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  • Tous, sauf moi - Francesca Melandri

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    Francesca Melandri est parmi les auteurs dont je surveille les nouvelles publications. Quelque soit le sujet de son nouveau roman j’étais partante.
    Je suis tombée immédiatement sous sa coupe, je n’ai pas dit sous le charme car ce n’est pas du tout un roman charmant, il est dur, violent, noir par moments. 
    La quête de la vérité fait parfois souffrir.

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    Ilaria vit à Rome où elle est enseignante, elle habite un vieil immeuble dont les occupants refusent obstinément l’installation d’un ascenseur, elle grimpe donc ses étages en râlant. 
    Un jour devant sa porte attend un jeune africain qui se présente :  « Shimeta Ietmgeta Attilaprofeti… si Attilio Profeti est ton père, alors tu es ma tante »
    Ilaria est choquée, stupéfaite et immédiatement méfiante. Oui mais par le passé son père a déjà menti de façon éhontée alors…

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    un pays magnifique

    La jeune femme va devoir enquêter sur la vie de ce père, remonter dans son passé. Une mission difficile car son père est très âgé et peu lucide, Ilaria ne peut rien en attendre. 
    Attilio est parti comme bénévole en Ethiopie dans les années trente, espérant bien entendu des retombées de son geste. A-t-il eu un fils d’ Abeba une jeune éthiopienne ?  Attilio n'apprend son existence q’une fois rentré en Italie mais semble bien y croire car quand ce fils est emprisonné dans les geôles de Menghistu il intervient et le fait libérer. 

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    le fascisme et la guerre

    Elle devra faire appel à ses frères et à son amant Piero Casati,  son amour de toujours avec lequel elle est en bataille constante car c’est un élu de Forza Italia le parti de Berlusconi contre lequel Ilaria est vent debout.

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    Le roman se déroule sur deux plans, Francesca Melandri nous invite dans le passé de l’Italie, sa période sombre, celle des Chemises noires, de la conquête de l’Ethiopie, des massacres, des lois raciales effrayantes. L'autre côté c'est l’Italie d’aujourd’hui confrontée aux vagues migratoires venues d’outre Méditerranée, celle des demandeurs d’asile, des clandestins, des passeurs.  
    Le récit du voyage de Shimeta est plus que douloureux, il est insoutenable dans sa brutalité et son horreur. Il est l'archétype des voyages de migrants.

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    Lampedusa aujourd'hui

    C’est peu dire que j’ai aimé ce livre, j’ai été stupéfaite par la violence de ce conflit, je n’étais pas naïve mais je ne connaissais pas les exactions pratiquées lors de cette colonisation, je n’en savais pratiquement rien, la découverte est rude. 

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    une guerre injuste et meurtrière 

    Francesca Melandri sait rendre avec une grande justesse le mélange entre passé et présent. La vie secrète de ce père et la vie du petit fils qui aujourd’hui en est réduit à traverser les déserts pour vivre une vie digne.
    Elle présente les faits de façon brute, sans jugement partisan, les italiens colonisateurs nous ressemblent, ils sont identiques aux français ou au belges ou aux anglais. 
    Les réflexes de crainte qu’elle a envers Shimeta ce sont les nôtres.

    Elle utilise une écriture forte, âpre pour réveiller notre conscience, celle de l’histoire de tous les colonialismes, celle des migrants qui sont devenus des enjeux politiques puissants et redoutés.

    Un roman que je fais plus que vous conseiller.

    Des avis très bons aussi chez  Motpourmots et chez Myriam

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    Le livre : Tous sauf moi - Francesca Melandri - Traduit par Danièle Valin - Editions Gallimard

  • Plus haut que la mer - Francesca Melandri

    Un premier roman de Francesca Melandri m’avait comblé et donc naturellement la parution de celui-ci m’a attiré.

     

    On retrouve le goût de l'auteur pour l'histoire de son pays, mais autant le premier s’enfonçait dans les méandres de l’histoire d’une région, autant celui-ci est concis et court.

    Un roman à quatre personnages, Paolo et Luisa, Pierfrancesco et l’île-prison dans laquelle on reconnait Asinara.

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    « L’île les saisit de plein fouet par son arôme.(...) Elle sentait le sel de mer, le figuier, l’hélichryse. »

    Paolo et Luisa rendent visite l’un à son fils, l’autre à son mari, deux détenus dépendant d’un régime spécial de détention.

    Ils font ensemble la traversée en ferry. Tout les opposent, elle la paysanne inculte se débattant pour élever seule ses cinq enfants mais presque heureuse d’avoir échappé à un mari violent, lui le professeur de philosophie rongé de remords d’avoir peut être contribué à transformer son fils en terroriste. 

     

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    On pénètre dans la prison et on y subit nous aussi la bureaucratie carcérale, la fouille corporelle à chaque visite, la rétention des douceurs apportées aux prisonniers.

    Les hasards du destin et une belle tempête vont obliger Paolo et Luisa à passer la nuit sur l’île sous la garde de Pierfrancesco le gardien.

     

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    Une île où pousse l'immortelle ou hélichryse

    Cette île est le symbole des années de plomb en Italie. Francesca Melandri en y situant son roman met en scène le drame collectif qui endeuilla le pays pour longtemps.

    Elle parvient d’une façon tout à fait magistrale à donner à la fois la parole aux victimes grâce à une photo que vous n’oublierez pas,  aux familles et aux prisonniers. 

    La rencontre de Paolo et Luisa est un fragment de vie, ils sont otages d’une histoire, d’une violence, d’une douleur qui par bien des côtés ont des allures de drame antique. 

    L’amour filial est présent tout au long du roman, la rencontre sur l’île est une petite éclaircie hors du temps.

     

    C’est un très beau et fort roman qui parvient, sans excuser personne, à ne rien laisser dans l’ombre, ni les victimes, ni les coupables, et pas plus les prisonniers que les familles.

    La sanction est tombée et dans sa dureté elle touche tout le monde. 

    Une belle façon de nous rappeler cette période de l'histoire.

     

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    Le livre : Plus haut que la mer - Francesca Melandri - Traduit par Danièle Vallin - Editions Gallimard 2015

     

     

  • Eva dort - Francesca Melandri

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                           Le Tyrol du sud

     

    Ce roman est une belle façon de mettre l’accent sur un pan de l’histoire de l’Italie et sur une région magnifique.

    Si vous avez lu Mario Rigoni Stern vous connaissez déjà un peu ce coin d’Italie qui appartint à l’Empire Austro-Hongrois et qui fut donné à l’Italie en 1918.

    Lorsque l’on lit ça dans un livre d’histoire on a peine à imaginer les conséquences pour les hommes et femmes qui vivent là.

     

    Francesca Melandri c’est attachée à nous faire comprendre les chose à travers l’histoire de deux femmes, Gerda et Eva.

    Dans les montagnes du Haut-Adige (pour les italiens) ou du Sud Tyrol (pour les autrichiens) c’est le choc total, des autrichiens se retrouvent du jour au lendemain italiens, changement de langue, bouleversement de l’identité culturelle, ils deviennent les parias d’une communauté. 

    La famille Huber va faire les frais du changement apportant séparations, fracture familiale, conflit de génération. 

     

    Le roman est un lent retour en arrière, Eva va traverser toute l’Italie pour être au chevet de Vito, son presque père qui va mourir, il fut l’amour de sa mère, un père de substitution dont elle n’a jamais accepté le départ.

    Eva se souvient de l’homme qui l’appelait « sisiduzza » ce qui signifie « toute petite étincelle »

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                              Haut Adige

     

    Le paysage se dessine d’une région supportant les changements historiques mais aussi les changements de société. 

    Dans les années 60 une jeune femme enceinte est une honte pour sa famille, elle devient une Matratze, une femme marquée au fer rouge

    « C’était une Matratze parce que son père, Hermann, l’avait laissée partir » partir pour gagner sa vie.

    Puis enceinte elle a été chassée par Herman, lui qui avait choisi le mauvais camp, celui des nazis.

    Gerda a fait face avec courage pour élever seule sa fille Eva, elle a travaillé sans relâche au Grand Hôtel de Frau Mayer à Merano, elle a tenté d’oublier Peter l’apprenti terroriste, Segi le frère plein de haine, Ulli le presque frère qui lui opte pour la transgression, elle est devenue une cuisinière de talent.

    Gerda est belle et rayonne d’amour pour sa fille. Lorsque Vito apparait il va être à la fois son amour et sa croix. 

     

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    « Un matin du printemps de 1998, à la suite des accords de Schengen, en présence des autorités italiennes et autrichiennes, on enleva la barrière séparant les deux pays au col du Brenner. Plus aucune frontière physique ne séparait le Tyrol du Sud de l’Autriche, sa terre mère perdue. »

    C’est un très beau roman qu’a écrit Francesca Melandri, mêlant l’histoire tourmentée de la région qui ne peut oublier son passé, et les personnages qu’elle nous livre toute en finesse et émotion. Si aujourd’hui la région voit affluer les touristes c’est après une période douloureuse. On croise des personnages bien réels de l’histoire italienne comme Aldo Moro, mais surtout on est pris d’affection pour Vito et Gerda qui portent le récit, et je vous défie de ne pas verser votre larme.

     

    Pour comprendre l'histoire de cette région c'est ici et là 

     

    l'avis de Mango 

     

    Le livre : Eva dort - Francesca Melandri - traduit par Danièle Valin- Editions Gallimard numérique