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Rechercher : la petite lumière

  • Eva dort - Francesca Melandri

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                           Le Tyrol du sud

     

    Ce roman est une belle façon de mettre l’accent sur un pan de l’histoire de l’Italie et sur une région magnifique.

    Si vous avez lu Mario Rigoni Stern vous connaissez déjà un peu ce coin d’Italie qui appartint à l’Empire Austro-Hongrois et qui fut donné à l’Italie en 1918.

    Lorsque l’on lit ça dans un livre d’histoire on a peine à imaginer les conséquences pour les hommes et femmes qui vivent là.

     

    Francesca Melandri c’est attachée à nous faire comprendre les chose à travers l’histoire de deux femmes, Gerda et Eva.

    Dans les montagnes du Haut-Adige (pour les italiens) ou du Sud Tyrol (pour les autrichiens) c’est le choc total, des autrichiens se retrouvent du jour au lendemain italiens, changement de langue, bouleversement de l’identité culturelle, ils deviennent les parias d’une communauté. 

    La famille Huber va faire les frais du changement apportant séparations, fracture familiale, conflit de génération. 

     

    Le roman est un lent retour en arrière, Eva va traverser toute l’Italie pour être au chevet de Vito, son presque père qui va mourir, il fut l’amour de sa mère, un père de substitution dont elle n’a jamais accepté le départ.

    Eva se souvient de l’homme qui l’appelait « sisiduzza » ce qui signifie « toute petite étincelle »

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                              Haut Adige

     

    Le paysage se dessine d’une région supportant les changements historiques mais aussi les changements de société. 

    Dans les années 60 une jeune femme enceinte est une honte pour sa famille, elle devient une Matratze, une femme marquée au fer rouge

    « C’était une Matratze parce que son père, Hermann, l’avait laissée partir » partir pour gagner sa vie.

    Puis enceinte elle a été chassée par Herman, lui qui avait choisi le mauvais camp, celui des nazis.

    Gerda a fait face avec courage pour élever seule sa fille Eva, elle a travaillé sans relâche au Grand Hôtel de Frau Mayer à Merano, elle a tenté d’oublier Peter l’apprenti terroriste, Segi le frère plein de haine, Ulli le presque frère qui lui opte pour la transgression, elle est devenue une cuisinière de talent.

    Gerda est belle et rayonne d’amour pour sa fille. Lorsque Vito apparait il va être à la fois son amour et sa croix. 

     

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    « Un matin du printemps de 1998, à la suite des accords de Schengen, en présence des autorités italiennes et autrichiennes, on enleva la barrière séparant les deux pays au col du Brenner. Plus aucune frontière physique ne séparait le Tyrol du Sud de l’Autriche, sa terre mère perdue. »

    C’est un très beau roman qu’a écrit Francesca Melandri, mêlant l’histoire tourmentée de la région qui ne peut oublier son passé, et les personnages qu’elle nous livre toute en finesse et émotion. Si aujourd’hui la région voit affluer les touristes c’est après une période douloureuse. On croise des personnages bien réels de l’histoire italienne comme Aldo Moro, mais surtout on est pris d’affection pour Vito et Gerda qui portent le récit, et je vous défie de ne pas verser votre larme.

     

    Pour comprendre l'histoire de cette région c'est ici et là 

     

    l'avis de Mango 

     

    Le livre : Eva dort - Francesca Melandri - traduit par Danièle Valin- Editions Gallimard numérique 

     

  • Tous, sauf moi - Francesca Melandri

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    Francesca Melandri est parmi les auteurs dont je surveille les nouvelles publications. Quelque soit le sujet de son nouveau roman j’étais partante.
    Je suis tombée immédiatement sous sa coupe, je n’ai pas dit sous le charme car ce n’est pas du tout un roman charmant, il est dur, violent, noir par moments. 
    La quête de la vérité fait parfois souffrir.

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    Ilaria vit à Rome où elle est enseignante, elle habite un vieil immeuble dont les occupants refusent obstinément l’installation d’un ascenseur, elle grimpe donc ses étages en râlant. 
    Un jour devant sa porte attend un jeune africain qui se présente :  « Shimeta Ietmgeta Attilaprofeti… si Attilio Profeti est ton père, alors tu es ma tante »
    Ilaria est choquée, stupéfaite et immédiatement méfiante. Oui mais par le passé son père a déjà menti de façon éhontée alors…

    melandri

    un pays magnifique

    La jeune femme va devoir enquêter sur la vie de ce père, remonter dans son passé. Une mission difficile car son père est très âgé et peu lucide, Ilaria ne peut rien en attendre. 
    Attilio est parti comme bénévole en Ethiopie dans les années trente, espérant bien entendu des retombées de son geste. A-t-il eu un fils d’ Abeba une jeune éthiopienne ?  Attilio n'apprend son existence q’une fois rentré en Italie mais semble bien y croire car quand ce fils est emprisonné dans les geôles de Menghistu il intervient et le fait libérer. 

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    le fascisme et la guerre

    Elle devra faire appel à ses frères et à son amant Piero Casati,  son amour de toujours avec lequel elle est en bataille constante car c’est un élu de Forza Italia le parti de Berlusconi contre lequel Ilaria est vent debout.

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    Le roman se déroule sur deux plans, Francesca Melandri nous invite dans le passé de l’Italie, sa période sombre, celle des Chemises noires, de la conquête de l’Ethiopie, des massacres, des lois raciales effrayantes. L'autre côté c'est l’Italie d’aujourd’hui confrontée aux vagues migratoires venues d’outre Méditerranée, celle des demandeurs d’asile, des clandestins, des passeurs.  
    Le récit du voyage de Shimeta est plus que douloureux, il est insoutenable dans sa brutalité et son horreur. Il est l'archétype des voyages de migrants.

    melandri

    Lampedusa aujourd'hui

    C’est peu dire que j’ai aimé ce livre, j’ai été stupéfaite par la violence de ce conflit, je n’étais pas naïve mais je ne connaissais pas les exactions pratiquées lors de cette colonisation, je n’en savais pratiquement rien, la découverte est rude. 

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    une guerre injuste et meurtrière 

    Francesca Melandri sait rendre avec une grande justesse le mélange entre passé et présent. La vie secrète de ce père et la vie du petit fils qui aujourd’hui en est réduit à traverser les déserts pour vivre une vie digne.
    Elle présente les faits de façon brute, sans jugement partisan, les italiens colonisateurs nous ressemblent, ils sont identiques aux français ou au belges ou aux anglais. 
    Les réflexes de crainte qu’elle a envers Shimeta ce sont les nôtres.

    Elle utilise une écriture forte, âpre pour réveiller notre conscience, celle de l’histoire de tous les colonialismes, celle des migrants qui sont devenus des enjeux politiques puissants et redoutés.

    Un roman que je fais plus que vous conseiller.

    Des avis très bons aussi chez  Motpourmots et chez Myriam

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    Le livre : Tous sauf moi - Francesca Melandri - Traduit par Danièle Valin - Editions Gallimard

  • Gaspard de la nuit - Aloysius Bertrand

    Il vous est certainement arrivé de découvrir un livre qui vous fait dire : mais pourquoi est-ce que je n’ai jamais lu ce livre ? Cela vient de m’arriver avec celui d’un poète qui fut l’homme d’un seul livre, un poète qui préfère la prose à la versification, admiré par Hugo et Baudelaire et qui a inspiré les surréalistes. 

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    Si vous ouvrez son livre vous partez pour quelques heures de folie, de délire, de scènes pleines de mystères et de merveilleux. 
    6 livres composent Gaspard de la nuit, avec chacun plusieurs petits textes, qui parfois répondent à une logique, mais pas tous loin de là.

    On saute d’une scène à l’autre, d’un lieu à un autre sans explication, comme pour déstabiliser le lecteur et le faire participer sur un rythme de sarabande soigneusement orchestrée.

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    Les passionnés de peinture s’y sentiront à l’aise car Aloysius Bertrand vous offre des « Fantaisies à la manière de Rembrandt et Callot » et de Jérôme Bosch
    Rembrandt pour le vieux sage en méditation, Callot qui aime le grotesque, le baroque, la folie.

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    Jacques Callot les Misères de la guerre

     Aloysius Bertrand ne décrit pas un tableau, il tente d’en saisir l’esprit. 
    « Trente dindelles carillonnent dans un ciel bleu d’outre-mer comme en peignait le vieil Albert Dürer »

    Des scènes de guerre, des personnages grotesques, des paysages d’hiver, des scènes que l’on a admiré dans des tableaux flamands de tout temps, féérie des contes et légendes. 

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    Des textes qui font retentir une volée de cloches, qui vous envoient faire un tour à la synagogue.pour la Sabbat, vous font sauter des Flandres à l’Italie, ou regarder au fond de la cornue d’un alchimiste. 

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    Ou les couplets surprenants et l’astuce magnifique qui fait clore un poème avec le « regard inquisiteur du duc d’Albe dont le portrait, chef-d’œuvre d’Holbein, était appendu à la muraille. »

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    Le duc d'Albe

    Le poète propose des énigmes et aussi de courtes balades dans le Paris des gueux, aux alentour de la Tour de Nesle, vous vous mêlé aux fous du carnaval, aux nains, au peuple de la cour des miracles, étonnez vous ensuite qu’un chapitre soit dédicacé à V Hugo 

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    On habite le récit, on croise un marchand de tulipes qui a un trésor « la merveille des merveilles, un oignon comme il n’en fleurit jamais qu’un par siècle dans le sérail de l’empereur de Constantinople ! »

    On tend la main vers un marchand, on lui ferme sa bible « jonchée de gothiques enluminures » 
    C’est un livre peuplé de vieux grimoires, de chouettes, de « nuits d’été, balsamiques et diaphanes »

    Vous vous constituerez une collection de mots rares, précieux, vous savourerez des mots comme : 
    Dindelles, basterne, violier, falot, ringrave …..

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    C’est Freud qui a parlé de l’inquiétante étrangeté, c’est un peu ce que l’on ressent en lisant A Bertrand.   

    Après lecture, revenez à la préface qui donne quelques clés, mais ne vous privez pas d’une découverte sans GPS, c’est la meilleure. 

    Et vous pouvez décider de finir en musique avec Ravel qui se laissa prendre à la magie de Gaspard de la nuit.

     

             

     

    Le livre : Gaspard de la nuit - Aloysius Bertrand  - Le livre de poche

     

  • Le Monde selon Victor Hugo - Michel Winock

     

    Il vient d'être à l'honneur avec Notre Dame de Paris

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    Passé l'engouement passager pour le roman et si vous voulez en savoir un peu plus sur Hugo sans passer par une ENORME biographie je vous invite à faire confiance à ce livre.
    Composé de chapitres assez courts centrés chacun sur un aspect de l’écrivain : sa vie familiale et sa vie amoureuse (et là il y a à dire), l’homme d’Hernani, sa place en politique et son évolution en la matière, l’homme en colère qui s'exile à Guernesey, le catholique qui veut des obsèques civiles bref un homme de contradictions.

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                                                    Hauteville House St Peter Port

    J’ai lu il y a longtemps deux biographies de Hugo, ce n’est donc pas pour connaitre sa vie que j’ai lu Michel Winock mais pour avoir la patte de l’historien.
    J’ai aimé qu’en un livre court il réussisse à nous dresser le portrait d’un géant et de son oeuvre, de nous permettre de sentir sa personnalité.


    J’ai été particulièrement intéressé par le portrait de l’homme politique car on ne se souvient pas assez que V Hugo passe par tous les stades : royaliste, admirateur de Napoléon, opposant virulent à Napoléon le Petit, républicain farouche, de véritables revirements, méchamment on dira qu’il a tourné casaque ! Oui mais avec quelle énergie et quel souffle !!
    Le poète un peu facile, celui de « je veux de la poudre et des balles » mais aussi le poète magnifique de Booz endormi

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    Booz par Frédéric Bazille

    et Ruth se demandait,
    Immobile, ouvrant l'oeil à moitié sous ses voiles,
    Quel dieu, quel moissonneur de l'éternel été,
    Avait, en s'en allant, négligemment jeté
    Cette faucille d'or dans le champ des étoiles.


    Qui est-il cet homme qui écrit à son collègue Lamartine
    «  Je condamne l’esclavage, je traite la maladie, j’éclaire la nuit, je hais la haine. Voilà ce que je suis ».
    Un paria et un exilé, l’homme qui lance « vous ne voulez pas du progrès, vous aurez les révolutions ! »
    L’homme qui écrit aux grands de ce monde ( à la reine Victoria ) pour les convaincre de NE PAS appliquer la peine de mort.

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    Le dernier jour d'un condamné 
    Ed. J. Hetzel - A. Quantin - 1881


    Toujours il lutta pour montrer que la peine de mort était pour lui un meurtre judiciaire, il a essayer de peser sur l'opinion en ce sens rappelant dans ses écrits l'horreur des exécutions et l'inefficacité de cette sentence.

    L’homme qui dit  « Je donne cinquante mille francs aux pauvres. Je désire être porté au cimetière dans leur corbillard. Je refuse l’oraison de toutes les églises ; je demande une prière à toutes les âmes. Je crois en Dieu »
    L’homme  capable de faire sortir la population de Paris dans les rues derrière son cercueil !
    « Notre fleuve français, coula ainsi de midi à six heures, entre les berges immenses faites d’un peuple entassé depuis le trottoir, sur les tables, des échelles, des échafaudages, jusqu’au toit » écrivit Maurice Barrès.

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    Je vous invite aussi à relire ou à écouter Les Misérables parce que malgré tout ses défauts ce livre pour moi est la littérature même.

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    Le livre : Le Monde selon Victor Hugo - Michel Winock - Editions Tallandier

  • Le Retour au pays natal - Thomas Hardy

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    J’arrive avec ce roman à la fin de l’oeuvre de Thomas Hardy, il ne me reste à lire que Tess d’Urberville, quand on arrive en fin de lecture d’une oeuvre on a un petit pincement au coeur.

    Claire Tomalin la biographe (en anglais uniquement hélas) de T Hardy dit que « La grandeur de Retour au pays natal tient au fait qu’il s’agit tout autant d’une oeuvre de Hardy poète que de Hardy romancier. » 

    C’est effectivement un roman d’une grande poésie dans lequel il y a foison de personnages  mais où la nature et la lande tiennent une place centrale. 

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    « L’heure du crépuscule approchait et la vaste étendue libre et sauvage, connue sous le nom de lande d’Egdon, allait s’assombrissant de minute en minute. Une mince couche de nuages, d’un blanc indécis, cachait le ciel, se déployait comme une tente qui aurait eu la lande entière pour sol.(…)

     C’était aux crépuscules, puis durant les heures qui se succédaient jusqu’aux aubes, que son charme s’imposait, prenait toute sa signification. Alors, et seulement alors, la lande était vraiment la lande. Un lien d’étroite parenté unissait cet endroit et la nuit, une tendance à graviter ensemble qui, dès la tombée du jour, se manifestait dans les ombres et le paysage : la sombre étendue de tertres et de creux semblait se lever pour accueillir, en pure sympathie, les gris mélancoliques du soir ; la lande exhalait l’obscurité, aussi rapidement que le ciel la déversait. Et, ainsi, l’obscurité de l’air et celle du sol se fondaient en une noire étreinte fraternelle, chacune ayant fait vers l’autre la moitié du chemin. »

    C’est le Dorset natal de Thomas Hardy qui sert de modèle à cette lande d’Egdon et l’auteur offre une vaste peinture de ce monde rural qu’il connait bien.

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    Mais voyons les personnages :

    Il y a un homme de la ville Clym Yeobright, il revient au pays après avoir connu les fastes et la richesse de Paris. Amoureux de Thomasine sa cousine mais celle-ci doit épouser un homme du pays un peu vaurien : Damon Wildeve. 

    La mère de Clym s’est opposée au mariage mais a finalement rendu les armes, Damon et Thomasine vont pouvoir convoler. 

    Mais chez Thomas Hardy les mariages ne sont jamais ce que l’on croit qu’ils sont et pour Damon il y a au fond de sa pensée la silhouette d’Eustacia Vye qui fut sa maitresse et qui rêve de partir à l’assaut du monde. 

    Pour rétablir l’équilibre il y a un troisième personnage masculin, un homme un peu mystérieux, c’est l’homme rouge Diggory Venn qui arpente la lande pour marquer les moutons à la craie rouge et qui va prendre des allures d’ange gardien.

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    Les passions vont se déchainer, amour et haine, trahison et vengeance. La terre dure aux paysans est aussi le prétexte à des superstitions. 

    Le drame va se nouer, erreur, mensonges et quiproquos, rêves de fuite, idéaux anéantis, toutes les actions ont la lande pour décor. Le destin joue des tours à tous les personnages et chez Thomas Hardy le destin est souvent douloureux.
    Le décor est fascinant et un rien effrayant, tout passe par la lande, on a parfois dit que la lande et ses habitants jouaient le rôle du choeur dans les tragédies grecques.

     

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    Une adaptation mais uniquement en anglais

    J’ai beaucoup aimé ce roman qu’il convient de lire lentement pour être pris par la magie de la lande. La traversée de la lande la nuit est magnifique, il y a des scènes villageoises qui marquent bien le désir de préserver des coutumes ancestrales et les personnages sont très attachants, mon préféré est sans conteste l’homme rouge. 
    Un classique de la littérature romantique anglaise. 

    La couverture des éditions Corti est magnifique et la peinture de Constable est tout à fait dans le ton du roman.

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    Le livre : Le Retour au pays natal - Thomas Hardy - Traduit par Marie Canavaggia - Editions José corti 

  • Le Coeur converti - Stefan Hertmans

    Un roman qui mêle petite et grande histoire, qui a ses racines en Provence mais qui emporte le lecteur vers Narbonne et plus loin encore en Egypte.

     

    Nous sommes en 1092 Vigdis Adélaïs est une jeune fille issue d’une famille de Rouen, elle s’est enfuie avec David Todros un jeune juif, fils du grand rabbin de Narbonne «  que tout le monde nomme le Roi aux juifs car sa lignée descendrait tout droit du roi David » 

    Et aujourd’hui le couple en fuite arrive dans le Vaucluse « Depuis la fenêtre qui m’offre une vue sur la vallée, je vois au loin deux personnes approcher. Elles doivent venir des hauteurs de Saint-Hubert, d’où l’on peut contempler aussi bien le sommet du mont Ventoux que la vallée de Monieux » du moins c’est ainsi que les imagine Stefan Hertmans. 

     

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    Ruines du village de Monieux

    Saviez-vous que le Lubéron fut une région où les juifs vécurent un temps sans être inquiétés ? Il reste encore des traces même si elles sont difficiles à repérer.
    « Nombre de maisons ont donc commencé à s’effondrer dès la fin du dix-huitième siècle. Il n’en reste que des tas de pierres pittoresques, recouverts de vigne sauvage qui en octobre se teinte de rouge. » 

    Mais quand Vigdis Adélaïs, devenue Hamoutal, et David y pénétrèrent le pays était à quelques mois de l’appel du pape Urbain II pour la Sainte Croisade et Monieux va connaître un pogrom terrible.

     

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    Urbain II prêchant la croisade et la mort

    pour les musulmans et les juifs "Dieu le veut"

    Comment une jeune fille qui a connu une vie d’aisance et de sécurité va-t-elle faire face aux dangers multiples : sa famille d’abord des chevaliers Normands assoiffés de vengeance, les armées de croisés qui vont déferler sur le village de Monieux. Les dangers du temps : épidémies, accouchement difficile, famine.

    C’est un roman très réussi. L’auteur parvient à nous embarquer sur les traces quasi invisible de ce couple hors norme. 
    Il le fait avec beaucoup d’empathie, avec tendresse et bienveillance sans pour autant omettre les faits noirs et violents. 
    Le destin d’Hamoutal nous emporte bientôt, on la suit à travers bois, rivières et mers. 

    Par de très habiles allers-retours entre présent et passé on suit son enquête qui le conduit de Rouen à Narbonne, de Palerme jusqu’au mystère d’une Guéniza véritable « puits de souvenirs »  ou à l’Université de Cambridge. 

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    Maquette d'une Guéniza

     

    Stefan Hertmans fait parfaitement revivre le passé, du funeste « Dieu le veut » des croisés en délire aux descriptions d’une région où il vit 

    « Tout donne l’impression que le paysage est resté le même au fil des siècles. Pourtant, ce jardin d’apparence paisible était à l’époque la partie la plus peuplée du village, où les ruelles étaient étroites et les hautes maisons sombres collées les unes aux autres. Ici dominaient le bruit, la puanteur et la diversité quotidienne d’une communauté médiévale grouillant de vie, entretenant des relations étroites et intenses. Ici on vivait et on mourait, on dormait, on travaillait et on jurait, on faisait l’amour et des enfants venaient au monde dans les conditions les plus primitives. »

    Un roman comme je les aime.

     

    Le Livre : Le coeur converti - Stefan Hertmans - Traduit par Isabelle Rosselin - Editions Gallimard 2018