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  • L'excursion des jeunes filles qui ne sont plus - Anna Seghers

    L’excursion des jeunes filles qui ne sont plus - Anna Seghers - Traduit de l’allemand par Joël Lefebvre - Editions Ombres
    l'excursion.gifCe n’est pas un livre récent que celui là , écrit par Anna Seghers réfugiée au Mexique en 1943 pour fuir le nazisme, elle y raconte une excursion, celle d’une classe de jeunes filles au début de la première guerre mondiale.
    Lorsqu’elle écrit cette longue nouvelle, elle a appris la mort de sa mère dans les camps et la destruction de sa ville natale, Mayence, lors de bombardements. Cette nouvelle dénonce l’antisémitisme, le nazisme, l’intolérance, elle mêle le passé et la période de la guerre de façon subtile.
    Anna Seghers revit pour nous ce voyage dans sa pureté originelle. Il faisait beau "Quelques boutons d’or se mirent à briller dans la vapeur qui s’exhalait du sol à travers l’herbe haute", deux jeunes filles sont sur une balançoire, Leni et Marianne, Lore et Greta plus loin, et aussi Nora et Ida, Sophie et Melle Sichel l’institutrice.
    Toute la troupe s’installe "la terrasse du café, au bord du Rhin était planté de rosiers (...) des tables couvertes de nappes à carreaux rouges et blancs (...) le son de jeunes voix bourdonnant comme un essaim d’abeilles". Une classe de garçons va les rejoindre un moment.
    Ce récit idyllique est bien vite fracassé car Anna Seghers, comme un devin qui lirait l’avenir sur le visages de ces jeunes filles, nous dévoile implacablement leurs destins. Quinze destins tragiques.
    Telle jeune fille au profil délicat épousera un dignitaire du régime fasciste et refusera son aide à Leni dont l’enfant sera enlevé par les nazis. Telle autre se suicidera de désespoir lorsque son mari accrochera le drapeau à croix gammée à leur fenêtre.
    L’incessant va et vient est poignant, et comme les décors d’un théâtre, les deux époques vont s’interchanger au fur à mesure qu’avance le récit.
    Des détails retenus de ce jour là deviennent des marques plus tard de la folie des hommes, ainsi les cheveux noirs ébène de Sophie, que revoit Anna Seghers, deviendront blancs après son voyage en wagon plombé.
    Elle met en avant l’ironie de l’existence qui voulut que Marianne qui refusa son aide à Leni, périsse dans l’incendie de sa maison lors des bombardements mais que l’enfant de Leni survécut.
    Anna Seghers cherche à comprendre comment ces jeunes filles ont pu se haïr ou se trahir,  nous rappelle les actes de courage, les dénonciations, les reniements, les fautes et les sacrifices, et fait " apparaître en filigrane ce qui aurait pu advenir si .... " Elle sait que la destinée de ces jeunes filles est semblable à la destinée de son pays car " l’essaim de jeune filles serrées les unes contre les autres, qui remontait le fleuve dans la lumière oblique de l’après-midi, faisait partie intégrante du pays."

     

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    Mayence

    Ce livre court est salutaire pour ne pas oublier et de garder à l’esprit la question restée sans réponse "Par quel processus, lâcheté, ambition, indifférence, tout un peuple a-t-il pu soutenir ou même simplement tolérer le crime commis en son nom ? " et comment n'importe quel peuple est capable d'en faire autant !
    Dans sa postface Jean Tailleur qualifie le texte de "requiem " C’est le mot juste.

    Le texte a fait l'objet d'adaptation au théâtre et Amanda a eu la chance de participer à sa lecture en public.

    L’auteur
    annaseghers.jpgNetty Radvany Reiling, dite Anna Seghers (Mayence, Rhénanie-Palatinat, 1900 – Berlin, 1983). Née dans une famille de la bourgeoisie juive de Mayence, après des études d’histoire de l’art, elle se tourne vers la littérature, Prix Kleist en 1928 pour La Révolte des pêcheurs de Sante-Barbara, elle adhère au Parti communiste allemand, puis à la Ligue des écrivains révolutionnaires-prolétariens. Placée sous surveillance après l’accession de Hitler au pouvoir, elle émigre en France, où pendant six ans elle participe activement au combat des intellectuels contre le fascisme, tout en poursuivant son œuvre de romancière. En septembre 1940, fuyant Paris occupé, elle part pour les États-Unis puis de là vers le Mexique.  Rentrée à Berlin en 1947, elle devient en présidant l’Union des Écrivains de RDA, l’une des figures dirigeantes, l’une des voix les plus écoutées de la nouvelle culture socialiste.

  • Le Désert et la Grâce - Claude Pujade-Renaud

    9782742769032FS.gifLe Désert et la Grâce - Claude Pujade-Renaud - Editions Actes Sud
    Port Royal, Pascal, la Querelle janséniste - je suis certaine que tous ces noms évoquent quelque chose pour vous, peut-être des souvenirs plus ou moins ennuyeux (tout dépend de votre prof de français de l’époque !!)
    Si vos souvenirs sont très diffus je vous propose d’y revenir par un livre qui n’est ni un cours d’histoire - bien que le roman soit très fidèle à la vérité historique - ni un cours sur les tragédies de Racine bien que celui-ci soit au cœur du récit.
    Le roman embrasse un siècle entier, celui pendant lequel Richelieu, puis Louis XIV et les jésuites, vont lutter contre l’influence de ces hommes et femmes qui choisissent de vivre hors du siècle.

    Un petit rappel : Pour les jansénistes, Dieu accorde sa grâce par avance, à ceux qui la mérite par pure miséricorde. La liberté de l'homme existe encore, mais est très limitée. Ainsi, celui qui est prédestiné au mal, ne peut en aucun cas se retourner vers le bien.
    Le Jansénisme fut diffusé en France par Saint Cyran. Le mouvement gagna la famille Arnaud, les religieuses de Port Royal et une partie de la noblesse.

     

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    C’est un spectacle macabre qui ouvre le roman : l’Abbaye n’existe plus mais le cimetière est toujours là ; les corps et ossements des hommes et femmes inhumés ici sont jetés à la fosse commune sur ordre du Roi. La volonté du pouvoir est d’effacer toutes traces du Jansénisme et des hommes et femmes qui y adhéraient.
    Le couvent a été rasé, les religieuses dispersées et contraintes d’abjurer leur foi sous peine d’être privées de sacrements et de sépultures chrétiennes.

    racine.jpgPascal, Racine, Messieurs les Solitaires, les religieuses « les Arnauld, les Le Maistre, laïcs ou religieux » sont les grandes figures qui traversent le roman.
    En but aux persécutions certains sont emprisonnés, d’autres sont partis en  exil,
    ils peuplent ce roman de leur ombre.

    Mais les  personnages centraux sont deux femme, deux personnages magnifiques de foi, d'orgueil et de dévouement.
    Françoise de Joncoux  dite «  l’invisible » qui porte secours, soigne, assiste et «  consacrait une partie de ses nuits à ce labeur : multiplier les copies afin d’éviter tout risque de perte, en répartir chez des connaissances sûres pour parer à l’éventualité d’une perquisition et d’une saisie, les expédier aux Pays-bas où ils seraient relus, préparés, annotés par les jansénistes exilés puis, une fois imprimés, seraient clandestinement diffusés en France. »

    Marie-Catherine Racine, fille de Jean, elle aurait voulu prendre le voile mais son père la força à quitter Port-Royal parce qu’il « défendait sa liberté d’écrire, sa carrière tout juste montante d’auteur de théâtre »
    Elle essaie de comprendre pourquoi son père après avoir été élevé par les Solitaires, a renié ses amis mais a choisi de se faire inhumer Port-Royal.

    Leurs amis : Claude Dodart médecin bien en cour et dont le père fut médecin de l'abbaye, Charlotte de Roannez, Jacqueline Pascal la soeur du philosophe, Angélique Arnaud enfin figure tutélaire de l'Abbaye

     

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    Angélique Arnauld peinte par Philippe de Champaigne

    Leur ennemie : Madame de Maintenon qui les poursuit de sa hargne « Il fallait absolument anéantir ce monastère et ce parti. Reste à les extirper des mémoires »

    Claude Pujade-Renaud ressuscite pour nous Port-Royal des Champs, haut lieu de résistance au pouvoir royal, elle restitue magistralement ces personnages qui vivent dans une atmosphère de secret, de crainte et de solitude.
    Elle sait faire d’un sujet austère une magnifique fresque tout en finesse et dans une langue qui se veut fidèle à l’esprit du temps.

    Faites une place à ce livre dans votre bibliothèque

    abbaye-port-royal-des-champs-1.jpg

    Le site de Port-Royal

     

    Pour en savoir plus

     

    L’excellent biographie d’Anne Delbée : Racine roman

    Lettres Provinciales de Blaise Pascal

     

  • Le bois de Klara - Jenny Erpenbeck

    Le Bois de Klara - Jenny Erpenbeck - traduit de l’allemand par Brigitte Hébert et Jean-Claude Colbus- Editions Actes Sud
    bois de klara.gifUn bois, un lac, un lieu, une propriété, au fil du temps ce bois, ce terrain, la maison construite dessus vont voir se succéder des propriétaires légitimes ou non. Au début du siècle un bois  est dévolu à la fille d’un riche paysan, mais Klara n’a pas toute sa tête et le bois à sa mort sera morcelé, découpé, revendu en trois parcelles.
    Douze
    personnages vont se succéder au fil du temps sur cette propriété, tous marqués par les péripéties de l’histoire : exil, déportation, invasion.

    Parfois résidence cossue, havre de paix et de bonheur, on ajoute un ponton de baignade sur le lac, un hangar à bateaux, les enfants jouent, se baignent.

    lac4.jpg


    Parfois la maison, le lac,  deviennent cachettes  pour les objets de valeur on "enterre les pichets en étain entre les racines du grand chêne et la porcelaine sous le bosquet de pins" pendant que  les chevaux de l’armée Russe s’approprient le jardin. Le  bois de Klara change même parfois de nationalité.
    Le terrain, la maison sont objet de tractation entre celui qui fuit (famille juive) et celui qui à un moment détient le pouvoir.  l’arrivée du communisme apporte de nouveaux changements.
    Témoin muet  le jardinier, personnage fantomatique et anonyme. " Au printemps, il aide les paysans à greffer leurs arbres fruitiers ; aux environs de la Saint-Jean, il écussonne les sauvageons à œil poussant ou, lors de la deuxième montée de sève, à œil dormant ; pratique la greffe en fente ou en oblique selon l’épaisseur du porte-greffe, confectionne le mélange indispensable de goudron de pin, de cire et de térébenthine, puis panse la plaie avec du papier ou du raphia " Il ne fait pas partie de la maison " Lui ne possède ni terre ni bois, il vit tout seul dans une cabane de chasse abandonnée à la lisière de la forêt "

     

    lac1.jpg

    Lac et forêt près de Berlin


    J’ai aimé l’originalité de ce récit, la trame historique à travers un lieu, l’art de Jenny Erpenbeck pour mêler vie quotidienne et grande histoire.
    La lecture est parfois freinée par des sauts dans le temps que l’on ne comprend pas toujours, la chronologie n’est pas respectée et cela exige un peu d’attention. L’écriture est belle et j’ai aimé les titres donnés aux chapitres qui désigne le personnage par son métier : l’architecte, le soldat, l’écrivain. L’épilogue est d’une froideur technique qui fait frissonner.

    L'auteur
    erpenbeck.jpgJenny Erpenbeck née en 1967 à Berlin-Est est une femme de théâtre, elle a travaillé avec Heiner Müller et a mis en scène des opéras. Son œuvre littéraire comporte trois romans et un recueil de nouvelles. Deux de ses livres ont déjà été publiés en France chez Albin Michel (L'Enfant sans âge, 2002, et Bagatelles, 2004). Ses romans ont tous été traduits dans une dizaine de langues. ( source l’éditeur)

  • Vraie lumière née de vraie nuit - François Cheng

    Vraie lumière née de vraie nuit - François cheng et Kim En Joong - Editions du Cerf
    9782204090742FS.gifDepuis ses premiers poèmes édités chez Encre Marine je suis attentive aux parutions de François Cheng.
    Ce recueil est comme les précédents, magnifique.
    Les poèmes sont accompagnés par 8 lithographies de Kim En Joong
    J’ai retrouvé dans ce volume François Cheng se tenant toujours en tension entre deux mondes et poursuivant sa quête « du vrai et du beau »



    La Chine est toujours présente



    Nous aurons toujours souvenance des rizières sans âge
    Où se mirent, tutélaires, les bleues montagnes :
    Des plants de riz levant leurs mains d’accueil
    Vers les nuées de passage

     

     
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    Une invitation au dialogue, au lien entre les hommes auquel il nous invite à nous soumettre



    A chaque étoile perdue dans la nuit
    A chaque larme séchée dans la nuit
    A chaque nuit d’une vie,
    A chaque minute
    D’une unique nuit,
    Où se réunit
    Tout ce qui se relie
    A la vie privée d’oubli,
    A la mort abolie.

     

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    Lithographie Kim En Joong

     



    Un très beau poème offert à Jacqueline de Romilly qui commence ainsi :



    Parfois la vie daigne te faire un signe,
    Un bruit, une senteur,
    Une voix, un éclair

     

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    Lithographie Kim En Joong

  • L'Assassin Royal - Robin Hobb

    L’Assassin Royal - L’apprenti assassin / L’assassin du roi / La nef du crépuscule - Robin Hobb - Editions Baam ou J’ai Lu
    l'assassin royal.gifTrois livres d’un coup, vous allez dire : c’est trop !  Oh non pas du tout car je défie quiconque lit le premier de s’arrêter là, vous voudrez lire le 2 et le 3 et ...Un roman qui devrait porter la mention : Attention série addictive peut provoquer une dépendance.
    C’est ma première incursion dans la Fantasy, jusque là le domaine ne m’attirait pas du tout, autour de moi des âmes charitables m’ont persuadées " tu verras c’est excellent, tu devrais essayer " oui d’accord mais c’est plus de mon âge ! moi le surnaturel, les héros invincibles, c’est pas ma tasse de thé... Pour leur faire plaisir j’ai ouvert le premier , j’ai été déconcertée par les premières pages puis............j’ai lu les 3 tomes dans la semaine.
    Autant vous avertir  le cycle entier comporte 13 tomes (quand on aime..)

    Un tableau d’ensemble pour commencer, vous voilà dans le domaine des Six-Duchés, un royaume médiéval, ruelles, échoppes, château ...La ville principale Castelcerf est la résidence du roi. Plus loin le Royaume des Montagnes.
    Les hivers sont rudes, les côtes balayées par les vents sont peu sûres car sans cesse menacées par les redoutables Pirates-Rouges.
    Vous me suivez ?  les personnages maintenant :
    A tout seigneur tout honneur : le Roi, Subtil, joli nom pour un roi, il est le chef des Loinvoyant, joli nom aussi pour la famille royale.
    Ses fils : Chevalerie, Royal et Vérité, celui là est l’héritier, le dauphin: le Roi-Servant et il est de son devoir de prendre femme.
    l'assassin royal2.gifTout ce monde vit avec moults serviteurs certains fidèles et loyaux d’autres ..moins.
    Burrich maître des écuries, la tendresse n’est pas son fort sauf avec les chevaux et les chiens :  vous verrez vous l’aimerez
    Umbre, le danger dans l’ombre, il a plus d’un tour dans son sac et parfois certains sont mortels
    Enfin notre héros, Fitz Chevalerie, enfant puis jeune homme dans ces trois premiers tomes, serait-il fils de prince ? oui fils de Chevalerie mais...bâtard !!
    Et on a beau être de lignée royale, bâtard on est, bâtard on reste ! Il va faire un rude apprentissage, comptez sur Umbre et Burrich pour l’éduquer correctement et lui enseigner, qui l’art de la bataille, qui l’art des poisons.

    Voilà vous en savez assez pour partir à l’aventure, pendant trois tomes vous suivrez Fitz qui devra apprendre à vivre à la cour, déjouer tous les pièges, les intrigues, les trahisons. Il lui faudra combattre, lutter, devenir " Assassin Royal " au service de son roi ce qui exige loyauté et parfois sacrifice.
    Ah j’oubliais Fitz est détenteur de deux pouvoirs extraordinaires, l'Art et le Vif, l’un permet d’entrer en communication à distance, l’Art est reconnu et pratiqué par les rois et les princes,  l’autre est plus sulfureux puisqu’il vous fait fusionner avec un animal, établir avec lui des liens considérés comme honteux.
    Amour interdit, attaque de pirates, mariage de prince, blessures, combats, secrets, poisons ..... Fitz a fort à faire pour sortir indemne de ces trois tomes !

    l'assassinroyal3.gifLaissez vous séduire par Robin Hobb, elle est très habile et après quelques pages vous êtes chez vous dans le royaume de Subtil, les personnages sont attachants et les rôles secondaires ne sont pas oubliés, mais Fitz Chevalerie deviendra bien vite votre héros.
    L’auteur rend le récit fluide, les rebondissements sont nombreux et variés mais elle permet des temps de repos ( heureusement car sinon on frôlerait l’épuisement) sans jamais faire baisser le suspens et le bonheur de la lecture.
    Auteure prolixe (13 tomes et plus ) Quelle femme ! Plongez vous dans ce best-seller de la fantasy

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    "L'Assassin Royal" en BD  (Gaudin/Sieurac Editions Soleil)

  • Du sang, de la sueur et des larmes

    Winston Churchill - François Kersaudy - Editions Tallandier
    churchill.gifJ’aime l’histoire, la petite et la grande, j’aime les biographies, et j’admire certains personnages, Winston Churchill en fait partie, j’ai entamé ce pavé avec l’idée de le lire à mon rythme, en fait je l’ai lu au rythme de Churchill c’est à dire au pas de charge.
    Voilà un livre à la mesure du personnage, long comme le fut sa vie, plein d’humour, et Churchill n’en manquait pas, passionnant toujours car Winnie (surnom affectueux donné par les anglais) aimait la vie et elle le lui rendait bien.

    Une mère qui collectionne les amants, un père qui méprise son fils et qui passe à deux doigts du "10 Downing street" mais meurt très tôt de syphilis,  des études difficiles " sa scolarité sera un long combat " un père qui voit son fils comme un " crétin " et des professeurs comme un " cancre brillant " : Voilà le portrait de Winston Churchill jeune.
    Lecteur vorace il lit jusqu’à plus soif, doté d’une mémoire prodigieuse (il peut réciter sans erreur 1300 vers de Macaulay) et d’une imagination fertile, cette mémoire et les lectures engrangées lui seront précieuses lorsqu’il sera l’heure d’écrire des discours pour convaincre ses pairs ou ses électeurs.
    Il fait le choix d’une carrière militaire et entre à Sandhurst, il y sera un cavalier émérite et un escrimeur redouté. Il sera sur toutes les scènes de guerre de l’époque : Cuba, l’Inde, le Soudan, l’Afrique du Sud.
    La solde est maigre pour un jeune officier lorsqu’un journal lui propose d’écrire des articles il le fera avec talent et parfois au grand dam de sa hiérarchie. Il acquiert une certaine notoriété et carrément la gloire lors de son évasion rocambolesque en pleine guerre des Boers. Sa plume lui permettra de vivre au dessus de ses moyens pendant toute sa vie, de perdre son argent sur tapis verts d’Europe, et de s’approvisionner en alcool et en cigares.

    winston-1896.jpgJeune homme pressé, car il craint de mourir jeune, il est atteint comme son père du démon de la politique, élu député à 26 ans il entre au gouvernement à 32. Il sera redouté par ses adversaires, il n’hésite pas à changer de parti quand cela lui apparait nécessaire " Certains changent d’idées pour l’amour de leur parti, moi je change de parti pour l’amour de mes idées "
    Il sera 11 fois ministre, du commerce aux colonies, en passant par les finances et la marine où il est éblouissant.
    Lors de la 1ère guerre mondiale il est Premier Lord de l’Amirauté, lorsqu’il est remercié il s’engage et fait preuve dans les tranchées d’un courage physique extraordinaire. C’est un meneur d’homme qui dit à ses officiers " Riez un peu, et apprenez à rire à vos hommes-la guerre est un jeu qu’il faut jouer avec le sourire. Si vous êtes incapables de sourire, grimacez ; si vous êtes incapables de grimacer, tenez-vous à l’écart jusqu’à ce que vous en soyez capables." Les soldats apprécient ce chef courageux et infatigable qui sait les galvaniser.

    Dans l’entre-deux guerre sa carrière connaîtra des hauts et des bas, très tôt méfiant envers le nazisme et Hitler il sera des années durant le seul à tirer la sonnette d’alarme sans être jamais écouté.
    La montée de la puissance militaire de l’Allemagne lui semble très dangereuse mais ses efforts pour réarmer l’Angleterre seront vains et sa lucidité ne sera reconnue que trop tardivement.
    La déclaration de guerre impose de le rappeler au gouvernement car comme le dit avec humour François Kersaudy " Lorsqu’on saute à pieds joints dans l’inconnu, mieux vaut le faire avec un homme qui connaît le maniement du parachute."

    Apparaît alors le grand Churchill, l’homme de guerre pugnace, à l’énergie sans faille, à la puissance de travail proprement incroyable.  Il a 65 ans et il va commander des hommes qui sont les fils de ses compagnons d’armes de la guerre de 14.
    « Winston is back » tel est le signal envoyé par l’Amirauté à tous les navires et à toutes les bases navales britanniques au soir du 3 septembre 1939
    C’est un pacifiste qui aime la guerre et la fait pour la gagner et jamais ne s’avoue battu. Cet homme qui n’est pas un grand orateur mais qui sait écrire des discours inoubliables, n’est jamais aussi bon et talentueux que le dos au mur.
    Dans les heures les plus sombres de la guerre, ses discours seront des phares et un soutien très fort à la population britannique qui vit sous les bombes.
    " Je n’ai rien à offrir que du sang, de la peine, de la sueur et des larmes ! " Ces paroles sont restées dans la mémoire de tous ainsi que la fin de son discours du 13 mai 1940 " Vous me demandez ce qu’est notre but ? Je vous répondrai d’un mot : la victoire ! La victoire à tout prix, la victoire en dépit de toutes les terreurs. La victoire, si long et difficile que puisse être le chemin "

    Il a une confiance inébranlable " Hitler ne peut pas gagner. Attendons son effondrement. "

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    Rien ne l’abat, il échappe à 5 accidents d’avion, au torpillage de son bateau, au bombardement de Londres.
    Il avait inventé les tanks, la « folie de Winston » pour ses collègues du gouvernement, il y aura le radar, les ports artificiels, les péniches de débarquement. Il a une idée à la minute ou comme le dira Roosevelt " il a deux cent idées par jour dont quatre seulement sont bonnes mais il ne sait jamais lesquelles "
    Il fait preuve d’intuitions fulgurantes, dès le début de la guerre il est certain qu’elle ne sera gagnée que si les américains y participent et il n’aura de cesse de convaincre Roosevelt d’aider l’Europe et de s’engager à ses côtés.
    Parfois sa confiance sera dupée et il lui faudra un certain temps pour prendre la mesure de la duplicité de Staline. C’est un francophile et il pressent très vite la stature de De Gaulle " L’Homme du destin "
    Après la victoire, après quatre années de guerre " Staline et Roosevelt rendent un vibrant hommage à l’âge et au courage, le reconnaissent volontiers comme l’inspirateur suprême de la croisade contre le nazisme " pourtant Winston Churchill regrette les frontières nouvelles, le morcellement de l’Allemagne, l’extension de l’influence soviétique " L’ensemble des Balkans à l’exception de la Grèce, va être bolchevisé, et je ne peux rien faire pour l’empêcher " dans un discours à la BBC il exprime son  inquiétude " A quoi bon punir les hitlériens pour leurs crimes si le règne de la loi et de la justice ne s’établissait pas , si des gouvernements totalitaires ou policiers devaient prendre la place des envahisseurs allemands ? "

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    Il a gagné la guerre mais perdu les élections, le vieux lion est à terre mais c’est mal le connaître si l’on imagine qu’il est anéanti, en mars 1946 il prononce un discours prémonitoire "Une ombre s’est répandue sur la scène si récemment illuminée par les victoires alliées (...) de Stettin sur la Baltique à Trieste sur l’Adriatique un rideau de fer est descendu sur le continent. "
    Mais alors qu’on le croit fini il sera encore une fois premier ministre !!
    "Je veux mourir en Angleterre" son voeu sera exaucé le 24 janvier 1965 soixante dix ans après (jour pour jour) son père.
    A ses obsèques célébrées dans la cathédrale Saint Paul sont présents " Six souverains, quinze chefs d’Etat, trente Premiers Ministres venus des quatre coins du monde "

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    Que dire devant un tel destin, la biographie de F Kersaudy est magistrale, en dehors de quelques pages un peu trop longues à mon goût de stratégie militaire, c’est un régal. Le style de F Kersaudy sert parfaitement son sujet et l’on a une seule envie en fermant ce livre, lire les Mémoires de Winston Churchill car ce diable d’homme, non content d’être la personnalité la plus marquante de son siècle était un excellent écrivain et a  obtenu un Prix Nobel de Littérature !

    Ce livre va rejoindre dans ma bibliothèque celui avec lequel j’ai découvert, adolescente, l’histoire de la seconde guerre mondiale, Le IIIème Reich de William Shirer.

    L’auteur

    François Kersaudy, qui a enseigné l’histoire à l’université d’Oxford, il est professeur à l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne. Il est spécialiste d’histoire diplomatique et militaire contemporaine. Il a reçu le Grand prix de la Société des Gens de Lettres et le Grand Prix du Livre politique. Il est l’auteur de multiples ouvrages sur l’Angleterre contemporaine, il a assuré la publication chez Tallandier des Mémoires de Guerre de Churchill.