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Rechercher : il pleuvait des oiseaux

  • Eden - Auður Ava Ólafsdóttir

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    Êtes-vous partant pour un séjour en Islande, bon c’est certain il va pleuvoir mais vous pourrez nager dans une source chaude, ceci compense cela.

    Rendez-vous chez Alba, une femme qui vit parmi les mots, et pas seulement les mots, les langues aussi. Elle est linguiste et spécialiste des langues en perdition. Elle est douée et passionnée.

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    A ce titre elle voyage un peu partout, elle jongle avec les déclinaisons, les conjugaisons, la grammaire, de quoi remplir les journées.

    Et puis quelque chose se rompt dans la machine bien huilée, son travail à l’université de Reykjavík et dans l’édition semble ne plus tout à fait suffire, il y a aussi un grain de sable dans les rouages, un étudiant lui dédit des poèmes, des écrits, ce qui risque de mettre en péril un poste qu’elle a en vue.

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    Et puis il y a ses doutes et ses inquiétudes sur l’état de la planète, sur l’extinction programmée des espèces et pas seulement des dialectes, sur tout ce qu’elle a envie de préserver : la nature, les liens que l’on forge au gré du temps, les livres qui peuplent la vie.

    Elle doit avouer « Je n'ai pas toujours été très douée pour faire coïncider mes pensées avec mes paroles. »
    Son père est un passionné des arbres et du coup Alba s’interroge.
    « Combien d'arbres je devrais planter si je voulais compenser l'empreinte carbone de tous les trajets en avion que j'ai effectués l'an dernier ? »

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    La prise de conscience est brutale, il lui faudrait planter 5600 arbres pour combler le déficit !!!
    De quoi s’interroger sur son mode de vie.
    Pas de blablas de spécialiste, pas de conférence sur le réchauffement non, tous simplement Alba remonte ses manches et se met à planter des arbres.

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    Elle achète une petite maison avec un immense terrain pour planter 2000 bouleaux, rien de moins, ah oui elle a aussi prévu un potager.

    Son petit paradis demande de l’huile de coude pour entamer cette reconstruction, mais elle a trouvé un nouveau sens à sa vie et cela change tout.

    J’ai aimé cette jolie fable pleine d’espoir, de poésie, de drôlerie.

    J’ai aimé le personnage de Danyel jeune réfugié prêt à s’approprier une nouvelle langue car il sait que cela lui permettra d’être accepté, de tisser quelques liens.Parce que dit Alba, une langue c’est une façon de « décrire comment il est possible de supporter cette chose qu'on appelle la vie »

    J’ai aimé que Auður Ava Ólafsdóttir vienne titiller notre responsabilité, pas question de nous culpabiliser non mais elle nous pousse à réfléchir à notre engagement personnel car après tout « Nous sommes à chaque instant au centre de notre existence »

    J’ai aimé comment elle montre que le trop plein d’objets, de livres « Gerður, la guichetière de la banque, m'a acheté La généalogie de la langue, Fríður qui travaille à la supérette la compilation d'articles: La grammaire en s'amusant. Et juste avant ton arrivée, j'ai vendu à Elinborg K Déclaration d'amour à ma langue maternelle »

    J’ai aimé ce vivre ensemble,la liste des « activités qui échappent aux règles du langage »

    «Marcher dans la nature.
          Travailler dans le jardin.
    Biner les rangs de pommes de terre.
    Respirer.
    Regarder le ciel au-dessus de la montagne.
    Écouter les oiseaux »

    C’est le moment de remercier le traducteur, Eric Boury, je l’ai déjà apprécié avec les romans de Stefansson ou Indridason c’est une occasion de plus d’apprécier son travail.

     Un livre tout en finesse, légèreté et simplicité, n’hésitez pas

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    Le livre : Éden - Auður Ava Ólafsdóttir - traduit par Éric Boury – Éditions Zulma

  • Une enfance en Prusse orientale - Marion Dönhoff

    enfanceprusse.jpgUne enfance en Prusse orientale - Marion Dönhoff - Traduit de l’Allemand par Colette Kowalski- Editions Albin Michel - 1990
    Il y a quelques mois le roman de Béatrice Wilmos « L’Album de Menzel » m’a donné envie de relire ce récit datant déjà de 1990 et écrit par une grande dame du journalisme européen, la Comtesse Marion Dönhoff.
    Vous ne trouverez plus hélas ce livre, épuisé et jamais réédité, mais fouillez bien dans la bibliothèque de votre ville, les trésors sont toujours enfouis.
    Marion Dönhoff a près de 80 ans quand elle écrit ses souvenirs, en 1945 elle a fui devant l’Armée rouge,  elle a vu Königsberg bombardée, elle a abandonné le château de son enfance, elle entame un long périple qui la conduira un jour à la tête de « Die Zeit » le grand journal allemand.

    Son livre est composé d’une multitude de scènes, de tableaux, décrivant la vie dans cette Prusse aujourd’hui disparue, racontant l’histoire de ces domaines, de ces hommes et femmes qui vont disparaitre dans la guerre.

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    Le château de Friedrichstein

    Marion Hedda Ilse Dönhoff est née au château Friedrichstein, en Prusse orientale, quand elle naît  son père le Comte Dönhoff est député au Reichstag à la « Chambre des Seigneurs de Prusse » il a 64 ans. C’est un homme passionné d’art et de voyages parfois aventureux.
    Sa mère elle a aussi « le goût des arts, beaucoup d’imagination et un penchant pour le romantisme » et un sens très sûr des convenances de ce qui « se fait » et de ce qui ne se fait pas  « verdict sans appel qui mettait fin à toute discussion ». Ce rigorisme et cette vie aisée ne l’empêchait pas d’assurer soins et médicaments aux villageois proches du domaine.
    C’est une vie heureuse que mène Marion Dönhoff, la nombreuse fratrie permet des jeux et activités qui inculquent l’amour de l’aventure et le sens des responsabilités. La discipline est rigoureuse, on n’est pas en Prusse pour rien, mais trouver une façon de tourner les interdits occupe la joyeuse bande.
    Les parents sont peu présents mais la fréquentation des serviteurs du château va dégourdir la jeune fille « j’ai appris à démonter un carburateur avec le chauffeur ».

    Sa description de la vie du château et du village est empreinte de tendresse, le lavoir, le repassage qui lui apprennent les servantes, les premières lampes électriques, le valet Fritz « qui savait tout et s’intéressait à tout » , Krebs le jardiner au rôle essentiel pour ce domaine qui vit en autarcie totale.
    Les enfants participent aux travaux des champs, à la cueillette des champignons et framboises. L’hiver la glace est découpée dans les étangs gelés, la transporter en traineaux pour la stocker « Cela demandait une journée entière et s’achevait généralement par une sorte de fête, car on buvait quantité de grog pour se réchauffer et se donner du coeur à l’ouvrage. » fait partie de ses souvenirs.
    C’est une enfance au rythme des saisons « Il ne faut que quelques jours en Prusse Orientale pour que l’interminable engourdissement hivernal cède la place à la rayonnante splendeur du printemps »
    Ce sont les passages les plus beaux du livre, on y sent tout l’amour de Marion Dönhoff pour sa patrie; elle qui ressent « une profonde gratitude que ce soit là mon pays »
    Elle sait aussi nous raconter l’histoire de la région à travers les familles ou les domaines qui ont marqué son enfance.

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    Mais c’est bientôt « la fin de l’insouciance » et le départ pour Potsdam pour poursuivre des études.
    La guerre va la rattraper, plusieurs de ses amis proches ont été les protagonistes du complot contre Hitler et tous seront exécutés. Elle a puisé là un courage et une rectitude qui l’accompagneront toute sa vie.
    La fin du livre est digne d’un livre d’aventures, fuyant à cheval devant l’Armée Rouge, obligée d’abandonner tous ses souvenirs, elle réussira à rejoindre l’Ouest après une chevauchée de 2000 km.
    Les réfugiés sont sur les routes, le froid intense. Elle partage son sort avec la population allemande de la région. Elle retrouve sa famille après bien des détours « C’est au milieu de l’hiver que j’étais partie à cheval de chez moi et quand finalement j’arrivai en Westphalie, c’était le printemps. Les oiseaux chantaient. »

    marion-doenhoff.jpgMarion Dönhoff en 1988 est retourné à Königsberg et je lui laisse la parole
    « Je ne peux pas non plus m’imaginer que le grand amour de la patrie s’illustre par la haine de ceux qui en ont pris possession (...) Quand je pense aux forêts et aux lacs de Prusse Orientale, aux vastes prairies et aux vieilles routes bordées d’arbres, je suis sûre qu’ils ont gardé l’incomparable beauté qui était la leur autrefois, à l’époque où tout cela était mon pays.
    Peut-être le plus grand amour réside-t-il en cela : pouvoir aimer sans posséder. »

  • Regarde donc l'Euphrate charrier le sang - Yachar Kemal

    Faire connaissance avec un écrivain avec le premier tome d’une trilogie, c’est s’assurer un triple plaisir

     

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    Il y a longtemps que je voulais lire Yachar Kemal, j’ai fait coup double, satisfaire ma curiosité et avoir cette délicieuse impression que l’on est entré dans une maison amie.

    Après la Première Guerre Mondiale, la toute jeune Société des Nations se prononce sur le différend qui sépare toujours la Grèce et la Turquie, après la chute de l’Empire Ottoman et la naissance de la ile.jpgRépublique Turque, les deux états décident d’échanger leurs populations.
    Les habitants de l’île-Fourmi n’y croient pas, mais il faut se rendre à l’évidence un beau jour la nouvelle tombe « il y aura échange » et ils devront, parce qu’ils sont grecs, abandonner cette île où les grecs vivent depuis 3000 ans, Mustafa Kemal Atatürk en a ainsi décidé.
    Un beau matin de printemps ils embarquent et laissent derrière eux « Tout ce que nous avions, nos ruches, les fleurs de notre jardin, la plus belle vigne de l’île, notre maison... » Il est loin le temps où tout était prétexte à agapes, où, tous grecs et turcs venaient festoyer sur l’île « Les nattes étaient disposées sous les platanes, les pains tout chauds et fumants sortis du four étaient posés près de la vaisselle en cuivre étamée. Une merveilleuse odeur de pain sorti du four imprégnait les lieux »

    Sur l’île ne reste plus que Vassilis Atoynatanoghlou, lui il est resté, il ne comprend pas comment il aurait pu quitter « sa mer, son jardin, ses oliviers plantés de ses mains ses pêchers et ses cerisiers ». Et il promet 05 Fleurs de pecher.jpgde tuer le premier qui prendra pied sur son île.
    Il a des provisions, de quoi soutenir un siège, il a le souvenir de sa bien aimée dont le parfum le poursuit où qu’il aille et il a son chat qui a échappé au massacre des animaux domestiques.
    Pour lui tenir compagnie il a aussi ses souvenirs, ceux de la guerre, de sa marche à travers la campagne enneigée, la neige à hauteur d’homme, lui les pieds nus et couvert de poux « Et ces dizaines de milliers de soldats saisis par le gel, le vent et les tempêtes de neige »
    Alors le jour où, Poyraz Musa un turc, prend pied sur l’île,  une formidable partie de cache cache va commencer entre ces deux ennemis qui ont chacun à leur façon affronté les horreurs de la guerre, supporté le fracas des armes, deux survivants de la bataille des Dardanelles.
    Poyraz, vient s'installer sur l'île où il a acheté une propriété, il est riche et par chance il est malin, il a usé de flatterie pour arriver à ses fins mais le voilà propriétaire d’une belle maison et d’un moulin. Il est heureux car l’île est magnifique  «  Le ciel, la mer, la terre, les fleurs, les oiseaux, les arbres, les verts, les orangés, le violet, tout avait viré à ce rose de pêcher en fleurs »
    Les deux hommes vont s’épier, se chercher, se deviner, s’ignorer mais vont-ils pouvoir cohabiter ? L’un certain de la nécessité de tuer cet envahisseur, l’autre sûr d’avoir enfin trouver le paradis sur terre.

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    Un roman superbe, flamboyant de couleurs, un conte épique comme devaient savoir en raconter les poètes ambulants de l’antiquité, ces rhapsodes qui chantaient l’Iliade de village en village.
    Les personnages de Yachar Kemal sont issus de sa terre anatolienne, une mère aux bras chaleureux, un bandit d’honneur, tous hauts en couleur et chaleureux. Les situations même les plus dures sont teintées de cocasserie. Mais là où il est impérial c’est lorsqu’il parle de sa terre, de ses parfums, des arbres, des abeilles, de la pêche, de la beauté de cette île allégorique où chacun peut trouver son propre paradis.
    Chance le deuxième tome de cette trilogie est déjà paru et je vais pouvoir poursuivre l’aventure sur l’île-Fourmi


    Le livre : Regarde donc l’Euphrate charrier le sang - Yachar Kemal - Traduit du turc par Altan Gokalp - Editions Gallimard

    kemal.jpgL’auteur :
    Yachar Kemal de son vrai nom Kemal Sağdıkgöğceli, est un romancier turc d'origine kurde, né en 1923 dans le village de Hemite près d'Osmaniye en Turquie.
    Issu d'une famille pauvre, il dut abandonner ses études après l'école primaire. Il pratiqua divers métiers, tout en publiant de la poésie. Il passa une année en prison en 1950 pour « propagande communiste », puis commença à travailler pour le quotidien Cumhuriyet. Son roman Mèmed le Mince lui valut le succès en 1955, succès grandissant qui lui valut d'être pressenti pour le Prix Nobel de littérature en 1972.
    Yasar Kemal est condamné en 1996 par la cour de sûreté de l'Etat à un an et huit mois de prison pour un article intitulé « Le ciel noir de la Turquie » publié en 1995 dans le livre « La liberté d'expression et la Turquie » et qui dénonce le traitement de la question kurde par l'Etat turc (source Wikipédia)


  • Le journal des cinq saisons - Rick Bass

    La vallée du bout du monde au confins du Montana

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    L’oeuvre de Rick Bass est déja riche de nombreux livres, des nouvelles, un long roman ( là où était la mer) et deux essais sur sa vallée, son territoire (le livre de Yaak et Winter) mais aujourd’hui il franchit une frontière avec ce livre.

    Journal météorologique et poétique, au fil des mois et des saisons Rick Bass nous livre ses observations sur sa vallée et son marais, la vie dans cette contrée grandiose, dangereuse, qui porte le sceau encore visible de l’ouest sauvage.
    Ses observations portent parfois la marque du scientifique, du géologue, mais le plus souvent celle du poète, du militant écologiste, du père qui s’interroge sur l’avenir qu’il peut promettre à ses filles.

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    Tout commence rituellement en janvier « le mois où le cerveau ralentit », un mois magnifique et difficile, l’isolement pendant parfois plusieurs jours, il faut pelleter la neige, sa cabane d’écriture est inutilisable. Des mois propices au travail lent et régulier « aux besognes rudimentaires » car l’hiver c’est l’ensevelissement sous un neige « si douce, si lourde, si apaisante »
    Février est le mois du froid « le marais est encore une vaste plaque marbrée de glace et de neige » et pourtant déjà quelques oiseaux sont de retour et le premier papillon « le théâtre de l’univers avec ses divers groupes et tous ses comédiens, est en train de ressusciter »

    Le printemps occupe un maximum de pages pour répondre à  la splendeur et la folle fécondité, la saison où le marais reprend vie, marais que Rick Bass appelle son « réservoir de couleurs et de parfums ». Avril est le mois où l’on entend à nouveau « le babil apaisé » des oies qui remontent du sud.
    C’est la saison où les ours noirs et les grizzlys sortent la tête de leurs tanières et « se mettent à arpenter les pentes inondées de soleil  » attirés par les lys avalanche vifs et jaunes, l’auteur les admire faire de folles glissades et se gaver de lys odorants et sucrés  « il arrive que des tâches jaunes s’accrochent à leur fourrure dorée et au museau de ces grands ours » améliorant ainsi naturellement la pollinisation.

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    la profusion de l’été, les randonnées en famille, les clairières baignées de soleil, les caches des fraises des bois, la cueillette de myrtilles. C’est aussi la période de retour à la civilisation, voyages, concert, rencontres. Mais comme rien n’est jamais parfait c’est aussi le temps des mauvaises herbes, sus à l’épervière d’une belle couleur mais par trop envahissante.
    La saison aussi des incendies, utiles parfois, dangereux toujours, qui mettent parfois en péril la maison et la vallée et oblige à dormir d’un seul oeil.

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    Vallée du Yaak

    Et c’est l’éclatement de l’automne, le retour de la pluie qui annonce déjà le long hiver, l’automne et ses impondérables comme cet accident de camion qui a tout d’un film d’horreur projeté au ralenti.
    Septembre c’est la lumière automnale « si intense maintenant qu’elle en est presque palpable, pareille au froissement d’un parchemin »
    Octobre sent le bois coupé. Les bois résonnent des tirs des chasseurs, tétras, faisans, antilope, cerfs et wapiti, pour profiter des cadeaux de la nature.

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     L'imposant wapiti

    Rick Bass a toujours plaidé pour la protection de l’environnement, il veut pour ses filles un monde où le mot sauvage aura encore un sens, où la main de l’homme n’aura pas tout détruit, où elle pourront continuer d’aller à l’école en pleine forêt, avec des pommiers dans la cours et « des cerfs broutant paisiblement la pelouse »
    Il aime cette vallée « majestueusement reculée, nichée  » à la frontière du Canada et du Montana et il défend sa cause.
    Je vous laisse découvrir ce qu’il appelle la cinquième saison, intermédiaire pour lui entre l’hiver et le printemps.

    C’est un guide envoûtant, avec ce livre Rick Bass prend place dans la longue lignée des écrivains de la nature car derrière le botaniste et le géologue se cache l’écrivain et le poète.
    J’ai aimé cette relation physique avec la nature, les combats perdus d’avance contre les mauvaises herbes, les solstices qui rythment la vie de la maisonnée.
    J’ai aimé ses propos car il n’est pas donneur de leçons,  son militantisme, bien réel, reste discret, il cherche à convaincre plus par la beauté que par l’injonction. Rick Bass n’est pas un ayatollah de la cause environnementale, il a trop la fibre libertaire et souvent la mélancolie l’emporte sur le combat.

    Faites un place à ce livre dans votre bibliothèque

    Le livre : Le Journal des cinq saisons - Rick Bass - Traduit de l'américain par Marc Amfreville - Editions Christian Bourgois 2011

    rickbass-500x500.jpgL’auteur
    Rick Bass est un écrivain et écologiste américain, est né le 17 mars 1958 à Fort Worth dans l'état du Texas. Il a étudié la géologie à l'Université d'Etat de l'Utah. Émule de Jim Harrison, il a commencé à écrire de courtes histoires alors qu'il travaillait comme géologue pétrolier à Jackson, au Mississippi... En 1987, il s'installe avec sa femme, l'artiste Elizabeth Hughes, à Yaak Valley, à l’extrême nord-ouest du Montana, près de Troy, où il œuvre à la protection de sa région d'adoption. Rick Bass siège au conseil d'administration du Conseil Yaak Valley Forest and Round River Conservation Studies. (Ulike)


  • Horace à la campagne - Xavier Patier

    Horace à la campagne - Xavier Patier - Editions les Belles Lettres

    horace campagne.gifHistoire et poésie au programme aujourd’hui Le siècle d’Auguste ....vous y êtes ? L ’assassinat de César par Brutus et ses acolytes ..et bien Horace ou en latin Quintus Horatius Flaccus était leur ami.
    Horace vous connaissez bien sûr  si je vous dis «  Carpe diem  »  ou encore « Pour vivre heureux vivons cachés » ou bien « Chassez le naturel il revient au galop  » et encore « La montagne accouche d’une souris » 
    Là vous y êtes ! c’est de lui que je veux parler aujourd’hui à travers un livre qui est une petite biographie et un exercice d’admiration.

    Notre héros est né à Venouse bourgade des Pouilles, il parlera peu de son enfance sauf brièvement dans le livre III des Odes :
    « J'étais encore enfant; jouant sur le Vultur, ce mont apulien, j'avais passé les limites de ma terre nourricière, l'Apulie, et de fatigue j'avais cédé au sommeil. Vinrent des oiseaux merveilleux, des colombes, qui me couvrirent de frais feuillage. On s'en étonna chez tous les habitants du nid d'Acherontie, des bois de Bantia, des plaines fertiles où est l'humble Forente : on admira que j'eusse pu dormir sans crainte et sans danger parmi les noires vipères et les ours ; que le saint laurier, que le myrte se fussent amoncelés sur moi, enfant hardi, et protégé des dieux. »

    Des commencements difficiles, son père est un esclave affranchi et l’esclavage à Rome (et partout d’ailleurs) est un enfer, le père sacrifie tout à l’éducation de son fils, et il ne lésine pas : études à Rome avec les meilleurs précepteurs, séjour à Athènes capitale intellectuelle de l’époque.

    Né pauvre Horace ne cachera jamais ses origines et aura toujours pour son père des mots de tendresse filiale.
    «  Dès mon enfance, mon père ne craignit pas de me transporter à Rome pour m’y faire donner l’instruction que ferait donner à ses enfants un chevalier, un sénateur. (..) Mon père lui-même gardien vigilant m’accompagnait partout chez les maîtres. (...) Il n’en mérite aujourd’hui que plus de louange et, de ma part, que plus de reconnaissance. Je ne saurais, si je ne perds le sens, rougir d’un tel père. »

    C’est à Athènes qu’Horace fait connaissance avec Brutus et ses amis et l’amitié va l’amener à la cause républicaine. Mais l’affaire tourne court, pour les fans d’histoire c’est la bataille de Philippes qui décide du sort de Brutus, et voilà notre Horace en grande difficulté :
    « Puis quand Philippes m'eut donné mon congé, que je me trouvai dépouillé de mon orgueilleux plumage, sans pénates, sans patrimoine, la misère m’enhardit, je me fis poète. » Brutus a perdu un fidèle, nous avons gagné un poète.

    Il croise le chemin de Virgile et devient son ami, Xavier Patier nous les présente bras dessus, bras dessous échangeant leurs vers.
    Devenu l’intime de Mécène homme riche et influent,  celui-ci lui procure les moyens d’écrire en lui offrant une villa et des terres : le domaine de Sabine. Mécène demeurera son protecteur toute sa vie. Une amitié qui a enrichi notre dictionnaire pour exprimer cette aide offerte à l’artiste.

    Horace publie ses premières oeuvres les « Satires » il a trente ans. Il devient célèbre, admiré, courtisé par Auguste qui voudrait en faire son secrétaire particulier, il garde sa liberté de ton, son indépendance et refusera l’offre d’Auguste. Retiré dans son domaine qu’il aime, il écrit.
    Son oeuvre se construit, après les Satires viennent les "Odes" et les "Epodes" puis les "Epîtres".

    horace.jpgDans toute son oeuvre Horace n’a cessé de chanter la campagne, le vin, l’amour de la vie et le fameux Carpe diem, les femmes. Il n’était pas beau , on le décrit petit gros et chauve, il eut pourtant un amour fou chanté dans son oeuvre : Lydie....qui le trahit... (Ode XXV).
    Horace reste un grand mélancolique comme tout épicurien qui se respecte en proie aux angoisses métaphysiques, la mort est très présente dans ses écrits.
    Il meurt à 57 ans et Auguste lui organisa des funérailles grandioses.

    Le style d’Horace, Xavier Patier le dit sobre, fonctionnel et magnifique : « Des mots courts plutôt que longs (..) et surtout un rythme. Non pas un halètement mais un écoulement, un choral de Bach. »


    Xavier Patier garde un souvenir ému de sa classe de latin et de son professeur, il en a conservé un goût pour les textes antiques et une prédilection pour Horace. Il sait nous la faire partager et nous rendre vivant ce poète mort depuis 2000 ans.
    L’essai est enlevé et même si je ne partage pas toujours les points de vue exprimés (en particulier le développement sur Horace et Jésus, très tiré par les cheveux) c’est une façon attrayante d’aborder le poète admiré de La Fontaine, de Nietsche et de beaucoup d’autres.

    J’avais lu un peu Horace il y a très longtemps et le livre de Xavier Patier m’a incité à y revenir et ce fut pour mon plus grand plaisir.......

    Pour poursuivre votre lecture un site dédié à Horace et dont j’ai utilisé les traductions

    L'auteur

    patier.jpgXavier Patier, a publié plusieurs romans : Les Trentenaires, la Foire aux célibataires, le Roman de Chambord.
    Enarque il a occupé divers postes : commissaire du domaine national de Chambord
    Directeur de l’ARH en Midi-Pyrénées.
    Conseiller de Chambre Régionale des Comptes, il vient d’être nommé Directeur des journaux officiels.

  • Liberté dans la montagne - Marc Graciano

    Le temps de l'imaginaire

     

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    Comment parler d’un livre que l’on a énormément aimé au point d’avoir envie de le garder pour soi ? 

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    « Depuis bien des jours le vieux cheminait avec la petite le long de la rivière. »

     

    Le livre débute comme un récit initiatique, vous ne saurez jamais où se passe le récit, ni le nom des deux personnages, ni d’où ils viennent, ni où ils vont.  

    Le vieux et la petite vont cheminer ensemble tout au long du roman, le vieux protégeant la petite, l’éveillant à ce qui l’entoure, la portant quand elle est fatiguée, la réchauffant quand elle a froid, la nourrissant avec amour. 

    Ce que l’on devine c’est que le récit fait retour vers un monde médiéval, un monde ancien. L’homme et l’enfant vont affronter ensemble des épreuves. 

    Un moyen-âge imaginaire se déploie, le village et ses remparts, un tournoi avec des chevaliers en cotte de mailles et des dames portant hennin, le travail des artisans le long de la rivière. 

     

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    Ils vont croiser la route d’une série de personnages, bienveillants ou dangereux, comme les figures d’un ancien jeu de cartes, l’auteur les nomme : il y a le géant, l’abbé, le veneur. Les lieux traversés sont nommés avec le même laconisme : le marais, la ville….

    Le vieux se fait éducateur :

     

    « Il lui dit qu’ils possédaient le ciel et il lui dit qu’ils possédaient la forêt et il lui dit qu’ils possédaient les poissons dedans la rivière et aussi les animaux de la forêt. Il lui dit qu’ils possédaient les plantes et il lui redit qu’ils possédaient le ciel et aussi les oiseaux dedans le ciel »

     

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    « De grands et nobles animaux enfantés par la nuit des forêts et le vieux lui parla de leur vie de bêtes traquées. Il lui parla de leur vie de proies fugitives et lui parla de leurs moeurs. Il lui parla des rudes combats entre mâles et  lui parla des femelles faonnant dans les chambres de feuillage. »

     

    Il lui nomme le monde, lui montre ses beautés et ses pièges

    « Chaque fois qu’il le pouvait, le vieux enseignait la petite sur les êtres et sur les choses qu’ils rencontraient. Le vieux nommait à la petite toutes les choses qu’elle découvrait et, quand il le connaissait, il lui en décrivait l’usage. »

     

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    Il l’avertie de la folie des hommes lorsqu’ils assistent à un exécution 

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    « le vieux dit à la petite qu’il n’existait pas de mot pour le décrire et il se tut en poursuivant sa marche puis, après un moment encore, le vieux reprit la parole et il dit à la petite fille que, de surcroît, il n’aurait servi à rien de l’inventer. »

     

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    Avec lui elle découvre le monde, sa violence, ses lois, sa beauté.

    Le chemin sera long et semé d’embûches, de belles rencontres, de dangers évités pour atteindre le but du voyage.

     

    Le récit se déploie et l’auteur utilise un mode d’écriture basé sur la répétition, ces répétitions transforment les phrases en litanies, donnent au récit un rythme lent et procure une sensation un peu hypnotique.

    C’est une écriture qui envoûte mais qui aussi se mérite, l’auteur vous fait parcourir des lieux escarpés et sa langue est elle-même une épreuve initiatique.

    Pour le lecteur aussi il s’agit d’apprentissage, les mots du travail, des outils, de la chasse, de la pêches, les mots des joutes et des tournois. Ils sont autant de pièges et de détours qu’il vous faudra passer. 

     

    J’ai noté au fur et à mesure tout un vocabulaire inconnu, inusité, rare, et j’ai béni mon Littré et mon Dictionnaire historique de la langue française. 

                       brousser   cabarer    eubage    

                    cosnil    camail  archiatre  faonner 

                         muid  brassin  abeausir 

                   toue   achevaler  ablais   dosse 

                         ébarouir    adamantin

              

    Pour apprécier ce livre il faut accepter de se laisser surprendre, ensuite on est envoûté et on pénètre dans les terres secrètes de Marc Graciano.

    Ce livre est beaucoup plus qu’une bonne surprise, c’est un récit splendide auquel il faut faire une place dans votre bibliothèque.

     

    Le Livre : Liberté dans la montagne - Marc Graciano - Editions José Corti

     

    L’auteur : C’est le premier roman de Marc Graciano qui est infirmier en psychiatrie et vit près du plateau du retord dont les paysages ont sans doute inspiré plusieurs pages de ce roman

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