Rattrapage aux couleurs de la Toscane
Si je vous dis Chambre avec vue ou bien La Route des Indes ou encore Retour à Howards End, vous me direz E.M Forster mais si je vous dis Monteriano là je vous sens hésiter. Pas étonnant le livre n’était plus disponible depuis longtemps.
C’est donc bien à un rattrapage que je vous convie et un rattrapage que vous ne regretterez pas.
Au gré des trains, des télégrammes, des lettres, nous allons faire quelques allers retours entre la verte Angleterre et la Toscane toute brûlée de soleil.
Des bagages et encore des bagages
Le départ
Lilia Herriton est une charmante veuve un peu inconséquente un peu tête folle, un rien vulgaire, sa belle famille ne la tient pas du tout en haute estime. Aussi quelle joie quand elle saute sur la proposition de Philippe, son beau-frère, de partir en voyage avec comme il se doit un chaperon en la personne de Miss Abott.
Il lui vante les merveilles qu’elle va admirer « Le campanile d’Airolo qui bondirait vers elle au débouché du Saint-Gothard », il est fier de lui le beau-frère car « Le plus étrange, c’est qu’elle a saisi mon idée au vol » dit-il. La famille chante victoire.
Lilia est sous la garde attentive de Caroline Abott, jeune femme réservée et raisonnable, aussi Philippe peut faire des recommandations à Lilia
« Et surtout, je vous en supplie, laissez aux touristes cet affreux préjugé que l'Italie est un musée d'antiquités et d'œuvres d'art. Aimez les Italiens, comprenez-les : car les gens, là-bas, sont plus merveilleux que leur terre. » et il lui vante en particulier Monteriano dont il garde un souvenir enchanteur.
San Geminiano ou Monteriano c'est tout un
L’Italie
Lilia a pris les paroles de Philippe au mot, et bientôt par un télégramme, Caroline Abott annonce le prochain mariage de Lilia avec Gino un bel et jeune (trop jeune) italien, mais un italien totalement désargenté.
Scandale, cris d’horreur de Mme Herriton qui va immédiatement envoyer Philippe Herriton en ambassade pour ramener Lilia à la raison et lui faire retrouver le droit chemin.
Trop tard quand Philippe arrive le pire est arrivé, Lilia est mariée.
J’arrête là car je vous laisse découvrir la suite du récit qui va aller de rebondissement en rebondissement et prendre des allures de tragédie grecque.
D’ailleurs à ce propos attention, certains critiques révèlent tout de façon totalement méprisante pour le lecteur qui est privé ainsi de la joie de la découverte et la préface elle-même en dit trop.
Je vais donc choisir mes mots pour vous donner l’envie de découvrir ce roman. Tout d’abord c’est une écriture totalement au service des idées de E.M Forster, il rend parfaitement le côté guindé, prisonnier des convenances de Philippe Herriton par exemple. Il sait à la perfection lui opposer la couleur, la chaleur et la beauté de la Toscane ( derrière Monteriano vous reconnaitrez San Geminiano).
N'oubliez pas votre Baedeker
Il défend avec conviction l’idée que hommes et femmes ont le droit et le devoir d’échapper au poids de la société, aux préjugés mesquins et ridicules.
Par petites touches il brosse un tableau très fin et parfois très noir, de deux cultures qui ici s’opposent, un peu comme Henry James le fait dans son roman Les Ambassadeurs. La froide Angleterre face à la somptueuse Toscane !
Amoureux de l’Italie ce roman est pour vous, faites lui une place dans votre bibliothèque
Le Livre : Monteriano - E.M. Forster - Traduit par Charles Mauron - Editions le Bruit du Temps