Les coqs et les vautours - Albert-Paul Granier - Editions des Equateurs
C’est après une émission de radio que j’ai eu envie de lire les poèmes d’Albert-Paul Granier, Claude Duneton a lu plusieurs des poèmes et je suis restée abasourdie que l’on ignore ce poète jusqu’à aujourd’hui.
L’histoire que raconte Duneton est trop jolie pour ne pas vous la livrer : un petit opuscule de poésie très vieux, dont les pages ne sont pas coupées, est trouvé par un de ses amis dans un vide-grenier....Bien sûr l’ami en question l’offre sans l’avoir lu à Claude Duneton...lecture et aussitôt recherche d’un éditeur qu’il trouve aux éditions des Equateurs
Les poèmes ont été écrits pendant la 1ère guerre mondiale par un sous-lieutenant qui ne verra jamais la publication de ses poèmes car volontaire pour l’observation aérienne des lignes ennemies, son avion est touché par un obus en 1917.
Cet opuscule a été envoyé juste avant à l'Académie Française pour un concours, l’ Académie Française le récompensa en 1918.
Ce petit livre est d’une modernité étonnante et d’une émotion puissante, la folie meurtrière, la souffrance, le froid, la peur, le bruit de la mitraille, tout est là dans ces quelques pages d’une beauté sombre.
« Et puis, voici pour ceux des guerres,
les coqs cambrés et claironnants et les vautours,
de haine lourds, avec leurs serres
teintes du sang des souvenirs.... »
Tout fait poème : l’exode des populations, les villages pilonnés, les nuits d’attente et de peur, la mort omniprésente.
Par les chemins gluants qui viennent
du fond des plaines,
les gens s’en vont, comme des fous,
comme des fous qui seraient sages
les gens s’en vont vers n’importe où...

Par les ravins crépus, d’horreur échevelés,
où les obus aigus mordent à crocs avides,
des cadavres blêmis crispent leurs poings rigides
sur le Néant obscur près d’eux agenouillé.

La mort, soûle et joyeuse, danse,
et gambille et se déhanche,
la mort muette se trémousse,
et joue et jongle avec des crânes,
Comme avec des osselets
Rien n’est épargné, le symbole même de la paix la cathédrale agonise

Vengez les saints des hauts vitraux
dont les doux gestes de lumière
absolvaient depuis des siècles
vengez les anges qui n’ont plus d’ailes
et les gargouilles de plomb gris
dissoutes parmi l’incendie.
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