La vie secrète des libellules ou le philosophe entomologiste
« Etre naturaliste , c’est d’abord cela : éprouver une émotion indicible , simplement pour avoir reconnu sont animal préféré »
Voilà vous êtes entrés au royaume d’Alain Cugno, un pays de passion, de beauté, d’interrogation.
Longtemps ornithologue, l’auteur aujourd’hui arpente inlassablement les lacs de Charente pour guetter, photographier, observer des libellules. Monsieur Cugno est amateur d’odonates (ça c’est pour vous montrez ma culture entomologique, c’est le nom correct de la libellule)
Libellula quadrimaculata
Mais Alain Cugno n’est pas seulement un amateur éclairé de libellules, il est aussi tombé dans la marmite de la philosophie, et ses compagnes de chasses photographiques sont pour lui un sujet perpétuel de réflexion, de questionnement, et après tout la philo est-elle autre chose qu’un questionnement perpétuel ?
Il dit dans une interview qu’il y a « une profonde parenté » entre ses deux activités
« On part le coeur battant attendre que ce qu’on aime s’offre : les insectes, les mots. Passion amoureuse, en somme. »
L’amateur d’odonates connaît les joies de la classification, les affres de l’attente car « il se trouve privé de ses animaux préférés pendant la moitié de l’année. ». Il est pris de vertige devant « leur rapidité, leur capacité à changer de direction avec une brusquerie qui laisse pantois »
Les libellules sont la représentation du réel, ici et maintenant
Accouplement de libellules Caloptéryx splendens ©Gérard Thérin
« les animaux sont des êtres énigmatiques parce qu’ils sont entièrement présents, là où ils sont. »
La naissance des demoiselles est une histoire d’effort désespéré pour devenir imago « lorsqu’il (l’insecte) a parcouru toutes les étapes de l’oeuf à sa forme définitive » c’est un instant extraordinaire que cette « émergence » véritable « Jardin des délices »
Les libellules sont la liberté même, attachées à rien, fragiles et pourtant la communauté odonates n’est pas de tout repos. La libellule en effet est vorace, chasseresse, impitoyable avec ses proies. Ce magnifique trait de lumière dans la chaleur de l’été est une prédatrice redoutable, elles sont puissance et légèreté, proches et inacessibles, capables de «poursuites vertigineuses ».
Cette opposition et cette simultanéité enchantent Alain Cugno et le fascinent. Il prend à témoin Saint Augustin et Proust pour nous faire entrer dans ce monde étrange celui de ces demoiselles qui
Libellules de Méditerranée
« de même que la pensée ne peut pas s’arrêter de penser (...) de même les libellules volent encore quand elles ne le peuvent plus ».
Puisqu’on est en compagnie d’un philosophe on saute allègrement de la durée de vie de l’insecte à la brièveté de la vie de ...Sénèque, de la singularité des insectes à Aristote et à cette « nature qui ne fait rien en vain ».
Pour Alain Cugno « la philosophie n’est vivante qu’au moment où elle vous permet de voir le monde comme vous ne l’aviez jamais vu, plus réel, plus existant, plus exaltant aussi. »
Ne laissez pas passer cette invitation à philosopher sous le soleil, à songer au divin, à entrer dans un monde insolite et coloré par la grâce des photographies qui converties en dessins apportent une touche presque tactile au livre.
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