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Les Indispensables - Page 9

  • Au phare - Virginia Woolf

    Au phare - Virginia Woolf - Traduit de l’Anglais par Anne Wicke - Editons Stock
    au phare.gifEntre Virginia Woolf et moi c’est une longue histoire de passion, la lecture faite il y a bien des années de ses romans et d’extraits de son journal m’avait enchanté, les essais ont suivis au fur et à mesure de leurs parutions,  je l’ai traqué à coup de biographies petites et grandes.
    Alors me direz vous pourquoi un billet aujourd’hui ? Et bien parce que l’envie de faire partager ma passion est toujours forte (demandez à Cuné ce qu’elle pense de Dickens..et vous aurez une petite idée de la passion littéraire) et puis... et puis il y a les nouvelles traductions qui ouvrent la perspective d’une lecture différente de la précédente.
    Après La Chambre de Jacob, voici Le Phare, c’est par ce roman que j’ai commencé la lecture de Virginia Woolf en 19.. et il reste mon préféré, V W le considérait comme son meilleur roman.

    Une famille, presque une tribu, Mr et Mrs Ramsay, leur nombreuse progéniture, quelques invités poètes ou peintres,  les vacances en Ecosse un peu avant la Première guerre mondiale dans une vieille maison avec  jardin. Dans le lointain le phare objet des rêves et des désirs de la famille.
    La promenade au phare espérée par Mrs Ramsay et son plus jeune fils n’aura lieu que des années plus tard, entre les deux : une guerre, des mariages, des disparus et le temps inexorable qui coupe le roman en deux.

    Mrs Ramsay l’âme de la maison et de la famille est celle qui console et comprends, elle porte sur chacun son regard plein d’amour. Tous les personnages sont magnifiés par ce regard.
    Son mari « fin comme la lame d’un couteau » un peu faible, très égocentrique, pourtant « il n’existait personne qu’elle révérât autant que lui » Elle l’excuse et le comprends tant son besoin est grand de maintenir la famille dans une douce harmonie, Carmichaël le poète oublié, Lily Briscoe vieille fille un peu délaissée qui « avec ses petits yeux chinois et son visage tout pincé, ne trouverait jamais à se marier » et qui ne parvient pas à mettre Mrs Ramsay sur sa toile.

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    Le phare de Godrevy Island : celui de l'enfance de Virginia Woolf


    Tout l’art de VW est de nous baigner dans les pensées et les émotions, les perceptions des personnages « emmêlées dans un filet aux mailles d’or »
    Les événements du quotidien, parfois insignifiants, viennent interrompre le flot des pensées, chacun est seul au milieu des autres.
    Les sensations, les choses emplissent les jours « on ressentait ainsi envers elles une tendresse irrationnelle » le couvert mis, la lumière de la lampe, un gant oublié et en même temps savoir « que la vie était difficile; les faits inaltérables ; et que le passage vers ce pays fabuleux où s’anéantissent nos plus grands espoirs, où nos frêles esquifs s’abîment dans les ténèbres »
    Comme toujours avec Virginia Wolf le temps s’étire indéfiniment pour tout à coup se contracter jusqu’à la rupture. On passe du bonheur familial à une maison « abandonnée comme un coquillage sur une dune, qui va s’emplir de grains de sable sec maintenant que la vie l’avait quittée »

    woolf.JPG« Roman de la fragilité de la vie, de l’absurdité des destinées humaines » * des espoirs déçus, de la perte de l’innocence et des émotions de l’enfance. Un chef d’oeuvre à mettre sur les rayons de votre bibliothèque


    * V.W de G Brisac et A Desarthe - Editions de l’Olivier

  • Un voyage avec Stevenson

    Voyage avec un âne dans les Cévennes - Robert Louis Stevenson - Lu par Bernard Petit - Le livre qui parle
    voyageavec un ane.jpgVous voulez oublier un amour impossible, oublier vos voisins dans le compartiment, oublier les rues asphaltées ? Je vous propose un périple en pays Cévennol en compagnie de Stevenson ET de  Modestine.
    « Une randonnée à pied doit se faire seul, car la liberté est essentielle ; parce que vous devez être libre de vous arrêter et de continuer...  » pour ça c’est bon vous êtes seul avec vos écouteurs dans les oreilles et puis vous voyagerez plus léger que Stevenson qui lui emporte pistolet et lampe tempête.
    C’est parti pour une douzaine de jours et vous randonnerez, du Monastier à Saint Jean du Gard, en obéissant au bon vouloir de Modestine qui voyage lentement.
    Ah une dernière recommandation : n’oubliez pas l’eau, il peut faire terriblement chaud sous le soleil des Cévennes.

     

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    Belles étoiles - Eric Poindron - Editions Flammarion
    belles étoiles.gifSi vous êtes inconditionnel des livres vous pourrez associer à votre écoute la lecture de Belles étoiles d’Eric Poindron
    Son voyage commence avec la lecture de Stevenson dans un café de Paris, mais Stevenson est là qui lui chuchote à l’oreille « Te décideras-tu, partiras-tu bon sang ?  » car comme le dit André Suarès qu’il cite «  ouvre les livres pour apprendre et ferme les pour vivre » donc en avant...et 120 ans après le voilà mettant ses pas dans ceux de l’anglais  « Ainsi cher Stevenson, c’est avec humilité que je me présente désormais et après vous, humblement »
    Le voyage terminé il rejoint son pigeonnier et sa caverne aux épices d’où il nous écrit aujourd’hui

    Si après l’écoute et la lecture vous ne décidez pas de « faire » le GR70  j’y perd mon latin ....

    Pour aller plus loin et préparer votre randonnée un bon site : le chemin de Stevenson

  • La leçon d'allemand - Siegfried Lenz

    La leçon d’allemand - Siegfried Lenz - Traduit de l’allemand par Bernard Kreiss - Editions Robert Laffont
    leçon d'allemand.gifIl y a un bénéfice avec les versions poche des romans, en plus de leurs prix réduits, elles sont là pour réparer des oublis et nous donner une seconde chance, j’ai saisi cette chance au vol et c’était un superbe cadeau.

    Enfermé dans un centre pour délinquants Siggi Jepsen doit faire un devoir d’allemand dont le sujet « les joies du devoir » lui semble familier. Il a des choses à dire, il essaye de faire appel à ses souvenirs  "Rassemblant alors toutes mes forces, je déblayai pour ainsi dire les ornières qui sillonnaient la plaine de ma mémoire et en retirai toutes les scories pour ne garder de ce bric-à-brac que l’essentiel ". Mais il s’est avère incapable d’écrire tellement les mots se pressent, tellement il est urgent pour lui de dire ce qu’il a vu, vécu, et en quoi tout cela touche de près le sujet du devoir.
    Ecrasé par ce trop plein, il rend un cahier vide. La punition ne tarde pas, il doit coûte que coûte faire ce devoir; l’enseignant n’a pas compris, "il refusa de croire qu'on pût avoir tant de mal à commencer, il ne put se faire à l'idée que l'ancre du souvenir n'eût trouvé prise nulle part, qu'elle n'eût fait que bringuebaler et traîner au fond des eaux profondes en soulevant tout au plus des nuages de vase mais sans faire jamais place au calme, au repos indispensables quand on veut lancer un filet sur le passé. "
    Enfermé jusqu’à ce que devoir s’en suive Siggi va enfin écrire et raconter son histoire "Je me transportai directement à Bleekenwarf ou Max Ludwig Nansen m’attendait avec son œil gris et son air malicieux pour m’aider à filtrer mes souvenirs "


    1943 dans une région de terre et d’eau à l’embouchure de l’Elbe. Deux personnages dominent le roman, Jens le père de Siggi, policier respectueux de l’ordre et Max Ludwig Nansen artiste peintre qui se voit traité de peintre dégénéré et notifier par les nazis l’interdiction de peindre.

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    Tableau d'Emil Nolde


    Max est l’ami de Jens à qui il a sauvé la vie autrefois, mais il est aussi attaché à Siggi, l’enfant passe de longues heures à le regarder peindre, lorsque Jens par « devoir » doit surveiller le peintre, signaler tout manquement à l’interdiction qui lui a été faite, c’est Siggi qu’il charge d’espionner. Il y a aussi Klaas le frère aîné qui est à l’hôpital, et Hilke la soeur amoureuse d’Addi accordéoniste épileptique.
    Des liens vont se nouer, d’autres être rompus à jamais, Siggi et tout le village seront témoins du sens du devoir du policier Jens Jepsen qui veut montrer à tous que l’obéissance aux ordres est supérieure à l’amitié et peut se transformer en obéissance aveugle.

    C’est un récit ample, où la nature est omniprésente, les digues et les moulins, les chemins creux et les canaux, les tempêtes,  les couleurs du ciel et le jeu des nuages sont des personnages du roman. Et bien sûre le vent " Mais peut-on parler de vent : ce souffle du nord-ouest se lançait rageusement à l’assaut des fermes, des haies, des rangées d’arbres ; ses charges tumultueuses, ses embuscades mettaient à rude épreuve la résistance de toute chose et façonnaient le paysage à leur image : un paysage noir et venteux, tordu, échevelé et plein de significations ambiguës "

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    Paysage du Schleswig Holstein

    L’auteur utilise les retours en arrière mais aussi des interruptions dans le récit comme pour nous donner le temps de reprendre haleine et de nous interroger sur ce qui se passe. Certains personnages sont abandonnés à leur sort sans que l’on sache immédiatement ce qu’ils deviennent et notre inquiétude nous fait avancer fébrilement dans la lecture.
    l’intrigue s’inspire de la biographie de Emil Nolde peintre mais l’auteur par cette ressemblance veut aussi rendre justice à tous les artistes persécutés et victimes d’oppression.
    Roman magnifique et profond, d’une force rare, l’auteur pénétré de la conviction que l'écrivain a un rôle moral à jouer et que la fiction romanesque peut constituer un biais pour comprendre l'histoire et le monde, a donné là un texte à la hauteur de son ambition.

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    L’auteur
    180px-Siegfried_Lenz_2004-03-25.jpeg.jpgL'écrivain Siegfried Lenz est né en 1926 en Mazurie, région de Prusse-Orientale qui allait devenir polonaise à la fin de la guerre. 
    Siegfried Lenz a une notoriété comparable à celle d'Heinrich Böll ou Günter Grass.
    Vient de paraître chez Robert Laffont  un roman :  Une minute de silence.

  • Cette vie - Karel Schoeman

    Cette vie - Karel Schoeman - Traduit par Pierre Marie Finkelstein - Editions Phébus
    cette vie.gifC’est le troisième roman que je lis de Karel Schoeman, j’ai beaucoup aimé En étrange pays et plus encore celui-ci.

    En Afrique du Sud à la fin du XIXème siècle, au fond du Roggeveld, seule dans sa chambre d’enfant, une femme va mourir et tente en un long monologue de comprendre toutes ces images qui affleurent à sa mémoire.
    « J'ai trop de souvenirs, dit-elle. Toute ma vie, j'ai eu trop d'occasions de regarder, d'écouter, de voir, d'entendre et de me souvenir. Je n'ai pas fait exprès d'emmagasiner toutes ces connaissance et je n'ai pas demandé à les retenir mais aujourd'hui que me voici arrivée au soir de ma vie, je considère toute cette sagesse et je me rends soudain compte qu'elle est loin d'être vaine».

    Bribes après bribes ses souvenirs remontent, elle tente de  retrouver les visages de tous, les frères aimés, la mère crainte, le père effacé, les domestiques et Sofie la bien aimée.
    Sa vie fut longue, enfant personne ne l’a vraiment aimé, elle était une ombre silencieuse, un oeil innocent, une oreille attentive.
    Sa mémoire n’est pas sûre, en longs allers et retours la narratrice fait remonter des lambeaux de souvenirs qui morceau après morceau vont recomposer sa vie : les leçons des précepteurs, l’arrivée de Sofie femme de son frère aîné, belle et rieuse, la naissance de Maans son neveu, le seul qui lui ait un peu appartenu.
    L’histoire de la famille s’écrit dans la nuit : les départs et les morts, les mariages et les naissances qui viennent s’inscrire dans la bible familiale, les non dits, les paroles de colère, les secrets, les actions honteuses.


    On est envoûté littéralement par le récit, peu à peu absorbé par le paysage. La vie se déroule au rythme des saisons : la transhumance annuelle lorsque vient l’hiver, la lumière changeante sur le veld, l’explosion de couleurs au printemps.

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    L’écriture d’une grande beauté de Karel Schoeman nous emporte dans un pays dur et ingrat, où le paysan survit plus qu’il ne vit, où les hommes et femmes sont corsetés dans des traditions et une religion austère.
    Magnifique roman d’un temps révolu, ode lyrique, subtil et  poétique à son pays. L’éditeur parle de chef-d’oeuvre de la littérature Sud-Africaine, c’est le mot juste.

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    L’auteur
    karel_schoeman.jpgKarel Schoeman est né en 1939 dans l’Etat libre d’Orange.
    Solidaire du combat des Noirs de son pays, il a été décoré par N Mandela. Son oeuvre compte 17 romans dont 4 ont été traduits et publiés chez Phébus.
    Pour Cette vie il a reçu le Prix Hertzog la plus prestigieuse récompense littéraire d’Afrique du Sud