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  • Etranges rivages - Arnaldur Indridason

    On a retrouvé Erlendur.

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    Ah alors là oui j’ai eu du plaisir, d’abord parce qu’une balade en Islande c’est toujours bon à prendre, mais surtout parce que j’ai retrouvé Erlendur

    l’Erlendur des débuts, celui des premiers polars d’Indridasson qui avait un peu disparu depuis quelques temps au point que j’avais abandonné les rivages islandais. 

     

    Erlendur à franchi le pas, il a rejoint la cohorte des policiers inoubliables, à l’égal de Wallender ou d’Harry Bosch, il s’est retourné sur son passé.

     

    Un épisode de son enfance dont il ne fait pas vraiment mystère le hante depuis toujours. Enfant il est pris dans une tempête en compagnie de son père et de son petit frère. Son père et lui furent sauvés mais son frère Bergur à qui il a lâché la main au plus fort de la tempête, Bergur est resté introuvable. 

     

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    C’est cette région sauvage qu’il choisit pour passer ses vacances et comme pour mieux réveiller les fantômes, il loge dans leur ancienne ferme, celle que ses parents abandonnèrent après le drame.

     La ferme est à l’abandon, le toit à moitié écroulé, la météo est à l’avenant, il y a des façons plus sympas de passer des vacances non ? 

     

    Il croise des témoins de son enfance et Boas le chasseur lui apprend que plusieurs années avant son histoire personnelle, des soldats anglais se perdirent eux aussi dans ce fjord, et que le même jour une femme partie rendre visite à des parents disparue corps et bien.

    Un peu trop de coïncidences pour Erlendur, ses petites antennes s’agitent, ses fantômes se réveillent et le voilà en train d’enquêter sur un fait divers que tout le monde semble avoir oublié.

    Il va interroger, gratter, fouiller ces étranges rivages pour élucider la disparition de Matthildur. Aucune enquête officielle n’est ouverte mais qui l'empêche de rencontrer Hrund la soeur de Matthildur, ou Jakob son mari, ou Ezra son voisin et autrefois associé à Jakob.

     

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    Tout l’art d’Indridason est là, Erlendur dénoue patiemment l’écheveau des faits. Les portraits psychologiques sont fouillés, le flic traque les petits mensonges, les faits oubliés, les amitiés rompues, les non dits. 

     

    Un dixième roman traduit en français qui est une réussite. J’ai passé un très bon moment sur ce rivage sauvage et j’ai tenu la main d’ Erlendur le taciturne qui passe ses soirées dans sa ferme abandonnée à boire du café brûlant pour se réchauffer et qui se nourrit de sandwichs de moutons fumé !! 

     

    L’avis de Jostein 

     

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    Le livre : Etranges rivages - Arnaldur Indridason - Traduction Eric Boury - Editions Métailié 

  • Pêcheur d'Islande

    Le feu et la glace : les pêcheurs

     

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    Mon premier souvenir de Pêcheur d’Islande était très très ancien et remonte au film de Pierre Schoendoerffer avec Charles Vanel. J’avais 9 ans et ce film m’avait très fortement impressionné. 

    J’ai lu le roman de Pierre Loti vers 12 ans émue bien entendu par l’histoire d’amour et puis le souvenir c’est estompé.

     

    C’est en lisant la BD de Chabouté que j’ai eu envie de faire un retour vers ce roman, j’ai choisi la méthode douce : le livre audio

     

    A l’écoute cette fois l’histoire d’amour, entre Gaud fille de Paimpol et Yann le pêcheur, est devenue tout à fait secondaire, ce qui m’a plu c’est cette peinture de la vie des pêcheurs, la dureté du travail, la vie sur le bateau, les tensions entre les hommes. 

    Une vie de dangers pendant ces nuits où le soleil ne disparait pas totalement, le long hiver en Bretagne, les tempêtes effrayantes que Loti restitue parfaitement, le départ des bateaux et les espoirs d’une pêche qui permette de vivre.

    Les femmes attendant le retour des hommes ou pleurant les disparus devant le mur des disparus au cimetière.  

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    En Islande aujourd’hui on trouve trace de ces campagnes de pêche à la morue et un musée est consacré à ces hommes venus de Paimpol, de Dunkerque ou de Lorient et que l’on appelait Islandais 

    Au plus fort de la pêche à la morue quelques 5000 marins français ont pêché dans les eaux islandaises.

     

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    Sur la commune de Fáskrúðsfjörður il y avait même un hôpital pour les accueillir. Aujourd’hui un projet avec la ville de Paimpol a vu le jour pour faire revivre cet hôpital des français.

     

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                                     L'ancien hôpital des français

     

    Si vous voulez télécharger et écouter un extrait c’estici 

     

    Le livre audio : Pêcheur d’Islande - Pierre Loti - Lu par Marc Hamon - Editions Le livre qui parle

  • Pourquoi faut-il lire les Lettres du Nord - Régis Boyer

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    En guise de préface aux billets islandais à venir je vous propose de lire un essai DU spécialiste et traducteur de la littérature nordique : Régis Boyer.

     

    C’est le traducteur de tout ce qui compte en matière de littérature du nord depuis les Sagas islandaises jusqu’à Andersen en Pléiade.

    Ce docte universitaire a encore la fougue de la jeunesse et dans un premier chapitre on en prend pour notre grade, nous les lecteurs qui mélangeons un peu tout, le nord et la Scandinavie, qui parlons sans savoir de Vikkings et de drakkar, qui confondons les langues, qui sommes surpris par l’inspiration des textes et qui tentons de juger cette littérature à l'aune de la notre.

     

    450120429-photo.jpgVous pourrez faire la liste de tous ces classiques nordiques que vous n’avez jamais lu mais dont Régis Boyer parle avec un enthousiasme tel que l’on ne résiste pas longtemps.

    Un livre fait pour emprunter des chemins inconnus et c’est diablement excitant.

     

     

     

    Le livre : Pourquoi faut-il lire les Lettres du Nord - Régis Boyer - Editions les Belles Lettres 

  • Liberté dans la montagne - Marc Graciano

    Le temps de l'imaginaire

     

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    Comment parler d’un livre que l’on a énormément aimé au point d’avoir envie de le garder pour soi ? 

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    « Depuis bien des jours le vieux cheminait avec la petite le long de la rivière. »

     

    Le livre débute comme un récit initiatique, vous ne saurez jamais où se passe le récit, ni le nom des deux personnages, ni d’où ils viennent, ni où ils vont.  

    Le vieux et la petite vont cheminer ensemble tout au long du roman, le vieux protégeant la petite, l’éveillant à ce qui l’entoure, la portant quand elle est fatiguée, la réchauffant quand elle a froid, la nourrissant avec amour. 

    Ce que l’on devine c’est que le récit fait retour vers un monde médiéval, un monde ancien. L’homme et l’enfant vont affronter ensemble des épreuves. 

    Un moyen-âge imaginaire se déploie, le village et ses remparts, un tournoi avec des chevaliers en cotte de mailles et des dames portant hennin, le travail des artisans le long de la rivière. 

     

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    Ils vont croiser la route d’une série de personnages, bienveillants ou dangereux, comme les figures d’un ancien jeu de cartes, l’auteur les nomme : il y a le géant, l’abbé, le veneur. Les lieux traversés sont nommés avec le même laconisme : le marais, la ville….

    Le vieux se fait éducateur :

     

    « Il lui dit qu’ils possédaient le ciel et il lui dit qu’ils possédaient la forêt et il lui dit qu’ils possédaient les poissons dedans la rivière et aussi les animaux de la forêt. Il lui dit qu’ils possédaient les plantes et il lui redit qu’ils possédaient le ciel et aussi les oiseaux dedans le ciel »

     

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    « De grands et nobles animaux enfantés par la nuit des forêts et le vieux lui parla de leur vie de bêtes traquées. Il lui parla de leur vie de proies fugitives et lui parla de leurs moeurs. Il lui parla des rudes combats entre mâles et  lui parla des femelles faonnant dans les chambres de feuillage. »

     

    Il lui nomme le monde, lui montre ses beautés et ses pièges

    « Chaque fois qu’il le pouvait, le vieux enseignait la petite sur les êtres et sur les choses qu’ils rencontraient. Le vieux nommait à la petite toutes les choses qu’elle découvrait et, quand il le connaissait, il lui en décrivait l’usage. »

     

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    Il l’avertie de la folie des hommes lorsqu’ils assistent à un exécution 

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    « le vieux dit à la petite qu’il n’existait pas de mot pour le décrire et il se tut en poursuivant sa marche puis, après un moment encore, le vieux reprit la parole et il dit à la petite fille que, de surcroît, il n’aurait servi à rien de l’inventer. »

     

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    Avec lui elle découvre le monde, sa violence, ses lois, sa beauté.

    Le chemin sera long et semé d’embûches, de belles rencontres, de dangers évités pour atteindre le but du voyage.

     

    Le récit se déploie et l’auteur utilise un mode d’écriture basé sur la répétition, ces répétitions transforment les phrases en litanies, donnent au récit un rythme lent et procure une sensation un peu hypnotique.

    C’est une écriture qui envoûte mais qui aussi se mérite, l’auteur vous fait parcourir des lieux escarpés et sa langue est elle-même une épreuve initiatique.

    Pour le lecteur aussi il s’agit d’apprentissage, les mots du travail, des outils, de la chasse, de la pêches, les mots des joutes et des tournois. Ils sont autant de pièges et de détours qu’il vous faudra passer. 

     

    J’ai noté au fur et à mesure tout un vocabulaire inconnu, inusité, rare, et j’ai béni mon Littré et mon Dictionnaire historique de la langue française. 

                       brousser   cabarer    eubage    

                    cosnil    camail  archiatre  faonner 

                         muid  brassin  abeausir 

                   toue   achevaler  ablais   dosse 

                         ébarouir    adamantin

              

    Pour apprécier ce livre il faut accepter de se laisser surprendre, ensuite on est envoûté et on pénètre dans les terres secrètes de Marc Graciano.

    Ce livre est beaucoup plus qu’une bonne surprise, c’est un récit splendide auquel il faut faire une place dans votre bibliothèque.

     

    Le Livre : Liberté dans la montagne - Marc Graciano - Editions José Corti

     

    L’auteur : C’est le premier roman de Marc Graciano qui est infirmier en psychiatrie et vit près du plateau du retord dont les paysages ont sans doute inspiré plusieurs pages de ce roman

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  • Esquisse d'un pendu - Michel Jullien

    L'atelier du copiste

     

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    " Ses doigts doivent contraindre le calame à pression égale, lui imprimer la même force afin que l'écoulement sorti de la tuyère reste homogène"

     

    Partons à Paris vers 1375 pour faire connaissance de Raoulet.

    Raoulet d’Orléans est copiste, son atelier, composé de laïcs, travaille pour le roi Charles V, il fait partie de ces artisans relieurs, enlumineurs, libraires, qui travaillent par privilège royal

    Raoulet n’est pas un patron très sage, non c’est plutôt un joyeux luron au gosier en pente et aimant la bonne chair, un de ses passe-temps favori est de courir les tripots de la ville, bouges, ribaudes n’ont pas de secrets pour lui, parfois curieux il assiste au spectacle donné à Montfaucon.

     

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    Le gibet de Montfaucon  " La machine domine les guinguettes : elle agit comme un théâtre de faubourg, un Grand Guignol avant l'heure"

     

    Le roi lui passe commande de deux livres peu ordinaires, finit les Bibles à répétition, le voilà charger de codex prestigieux un texte d’Aristote traduit pour la première fois en français, et Les Grandes Chroniques de France. 

    Deux livres très différents, un reflet de la pensée grecque, une oeuvre universelle et de l’autre, un livre de commande destiné à servir la gloire du roi et de ses prédécesseurs, moins noble, mais qui peut assurer la richesse du copiste.

    Le travail sera long surtout que par sécurité Raoulet fait faire une seconde copie à son atelier, une sécurité, une assurance sur l’avenir. 

    Un travail long, après le travail des copistes le livre passe en atelier d’enluminure, une faute, une tâche, une coquille et toute une page est à refaire, la commande peut prendre du retard.

     

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      " Une assemblée extraordinaire n'attendant plus que lui"

     

     

    Le maître d’oeuvre est attentif à tout faux pas, c’est lui qui apposera sa marque, le « congé de l’écrivain » dans un « cul de lampe » à la dernière feuille. Pas question que cette signature soit entachée d’erreur ou pire d’irrégularité. Il en fait parfois des cauchemars surtout lorsqu’un soupçon de contrefaçon lui vient. Plagiaires et faussaires font leur apparition au mépris du risque encouru : une place sur le gibet de Montfaucon !!

    Raoulet mène l’enquête, ne pensez pas pour autant être dans un polar, non rien à voir, Michel Jullien préfère plutôt la parabole.

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                                              Cul de lampe

     

    Il met en scène un métier qui est sur le point de disparaître, tout près se profile la presse de Gutenberg qui va à jamais ruiner les ateliers de copistes

    Raoulet est un peu inquiet mais cache cela derrière une jovialité moqueuse, quoique dangereux ce papier cet « attrape-nigaud » ne saurait perdurer n’est-ce pas ?

     

    Le vocabulaire est d’une grande richesse et d’une grande précision, souvent on devine le sens des mots, d’autres exigent le recours au dictionnaire et de temps à autre les mots du moyen-âge viennent se frotter aux mots d’aujourd’hui avec un anachronisme réjouissant.

    Le roman interroge l’époque actuelle : le moyen-âge connut le passage du  livre réservé aux puissants à ce qui deviendra le livre pour tous. L’imprimerie a chassé les copistes, le numérique chassera-t-il le papier ?

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                                               Demain ? 

     

     

    Petite mise en garde : le premier chapitre peut rebuter et même vous faire fermer le livre. La solution ? passez directement au second chapitre vous reviendrez ici en temps voulu.

    Un livre un peu exigeant mais qui procure un grand plaisir et qui pose une vraie question.

     

    L’avis d’ Yspaddaden 

     

    Le Livre : Esquisse d’un pendu - Michel Jullien - Editions Verdier 

  • Les Pierres Sauvages - Fernand Pouillon

    Le temps des bâtisseurs

     

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    Au  XII ème siècle un moine mandaté par Bernard de Clairvaux se rend à Notre-Dame de Florielle pour organiser la mise en chantier d’une future abbaye.

    Il arrive par Avignon et les Alpilles et fait halte à Montmajour

     

     

    2001-avril-abbaye montmajour 4.jpg© ivre de livres

     

    « Le jour de la saint Jean de Damas nous nous sommes arrêtés à Montmajour »

     

    Sur le futur emplacement le défrichement de la forêt a déjà commencé. Le chantier est né. Il est le maître d’oeuvre et va dans les mois qui suivent organiser le travail.

    La préparation est ingrate, longue et nécessite l’embauche de tous les corps de métier nécessaires : carriers, forgerons, potiers, bûcherons.

    Il faut en premier lieu construire des bâtiments annexes où loger les moines, les convers et tous les ouvriers. Il faut essarter, labourer, semer, créer potager et verger, pressoir et moulin à huile, bergerie et étable, le nécessaire pour assurer la subsistance de tous. Un jardin des simples pour soigner.

    Un potier est en charge des tuiles qui couvriront les bâtiments. Des charpentiers préparent les longues poutres et solives qui serviront à la charpente.  

     

    Le travail est lent

    « Dans les meilleurs conditions, six années seront consacrées à à l’extraction et à la taille. » les matériaux choisis ne sont pas ceux auxquels les tailleurs de pierre sont habitués, il y a là des pierres fragiles, d’une couleur inhabituelle, des « pierres sauvages ».

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                             Abbaye du Thoronet 

     

    Contre tous il choisit de monter les murs sans utiliser de mortier pour garder toute sa beauté à la pierre, mais cela exige un travail plus difficile, la taille doit être parfaite.

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    Il est alternativement confiant et inquiet mais pour lui « la difficulté est l’un des plus sûrs  éléments de la beauté » il tente de ne jamais oublier les vertus nécessaires « Patience, Persévérance et Humilité ».

     

    Il ne peut oublier son rôle spirituel, faire vivre ensemble des hommes différents, les uns sont de simples ouvriers, les autres voient là une mission de foi.

    Il lui faut  respecter les prérogatives de chacun, ménager la susceptibilité des uns et des autres. Il est garant de la règle de Saint Benoît tout autant que de la bonne avancée des travaux et parfois le souci du chantier le pousse à accepter quelques entorses à la règle sacro-sainte.

    Les accidents, les intempéries, la dégradation de sa santé le font parfois douter de la réussite du projet, doutes et regrets l’assaillent, il aurait voulu avoir le temps pour « Etudier, observer, contrôler, revenir en de nombreux repentirs, afin d’atteindre une perfection certaine. »

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    Ce journal de la construction de l' abbaye du Thoronet est d’une austérité toute bénédictine, le récit est âpre, rude, à l’image du futur édifice. C’est dans le même temps  une chronique très vivante et une méditation sur la volonté qui portait ces hommes pour affirmer la puissance divine par une oeuvre belle, simple, qui rende présent l’invisible.

    Un très beau roman, un acte de foi dans l’architecture, l’art et la main de l’homme.

     

    Si vous voulez en savoir plus sur l'abbaye du Thoronet 

     

    Fernand Pouillon un architecte contreversé 

     

    Le livre : Les pierres sauvages - Fernand Pouillon - Editions du seuil et Points Seuil