Luocine a su me convaincre en quelques lignes que ce livre trouverait un écho chez moi et ce fut le cas.
Qui a déjà lu une biographie de Camus sait quel angoisse peut générer l’obtention du Nobel, Patrick Tudoret nous fait entrer dans l’intimité de Tristan Talberg, écrivain plus que reconnu, qui a cessé d’écrire depuis quelques années et qui à l’annonce du prix décide de jouer les filles de l’air.
Oui mais comment échapper à la presse, aux médias, accessoirement à son éditeur qui entend bien profiter de cette manne inattendue.
Comment échapper aux médias ?
Partir ? oui bien sûr mais où et comment quand votre domicile est déjà assiégé par journalistes et photographes ! Et voilà Tristan Talberg en cavale, il part donc sans se retourner.
Pas facile de disparaitre, il faut trouver un ami sûr, changer de look, ne plus se servir des portables et autres cartes bancaires car la police fait front commun avec les journalistes, la disparition d’un homme célèbre c’est pain béni pour le landerneau médiatique.
Sa fuite va le conduire sur des chemins de traverse, des chemins mille fois empruntés autrefois par des hommes et des femmes qui eux ont fait le choix de ce chemin, ont souvent minutieusement préparé leur longue marche. Car notre nobelisé va suivre sans vraiment l’avoir désiré, sans l’avoir préparé le chemin de tous les retours vers soi : Compostelle.
Un rien d’équipement, quelques livres quand même ( ah quel plaisir de trouver le Voyage du Condottiere dans le sac à dos) de la compagnie parfois bonne, parfois moins, l’écrivain s’éloigne des feux de la rampe et se rapproche du coeur de sa vie.
Il écrit le soir à l’étape, écrit à sa femme, danseuse magnifique et morte très tôt d’une épouvantable maladie qui l’a cloué au sol, les souvenirs affluent. Elle lui avait dit son envie de suivre ce chemin, Tristan Talberg exauce ce voeu par delà les années.
Il avance accompagné par les poètes, par Pascal dont il est grand lecteur, par les mystiques lui l’agnostique.
J’ai pris un plaisir certain à la compagnie de Tristan Talberg, j’ai aimé son cheminement, sa femme à travers lui, ses doutes, ses colères, ses errances. Aucune tristesse dans ce livre, simplement de la gravité mais mâtinée de burlesque et d’ironie bienveillante.
Patrick Tudoret dit être un « Jacquet » contrarié puisqu’il n’a pas fait la totalité du chemin mais qu’importe vous suivrez ce Jacquet là avec grand plaisir, sans sauter une étape. Au gré des pages je sais que vous noterez quelques références littéraires qui vous conduiront elles aussi sur des chemins splendides.
Le livre : l’homme qui fuyait le Nobel - Patrick Tudoret - Editions Grasset