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Essai - Page 3

  • Proust roman familial - Laure Murat

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    Après bien des hésitations j’ai renoncé à lire La Montagne magique cet été, ben oui j’avoue tout.

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    Vous me direz alors qu’as-tu lu mon petit loup ? J’ai quand même fait dans le classique en relisant Du côté de chez Swann avec un total bonheur, j’ai ajouté quelques marques au crayon, gommé celles que je ne parvenais plus à lire.

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    Et le croirez-vous j’apprends que Laure Murat sort un livre sur sa lecture de la Recherche.
    Ça n’a pas trainé et je viens de terminer ma lecture.
    Alors amie, amis, aficionados je vous dis tout.

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    Ce livre est un mixte entre un récit très personnel quasi autobiographique et une analyse littéraire d’une œuvre mille fois commentée.

    C’est « un hommage au pouvoir d’émancipation de la littérature » et un exercice d’admiration mâtiné d’impressions et souvenirs liés à la vie personnelle de l’autrice.

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    Laure Murat appartient par naissance au monde de Proust. « Toute mon adolescence, j’ai entendu parler des personnages de la Recherche, persuadée qu’ils étaient des oncles ou des cousines que je n’avais pas encore rencontré »

    Le souvenir lui revient de la comédie aristocratique qui rend si drôle certains passages de la Recherche.

    « Mon père, qui était un grand lecteur, en parlait à table, citait les plaisanteries stupides du docteur Cottard, évoquait le baron de Charlus comme s’il s’était agi d’un cousin. La Recherche était un monde familier, voire familial, avant même que je la lise »

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    C’est un charmant méli-mélo qu’elle nous livre, nous faisant passer des salons de sa famille aux salons d’Oriane de Guermantes

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    Arrive sa première lecture « Ce livre immense m’enchantait comme un kaléidoscope dont chaque mouvement révèle des figures et des combinaisons insoupçonnables, des mondes infinis. »

    Cette lecture lui ouvre les yeux car Laure Murat avoue « Le plus sidérant, c’était que toutes les scènes lues où l’aristocratie entrait en jeu étaient infiniment plus vivantes que les scènes vécues dont j’avais été témoin »

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    Mêlant réflexions sur l’œuvre et souvenirs d’enfance puis d’adolescence jusqu’à la rupture familiale en raison de son orientation sexuelle.
    Elle raconte comment sa lecture de la Recherche lui aura permis de s’extraire de cette ambiance délétère.

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    Elle pose de multiples bombes çà et là et chaque fois rend grâce à Marcel Proust de son aide pour comprendre son milieu et se hisser hors du trou.
    Proust qui lui permet de s’évader, de briser les codes, de mettre à distance une famille qui remonte à Guillaume le Conquérant en passant par le roi de Naples.
    « Il ne sera pas exagéré de dire que Proust m’a sauvé »

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    Laure Murat se nourrit de littérature, elle dit son admiration « Le pouvoir de Proust à convoquer l’univers dans une tasse de thé ou à le faire sortir de la gelée d’un bœuf mode est le même est le même que celui de la nature dans sa diversité infinie des espèces et des plantes. »

    Ou encore , Marcel Proust a accompli un prodige « faire tourner les mondes, à montrer l’envers de la tapisserie, à nous guider dans sa trame et ses fils multicolores. Marcel Proust l’a accompli depuis sa chambre aux murs recouverts de liège, allongé écrivant dans les positions les plus inconfortables, se nourrissant de croissants et de café au lait » et ce pendant plus de dix ans.

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    Reconstitution historique savoureuse, Laure Murat décortique le fonctionnement de l'aristocratie, cet échafaudage qui ne s'appuie sur rien, ce monde où l'apparence, les mots, ont remplacé la réalité.

    Elle nous livre son point de vue sur le travail de sape de Proust s’acharnant à nous montrer la totale vacuité de ce monde.

    J’ai beaucoup aimé le portrait qu’elle fait de son entourage, personne n’y trouve grâce.

    On sent encore l’effort douloureux qui fut nécessaire à Laure Murat pour s’affranchir d’un entourage reposant sur des postures et un carcan puissant.

    Elle fait une reconstruction de sa généalogie, reconstruction douloureuse s’il en fut.
    Elle s’est libérée d’une gangue, la littérature a permis son émancipation, son livre est bouleversant, drôle, pudique, riche d’images inoubliables, de comparaisons vachardes et pourtant bien véridiques.

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    La Recherche est le roman que Laure Murat a le plus relu, elle y a trouvé un recours inespéré et une formidable consolation.

    Ce livre est destiné soit aux fans absolus mais plus sûrement à ceux qui n’ont jamais lu Proust et qui s’interrogent.

    Allez-y c’est réjouissant et passionnant.

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    Le livre : Proust, Roman familial – Laure Murat

  • Les Débuts - Claire Marin

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    Souvent certains d’entre vous m’interroge : comment fais-tu pour choisir un livre ? Un brin de réponse ici.
    Un livre que je n’ai pas choisi
    c'est un cadeau d’anniversaire
    Offert par quelqu’un qui connaît bien mes goûts

    Un livre placé sous la tutelle bienveillante de Clément Rosset un philosophe que j’aime particulièrement.
    Un livre de Claire Marin avec qui j’ai fait connaissance sur le thème de la douleur.

    Et bien bonne nouvelle c’est tout à fait réussi, j’ai aimé, vraiment beaucoup aimé, même si la lecture m’a demandé un effort certain.

     

    Vous l’avez compris c’est un essai philosophique qui pourrait s’intituler : Y a-t-il un début à tout ?

    On y parle de débuts de romans, comme celui si célèbre d’Italo Calvino « Si par une nuit d’hiver un voyageur » car en matière de roman « On espère du début d'un roman et peut-être de n'importe quelle histoire, fictive ou non, une véritable surprise, un étonnement franc. »

    Mais très vite l’auteure nous embarque car les débuts ne sont pas seulement ceux de la lecture ou de l’enfance.

    Les débuts cela peut être la naissance mais aussi l’adolescence, le début d’un roman, le début d’un emploi.

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    Elle affirme une certitude celle qui dit : « Il faut vivre chaque jour comme un début » ou pour le dire comme Emerson que cite Claire Marin « toujours vivre dans un jour neuf »

    Elle nous dit que les débuts c’est un peu comme les premiers pas de l’enfant, incertains, hésitants mais conquérants.

    Ces liens ainsi créés nous emportent car la finesse et l’intelligence de sa réflexion nous font sortir de la routine, nous donne l’impression d’être beaucoup plus fûté qu’en réalité.

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    Ce qui rend la lecture passionnant mais exigeante c’est que Claire Marin fait la cour aux philosophes et romanciers, sans ordre préétabli cela va de Montaigne à Jankélévitch, de Pessoa à Romain Gary et Annie Ernaux, mais aussi vers Sofia Coppola.
    Elle dévide sa pelote patiemment.

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    Elle donne la parole à Bergson et Bachelard, « ces moments où la force d'un sentiment, d'une sensation physique, l'effet d'une parole ou d'une image font vriller mon esprit, renversent ma représentation du monde ». Et toc j’ai aussitôt commandé Intuition de l’instant que je n’ai jamais lu.

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    Si l’on verse vers la littérature elle nous dit que c’est le « le réservoir de l'inouï » celui dont surgissent les émotions.
    La notion de début n’est pas une question d’âge, c’est plutôt « Découvrir ce dont on est capable seul, à 18, 40 ou 75 ans. » Je vous avoue que ces petites phrases font un bien fou.
    Ou celle-ci que j’aime beaucoup aussi « chaque amour à n'importe quel âge de la vie peut prétendre à être le premier »

    Une étincelle  une possibilité et une nouveauté qui nous bouleverse qui parfois fait chavirer notre vie.
    C’est une sorte de cadeau pour casser le ronronnement, pour faire rupture dans le quotidien.
    « Le début, c’est quand le réel nous égratigne, nous provoque, nous bouscule. »

    Parfois un début est une « radicale nouveauté » mais parfois il est difficile de repérer ce moment parfois éphémère, il n’y a pas toujours un avant et un après.

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    Un début peut être aussi un recommencement car celui-ci peut être réjouissant, vivifiant, c’est une quête du renouveau
    « Ainsi, des histoires commencent comme si c’était la première fois. Avec une intensité telle que les fois précédentes pâlissent s’effacent devant tant de splendeur. La première fois balaye le passé et toutes les autres premières fois. Alors quel que soit mon âge, je peux aimer comme si je n’avais jamais aimé auparavant, porté par une ardeur adolescente. » 

    De quoi nous souvenons nous en pensant à nos débuts ? d’un coup de foudre, de la naissance d’une étincelle ? ou d’une annonce difficile : une rupture, un départ, un diagnostic.
    Les débuts détiennent une force explosive qui “brise ou détourne le cours des choses”.

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    Dans un interview Claire Marin dit « Il ne faut pas réduire les débuts et les commencements à une chronologie linéaire de l’existence. Il y a de grands commencements qui peuvent survenir plus tard dans la vie, de vrais débuts tardifs et des recommencements totalement inattendus. »

    Je ne vous cache pas que par moment il faut s’accrocher un peu, Claire Marin n’offre pas une démonstration, il y a les débuts évidents mais aussi ceux que l’on n’attend pas et qui sont un rien mystérieux.
    L’écriture est simple, fluide mais dense. Les chapitres sont courts

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    Claire Marin nous invite à une réflexion légère et savante, riche et pleine de joie, je suis certaine que même s’il n’est pas cité Spinoza n’est pas loin.

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    Le livre : Les Débuts, par où recommencer ? – Claire Marin – Éditions Autrement

  • Venise n'est pas à vendre - Petra Reski

     

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    Venise aujourd’hui

    Etes-vous des amoureux(ses) de Venise ?

    Je suis allée trois fois à Venise, la dernière fois date déjà de quelques années, mais je n’ai jamais cessé de lire sur Venise.
    Une ville qui, dit Petra Reski, « subit l’amour de plus de trente millions de personnes par an »

    Elle ajoute « Aujourd’hui pour ses habitants, vivre à Venise signifie surtout observer sa ville en train de mourir. »
    Un livre choc car on a beau savoir que tout n’est pas rose à Venise, lire ce livre c’est un peu passer du rose au noir hélas.

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    Petra Reski est journaliste pour des journaux de langue allemande, depuis trente ans elle vit à Venise. Elle est mariée à un vénitien pure souche.

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    Depuis qu’elle est capable de piloter sa Topetta, elle est devenue une vénitienne à part entière et c’est comme vénitienne qu’elle nous parle et nous fait entendre une vraie déclaration d’amour pour sa ville.

    J’ai aimé les pages où elle nous livre ses souvenirs intimes, autour de lieux disparus ou transformés en machine à sous.
    De façon surprenante le confinement lié au Covid a représenté une parenthèse enchantée car il rendu Venise à ses habitants.

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    Venise par temps de Covid

    Son livre devient polémique, mais peut-ont lui en vouloir quand elle dit que pendant le carnaval la ville est en état de siège, que ce sont 150 000 touristes qui font bloc face à …50 000 vénitiens !!

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    Par temps de Carnaval

    Les maires qui se sont succédés, ont transformé la ville en une machine à sous en plein air, transformer les fêtes historiques en promotion commerciale.
    Laisser les bateaux de croisière géants parcourir le Grand Canal avec tous les risques afférents.

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    Voilà ce qui dit Luigi Brugnaro un maire entrepreneur (ben oui c’est possible) « Ceux qui n’aiment pas la foule et n’ont pas envie de s’amuser n’ont qu’à aller se retirer à la campagne et n’ont pas à vivre à Rialto ou dans le centre de Venise. »

    Finalement le dernier obstacle ce sont les vénitiens eux-mêmes, pour qui il ne reste que deux options : soit quitter Venise, soit rester chez soi enfermés comme les habitants du quartier de Cannaregio devenus otages des touristes lors des fêtes vénitiennes.

    Les lois électorales ont dénaturé les décisions, à Venise 50 000 habitants le maire de Venise n’est pas élu par les vénitiens mais par les habitants du continent, les communes peuplées elles de 178 000 habitants, le découpage électoral donne donc les vénitiens perdants à tout coup.

    venise

    Venise est devenue la poule aux œufs d’or pour les propriétaires de logement : vive Airbnb !!! et pour les maires qui se succèdent et qui se laissent prendre dans les filets des compagnies de croisières et autres attractions sonnantes et trébuchantes.
    « Aujourd’hui pour ses habitants, vivre à Venise signifie surtout observer sa ville en train de mourir. »

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    Projet Moïse

    C’est un livre écrit sous le coup de la colère et de l’inquiétude et qui m’a fortement touché d’autant qu’aux risques liés au tourisme s’ajoute les risques de submersion dévastatrice.

    Le creusement des canaux fait que l’érosion de la lagune s’est accentuée et que cela augmente le mouvement des vagues.
    Le projet Moïse ne fonctionne pas et rend même le risque de submersion très prégnant.

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    Les touristes

    Qui peut accepter une ville ou depuis 10 ans une moyenne de 100 nouveaux bars, restaurants s’ouvrent chaque année ? A San Marco il y a 173 bars pour …3590 habitants : A la vôtre !!!

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    Petra Reski, vit à Venise depuis 1991 et nous adresse une déclaration passionnée d’amour et de résistance, une lecture indispensable pour tous les amoureux de cette ville.

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    Le livre : Venise n’est pas à vendre – Petra Reski – Traduit par G Zimmermann - Editions Arthaud

  • Sois sage ô ma douleur - Claire Marin - Alphonse Daudet

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    Il arrive que des textes s’imposent à vous, et parfois en appellent d’autres.
    Un sujet difficile mais qui concerne beaucoup d’entre nous ou des personnes de notre entourage.
    Lorsque j’ai lu le livre de Claire Marin, j’ai immédiatement pensé au texte d’Alphonse Daudet. Il m’a paru intéressant de les rassembler dans ce billet.

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    « Hors de moi » texte vraisemblablement autobiographique nous fait spectateur de la maladie, de la souffrance, de la douleur d’une jeune femme. Elle souffre d’une maladie auto-immune qui détruit organes et articulations.
    Dans La Doulou, douleur en provençal, Alphonse Daudet atteint de syphilis, qui ne cessera pas de souffrir jusqu’à sa mort, tient le journal de sa douleur pendant environ 15 ans.

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    « Hors de moi » est un texte dur, brutal, violent. L’auteure fait montre d’une incroyable capacité d’analyse clinique de son « cas ». Elle sait trouver les mots pour dire l’indicible. Elle examine son mal, le dissèque, le met sous le microscope, en mesure les conséquences sans appel : le mal est irréversible, définitif, il obsède, il entraîne des renoncements quotidiens, il oblige à vivre plus vite et plus intensément.

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    La malade devient observatrice de sa propre descente aux enfers, de sa propre mutilation involontaire, son corps examiné et malmené par le corps médical ne lui appartient plus, ce corps se révulse et regimbe, « Cette maladie me met hors de moi. »
    La maladie devient compagne au quotidien, c’est la définition même de la chronicité
    mal acceptée par le corps soignant pour lequel elle est la marque de l’échec.
    Récit âpre, poignant et insupportable dans lequel la vie personnelle de la personne n’a aucune place, celle-ci étant phagocytée par la maladie. Le récit sans date, sans point de repère fait entrevoir une vie mutilée, son écriture a la précision du scalpel.

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     « La Doulou » texte où Alphonse Daudet porte témoignage de l’affection qu’on appelle alors Tabes dorsalis, le diagnostic est net.
    Ataxie c’est à dire perte du mouvement volontaire, paralysie.
    Pour la petite histoire Le Tabes a été le sujet de la thèse de doctorat en médecine de Sir Arthur Conan Doyle, l'auteur de Sherlock Holmes.

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    Pour tout traitement du mercure terrible poison, le laudanum et la morphine, pronostic : la mort dans d’indicibles souffrances.
    Le journal de cette maladie, de cette douleur est d’une grande lucidité, c’est un témoignage terrifiant sur la prise de possession du corps par la maladie, l’avancée de la destruction. Ce corps  sans cesse se rappelle à lui, petit à petit le tient prisonnier.

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    Edward Munch. Le Cri

    On assiste à la dévastation progressive du corps et de l'esprit.
    L’ écriture est un cri de douleur permanent, un cri strident et insupportable et un refus d’abdiquer devant le mal.

    Dans les extraits qui suivent les deux écrivains à plus d’un siècle de distance, se parlent, se répondent et se comprennent.

     

    En italique la voix d’Alphonse Daudet.

     « Comme si les charnières de mes articulations s’étaient recroquevillées »
    « Obstination des mains à se recroqueviller, au matin, sur le drap, comme des feuilles mortes, sans sève. »

    « Giclées de douleur au creux des poignets, dans les bras, dans les hanches »

    « Ce que j’ai souffert, hier soir - le talon et les côtes ! La torture...pas de mots pour rendre ça, il faut des cris. »

    « Mes nerfs sont des fils dénudés. »

    « Grands sillons de flammes découpant et illuminant ma carcasse »

    «
    Qu’est-ce que vous faites en ce moment? - Je souffre. »

    « J’apprends à me taire. »

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    Le Viel homme. Vincent Van Gogh

    « Mon corps est de la tourbe qui se consume sans fin. » « Cette maladie me met hors de moi. »

    «  Parfois je perds le sentiment d’une partie de mon être, marionnette détraquée »

    C’est à Alphonse Daudet que je laisse le mot de la fin :

    « Je ne sais qu’une chose, crier à mes enfants « Vive la vie »

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    Claire Marin est née en 1974, elle est docteur en philosophie
    Alphonse Daudet écrivit ce texte à partir de 1883 date à laquelle sa maladie s’aggrave, il note alors chaque jour les progrès de la douleur. En 1887 il meurt subitement. Le texte ne fut publié qu’en 1930.

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    Les Livres
    Hors de moi - Claire Marin - Editions Allia
    La Doulou - Alphonse Daudet - 
    Arléa 1985

     

  • Léonard et Machiavel - Patrick Boucheron

    L’un c’est Léonard de Vinci bien sûr mais vous aviez deviné, l’autre c’est Machiavel celui qui a permis de créer un nouveau mot dans notre petit Larousse.
    Nous voilà transporté à la Renaissance, époque de foisonnement intellectuel et artistique mais aussi de danger, de sang et de poisons.

    Un constat : pendant environ 15 ans Machiavel et Léonard de Vinci se sont côtoyés, rencontrés, ont été liés aux mêmes personnes, aux mêmes protecteurs, ont travaillé sur les mêmes projets et ...rien pas d’écrits, aucun document, rien de rien.

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    Machiavel secrétaire de chancellerie, un peu ambassadeur un peu espion, occupe une fonction risquée à l’époque où les princes se succèdent le plus souvent dans le sang et la fureur.
    Léonard lui a déjà 50 ans, il peint, dessine depuis plus de 30 ans, il a depuis toujours une passion pour les techniques, les phénomènes naturels et l'eau en particulier, sans doute l’esprit le plus curieux de son temps. Patrick Boucheron est persuadé que les deux hommes se sont rencontrés mais voilà... nulles traces de ces rencontres.

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    Plus agaçant encore : ils ont travaillé sur le projet fou du détournement du cours de l’Arno, pas un noble projet humaniste pour protéger les paysans des inondations, non un projet guerrier pour détruire Pise l’éternelle rivale de Florence. D’autres rencontres ont eu lieu lorsque Léonard de Vinci reçoit en commande la réalisation d’une fresque pour la salle du  Palazzo Vecchio à Florence, la fresque de la bataille d’Anghiari ne sera jamais terminée par Léonard et le destin va séparer les deux hommes.

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    Ces deux figures de la Renaissance rapprochées par la soumission obligatoire aux condottieri de l’époque, il fallait bien vivre ! Ces deux hommes ont dialogué, conversé, peut être échangé des lettres mais il n'en reste rien, ni dans les fameux carnets de Léonard, ni dans la correspondance de Machiavel. Très contrariant pour un historien de n’avoir aucun écrit à se mettre sous la dent, plus que contrariant, carrément frustrant, alors me direz-vous , il invente ? il fait dans le romanesque ...et bien pas du tout, il digresse, tourne autour de son sujet, « il interroge le silence » dit-il lui même et tout cela pour notre plus grand plaisir. Ni traité de peinture ni traité politique, ni biographie, ni fiction, ce texte à la fois érudit sans être pédant, limpide mais exigeant et qui se lit avec délices.

    « Léonard et Machiavel n'étaient pas de ces éclaireurs à l'avant-garde, mais au coeur de la bataille, dans la mêlée confuse, où rien ne se discerne nettement sinon la vérité du combat. Ils n'ont pas fait leur temps; parce qu'ils furent si intensément du leur, ils sont toujours du nôtre. Il y eut entre eux un temps commun, qui les fit contemporains ».

    Patrick Boucheron depuis ce livre a fait son chemin et aujourd’hui vous pouvez le retrouver dans des cours au Collège de France

     

    Le livre : Léonard et Machiavel - Patrick Boucheron - Editions Verdier

     

  • L'Enfer de Treblinka - Vassili Grossman

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    Le livre de Vassili Grossman sur Treblinka, écrit après que l'auteur ait participé à la découverte des restes du camp et recueilli des témoignages, a été écrit alors que Grossman était encore dans l'Armée Rouge à fin de la guerre.
    Son témoignage fut utilisé par le tribunal de Nuremberg lors des procès.
    La mère de Vassili Grossman a été assassinée par les nazis à Berditchev un des lieux de la Shoah par balles. 

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    Ce livre est terrible et le mot enfer n’est évidement pas usurpé.
    Je ne me permet pas de commenter ce livre qui se suffit à lui même 
    Si vous voulez en savoir plus sur Vassili Grossman je vous invite à lire le billet de Patrice sur son roman Vie et destin où l’auteur fait le lien entre nazisme et stalinisme.
    Vous pouvez lire aussi Tout Passe un roman dur et violent sur le stalinisme, la délation, le Goulag.

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    Le Cimetière Juif de Berditchev


    « Tout ce que vous allez lire, je l'ai reconstitué d'après les récits de témoins vivants, les déclarations d'hommes qui ont travaillé à Treblinka depuis sa création jusqu'au 2 août 1943, jour où les condamnés à mort se révoltèrent, brûlèrent le camp et s'enfuirent dans les bois ».

    « A l'est de Varsovie, sur les rives du Bug occidental, s'étendent des sables et des marais, d'épaisses forêts de pins et de feuillus. Sur cette terre indigente, les villages sont rares; l'homme évite les étroits chemins où le pied s'enlise, où la roue plonge jusqu'au moyeu dans le sable profond. »

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    Sous l’œil des gardiens, des hommes, femmes et enfants juifs montent à bord de trains lors de la déportation de Siedlce vers le camp d’extermination de Treblinka. Pologne, août 1942.

     

    « Par endroits la terre est couverte de mousse; çà et là on voit se profiler la silhouette d'un pin chétif; un choucas ou une huppe bigarrée, de temps à autre, rayent le ciel. 
    Ces lieux désolés avaient été choisis. avec l'approbation du Reichsführer des S.S. Heinrich Himmler, pour devenir un charnier colossal, tel que l'humanité n'en avait encore jamais connu avant nos jours cruels.
    Non, jamais l'univers n'avait rien vu d'aussi épouvantable. C'était ici le plus atroce des camps de la mort établis par les S.S »

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    Gare ferroviaire de Treblinka

    « On sait aujourd'hui ce qu'était le régime du camp n° 1 
    Nous savons tout du travail à la sablière et comment on précipitait au fond de la carrière ceux qui n'avaient pas rempli leur norme; nous savons ce qu'était la nourriture : cent soixante-dix à deux cents grammes de pain et un litre d'une lavasse infâme baptisée du nom de soupe; nous savons qu'on y mourait de faim et qu'on emportait sur des brouettes par delà les barbelés, pour leur donner le coup de grâce, ceux dont le corps était enflé; nous savons les orgies effrénées des Allemands; nous savons qu'ils violaient des jeunes filles et les tuaient après; qu'ils précipitaient les gens d'une hauteur de six mètres; que la nuit, leur bande ivre faisait irruption dans une baraque pour en tirer de dix à quinze détenus sur lesquels ils expérimentaient sans hâte différentes méthodes de mise à mort, tirant en plein cœur, dans la nuque, les yeux, la bouche, la tempe de leurs victimes. »

    « En mai 1942, les Allemands avaient en effet entrepris, à trois kilomètres de là, la construction d'une véritable usine de mort. 
    Là, rien n'était prévu pour la vie, tout pour la mort. L'existence de ce camp devait être tenue profondément secrète; tel était l'ordre de Himmler. Pas un homme ne devait en sortir vivant, et personne n'était autorisé à s'en approcher. »

    « 23 juillet 1944  Ce jour-là, au petit matin, wachmanns (gardiens) et S.S., après avoir bu un verre de schnaps pour se donner du cœur au ventre, procédèrent à la liquidation du camp. Lorsque vint la nuit, tous les détenus avaient été tués. Tués et enterrés. Sauf Maks Lewit, un menuisier de Varsovie qui, resté jusqu'au soir sous les cadavres de ses camarades, réussit à gagner la forêt ».

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    Mémorial du camp


    Treblinka, septembre 1944

    « Tout est calme. A peine si l'on entend bruire le sommet des pins, le long de la voie ferrée. Ces pins, ce sable, cette vieille souche, des millions d'yeux les ont regardés des wagons qui s'avançaient lentement vers le quai. On entend crisser doucement la cendre, les scories pulvérisées sur la route noire, bordée soigneusement, à la manière allemande, de pierres peintes en blanc. 
    Nous entrons dans le camp, nous foulons le sol de Treblinka. Les cosses de lupin se fendent dès qu'on les touche, avec un tintement léger; des millions de graines se répandent sur la terre. Le bruit qu'elles font en tombant et celui des cosses qui s'entr'ouvrent se fondent en une mélodie triste et douce, comme si nous arrivait du fond de la terre - lointain, ample et mélancolique - le glas de petites cloches. La terre ondule sous les pieds, molle et grasse comme si elle avait été arrosée d'huile de lin - la terre sans fond de Treblinka, houleuse comme une mer. » 

    « Cette étendue déserte qu'entourent des barbelés a englouti plus d'existences humaines que tous les océans et toutes les mers du globe depuis qu'existe le genre humain »

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    Un sondage en 2018 disait qu'un français sur dix dit ignorer ce qu'est la Shoah

    « Aujourd'hui chacun est tenu, devant sa conscience, devant son fils et devant sa mère, devant sa Patrie et devant l'humanité, de répondre, de toute son âme et de toute sa pensée, à la question suivante : d'où vient le racisme ? Que faut-il pour que le nazisme, l'hitlérisme ne renaissent jamais plus, ni d'un côté ni de l'autre de l'Océan ? »

    J'ai lu ce livre dans le cadre des lectures autour de l'holocauste initiées par Patrice et Passage à l'est.


    Ce livre est aujourd’hui quasi introuvable mais si vous voulez le lire mettez moi un mail et l’on trouvera une solution.

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    Le Livre : L’Enfer de Treblinka - Vassili Grossman - Editions Arthaud