Le Bois de Klara - Jenny Erpenbeck - traduit de l’allemand par Brigitte Hébert et Jean-Claude Colbus- Editions Actes Sud
Un bois, un lac, un lieu, une propriété, au fil du temps ce bois, ce terrain, la maison construite dessus vont voir se succéder des propriétaires légitimes ou non. Au début du siècle un bois est dévolu à la fille d’un riche paysan, mais Klara n’a pas toute sa tête et le bois à sa mort sera morcelé, découpé, revendu en trois parcelles.
Douze personnages vont se succéder au fil du temps sur cette propriété, tous marqués par les péripéties de l’histoire : exil, déportation, invasion.
Parfois résidence cossue, havre de paix et de bonheur, on ajoute un ponton de baignade sur le lac, un hangar à bateaux, les enfants jouent, se baignent.
Parfois la maison, le lac, deviennent cachettes pour les objets de valeur on "enterre les pichets en étain entre les racines du grand chêne et la porcelaine sous le bosquet de pins" pendant que les chevaux de l’armée Russe s’approprient le jardin. Le bois de Klara change même parfois de nationalité.
Le terrain, la maison sont objet de tractation entre celui qui fuit (famille juive) et celui qui à un moment détient le pouvoir. l’arrivée du communisme apporte de nouveaux changements.
Témoin muet le jardinier, personnage fantomatique et anonyme. " Au printemps, il aide les paysans à greffer leurs arbres fruitiers ; aux environs de la Saint-Jean, il écussonne les sauvageons à œil poussant ou, lors de la deuxième montée de sève, à œil dormant ; pratique la greffe en fente ou en oblique selon l’épaisseur du porte-greffe, confectionne le mélange indispensable de goudron de pin, de cire et de térébenthine, puis panse la plaie avec du papier ou du raphia " Il ne fait pas partie de la maison " Lui ne possède ni terre ni bois, il vit tout seul dans une cabane de chasse abandonnée à la lisière de la forêt "
J’ai aimé l’originalité de ce récit, la trame historique à travers un lieu, l’art de Jenny Erpenbeck pour mêler vie quotidienne et grande histoire.
La lecture est parfois freinée par des sauts dans le temps que l’on ne comprend pas toujours, la chronologie n’est pas respectée et cela exige un peu d’attention. L’écriture est belle et j’ai aimé les titres donnés aux chapitres qui désigne le personnage par son métier : l’architecte, le soldat, l’écrivain. L’épilogue est d’une froideur technique qui fait frissonner.
L'auteur
Jenny Erpenbeck née en 1967 à Berlin-Est est une femme de théâtre, elle a travaillé avec Heiner Müller et a mis en scène des opéras. Son œuvre littéraire comporte trois romans et un recueil de nouvelles. Deux de ses livres ont déjà été publiés en France chez Albin Michel (L'Enfant sans âge, 2002, et Bagatelles, 2004). Ses romans ont tous été traduits dans une dizaine de langues. ( source l’éditeur)
Commentaires
Je l'avais repéré à la librairie. Il a l'air vraiment très bien et je suis pratiquement sure que cela va me plaire ! Merci pour ce conseil de lecture.
Chouette, de la littérature allemande contemporaine!
Je pense souvent à la maison de ma grand-mère dans les Ardennes belges; maison qui avait vu passer tant d'époques et 2 guerres, abrité des américains, recueilli tant d'autres. Le rôle des paysans à l'entour. Histoire et histoires. Merci Dominique!
@ Cécile : c'est particulier comme récit, en fait l'originalité réside dans le fait qu'au lieu de s'attacher à des personnes l'auteur se centre sur un lieu et "le fait parler"
@ Colo : oui c'est ça, faire parler un lieu, les pierres et les arbres qui ont vu passer tous les évènements du siècle
Je crois que nous aimerions tous "faire parler les lieux" importants de nos vies !
:-)
@ fifi : c'est certain, c'est le premier récit de ce genre que je lis très original !
Enfin ! J'attendais impatiemment qu'une blogueuse parle de ce roman que j'avais vu en librairie. Je veux l'acheter pour le lire, mais je voulais au moins un avis pour me convaincre que ce choix était le bon ... Tu viens d'être la tentatrice par qui le bonheur arrive, Dominique ! "Le bois de Klara" fera bientôt partie de mon immense PAL ...
@ Nanne : ce n'est pas totalement un roman même si l'auteur imagine certains personnages, la succession de propriétaires est basée sur une réalité et sur des recherches
Ce livre a l'air très interessant. Nos lieux ont une histoire, tout comme nos lectures !
La démarche me paraît intéressante; je vais noter cela quelque part dans ma mémoire. Surtout que j'ai passé six mois à Berlin; cela devrait donc me rappeler quelques souvenirs. Merci pour le tuyau!