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Littérature italienne - Page 5

  • La Robe de bure - Gabriella Baracchi

    Sans feu ni lieu

     

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    Une enfant de sept ans est condamnée à la mort de sa mère à vivre ou plutôt survivre auprès d’un père sans amour qui distribue plus de coups que de caresses dans l'Italie de la fin de la guerre.

    La quête d’une seconde femme par le père va précipiter encore le malheur de l’enfant, c’est la haine qui s’invite alors. 

    La vie passe de refuge en ferme abandonnée seul abri que le père lui procure, la faim au ventre, les paroles blessantes, les gestes proches du viol. Une misère noire que seule la présence intermittente d’une soeur jumelle va un peu soulager.

     

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    " J'avais cependant des moments de grand bonheur. Le soir, j'aimais m'asseoir dans le pré à côté de la ferme. il s'en dégageait un parfum intense d'herbe, de fleurs fauchées, la nuit venait tout doucement et les lucioles se mettaient à voler"

     

    Ce livre minuscule dit tout de la souffrance d’une enfant, plus encore que la coups ou la faim c’est la solitude qui lui fut douleur. L’auteur grâce à une écriture très concise, très sobre parvient parfois à nous faire sourire, elle tente vent debout de survivre, de se donner un peu bon temps, parfois en fuguant parfois en chapardant. Et miracle en rencontrant parfois une main amie qui ne frappe pas, qui ne viole pas mais qui apporte un peu de baume sur les blessures.

    Les arbres, les étoiles, les travaux des champs, l’école, la lecture,  apparaissent parfois comme des échappatoires et seront peut être les seuls souvenirs heureux. On ne sort pas de ce livre abattu car il a en germe la force qui permettra à Gabriella Baracchi de tracer son chemin.

     

    Livre autobiographique. Livre d’une dignité totale et d’une lucidité qui donne parfois le vertige, d’une recherche de l’amour jusqu’à l’épuisement. 

     

     

    Un grand merci à Pascale qui m’a soufflé le titre de ce livre

     

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    Le livre : La robe de bure - Gabriella Baracchi - Traduit par Danièle Valin - Editions Les Allusifs 

  • Le Fils de Bakounine - Sergio Atzeni

    La Sardaigne au temps du fascisme

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    Lors d’un petit passage à ma librairie favorite j’ai reçu un conseil de lecture, je l’ai suivi et banco c’était du tout bon

    Quand votre père a juré d’inviter Bakounine à incendier l’église du village avec lui, il ne faut pas s’étonner après d’être surnommé « le fils de Bakounine » par tout Guspini, en Sardaigne on ne plaisante pas avec la politique.

    Son vrai nom est Tullio Saba et je vous propose de découvrir « Ce qui reste d’un homme, après sa mort, dans la mémoire et les paroles d’autrui. »
    C’est compliqué de faire le portrait de Tullio Saba car il est devenu une quasi légende.
    Est-il uniquement ce bel homme qui aime paradé devant les dames, est-il un meneur de grèves communiste toujours près à bouffer du curé, est-il celui qui a gravé « Vive Staline » sur un madrier au fond de la mine , est-il ce fils de cordonnier toujours prêt à défendre les humbles.

    Parce qu’il est un peu tout ça Tullio Saba. Il est beau oui c’est certain « Le plus beau du pays, les yeux noirs et rusés, aux mouvements vifs comme ceux du renard  » et plus d’une femme de Guspini lui doit son bonheur !
    Un des meilleurs mineurs et qui « savait beaucoup de choses qui n'étaient pas écrites dans les journaux et que la radio ne disait pas sur la guerre d'Espagne, sur le communisme russe ; il savait et il parlait, il racontait » mais aussi « arrogant et mal élevé »  donc le premier licencié quand il s’agit de remettre de l’ordre.

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    Le portrait du héros apparaît petit à petit à travers les récits de ses amis, de ses voisins. Enjolivé, déformé, par ceux qui ont peu ou prou partagé sa vie.
    Un portrait  tout en contradictions, démon athée pour les uns, saint laïque pour les autres. Où se situe la vérité, que reste-t-il d’un homme dans les souvenirs de ceux qui l’ont connu ?


    Ce court roman est très réussi, même si le procédé narratif n’est pas original, il est mené très habilement. Apparaît une Sardaigne, pauvre et fière, au temps du fascisme, ce temps qui autorise les hommes vêtus de chemises noires à terroriser mineurs et paysans et à leurs faire avaler « l’huile de ricin » pour les mettre au pas.
    Cette alliance entre le destin individuel de Tullio Saba et celui de la Sardaigne, est un des plaisirs de ce livre.
     
    atzeni.jpgLe livre : Le Fils de Bakounine - Sergio Atzeni - Traduit de l’italien par Marc Forcu - Editions Phébus libretto 2011
    première publication en 2000 Editions la Fosse aux ours

    L’auteur : Sergio Atzeni est mort prématurément en 1995, à l’âge de quarante-trois ans, emporté par une vague, alors qu’il contemplait une tempête. La critique avait salué dès la publication du Fils de Bakounine un écrivain de talent, au seuil d’une oeuvre majeure.



  • Le Décaméron - Boccace

    A Florence au temps de la peste

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    Je n’ai pas lu les cent nouvelles du Décaméron, ma lecture s’est plutôt faite "à sauts et à gambades" j’ai retrouvé des histoires lues il y a longtemps et de toutes nouvelles (pour moi)
    Rappelez vous car vous avez certainement lu certains de ces contes, dix jeunes gens enfermés pour se protéger de la peste qui sévit, pour passer le temps chaque jour chacun va prendre la parole. Si l’amour tient le haut du pavé, on trouve aussi le mal et les vices, le hasard et la chance, la vertu et bien entendu la sensualité qui a longtemps assuré le succès du livre.

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    Ambrogio Lorenzetti Les effets du bon gouvernement à la campagne - Fresques Palazzo pubblico Sienne 

    Les histoires sont courtes et mettent en scène tous les personnages de la société, les pauvres et les riches, les nobles et les paysans, les courageux et les lâches, les bons et les méchants.
    Boccace peint très habilement la société de son temps et il le fait en italien ce qui était pour l’époque une entreprise risquée.
    En fait le succès fut immédiat et c’est ce qui explique la très riche iconographie autour du livre.
    Boccace " disciple de Dante et grand ami de Pétrarque " connu la gloire littéraire avec son livre.

    En fait il faut que j’avoue, ce n’est pas pour le texte que j’ai ouvert ce livre mais bien plutôt pour les quelques cinq cent oeuvres, dessins, aquarelles, fresques, tableaux, qui sont là pour illustrer le texte.
    C’est absolument fascinant, extraordinaire, on va du texte aux peintures et retour d’une façon qui tient un peu de l’envoûtement.

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     La Thébaïde - Fra Angelico

    Certains des dessins sont de Boccace, d’autres sont des oeuvres qui ont été inspirées par le Décaméron et qui se cachent dans les tréfonds du Vatican, de la BNF. Toute l’Italie de la Renaissance est là, Giotto, Botticelli, Fra Angelico pour accompagner les récits de Boccace.

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     Francisco del Cossa - Le mois d’avril - Palais Schifanoia Ferrare

    Les reproductions sont superbes, certains agrandissements permettent de contempler les détails invisibles normalement ou très difficiles à remarquer. Ce livre publié dans ce que Diane de Selliers appelle " La petite collection " est tout simplement magnifique et j’espère qu’un jour il trouvera place dans ma bibliothèque même s’il s’agit d’une petite folie.

    Le livre : Le Décaméron - Boccace - Editions Diane de Selliers

    L’auteur (Notice biographique du livre par Vittore Branca )
    boccace.jpgGiovanni Boccaccio dit Boccace né en 1313 et mort en 1375 , commis et apprentis à Naples c’est un autodidacte, il écrit assez tôt des romans d’amour, il assiste à la peste de Florence ce qui lui servira pour le Décaméron.
    Nommé ambassadeur il voyage au Tyrol, auprès des Papes en Avignon, à Rome.
    Ayant subit affront et déceptions il se retire loin de la vie citadine et de la vie politique Florentine.
    Sa rencontre avec Pétrarque que Vittore Branca qualifie de « plus heureuse de toute la littérature italienne » sera suivi d’une correspondance abondante entre les deux hommes et est à l’origine de l’écriture du Décaméron.
    Véritable promoteur de la culture grecque et latine, on lui doit la connaissance et la diffusion de Martial, Tacite, Apulée, Ovide.

  • Stabat mater - Tiziano Scarpa

    "Madame Mère, au coeur de la nuit, je quitte mon lit pour venir, ici, vous écrire".

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     C’est le début de Stabat Mater et immédiatement on est envahi par les amères pensées de Cecilia.
    C’est une jeune fille qui écrit ces mots, des mots qui vont se perdre dans le silence, elle est anxieuse, l’angoisse l’étreint quand elle écrit car de mère il n’y a pas.
    Chaque soir elle fuit vers son refuge, pour être seule, pour écrire, pour plonger dans le coeur de la nuit.
    Cette correspondance avec l’absente est sa raison de vivre, elle dialogue avec la mort, figure de Méduse qui l’effraye mais la comprend. Délires et hallucinations accompagnent ses nuits, elle est au bord de la folie.
    Les lettres sont tourmentées et aussi pleines d’espoir, parmi ses compagnes certaines ont retrouvé la mère aimée grâce à un portrait, un objet ou la moitié d’un médaillon.
    Cecilia
    a été comme beaucoup d’autres, abandonnée, orpheline elle a été éduquée par les soeurs, une éducation stricte, sévère tout entière tournée vers la musique.

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    Ospedale della Pietà

    Les orphelines reçoivent une éducation, elles doivent très tôt déchiffrer la musique, jouer d’un instrument et aussi chanter. Toutes choses qui permettent au couvent d’amasser des dons car cet orchestre et ce choeur de femmes se produit auprès des familles nobles, pour les événements de la Sérénissime.  Les jeunes filles jouent masquées, isolées du public et on les promène en barque une fois par mois, mais elles sont appelées à se marier ou plutôt devrait-on dire à être achetées.

    Le couvent est sombre, lugubre et la vie pour ces jeunes filles " Une longue suite de ténèbres", pourtant un jour elle n’est plus seule dans le couvent qui dort. L’arrivée d’un nouveau professeur de musique va changer sa vie. Il est prêtre, il est roux et se nomme Antonio Vivaldi.
    La sensualité de la musique va désormais l’habiter, elle fait des essais " aujourd’hui sur mon violon, j’ai essayé d’imiter les cris des oiseaux" elle revendique une liberté
    " Personne ne peut entendre la musique secrète qui s’élève dans notre âme. Personne ne peut empêcher qu’elle résonne en nous. Personne ne peut nous la voler."

    Elle vit avec une fièvre nouvelle "J’ai été traversé par le temps et par l’espace et par tout ce qu’ils contiennent." Grâce à son instrument et à la musique elle va bientôt revendiquer une liberté nouvelle.

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    Canaletto - Piazza San Marco

    C’est la Venise du XVIII ème que ce roman ressuscite, la Venise de Canaletto.
    Dans ses notes l’auteur précise " la maîtrise instrumentale exceptionnelle des musiciennes de la Pietà attirait des auditeurs de toute l’Europe, surtout pendant les décennies où le père Antonio Vivaldi prêta son génie incomparable à cette institution. "

    Un petit joyau qui mêle la tension de la folie, l’intensité et la pureté de la musique et la quête de l’identité. Un court roman très réussi, un personnage délicat qui va suivre la voie tracée par sa mère par delà le temps.


    Le livre : Stabat mater - Tiziano Scarpa - Traduit de l’italien par Dominique Vittoz - Editions Christian Bourgois

    Tiziano-Scarpa-03072009.jpgL’auteur
    Tiziano Scarpa est né à Venise en 1963, il est auteur d'essais sur la littérature italienne contemporaine et de pièces de théâtre.
    Il est également auteur de nouvelles et de romans. Il a obtenu en 2009 le prestigieux prix littéraire italien Strega pour son roman Stabat Mater. (source Wikipédia)

  • L'île - Giani Stuparich

    lile.gifL’île - Giani Stuparich - traduit de l’italien par Gilbert Bosetti - Editions Verdier poche
    Ce roman de Stuparich m’a été soufflé par Claude et je lui dis un grand merci car j’ai pris un très grand plaisir à cette lecture.
    L'Ile est un court récit qui évoque la relation entre un père malade et son fils. Ils sont venus sur l'île de Lussinpiccolo, juste en face de Trieste, pour passer pour la dernière fois quelques jours ensemble.
    Ce voyage c’est le père qui le souhaite, il veut retourner sur son île natale « s’installer les jambes pendantes sur la jetée et oublier le monde » et surtout partager encore quelques moments avec son fils. Le fils a quitté la côte Triestine depuis longtemps, il préfère la montagne, il vit loin.
    Le fils a longtemps regardé son père comme un héros distant et intouchable « Le visage lumineux, la voix retentissante, avec des manières de conquérant. » Mais le père a vieilli, il est malade et maintenant « ses épaules semblaient veiller à maintenir son corps qui se serait affaissé sans la ferme volonté qui le dominait encore. »
    Le père lui regarde son fils avec affection « il le voyait suivre sa route d’un pas assuré, et il en était fier. »
    Chacun d’eux fait un voyage vers l’autre, les souvenirs partagés, les silences, les gestes simples, les objets, le père qui clot ainsi son existence et le fils qui lui ne fait qu’entamer le voyage.
    L’auteur écrit que l’homme né sur une île est fait pour « courir le monde et ne revenir qu’à la dernière extrémité. »

     

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    L'île de Lussinpiccolo en Istrie vers 1900

    Giani Stuparich sait à merveille évoqué cette inversion constante et parfois insupportable : enfant et parent échangeant leurs rôles, l’enfant devenant celui qui protège, le père celui qui a besoin d’aide.
    Il écrit un récit lent, poignant, épuré, limpide et sobre. Un chef d’oeuvre de la littérature italienne à découvrir.
    Il y a beaucoup de similitudes entre ce roman et celui d’Arzo  Maison des autres que j’ai lu très récemment mais aussi avec le beau roman de Anna Luisa Pignatelli  Noir toscan qui a concouru pour le Fémina étranger.

    Faites une place à ce livre dans votre bibliothèque

    L’auteur
    stuparich.jpgGiani Stuparich est né à Trieste en 1891 et mort à Rome en 1961. Sa mère était juive et son père Istrien d’origine slave et autrichienne.
    À la naissance de Stuparich, Trieste est une ville de l’Empire austro-hongrois : il fera ses études ausi bien à Florence qu’à Prague, où il devient l’ami de Masaryk, futur président de la République tchécoslovaque.
    Lors de la Seconde Guerre mondiale, marié à Elody Oblath, qui appartient à la communauté juive de Trieste, et lui-même identifié comme résistant, il sera interné par les SS, en compagnie de sa mère et de sa femme, dans le camp de San Sabba en 1944. (source l’éditeur)

  • Maison des autres - Silvio d'Arzo

    maisonautres.gifMaison des autres - Silvio d’Arzo - Traduit de l’italien par Bernard Simeone - Editions Verdier (1980)
    Montelice, un village perdu des apennins, tout juste un village d’ailleurs «sept maisons adossées et rien d'autre» le curé est là depuis trente ans, c’est lui qui raconte.
    Il raconte la vie du village, des gens qui sont là depuis toujours, qui vivent au rythme des saisons, accomplissant des tâches dures avec des gestes vieux de mille ans. Les hommes rentrent des pâturages à la lumière des lanternes le soir, le climat est rude et le curé a déjà vu trente noëls ici, sous la neige. La misère est le lot commun, le prêtre s’inquiète  « j'ai vraiment peur de ne plus pouvoir être utile à grand-chose dans un cas de ce genre. Tout cela est pour moi une autre langue...Fêtes, saintes huiles, un mariage sans façon, voilà désormais mon lot.»
    Le curé s’interroge car une femme, nouvelle dans ce village, l’intrigue, elle semble toujours sur le point de lui parler mais au dernier moment renonce. C’est Zelinda, pauvre entre les pauvres, elle lave le linge des villageois, se nourrit d’un croûton de pain et du lait de ses chèvres. Elle vit hors du village « plus loin que le sentier des ormes, juste à la limite de la paroisse, et après ce ne sont que ravins, toubières ou pire encore».

     

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    village des Apennins

    Jour après jour il la voit laver le linge,  un jour elle vient au presbytère l’interroger, mais c’est une ruse, sa question est sans objet, du moins elle n’a pas posé la question qui la tourmente, elle a feinté. Quand va-t-elle se décider ? Enfin un jour elle dépose une lettre à son intention.
    J’arrête là car il y a un suspense dans ce récit, comme le vieux curé, on attend, on essaye de comprendre cette femme. Silvio d’Arzo dont c’est la nouvelle la plus connue, nous arrache à notre petite vie pour nous faire vivre au rythme de sa prose, sèche, dure, les couleurs sont sombres dans ce pays de désolation « Les ravines et les bois, les sentiers et les pâturages deviennent d'une couleur vieille rouille, puis violette, puis bleue »

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    J"e sentais dans mes os l'hiver proche"

    Dans une seconde nouvelle "Un moment comme ça" autour de la disparition d'un soldat son récit est sobre et tragique.
    J’ai beaucoup aimé ces deux récits, graves, cruels, qui laissent le lecteur  avec des questions qui n’ont peut être pas de réponse. On peut rapprocher ce livre des récits de Ferdinando Camon (jamais vu soleil ni lune)  mais plus encore des hommes et femmes décrits par Carlo Levi dans « Le Christ s’est arrêté à Eboli ».


    Une oeuvre à découvrir Le billet de Theoma pour qui ce fut "un coup de poing"

    L’auteur
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    Silvio d'Arzo de son vrai nom Ezio Comparoni est né en 1920 et mort à 32 ans. Il est des figures les plus mystérieuses de la littérature italienne (Source l’éditeur)