits à moins 18° au-dessous de zéro sous une toile de tente trouée pour transformer en crevard un jeune homme sain"

    1937 la ligne de partage des eaux " C’est en effet cette année-là que les camps soviétiques se transformèrent temporairement de prisons gérées dans l’indifférence, où l’on mourait par accident, en camps réellement meurtriers où l’on tuait délibérément les détenus au travail, quand on ne les massacrait pas"
    Zek, c’est le nom que l’on donne aux détenus à partir de 1937  Les détenus vont travailler dans tous les secteurs : mines de charbon mais aussi mines d’or, construction de lignes ferroviaires, industrie et même aéronautique, exploitation forestière.
    La  Grande Terreur va augmenter considérablement le nombre de détenus, n’importe quel citoyen se retrouver au goulag : koulaks, vieux bolcheviks, trotskistes, poètes, écrivains, artistes... On ouvre les camps de la Kolyma pour extraire l’or ce qui avait toujours été impossible en raison des difficultés climatiques, des milliers de détenus y trouveront la mort.

     

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    La Kolyma

    La Seconde Guerre mondiale n’a pas freiné l’extension du Goulag et Anne Applebaum parle d’apogée pour les années 40 et 50.
    On estime qu’à cette époque les camps  produisaient un tiers de l’or du pays, une bonne partie de son charbon et de son bois d’œuvre.
    La mort de Staline en 1953 puis l'arrivée de Khrouchtchev voit diminuer le nombre de détenus, Mais Brejnev  les remplit à nouveau, C'est l'époque des dissidents et la publication de « L'Archipel du Goulag », en 1973
    Il faudra encore attendre vingt ans et Gorbatchev pour en finir avec le goulag.

     

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    L’histoire chronologique pour indispensable qu’elle soit ne rend pas justice à ces hommes et à ces femmes.
    Anne Appelbaum dans son livre, Hélène Châtelain et Iossip Pasternak dans leur film s’attachent aux témoignages, à la description de la vie quotidienne, les arrestations, les châtiments, les conditions de travail, tous les temps qui rythment la vie au Goulag sont évoqués.
    Dans le film on écoute un vieil apiculteur paysan koulak qui resta prisonnier de 1920 à 1956 et qui en 1998 lors du tournage du film récolte encore son miel. Tel autre parle, assis sur une colline, des milliers d’hommes enterrés là sous lui,  cette femme qui raconte comment enfant elle a vu mourir dix prisonniers pour chaque traverse de chemin de fer posée.
    L’histoire terrible de l’ acheminement du matériel par péniches halées par des prisonniers sur des centaines de km, filmée par l’administration du camp est un des passages du film le plus fort. Un ancien du  Goulag était capable de reconnaître « à leur regard » d’anciens détenus après leur libération.

     

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    Ossip Mandelstam : une victimes parmi des millions

    18 millions d'individus en ont été victimes, plus de 4 millions n'en sont pas revenus  En 1995 on estimait qu’un adulte soviétique sur 7 était passé dans un camp.
    "En Allemagne, on pouvait mourir de cruauté, en Russie de désespoir. A Auschwitz, dans une chambre à gaz ; dans la Kolyma, de froid dans la neige." dit Anne Appelbaum.

    goulagfilm.jpgLe travail extraordinaire d’historienne d’Anne Applebaum lui valut le prix Pulitzer, son livre est passionnant, clair, les sources multiples et riches.
    Le film bien que datant des années 90 n’a rien perdu de son actualité et de sa très grande sensibilité.
    Un dossier sur ce film   Goulag.pdf
    Il y a des pans de notre histoire que nous nous devons d’explorer et de comprendre,

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    Pour aller plus loin

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    Récits de la Kolyma - Varlam Chalamov
    Le ciel de la Kolyma - Eugenia Guinzbourg
    Déportée en Sibérie - Margarete Buber Neumann

     

     

  • Mes bibliothèques - Varlam Chalamov

    Mes bibliothèques - Varlam Chalamov - Traduit du russe par Sophie Benech - Editions Interférences
    mes bibliothèques.gifCe tout petit volume dit en quelques cinquante pages l’amour des livres, la passion pour la lecture et la souffrance d’en être privé.
    Varlam Chalamov c’est l’homme des Récits de la Kolyma, l’homme qui a résisté à deux condamnations à la déportation et qui a passé 17 ans de sa vie au Goulag.
    Le livre s’ouvre sur un aveu « Je ne me rappelle pas avoir appris à lire et j’ai l’audace de croire que j’ai toujous su. »
    Le ton est donné, et l’auteur nous fait faire le tour des bibliothèques qu’il a fréquenté, les bibliothécaires qu’il a croisé « Maroussia Pétrovna, les joues rouges comme ce n’est pas possible (..) distribuait des livres aux reliures dorées couverts de givre ».
    C’est là qu’il va faire connaissance avec les héros d’Alexandre Dumas et que s’allumera chez lui le goût de la littérature.
    Il aura toujours du mal à lire et travailler dans les bibliothèques « Lire en présence d’autrui m’a toujours été désagréable, j’ai presque honte (..) n’est-ce pas troublant ? Comme si la lecture était un vice secret. »

    « J’ai toujours acheté des livres » dit-il mais tous furent détruits lors de son arrestation et il confie « Je regrette de n’avoir jamais possédé ma propre bibliothèque » on se sent un peu honteux d’avoir à côté de soi un pile de livres qui nous attendent et Chalamov nous invite à être attentif à la qualité de nos lectures « Nous lisons des milliers de pages imprimées qui ne méritent pas tout ce temps perdu » venant de lui cet mise en garde  est de grande valeur.

    varlam_chalamov.jpgEn déportation il a presque perdu le goût et la faculté de lire et les pages consacrées à cet épisode sont poignantes, heureusement grâce à une femme médecin il va revenir à la lecture « ma protectrice prescrivit de différer ma sortie et m’apporta un livre (..) je lus ce livre avec attention, et je retrouvai le plaisir de lire, d’être captivé par un livre, de pénétrer sans un regard en arrière dans le monde d’un auteur »

    C’est un livre magnifique qui, je n’ai pas honte de le dire, m’a fait monter les larmes aux yeux à plusieurs reprises. Il va trouver place à côté de Gardiens des livres du même éditeur. Vous pouvez aller lire le billet de Frédérique ou de Cuné sur ce livre

    Faites une place à ce livre dans votre bibliothèque car comme le dit Varlam Chalamov “les livres, c’est un monde qui ne nous trahit jamais”