La tendance est aux retraductions, Paul Veyne vient de retraduire l’Enéide par exemple.
Je n’avais pas d’édition de l’ Iliade franchement satisfaisante, un livre en poche plus en très bon état, une édition bilingue beaucoup trop lourde à manipuler, alors en entendant dans une émission de radio qu’une nouvelle traduction venait de sortir j’en ai profité.
Me voilà maintenant avec une édition de l'Iliade flambant neuve et ma vieille Odyssée traduite par Philippe Jaccottet.
Vous me connaissez j’aime bien en plus avoir un passeur et comme je ne me vois pas vous faire une laïus sur l’Iliade et l’Odyssée du genre fiche de révision du bac, c’est du passeur dont il va être question.
Alberto Manguel est un fan d’Homère ! Et il a commit un petit livre tout à fait passionnant où il entreprend de chercher la trace de ces deux oeuvres à travers le temps et les littératures d’un peu partout.
Comment l’Iliade et l’Odyssée ont été lues, quel sens leur a-t-on attribué, quelles influences ont-elles exercées et comment ont-elles été traduites.
Manguel est certain que ces oeuvres là peuvent être lues et relues car elles ont « été écrites pour nos propres vies d'aujourd'hui, avec tous nos bonheur secrets et tous nos péchés enfouis. »
Bien entendu il revient sur Homère, le premier des écrivains, le père de la littérature comme Hérodote est le père de l’histoire. On est à peu près certain qu’Homère n’a pas existé et que ces oeuvres sont des assemblages d’anciennes histoires collectées par les rhapsodes ces interprètes des chants épiques, quelle importance puisque la littérature en sort habillée de pied en cap ?
Xénophon disait déjà qu’Homère avait attribué aux Dieux « tout ce qui constitue chez les mortels honte et indignité : le vol, l’adultère et la tromperie »
Manguel recherche à travers les oeuvres d’autres poètes, d’autres écrivains, la trace des oeuvres. Joyce bien entendu mais aussi Virgile dont l'Enéide doit beaucoup à Homère, Dante qui fait apparaitre Homère dans son premier cercle de l’enfer.
Racine avec son Andromaque, Cavafy qui propose un Ulysse moderne.
Ils ont été inspiré, influencé par Homère et l’on retrouve chez eux la colère d’Achille, la ruse d’Ulysse, la patience de Pénélope, le sacrifice d’Iphigénie. Homère a laissé sa trace jusque dans les récits de Sindbad le marin.
Il nous rappelle l’influence qui a transformé Schliemann en archéologue obstiné pour découvrir les vestiges de Troie alors qu’il semblait que c’était un monde totalement imaginaire.
Un livre monde que Manguel illustre avec cette anecdote de villageois colombiens à qui l’on a prêté l’Iliade et qui refusent de rendre le livre au prétexte que :
« l’histoire d’Homère reflétait la leur: elle parlait d’un pays déchiré par la guerre, dans lequel des dieux fous se mêlent aux hommes et aux femmes qui ne savent jamais exactement pour quelle cause on se bat, ni quand ils seront heureux, ni pourquoi ils seront tués. »
Ce livre est une sorte de biographie littéraire, non celle d’un homme mais celle d’une oeuvre de plus de 3000 ans et qu’aujourd’hui encore on traduit partout de par le monde, livre qui ne résout pas l’énigme d’Homère mais qui lui rend hommage.
Manguel rejoint Italo Calvino « Les classiques sont des livres qui, quand ils nous parviennent, portent en eux la trace des lectures qui ont précédé la nôtre et traînent derrière eux la trace qu'ils ont laissée dans la ou les cultures qu'ils ont traversées. »
Les livres : L’Iliade et l’Odyssée - Alberto Manguel - Editions Bayard
L’Iliade - Homère - Traduction de Jean Louis Backès - Editions Gallimard Folio classique