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Essai - Page 3

  • Dans les pas de Marcel Proust - William Friedkin

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    Parfois l’amour des livres peut surprendre.
    Je me souviens de mon étonnement en apprenant qu’Orson Wells était un fan de…Montaigne !

    Et bien je viens d’avoir une surprise du même genre.Connaissez-vous le réalisateur de l’Exorciste, film célèbre s’il en fut, il a aussi commis French Connection ?

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    Son nom est William Friedkin, aujourd’hui je vais vous le présenter, non comme un réalisateur, mais comme celui qui a mis ses pas dans les pas de Proust.

    Son petit livre est préfacé par quelqu’un que j’aime beaucoup : Jérôme Prieur.
    Il est traduit par Nicolas Ragonneau grand spécialiste de Proust.
    Un court moment j’ai cru à un canular du genre Gary et Ajar, mais non pas du tout, William Friedkin a bien écrit ce texte qui fut publié par le New York Times le 20 mai 2017.

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    Sherazade des temps modernes

    Pour Friedkin, La Recherche est un livre essentiel. Il l’a découvert grâce à sa femme …Jeanne Moreau

    Comment tout ça est arrivé ?
    « Jeanne a commencé à me lire le texte et à me le traduire instantanément.
    Je l’ai trouvé extrêmement beau et profond, et… je continue à lire Proust chaque jour. » avouez que c’est mieux que des boutons de manchette comme cadeau de noce !

    Friedkin est tombé sous le charme de Proust et va lire tout ce qu’il peut trouver sur l’écrivain, il lit la biographie de Jean-Yves Tadié et dans son entretien avec Nicolas Ragonneau, (Pour retrouver l’interview complet c’est ici), il demande à celui-ci de remercier Tadié « Dites-lui s’il vous plaît combien j’admire son livre. Pour moi, qui ai lu tout ce que je pouvais trouver, c’est le livre le plus définitif sur Proust, celui que je crois le plus. Et dites-lui que ce fut une grande expérience de lecture »

    Et surtout il va partir sur les traces de l’écrivain.
    « Dès que vous avez lu Proust, cela devient une partie de votre vie. »

    Il va arpenter le Ritz, chercher à visiter le lycée Condorcet, et bien entendu il va jusqu’à Illiers-Combray, là où dit-il « on se rapproche le plus du monde de Proust ».

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    Il est devenu Proustomaniac
    « Et maintenant, comme j’ai traversé tous les tomes, je lis différents passages. Parfois je lis un passage hors de son contexte, c’est comme écouter de la musique quand vous voulez écouter un de vos passages favoris. Ainsi je le lis tous les jours et c’est vraiment étrange parce que… je n’avais évidemment rien en commun avec Marcel Proust, absolument rien. Nous avons grandi à des époques différentes, nous avons des expériences et une éducation très différentes, mais j’ai trouvé une certaine… non pas similitude, mais une parenté et une humanité dans l’œuvre de Proust qui me saisissent dès la première phrase. »

    Ce petit livre est un bijou pour tout amateur de Proust et il va prendre place dans ma bibliothèque à la lettre P évidemment

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    Le livre : Dans les pas de Marcel Proust – William Friedkin – Traduction Nicolas Ragonneau – Éditions La Pionnière 2019

  • Des voyages extraordinaires

     

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    J’ai relu cet été un peu de Jules Verne et un essai de Julien Gracq sur l’auteur.

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    Cela m’a donné envie de modifier ma chronique écrite il y a 4 ans sur un livre de Jean-Yves Tadié que j’avais beaucoup aimé.

    Un auteur que Jean-Yves Tadié a lu « en entier entre dix et treize ans » Julien Gracq, lui, a lu Jules Verne enfant mais en bibliothèque et il attend l’âge adulte et la parution en poche de l’œuvre pour tout racheter et tout relire.

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    Un auteur qui aimait et admirait Edgar Poe ou Hoffman mais aussi Chateaubriand et Stendhal. 
    Les romans de Jules Verne sont épiques, humoristiques, techniques mais par-dessus tout c’est « une merveilleuse invitation à regarder le monde ».
    Un titre ou deux ou trois ... Cinq semaines en ballon, Voyage au centre de la terre, le Château des Carpates ou Vingt mille lieues sous les mers.

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    Jules Verne a dit « Je crois vraiment que c’est ma passion des cartes et des grands explorateurs du monde entier qui m’a amené à rédiger le premier d’une longue série de romans géographiques. » Il trouvait ses sources chez Elisée Reclus, les noms de ses personnages en imitant Dickens.

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    En plusieurs courts chapitres J-Y Tadié inventorie les romans avec des thèmes comme le train, la mer, les navires, le volcan d’or ou la ville flottante.
    Il nous montre un Jules Verne toujours tourné vers l’avenir, ses personnages ne ruminent jamais, ils regardent droit devant eux.
    Saviez-vous qu’il imagina une ville flottante, du genre de celles que les urbanistes prévoient aujourd’hui pour faire face à la montée des océans ! Sacré bonhomme ! 
    Les voyages et les découvertes furent ses sujets de prédilection ainsi que l’affrontement de l’homme à la nature : le pôle, les volcans, la lune, les fonds sous-marins...

    Julien Gracq lui nous livre ses souvenirs de lecture
    « Je voudrais vous dire pourquoi ces retrouvailles m’ont tellement frappé. La lecture de Jules Verne avait donné naissance pour moi à deux objets véritablement fétiches qui m’ont fasciné très longtemps. Il y a le boomerang (titre d’un roman) et puis l’autre c’est dans Mathias Sandorf et la grille qui permet de crypter un message. »

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    Le petit livre de Tadié est tout à fait passionnant pour qui a lu dans son enfance ou plus tard les romans de Jules Verne. Loin de la biographie il nous dit surtout son émerveillement, sa passion pour ces aventures, sa peur parfois et voilà ce qu’il confie :
    « Je suis atteint d’une étrange maladie, qui remonte à une enfance où je crains d’avoir fait une considérable provision de tristesse : je coïncide avec l’histoire que je lis au point de m’y transporter, d’éprouver les sentiments des personnages, d’être gai ou triste avec eux. C’est pourquoi je souhaite que leur histoire finisse bien. Comme les producteurs américains d’autrefois, j’exige un happy end. Quand on vieillit, ce n’est pas raisonnable. »

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    Julien Gracq lui évoque l'émerveillement de sa découverte, enfant, des Voyages extraordinaires, analyse les vertus littéraires et montre l'aspect géographique de l'œuvre.
    Gracq atteste bien de sa fidélité à l’émotion ressentie la « première fois » 

    L’essai sur Jules Verne aujourd’hui contient aussi les textes de Michel Serres et Régis Debray mais j’avoue que je n’ai pas trouvé plaisir ou intérêt à les lire hélas.

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    Les livres :
    Regarde de tous tes yeux, regarde ! - Jean-Yves Tadié - Éditions Gallimard l’un et l’autre
    Jules Verne aujourd’hui – Julien Gracq - Michel Serres -Régis Debray
    Éditions Le Pommier

     

  • Cézanne Des toits rouges sur la mer bleue - Marie-Hèlene Lafon

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    Bibémus : j’ai dit dans ma chronique précédente que cela m’évoquait Giono et la Provence.
    Marie Hélène Lafon nous invite dans la Provence de Cézanne, de Zola et de Giono.

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    Elle a manifestement un attachement particulier pour le peintre et cet attachement a accouché d’un petit livre, il n’est ni une bio, ni un essai sur la peinture, c’est plutôt le livre d’une amitié, une rencontre entre peinture et littérature.


    Le titre ? ce sont les mots de Cézanne « Des toits rouges sur la mer bleue ».

    L’auteure a quelques craintes, elle décide d’ouvrir un « chantier » rassembler la documentation, les lettres, les écrits.
    Elle va affronter un monument de la peinture, un véritable colosse.

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    Elle se sent écrasée par ses prédécesseurs, ceux qui ont écrit sur Cézanne et non des moindre : Ramuz, Rilke, Juliet, Handke bien entendu « C’est écrasant et j’ai une longue expérience de cette sensation d’écrasement culturel, qui ne m’empêche toutefois pas de faire ce que je crois avoir à faire »

    Délaissant son Cantal natal, MH Lafon va trainer ses guêtres à Auvers-sur-Oise, à Aix-en-Provence, à Marseille.

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    La maison du pendu à Auvers-sur-oise – Paul Cézanne

    Comment parler de cet homme qui a consacré son existence à la peinture, cet homme qui disait la nécessité d’« Aller au paysage » ce qui est une formule magnifique, l’auteure dit que c’est un peu comme « aller au combat ».
    Un combat toujours perdu, et une œuvre toujours recommencée.

     

    Sous la plume de MH Lafon, Cézanne reste le bonhomme bourru, un rien violent, parfois carrément hargneux.
    Elle aime le chercher à travers les lieux, les paysages :
    Le Jas de Bouffan ou l’atelier des Lauves dans lequel une fente fut pratiquée pour permettre de faire passer la toile des Baigneuses.
    Marseille ou Auvers-sur-Oise où il peignit sans trêve.

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    J’ai le souvenir d’une expo magnifique au Grand Palais à Paris en 2011
    J’étais restée plantée devant certaines toiles, bien entendu les plus petites ce qui dans une foule est un combat toujours perdu.


    J’aurais voulu avoir les mots de MH Lafon qui fait parler les tableaux

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    « Je suis plantée devant le Sous-bois, au Louvre, salle Mollien, et je suis dans le bois, sous les arbres, traversée de lumière pâle. L'air est tiède, c'est un matin d'été caressant et parfait. Le vent bleu court dans les branches basses, le remuement des feuilles est tissé de pépiements d'oiseaux furtifs. Tout fait présence, le silence est habité, on arrête de marcher pour que cesse le vacarme des pas et du sang sous la peau. On sort de soi pour faire corps avec la merveille. »

    Pour parler de l’homme, elle choisit de faire parler ses proches, Blanche sa mère en premier lieu, Paul est son préféré, elle s’inquiète de l’avenir pour cet enfant qui choisit un chemin rude et incertain « songe à l’avenir, on meurt avec du génie et l’on mange avec de l’argent » mais toujours encourageante et soutien de son fils.

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    Elle fait aussi parler le père, Louis-Auguste  si souvent blâmé mais pour qui me semble elle n’est pas aussi sévère que beaucoup car après tout il a plus ou moins toujours fournit des subsides à son fils et était profondément désemparé devant le refus de ce fils de choisir une vie toute tracée. Il finit malgré tout par accepter le choix de Paul et même son mariage avec Hortense l’éternelle invisible.

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    Vous rencontrerez le Docteur Gachet si important pour les impressionnistes, Pissarro son ami.
    Elle nous livre même le jardinier, assis sous le tilleul des Lauves, à côté d’un Cézanne vieillissant.

    Elle sait parler de lui, de ses toiles, de sa peinture, parfois même avec une sorte d’urgence qui donne un rythme haletant au récit qui m’a parfois décontenancé.
    J’ai aimé que son imagination l’emporte vers Giono et ses personnages.

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    Lisez cet exercice d’admiration, fruit de trente années de compagnonnage et qui tente de nous communiquer les rêves du peintre, sa vie intime, ses obsessions, sa passion pour sa Montagne « sainte et carabinée, en majesté et en puissance ».
    Pour conclure ainsi : « On ne saisit pas Cézanne, on ne l'épuise pas, il résiste, on l'effleure, il glisse, il disparaît dans le sous-bois. On l'espère. On l'attend. »

    Vous avez visité ses maisons il est tant de connaître le bonhomme.

    Le Livre : Cézanne. Des toits rouges sur la mer bleue – Marie-Hélène Lafon – Éditions Flammarion



     

     

  • Éloge des voleurs de feu - Dominique de Villepin

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    Dans ma bibliothèque le rayon dévolu à la poésie est un peu à part. S’y côtoient des livres minces et des pavés.
    Bien entendu j’ai quelques anthologies même si elles n’ont pas ma préférence car il y a un côté artificiel qui ne me séduit pas vraiment. Mais c’est une façon de relire des poèmes classiques de ceux appris dans l’enfance et jamais oubliés.

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    Et puis il y a quelques pavés de choix et parmi eux il y a celui-là, cet Éloge des voleurs de feu, un livre qui depuis son achat a tellement été feuilleté que déjà il présente quelques signes d’usure.
    Un gros livre pour un sujet qui a toute sa place sur ce blog.


    Un beau titre pour un livre magnifique par son ampleur, par son ambition.
    Oubliez le ministre, l’homme politique, ici il n’est question que d’une passion pour la poésie.
    C’est le recueil d’une vie où se mêlent les poèmes de l’enfance, de l’école, de ceux partagés avec un ami, ceux découverts tout au long de la vie.

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    C’est une foule de poètes qui vient à nous, toutes les traditions et tous les continents sont présents.
    Tous les poètes sont ici célébrés, honorés, glorifiés.
    Dominique de Villepin se fait le passeur de leur colère, de leur chagrin parfois, de leurs mots, du feu  qui les anime.

    Une petite liste ?
    Ronsard, Du Bellay et Villon, Scève ou Charles d’Orléans  : du classique
    Nerval, Mallarmé et Verlaine, Rimbaud et Baudelaire, Lamartine et Hugo: du classique toujours.
    Pour ces poètes il s’agit d’un compagnonnage  de longue durée, une communauté fraternelle. Celle que je partage avec l’auteur de ce livre.

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    Apollinaire et Cendrars, Saint John Perse, Jouve,
    Michaux, Char, Jaccottet ou Bonnefoy, les poètes du siècle qui s’est ouvert « dans le vacarme effrayant du désastre qui alourdit la parole ».
    Mais les poètes veillent et pourront nous offrir de nouveaux enchantements.

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    Whitman


    Et puis il y a les autres, ceux que j’ai déjà rencontrés et aimés au fil du temps : Dickinson ou Whitman, Rilke bien entendu, TS Eliot ou Robert Frost, Yeats, Paul Celan, Séféris et Cavafy,
    Mandelstam et Akhmatova.

     

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    Herbier de E Dickinson

    Dominique de Villepin déroule son panthéon, la longue cohorte de ses poètes préférés.

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    Sa mère les lui a fait connaître à travers ses « recettes de vie » qu’il a engrangé et ses « poches n'ont cessé d'enfler de poèmes, de papiers ou d'objets, de mots mêlés aux choses de la vie ».

    Pour chacun il y a quelques mots de l’auteur pour nous faire entrer dans un monde nouveau, nous tenter, nous charmer ou nous intriguer.

    Le plus souvent vous n’aurez droit qu’à quelques vers, parfois un poème entier mais c’est un maillage magnifique qui serti tout le livre.

    Lorsque le poète est devenu un ami vous saurez tout ce qu’il éveille chez D de Villepin, tout ce qui l’enchante, le fait rêver, le déboussole parfois.

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    C’est un long compagnonnage qu’il donne à lire, le lecteur n’a pas de repos en suivant ses découvertes accumulées, ces sauts dans le temps.  
    Dominique de Villepin a une préférence pour les chemins tortueux, pour les poètes rebelles, les révoltés, les insurgés ceux qui vagabondent à coup de mots, ceux qui nous font découvrir de nouvelles terres poétiques.


    Il nous propose les poètes du monde pour que nous les rencontrions à travers leur destin, leur bataille parfois, et que nous fassions un bout de route avec eux.

    Ces voleurs de feu dénoncent « la dure loi du monde, la déception des choses » et nous disent qu’ « Il s’agit de camper à proximité des choses, au plus près de l’être, toujours à l’écoute d’un souffle de vie ».

    C’est un livre ardent, ample et ambitieux à la langue généreuse.
    L’auteur nous parle avec un ton juste, ses réflexions sont très personnelles.
    Le mot liberté revient souvent comme s’il ne faisait qu’un avec poésie.

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    Que la taille du livre qui compte 800 pages ne vous effraie pas. Vous serez comblé.
    Il y a parfois des envolées lyriques, certains n’aiment pas, moi j’aime si l’on sent la sincérité derrière.
    C’est un voyage à travers la poésie de tous les temps, un pèlerinage là
    « où l'univers prend un visage nouveau » une volonté de « faire entendre le son de la vie »

    Ce live n’a rien d’un essai sur la poésie, c’est bien plutôt un journal météorologique de l’âme d’un amoureux de poésie.

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    Le livre : Éloge des voleurs de feu – Dominique de Villepin - Éditions Gallimard 2003

     

  • Proust roman familial - Laure Murat

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    Après bien des hésitations j’ai renoncé à lire La Montagne magique cet été, ben oui j’avoue tout.

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    Vous me direz alors qu’as-tu lu mon petit loup ? J’ai quand même fait dans le classique en relisant Du côté de chez Swann avec un total bonheur, j’ai ajouté quelques marques au crayon, gommé celles que je ne parvenais plus à lire.

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    Et le croirez-vous j’apprends que Laure Murat sort un livre sur sa lecture de la Recherche.
    Ça n’a pas trainé et je viens de terminer ma lecture.
    Alors amie, amis, aficionados je vous dis tout.

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    Ce livre est un mixte entre un récit très personnel quasi autobiographique et une analyse littéraire d’une œuvre mille fois commentée.

    C’est « un hommage au pouvoir d’émancipation de la littérature » et un exercice d’admiration mâtiné d’impressions et souvenirs liés à la vie personnelle de l’autrice.

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    Laure Murat appartient par naissance au monde de Proust. « Toute mon adolescence, j’ai entendu parler des personnages de la Recherche, persuadée qu’ils étaient des oncles ou des cousines que je n’avais pas encore rencontré »

    Le souvenir lui revient de la comédie aristocratique qui rend si drôle certains passages de la Recherche.

    « Mon père, qui était un grand lecteur, en parlait à table, citait les plaisanteries stupides du docteur Cottard, évoquait le baron de Charlus comme s’il s’était agi d’un cousin. La Recherche était un monde familier, voire familial, avant même que je la lise »

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    C’est un charmant méli-mélo qu’elle nous livre, nous faisant passer des salons de sa famille aux salons d’Oriane de Guermantes

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    Arrive sa première lecture « Ce livre immense m’enchantait comme un kaléidoscope dont chaque mouvement révèle des figures et des combinaisons insoupçonnables, des mondes infinis. »

    Cette lecture lui ouvre les yeux car Laure Murat avoue « Le plus sidérant, c’était que toutes les scènes lues où l’aristocratie entrait en jeu étaient infiniment plus vivantes que les scènes vécues dont j’avais été témoin »

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    Mêlant réflexions sur l’œuvre et souvenirs d’enfance puis d’adolescence jusqu’à la rupture familiale en raison de son orientation sexuelle.
    Elle raconte comment sa lecture de la Recherche lui aura permis de s’extraire de cette ambiance délétère.

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    Elle pose de multiples bombes çà et là et chaque fois rend grâce à Marcel Proust de son aide pour comprendre son milieu et se hisser hors du trou.
    Proust qui lui permet de s’évader, de briser les codes, de mettre à distance une famille qui remonte à Guillaume le Conquérant en passant par le roi de Naples.
    « Il ne sera pas exagéré de dire que Proust m’a sauvé »

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    Laure Murat se nourrit de littérature, elle dit son admiration « Le pouvoir de Proust à convoquer l’univers dans une tasse de thé ou à le faire sortir de la gelée d’un bœuf mode est le même est le même que celui de la nature dans sa diversité infinie des espèces et des plantes. »

    Ou encore , Marcel Proust a accompli un prodige « faire tourner les mondes, à montrer l’envers de la tapisserie, à nous guider dans sa trame et ses fils multicolores. Marcel Proust l’a accompli depuis sa chambre aux murs recouverts de liège, allongé écrivant dans les positions les plus inconfortables, se nourrissant de croissants et de café au lait » et ce pendant plus de dix ans.

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    Reconstitution historique savoureuse, Laure Murat décortique le fonctionnement de l'aristocratie, cet échafaudage qui ne s'appuie sur rien, ce monde où l'apparence, les mots, ont remplacé la réalité.

    Elle nous livre son point de vue sur le travail de sape de Proust s’acharnant à nous montrer la totale vacuité de ce monde.

    J’ai beaucoup aimé le portrait qu’elle fait de son entourage, personne n’y trouve grâce.

    On sent encore l’effort douloureux qui fut nécessaire à Laure Murat pour s’affranchir d’un entourage reposant sur des postures et un carcan puissant.

    Elle fait une reconstruction de sa généalogie, reconstruction douloureuse s’il en fut.
    Elle s’est libérée d’une gangue, la littérature a permis son émancipation, son livre est bouleversant, drôle, pudique, riche d’images inoubliables, de comparaisons vachardes et pourtant bien véridiques.

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    La Recherche est le roman que Laure Murat a le plus relu, elle y a trouvé un recours inespéré et une formidable consolation.

    Ce livre est destiné soit aux fans absolus mais plus sûrement à ceux qui n’ont jamais lu Proust et qui s’interrogent.

    Allez-y c’est réjouissant et passionnant.

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    Le livre : Proust, Roman familial – Laure Murat

  • Les Débuts - Claire Marin

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    Souvent certains d’entre vous m’interroge : comment fais-tu pour choisir un livre ? Un brin de réponse ici.
    Un livre que je n’ai pas choisi
    c'est un cadeau d’anniversaire
    Offert par quelqu’un qui connaît bien mes goûts

    Un livre placé sous la tutelle bienveillante de Clément Rosset un philosophe que j’aime particulièrement.
    Un livre de Claire Marin avec qui j’ai fait connaissance sur le thème de la douleur.

    Et bien bonne nouvelle c’est tout à fait réussi, j’ai aimé, vraiment beaucoup aimé, même si la lecture m’a demandé un effort certain.

     

    Vous l’avez compris c’est un essai philosophique qui pourrait s’intituler : Y a-t-il un début à tout ?

    On y parle de débuts de romans, comme celui si célèbre d’Italo Calvino « Si par une nuit d’hiver un voyageur » car en matière de roman « On espère du début d'un roman et peut-être de n'importe quelle histoire, fictive ou non, une véritable surprise, un étonnement franc. »

    Mais très vite l’auteure nous embarque car les débuts ne sont pas seulement ceux de la lecture ou de l’enfance.

    Les débuts cela peut être la naissance mais aussi l’adolescence, le début d’un roman, le début d’un emploi.

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    Elle affirme une certitude celle qui dit : « Il faut vivre chaque jour comme un début » ou pour le dire comme Emerson que cite Claire Marin « toujours vivre dans un jour neuf »

    Elle nous dit que les débuts c’est un peu comme les premiers pas de l’enfant, incertains, hésitants mais conquérants.

    Ces liens ainsi créés nous emportent car la finesse et l’intelligence de sa réflexion nous font sortir de la routine, nous donne l’impression d’être beaucoup plus fûté qu’en réalité.

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    Ce qui rend la lecture passionnant mais exigeante c’est que Claire Marin fait la cour aux philosophes et romanciers, sans ordre préétabli cela va de Montaigne à Jankélévitch, de Pessoa à Romain Gary et Annie Ernaux, mais aussi vers Sofia Coppola.
    Elle dévide sa pelote patiemment.

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    Elle donne la parole à Bergson et Bachelard, « ces moments où la force d'un sentiment, d'une sensation physique, l'effet d'une parole ou d'une image font vriller mon esprit, renversent ma représentation du monde ». Et toc j’ai aussitôt commandé Intuition de l’instant que je n’ai jamais lu.

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    Si l’on verse vers la littérature elle nous dit que c’est le « le réservoir de l'inouï » celui dont surgissent les émotions.
    La notion de début n’est pas une question d’âge, c’est plutôt « Découvrir ce dont on est capable seul, à 18, 40 ou 75 ans. » Je vous avoue que ces petites phrases font un bien fou.
    Ou celle-ci que j’aime beaucoup aussi « chaque amour à n'importe quel âge de la vie peut prétendre à être le premier »

    Une étincelle  une possibilité et une nouveauté qui nous bouleverse qui parfois fait chavirer notre vie.
    C’est une sorte de cadeau pour casser le ronronnement, pour faire rupture dans le quotidien.
    « Le début, c’est quand le réel nous égratigne, nous provoque, nous bouscule. »

    Parfois un début est une « radicale nouveauté » mais parfois il est difficile de repérer ce moment parfois éphémère, il n’y a pas toujours un avant et un après.

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    Un début peut être aussi un recommencement car celui-ci peut être réjouissant, vivifiant, c’est une quête du renouveau
    « Ainsi, des histoires commencent comme si c’était la première fois. Avec une intensité telle que les fois précédentes pâlissent s’effacent devant tant de splendeur. La première fois balaye le passé et toutes les autres premières fois. Alors quel que soit mon âge, je peux aimer comme si je n’avais jamais aimé auparavant, porté par une ardeur adolescente. » 

    De quoi nous souvenons nous en pensant à nos débuts ? d’un coup de foudre, de la naissance d’une étincelle ? ou d’une annonce difficile : une rupture, un départ, un diagnostic.
    Les débuts détiennent une force explosive qui “brise ou détourne le cours des choses”.

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    Dans un interview Claire Marin dit « Il ne faut pas réduire les débuts et les commencements à une chronologie linéaire de l’existence. Il y a de grands commencements qui peuvent survenir plus tard dans la vie, de vrais débuts tardifs et des recommencements totalement inattendus. »

    Je ne vous cache pas que par moment il faut s’accrocher un peu, Claire Marin n’offre pas une démonstration, il y a les débuts évidents mais aussi ceux que l’on n’attend pas et qui sont un rien mystérieux.
    L’écriture est simple, fluide mais dense. Les chapitres sont courts

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    Claire Marin nous invite à une réflexion légère et savante, riche et pleine de joie, je suis certaine que même s’il n’est pas cité Spinoza n’est pas loin.

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    Le livre : Les Débuts, par où recommencer ? – Claire Marin – Éditions Autrement