Ce n’est pas le roman le plus connu de Steinbeck, écrit avant les Raisins de la colère et publié en 1936 juste avant Des souris et des hommes.
Le roman se situe dans la vallée de Torgas en Californie parmi les saisonniers dont les conditions de travail sont difficiles et précaires.
Les propriétaires des exploitations ont décidé de diminuer le salaire des cueilleurs saisonniers. La révolte gronde.
Adaptation cinéma
On fait connaissance de Jim Nolan une nouvelle recrue parmi les syndicalistes, nouvel adhérent au Parti communiste, on s’attache immédiatement à lui.
Il est à la recherche d’un idéal, il a de fortes convictions et il a la naïveté du débutant.
Mac McLeod syndicaliste aguerri et membre du parti communiste œuvre pour attiser la colère en utilisant la fougue et l’enthousiasme de Jim Nolan.
Le docteur Burton aide à édifier un campement sur la propriété d’un fermier acquis à leur cause.
Si les propriétaires sont de parfaits salauds, les syndicalistes ne sont pas en reste et c’est l’escalade.
La violence est dans les deux camps, Joy un jeune militant communiste est tué, la récolte d’un fermier solidaire des travailleurs saisonniers est brûlée, son fils est passé à tabac. La terreur est partagée quand les saisonniers font preuve de violence vis à vis de ceux qui sont opposés à la grève.
Steinbeck est toujours du côté du faible, du déshérité et si la lutte pour le respect de l’individu est juste, la manipulation politique elle, ne l’est pas.
Mac est prêt à sacrifier quelques individus pour faire triompher sa cause. C’est un calculateur, un manipulateur de foule.
Le docteur Burton médecin sur le camp des saisonniers tente de calmer les choses, il est un peu la voix de Steinbeck, il est méfiant vis à vis des syndicalistes, méfiant vis à vis des foules excitées « Un homme, dans un groupe, n’est pas lui-même : il est l’une des cellules d’un organisme aussi différent de lui que les cellules de votre corps sont différentes de vous. »
Le roman montre des hommes aux prises avec un système économique qui les broie mais ces hommes possèdent des qualités phénoménales de solidarité.
Jim Nolan est le véritable héros de ce roman. Mais est-il prêt à se battre contre tous ? contre les propriétaires ET contre les saisonniers qui refusent la grève ?
Plein de flamme et de courage il se croit invincible.
L’auteur est partagé on le sent entre le soutien à apporter aux travailleurs malmenés, utilisés, exploités, cause à laquelle il adhère totalement et les syndicats et le Parti communiste qui souvent les utilisent. Steinbeck est opposé à tout dogmatisme.
Où est l’intérêt premier pour Nolan ou Mac, la cause du parti ? du syndicat ? ou la défense des plus faibles ?
« Une grève trop vite étouffée n'apprend pas aux ouvriers à s'organiser, à agir ensemble. Une grève qui dure est excellente. Nous voulons que les ouvriers découvrent combien ils sont forts lorsqu'ils s'entendent et agissent d'un seul bloc. »
C’est un débat encore d’actualité par son réalisme et le roman laisse ouverte la fin, Steinbeck ne tranche pas entre défense du groupe et défense de l’individu.
Il n’adhère pas au slogan « le communisme supprimera l’injustice sociale » et son point de vue est assez prémonitoire.
« Il me semble que l’homme s’est engagé dans une lutte terrible, aveugle, pour s’arracher à un passé dont il ne se souvient pas, vers un futur qu’il est incapable de prévoir et de comprendre. L’homme a affronté et vaincu tous les ennemis possibles, à l’exception d’un seul. Il est incapable de remporter une victoire sur lui-même. »
Photos de Dorothea Lange
Le roman de Steinbeck soulève de vives polémiques, en Californie le livre est banni des bibliothèques sous la pression des fermiers, mais il est décrété œuvre indispensable à New-York
L’auteur est condamné à la fois pour son penchant socialiste ET par sa position vis à vis du communisme.
En cela sa position est courageuse mais bien solitaire à l’époque.
Par contre la critique littéraire est bonne et le roman connaît un vrai succès.
Steinbeck aime trouver des titres évocateurs, ici c’est un vers de John Milton et son Paradis perdu « Défier son pouvoir infini en un combat douteux dans les plaines du Ciel ».
Le style est sobre comme dans tous les romans de Steinbeck, il peint avec justesse une réalité, il a pour cela énormément lu avant d’entamer ce roman. Sa peinture de l’Amérique est juste et les questions soulevées sont totalement de notre temps.
Le Livre : En un combat douteux – John Steinbeck – Traduit par – Editions Gallimard Pléiade 2023