C ‘est un cadeau que j’ai reçu et qui m’a fait un immense plaisir, vous me direz comment peux-tu dire ça alors que tu as déjà lu le livre ?
C’est vrai je l’ai déjà lu mais rapidement comme on lit quand on doit rendre le livre très vite.
Alors là j’ai pris mon temps.
Un récit très court mais dont on regrette presque la concision tant cette étonnante histoire nous bouleverse.
On assiste à la représentation de Don Juan de Byron, à la fin de la pièce le public debout réclame l’auteur. Une femme gênée, voutée, monte sur scène et là s’écroule.
Cette femme c’est Tatiana Grigorievna Gnéditch.
Elle est une intellectuelle issue d’une famille aristocrate ce qui en Union Soviétique était comme une épée de Damoclès.
Tatiana Gnéditch est passionnée de littérature anglaise et attirée en particulier par Byron. Elle a de qui tenir, un de ses ancêtres fut le traducteur de l’Iliade, traduction jamais dépassée depuis.
La politique n’intéresse pas Tatiana mais la politique va la rattraper. Soupçonnée puis emprisonnée pour ses origines, elle est condamnée à dix ans de camp en 1945.
Bizarrement elle ne part pas immédiatement au Goulag, elle va profiter de ce répit pour obtenir avec l’aide d’un de ses geôliers, papier et crayon et elle s’attaque à la traduction de Byron.
Au nez et à la barbe du NKVD elle va traduire les 17000 vers de Don Juan.
Le parcours de cette traduction est un exemple de solidarité et de prise de risques pour que ne se perdent pas les paroles des écrivains.
Une femme de la trempe d’un Soljenitsyne qui enterra ses manuscrits ou de Nadejda Mandelstam qui mémorisa l’œuvre de son mari pour qu'elle ne s'efface pas.
En lisant ce petit livre j’ai pensé au « Proust contre la déchéance » de Joseph Czapski et au rôle de la mémoire.
J’ai fait également le rapprochement avec le superbe film La femme aux cinq éléphants qui, bien que dans un tout autre contexte, met parfaitement en valeur le travail de la traduction.
Un mot sur l’auteur : Efim Etkind était linguiste et traducteur, il fut un dissident qui prit des risques pour faire circuler des œuvres d’auteurs interdits. Il a travailler à faire connaître les dérives soviétiques, en 1974 il fut contraint à quitter l’URSS.
Le genre de petit livre tout à fait indispensable, des textes qui ne s’oublient pas, qui réactivent en nous l’obligation de nous inquiéter des livres, des auteurs ET des traducteurs.
Le livre : La traductrice – Efim Etkind – Traduit par Sophie Benech – Éditions Interférences