Israël m’a toujours attiré, son histoire, ses romanciers, jusqu’à ses incohérences politiques.
Une de mes premières lectures remonte à mes très jeunes années avec Exodus, puis l’histoire de Jérusalem avec Lapierre et Collins. Récits qui ne brillent pas forcément par une objectivité sans faille mais qui ont eu le mérite de m’intéresser à cette partie du monde et à ses peuples.
Plus récemment deux récits superbes l’un d’un israélien l’autre d’un palestinien m’éclairaient à nouveau.
Aujourd’hui c’est le livre d’un grand romancier israélien qui vient apporter une touche forte à ma vision de l’histoire de ce pays.
1959 Shmuel est un étudiant un peu en perdition, sa thèse sur Jésus n’avance pas, il est largué par sa compagne, abandonné par sa famille en faillite. Il lui faut trouver vite un logement et il répond à une petite annonce promettant le gîte et le couvert contre quelques heures par jour auprès d’une personne invalide.
C’est ainsi qu’il fait connaissance de Gershom Wald, 70 ans et de sa colocataire Atalia Abravanel une superbe femme dont Shmuel tombe immédiatement amoureux.
Les liens de cet étrange trio vont petit à petit se tisser. Une troisième personne va s’inviter dans leurs relations, un homme disparu : Shealtiel Abravanel, que David Ben Gourion surnommait le traitre, Abravanel ayant eu l’impudence et la folie de proposer la création d’une communauté judéo-arabe avec des droits identiques pour chaque communauté en lieu et place de l’état d’Israël en 1948 !
Pour parfaire son propos, Amos Oz ajoute un parallèle biblique avec la figure honnie du monde chrétien : Judas Iscariote dont l’histoire a tant fait pour justifier l’antisémitisme.
Le baiser de Judas - Cimabue
Fresques de l'église San Francisco Assise
Roman d’une extraordinaire richesse qui nous renvoie à ce moment où l’état d’Israël vit le jour en opposition aux palestiniens qui par conviction ou par peur ou sous la contrainte quittèrent le pays en masse, fuite pour les Israéliens, Nakba ou catastrophe pour les Palestiniens qui en paient encore le prix aujourd’hui.
Nakba la catastrophe
A travers le roman bien sûr que l’on entend parfaitement le point de vue politique d’Amos Oz. On connait son engagement auprès des mouvements qui oeuvrent pour la paix et le dialogue entre les deux communautés ce qui lui a valu d’être appelé traitre lui aussi.
J’ai beaucoup aimé la réflexion que mène Ghershom Wald sur Judas en qui il voit une figure assez différente de celle que propose traditionnellement l’Eglise depuis des siècles. J’ai aimé passer de Flavius Joseph à Ben Gourion, d'un point de vue à un autre.
Ce roman splendide réveille le débat entre pacifistes et fanatiques en Israël mais aussi en Palestine. Une région du monde où les notions de frontières et d’identité sont prégnantes et font s’entremêler passé et présent.
Il serait bon que ces messieurs du Nobel se réveillent eux aussi et couronnent ce pacifiste de toujours.
L'avis de Sylire sur ce roman et celui d'Eeguab
Le livre : Judas - Amos Oz - Traduit par Nicolas Lange - Editions Gallimard