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C’est le temps où le paysan se fait bûcheron. A peine entré dans la forêt figée par le gel, ployante sous son faix de neige, on ne voit personne encore que déjà vient à vous une odeur de fumée, puis un parfum délicieux de résine et d’écorce fraîche. Le bruit grandissant des haches vous guide vers la clairière où quatre, cinq, six garçons bleus dépècent un cadavre de sapin. Scie, haches, et ces couperets à long manche avec quoi l’on écorce les fûts interminables.
Qu’il faut peu de temps et d’outils pour faire de cette belle construction de vivantes ramures, dressées d’un jet vers le ciel peuplé d’oiseaux, un tas de branches et un tas de bois. Déjà le condamné suivant se prépare. Une entaille béante à sa base, scié, deux ou trois coins de fer fichés dans sa blessure, il frémit, penche, hésite et soudain s’abat dans un long sifflement d’air fouaillé. Un nuage de neige naît de son écrasement.
Le livre : Halte en Juin - Gustave Roud - Editions Fata Morgana La photo : retrouvez là ici
Quand nul ne la regarde la mer n’est plus la mer, Elle est ce que nous sommes Lorsque nul ne nous voit ....
Jules Supervielle
" Lui qui avait à sa disposition au moins deux continents, de l’Uruguay à la France, au moins un océan tout entier, l’Atlantique, des oiseaux fabuleux et l’arbre à goyaves, et les étendues superbes de la pampa, on le vit peu à peu jeter par-dessus bord l’exotisme, la couleur locale, la fantaisie volontaire, et se contenter de la moindre chose : être un homme vulnérable qui sent son coeur battre." " Dans le ton de Supervielle il y a cet instinct de l’inusité ou de l’imprévu qui donne à ses poèmes une grâce incomparable"
RetrouvezSupervielle et l'Uruguay Le Livre : La Conversation des poètes - Claude Roy - Editions Gallimard
Dire que l’arbre est, de tous les objets que produit la terre, le plus grand et le plus beau n’est pas lui faire un éloge exagéré.
L’une des beautés du peuplier d’Italie, et qu’il est presque le seul à prodiguer, tient à la ligne ondoyonte que le vent lui fait décrire. La plupart des arbres, dans la même situation, ne sont que partiellement agités, un côté demeurant au repos, tandis que l’autre est pris de mouvement. Mais le peuplier italien ondule d’un seul tenant de la cime au pied, comme une plume d’autruche sur le chapeau d’une dame.
La ramure de chaque espèce recèle beaucoup de variété, comme aussi celle de chaque individu. Elle présente tant de lignes élégantes, tant d’oppositions et de riches entrecroisements de toutes parts, qu’il existe peu d’objets naturels d’une beauté comparable à la ramure d’un arbre. En été son effet est incontestablement supérieur, mais pour ce qui est de la beauté, et de l’agrément, je crois que je le préfère en hiver.
Le livre
Le paysage de la forêt - William Gilpin - Editions Premières Pierres
Quelques extraits de livres, de ceux que je ne prête pas, de ceux qui me sont précieux et que je peux ouvrir à n’importe quelle page et y trouver un grand plaisir de lecture. Des livres riches et magnifiques, poétiques et sensibles. Certains sont épuisés chez l'éditeur mais la persévérance fait des miracles.
Tout cela a commencé, voici quinze ans déjà, par un pique-nique à la pointe orientale de l’île d’Orléans, là où l’accès au fleuve est rendu hasardeux, en juillet par une immense batture chargée de joncs, de foin de mer et de riz sauvage. Le lieu où nous nous trouvions était paisible, préservé.(...) Dans l’après-midi, au cours d’une promenade au bord du fleuve, j’aperçus cachée dans les arbres et à demi enfouie sous les hautes herbes, une petite cabane rouge qui servait de camp de chasse. Je ne savais pas encore que cette maisonnette de bois rond allait devenir un des lieux importants de ma vie. Pierre Morency - L’oeil américain - Boréal
Une batture
Chaque année, après les tempêtes de neige du coeur de l’hiver, survient une nuit de dégel où le tintement de l’eau qui goutte traverse le pays, réveillant sur son passage les créatures assoupies pour la nuit et d’autres qui dormaient depuis le début de l’hiver. La mouffette roulée en boule au fond de sa tanière déplie ses membres et risque une sortie dans cet univers humide, en traînant son ventre dans la neige. La trace de la mouffette marque l’un des premiers événements repérables de ce cycle de fins et de commencements qu’on appelle une année Aldo Leopold - Almanach d’un comté des sables
Dans l’herbe autour du chalet, les abeilles sont très occupées à butiner les pissenlits dorés, et ne prêtent aucune attentions aux houstonies et aux violettes. Les violettes pourpres, bleues et blanches, poussent à telle profusion que l’air est embaumé de leur parfum. La brise apporte l’odeur sucrée des fleurs de pruniers sauvages qui poussent dans les bois sur la colline. Les abeilles aiment les fleurs des pruniers sauvages et moi aussi. Sue Hubbell - Une année à la campagne
Tinker Creek
Il y a dans ce monde sept ou huit catégories de phénomènes qui valent la peine qu’on en parle, et l’une d’entre elles, c’est le temps qu’il fait. Si, d’aventure, l’envie vous prenait de sauter dans votre voiture, de traverser tout le pays, et de franchir les montagnes pour arriver dans notre vallée, et là, de traverser Tinker Creek, de monter la route qui mène à la maison, et si par hasard, vos pas vous faisaient traverser la cour, frapper à la porte et demander à entrer, et que, vous vous mettiez à parler du temps qu’il fait, alors, vous seriez le bienvenu. Annie Dillard - Pèlerinage à Tinker Creek
Au printemps, c’est l’aurore que je préfère. La cîme des monts devient peu à peu distincte et s’éclaire faiblement. Des nuages violacés s’allongent en minces traînées. En été, c’est la nuit. J’admire, naturellement, le clair de lune ; mais j’aime aussi l’obscurité où volent en se croisant les lucioles. Même s’il pleut, la nuit d’été me charme.
En automne, c’est le soir. Le soleil couchant darde ses brillants rayons et s’approche de la crête des montagnes. Alors les corbeaux s’en vont dormir, et en les voyant passer, par trois, par quatre, par deux, on se sent délicieusement triste. Et quand les longues files d’oies sauvages paraissent toutes petites ! C’est encore plus joli. Puis après que le soleil a disparu, le bruit du vent et la musique des insectes ont une mélancolie qui me ravit. En hiver, j’aime le matin, de très bonne heure. Il n’est pas besoin de dire le charme de la neige. Mais je goûte également l’extrême pureté de la gelée blanche ou, tout simplement, un très grand froid ; bien vite on allume le feu, on apporte le charbon de bois incandescent : voilà qui convient à la saison...
Le livre Sei Shônagon Notes de chevet - Gallimard la photo vient d'ici
En Avignon et à Fontaine de Vaucluse Qu’il est tentant de suivre le jeune Pétrarque dans ces ruelles qui n’ont pas changé depuis le 6 avril 1327, jour où, sur le parvis de l’église Sainte Claire, il entrevit Laure, Provençale blonde. « Des cheveux d’or flottaient sur ses épaules, son teint était d’une blancheur éclatante, sa bouche n’offrait que de perles et des roses, sa taille était fine et souple. » Elle portait une robe de soie verte semée de violettes et l’atour, sorte de béguin, encadrait son visage.
Vauvenargues Le doux et sensible Vauvenargues, disent les manuels de littérature. Doux et sensible, certes, mais aussi amoureux et résolu, machiavélique et ambitieux. Ce moraliste qu’on veut nous faire passer pour tiède est d’abord un conquérant. C’est le capitaine Fracasse de notre littérature. Tandis que le mistral chantait dans les pins et que les ruisseaux murmuraient à mes pieds, j’ai ouvert au hasard le petit recueil scolaire où j’ai fini par marquer d’une croix presque toutes les maximes. (...) Il est des écrivains qui me forcent à penser, d’autres qui m’émeuvent. Sa pensée si droite, sa poésie si profonde atteignent l’âme et l’esprit.
Vauvenargues - Le Château
Le livre : Ma route de Provence - Raymond Dumay - Editions La Table Ronde