Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • "Le livre ouvre un lointain à la vie"

     

    Soisicmeister.jpg

     

    livres.jpgIls sont fortunés les livres dont on sent que, derrière l'agitaiton, même frénétique, qui peut à l'occasion les habiter, ils ont été écrits de bout en bout comme dans la poussière d'or et dans la paix souriante et regrettante d'une fin de journée d'été.

     

    Une histoire de la littérature, contrairement à l'histoire tout court, ne devrait comporter que des noms de victoires, puisque les défaites n'y sotn une victoire pour personne.

    Un livre qui m'a séduit est comme une femme qui me fait tomber sous le charme : au diable ses ancêtres, son lieu de naissance, son milieu, ses relations, son éducation, ses amies d'enfance !

    livres.jpgQuelle bouffonerie, au fond, et quelle imposture, que le métier de critique : un expert en objets aimés ! Car après tout, si la littérature n'est pas pour le lecteur un répertoire de femmes fatales, et de créatures de perdition, elle ne vaut pas qu'on s'en occupe.

     

    Le livre : En lisant en écrivant - Julien Gracq - José Corti

  • Les oiseaux - Tarjei Vesaas

    oiseauxvesaas.gifLes Oiseaux - Tarjei Vesaas - Traduit du Norvégien par Régis Boyer - Editions Plein Chant
    Plusieurs des livres de cet auteur sont épuisés mais pas celui-ci alors ouvrez le et laissez vous porter par ce récit.

    Les signes, Mattis vit pour eux, grâce à eux : deux trembles qui se ressemblent comme frère et soeur, les nuages qui marchent en troupeau, les passées de bécasses dans le ciel.
    Il rêve et déchiffre les traces des oiseaux sur le sol. Il parle Mattis, mais parfois seulement dans sa tête, et il a un langage bien à lui que seule Hege sa soeur comprend.
    Il essaie de travailler comme tout le monde pour aider sa soeur qui manie les aiguilles de son tricot toute la journée mais ses tentatives sont toutes vouées à l’échec.
    Parfois un voisin compatissant lui donne un peu d’ouvrage mais Mattis bien vite préfère lever la tête vers les nuages, envoyer un message à la passée de bécasses. Les tâches les plus simples deviennent des pièges, Mattis « La Houpette » Mattis l’ahuri, le simplet, Mattis a 37 ans et Hege 40.
    Depuis toujours Hege le fait vivre, le nourri en actionnant ses aiguilles en des points compliqués, Hege c’est le calme, même si parfois elle houspille Mattis pour qu’il trouve du travail.
    Un jour il se rend compte qu’il peut rendre service et travailler comme passeur sur le lac, à partir de ce jour il est heureux, il a un vrai métier même si personne n’emprunte son bateau.

    henri-louis-foreau-paysage.jpg
    Henri-Louis FOREAU   Huile sur toile, Paris, Musée d’Orsay.

    D’ailleurs c’est comme ça qu’il fait la connaissance de Jörgen le bûcheron. Pour la première fois une personne s’insinue dans le coeur de Hege et Mattis a peur, il imagine qu’elle va l’abandonner. Les idées se brouillent dans sa tête, c’est inquiétant et déroutant.

    C'est un livre superbe, un récit attachant et poigant à la fois. Volontairement je ne vous propose pas d'extraits car la découverte de cette écriture est forte et mérite que vous en ayez la primeur.
    Je fais ici un petit clin d’oeil à quelqu’un de mon entourage qui aime beaucoup Jens Peter Jacobsen , peut être l’avez-vous lu, et bien Vesaas est de la même famille.
    Sa langue aride est celle de la terre, des saisons, une écriture dépouillée d’artifices. Un langue de symboles, de chemins de traverses, de langage secret.
    Son monde est à la fois captivant et angoissant, les gestes et les paroles du quotidien sont là mais parés de rêve et d’inquiétude.  Un univers étrange et beau, un récit magnifique.
    Un livre indispensable dans votre bibliothèque

    L’auteur
    Tarjei Vesaas est né le 20 août 1897 à Vinjem dans la très vieille province du Telemark, et il est mort le 15 mars 1970 à Oslo.
    Ecrivain de langue néo-norvégienne (nynorsk). Son œuvre est dominée par les thèmes existentiels du Mal, de l'Absurde, ainsi que par l'omniprésence de la Nature. Elle se caractérise par une forte dimension symbolique et onirique.

  • L'âge de la retraite

    exitmusic.gifExit music - Ian Rankin - Traduit par Daniel Lemoine - Editions du Masque
    Je le dis haut et fort, 60 ans c’est trop tôt pour partir à la retraite, et avant de me faire lyncher j’ajoute : pour l’inspecteur Rébus, c’est trop tôt , on n’a pas idée de nous quitter comme ça ! Qu’est-ce qu’ils nous font tous ces auteurs de polars, Rébus s’en va, Wallender devient grand-père et ils nous laissent en plan ....du moins provisoirement car je me suis laissée dire que Rankin se languit un peu de son héros alors ....
    Bon venons en aux adieux de John Rébus, pour les non initiés : flic écossais amateur de musique rock, de pintes et de whisky (ben oui forcément) et toujours un peu sur le fil du rasoir question respect des procédures.
    C’est n’est pas à soixante ans que Rébus va changer, surtout qu’il barre les jours du calendrier alors l’avis de ses supérieurs vous voyez ce qu’il peut en faire.
    Dernière enquête avec Siobhan Clarke l’amie de toujours qui logiquement va le remplacer à la tête de la brigade, et pour ce baroud d’honneur il va en découdre avec son ennemi de toujours Big Ger Cafferty.
    Une intrigue complexe construite avec habileté, mêlant hommes d’affaires véreux, prostituées, dealer, hommes politiques impliqués jusqu’au cou dans des affaires bien sales.
    Une banale agression dans les rues d’Edimbourg et voilà la machine Rankin lancée, une équipe où apparaît un petit nouveau très futé, une Siobhan qui hésite entre la satisfaction de monter en grade et le regret du travail avec Rébus, des personnages aux facettes multiples et par dessous tout l’atmosphère si particulière que brosse l’auteur.

     

    Retraite1.jpg

     

    Il n’y a aucune longueur et aucune langueur dans cet adieu, j’ai lu lu lu jusque tard dans la nuit, efficacité redoutable et fin diabolique.
    Allez laissez vous faire et si vous ne connaissez pas Rankin commencez par le début, cela vous fait quelques bonnes lectures en perspective pour épuiser les aventures de Rébus.

  • L'ascension du Mont Blanc

    L'ascension du Mont Blanc

    D’abord, il faut marcher deux journées, toujours en montant, comme bien tu penses, et la marche n’est pas facile. Ces hautes montagnes ont sur leurs flancs de vastes champs de glace et de neige durcie qu’on appelle glaciers.

    lalil.jpg

    Aujourd'hui photographié par Denise

    L’un des glaciers qui sont au pied du Mont Blanc à huit kilomètres de large et vingt-quatre de long : c’est une vaste mer de glace, tantôt unie, tantôt bouleversée comme les flots de la mer dans la tempête.

    mer_de_glace_Jean_Gilleta.jpg

    La Mer de Glace en 1856

    Quand on marche sur ces glaciers aux pentes rapides, il faut des souliers ferrés exprès pour ne pas glisser, des bâtons ferrés pour se retenir. On arrive souvent devant des murs de glace qui barre le chemin, alors il faut creuser à coup de hache dans la glace une sorte d’escalier où l’on puisse poser le pied.

    Le livre Le Tour de France par deux enfants - G Bruno - Belin
     

  • Damnés Français - Mark Twain

    damnésfrancais.gifDamnés Français - Mark Twain - Traduit par Frédéric Chaleil - Editions de Paris Max Chaleil
    Si vous êtes chauvin alors passé votre chemin car voilà un livre dans lequel notre orgueil en prend un rude coup.
    Mark Twain ne nous aimait pas beaucoup mais faut-il le prendre au sérieux alors qu’il fit plusieurs séjours en France ? Il fit un grand tour d’Europe et résida quelques mois à Paris où il eu faim et froid " Paris la glaciale, Paris la pluvieuse, Paris la détestable " Et ben voilà c’est dit !
    Sauf que ...l’humour vient tout sauver dans ce recueil d’articles variés rassemblant aussi bien des notes sur Paris, qu’un récit sur un séjour thermal à Aix les Bains.

    Il nous accuse de tout " Le passe-temps des Français, depuis toujours, consiste à s’exterminer mutuellement par le fer et par le feu" il remonte carrément à la Saint-Barthélémy oubliant un peu vite que sa nation sort tout juste d’une guerre civile !  Matiné d’un humour féroce il nous compare aux Comanches et bien sûr ce n’est pas à notre avantage.
    Dans un bref récit il raconte de façon savoureuse un duel qui eu réellement lieu entre Gambetta et un dénommé Fourtou avec Clémenceau comme témoin. Le duel se termine bien et " Les deux gladiateurs se tombèrent dans les bras, avec des torrents de larmes fières et heureuses "
    Son voyage en France est une occasion pour moquer les Marseillais qui ne se lavent pas eux mêmes avec leur savon, qui se nourrissent de "Bouchées d’escargots " alors que lui " Préfère les sauterelles" .
    Il fait une visite au Château d’If pour rire de nous à travers l'un des personnages de Dumas " C’est là que le courageux abbé a écrit un livre avec son propre sang, d’une plume faite d’un morceau de fer (...) Quel dommage que tant de semaines de travail fastidieux n’ait finalement servi à rien"
    expo1889paris2.jpgDe temps à autre il laisse échapper un compliment " Quel pays envoûtant ! " mais il se reprend bien vite lorsqu’il fait le récit de sa visite à l’Exposition Universelle derrière un guide sans scrupules. Versailles l’impressionne mais ..." j’ai toujours pensé du mal des gens qui chez nous taillent leurs arbustes en pyramides, en cubes, en flèches et en toutes sortes de formes artificielles " Donc nos jardins à la Française vous devinez ce qu'il en pense.

    Le coup de grâce est donné au parisien qui " voyage fort peu. Il ne connait d’autre langue que la sienne et ne lit pareillement aucune autre littérature; par conséquent il est assez étroit d’esprit et très suffisant "

    Il termine son voyage par une cure thermale à Aix les Bains, est-ce le miracle de l’eau ? d’un seul coup Mark Twain exulte, parle d’un lieu enchanteur mais pour aussitôt se plaindre du nombre de clochers et horloges qui sonnent sans arrêt " Ainsi une horloge sonne les heures, puis elle recommence pour confirmation "
    La cure au moins a-telle démontrée son efficacité ? Je vous laisse juge !
    " J’étais venu ici vierge de toute maladie, mais trois semaines de bains avaient, fait sortir de moi tous les maux connus de la science médicale, ainsi que d’autres plus considérables entièrement nouveaux "

    aix_les_bains.jpg

    Ce livre est une compilation de textes, d’articles disséminés et réunis ici. Un livre pour jours moroses et gris. Je me suis amusée à cette lecture, on retrouve tout l’humour de l’auteur qui fait ici preuve d’une mauvaise foi ...toute française.

     

  • La bascule du souffle - Herta Müller

    bascule.gifLa bascule du souffle - Herta Müller - Traduit par Claire de Oliveira - Editions Gallimard
    J’ai laissé passer le coup de feu du Prix Nobel  pour m’intéresser à Herta Müller, j’ai choisi ce roman qui vient de paraître et j’ai été totalement conquise par ce roman.
    C’est la fin de la guerre, partout en Europe les prisonniers rentrent chez eux, les familles sont à nouveau réunies mais en Roumanie il en va différemment, les hasards des derniers combats à livré ont livré le pays aux soviétiques. Les russes exigent que tous les citoyens roumains d’origine allemande, qui vivent en Transylvanie, soient arrêtés. Certains ont collaboré avec les allemands mais tous les ressortissants hommes et femmes de 17 à 45 ans sont déportés, collaboration ou pas.
    Le héros du roman, Léopold, a 17 ans et il doit partir, dans la boite d’un vieux phonographe il entasse ses biens les plus précieux : un exemplaire de Faust, un de Zarathoustra et une anthologie poétique. Bien sûr il emporte aussi des vêtements chauds car il sait qu’il part pour le nord, la Russie, pour un pays de neige.

    carpates.jpg

                                                                La Transylvanie

    C’est avec de courts chapîtres qu’Herta Müller nous fait entendre la voix de Léopold. La vie quotidienne prend forme à travers des mots simples, des mots de tout les jours. Des mots pour dire le froid « Car dès la fin du mois d’octobre, il grêla des clous de glace », les appels interminables dans la neige, les poux, les vols, les dénonciations, l’horreur de voir Irma Pfeiffer engloutit par le mortier dans lequel elle s’est jeté par désespoir, ce désespoir qui fait dire à Léopold qu’il y a une loi qui « vous interdit de pleurer quand on a trop de raisons de le faire. Je me persuadais que les larmes étaient dues au froid, et je me crus.»
    Par dessus tout c’est la faim qui accompagne les prisonniers au long de ces 5 années, l’ange de la faim « qui vous dévore le cerveau » qui vous poursuit jour et nuit, qui vous fait manger votre salive, du sable. «En guise de cerveau, on n’a plus dans la tête que l’écho de la faim » et longtemps après on y pense encore « Aujoud’hui encore, je dois montrer à cette faim que j’y ai échappé. C’est tout bonnement la vie que je mange, depuis que je n’ai plus le ventre creux.»

    Des phrases puissantes, dures, vibrantes, pour nous transmettre la fatigue, l'épuisement « Quand la chair à disparu, porter ses os devient un fardeau qui enfonce dans le sol ». La folie qui s’empare de chacun : Mitzi la sourde, Karli, le terrible Tur,  Katie le planton, Fenia.
    Tenir, un jour encore, avec dans l’oreille la voix de sa grand-mère qui lui a dit en partant «Je sais que tu reviendras ».
    Les années passent et le retour lui-même est souffrance, on retourne au camp encore et encore, par la pensée, par le rêve et néanmoins vivre est un devoir parce que toutes ces années  Léopold a lutté contre la mort « Je n’ai jamais été aussi résolument contre la mort que durant ces cinq années de camp.Pour être contre la mort on n’a pas besoin d’avoir une vie à soi, il suffit d’en avoir une qui ne soit pas tout à fait terminée »
    Il reste alors à Léopold l’écriture, les mots car dit-il « Il y a des mots qui font de moi ce qu’ils veulent.» et un jour il achète un cahier.

    pastior.jpgUn livre bouleversant, une oeuvre forte, des images porteuses de symboles. Le récit d’Herta Müller allie réalisme et onirisme, les objets du quotidien sont personnifiés, les détails crus se mêlent aux  images poétiques. Les mots sont détournés pour permettre à la souffrance de s’exprimer. Et c’est cette alliance et ce contraste qui donnent force à ce roman. Une grande oeuvre.

    Dans la postface Herta Müller explique la génèse de son roman, sa famille victime de la déportation, le projet qu’elle a partagé avec le poète Oskar Pastior d’écrire l’expérience de celui-ci. La disparition de Pastior la contraint à s’emparer de ce récit et d’en faire ce roman tout à fait exceptionnel.

     

     

    Faites une place à ce livre dans votre bibliothèque