Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : interférence

  • Bribes de Victor Hugo

    lettrevh.jpg

    Lettre de Victor Hugo à sa femme, Bruxelles, 18 août 1837. BNF, Manuscrits
    © Bibliothèque nationale de France / Gallica

    « Un livre est un engrenage. Prenez garde à ces lignes noires sur du papier blanc ; ce sont des forces ; elles se combinent, se composent, se décomposent, entrent l'une dans l'autre, pivotent l'une sur l'autre, se dévident, se nouent, s'accouplent, travaillent.»

     

    mots.jpg

    Le livre : L'Aquarium de la nuit - Victor Hugo - Editions Interférences

  • Bribes russes

    Hommage et secret de la création

     

    poète.jpg

     

    Un cri de colère, l’odeur du goudron frais,

    Le mystère d’une tâche de moisi sur un mur...

    Et voilà qu’un vers tinte, malicieux et tendre,

    Pour votre joie et pour mon tourment.

                                                  Extrait de Les secrets du métiers

     

     

     

     

    Le pays a la fièvre, mais le bagnard d’Omsk ¹

    A tout compris, fait une croix sur tout,

    Voilà maintenant qu’il mélange tout,

    Et qu’il s’élance, planant tel un esprit

    Au dessus du chaos originel. Minuit sonne.

    La plume grince et de bien des pages

    Emanent des relents de potence.

     

    ¹ Dostoievski

     

    Le livre : Elégies du nord et Les secrets du métier - Anna Akhmatova - Traduit  par Sophie Benech - Editions Interférences

  • La librairie des écrivains - Mikhaïl Ossorguine

    Gardiens des livres - Mikhaïl Ossorguine - Traduit par Sophie Benech - Editions Interférences

    gardiens.gifParfois quelques minutes volées au temps vous rendent très heureux.
    Lors de la journée passée au salon du livre, en fin d’après midi quand tout le monde se presse pour faire des photos, pour apercevoir tel auteur à succès, j’ai flâné chez les petits éditeurs, ceux où il n’y a pas foule, pas de grand nom qui dédicace.
    Attirée par les couvertures magnifiques des éditions Interférences, j’ai feuilleté et emporté 3 petits livres, celui-ci est le premier lu et je souhaite vous faire partager mon plaisir et mon émotion.

    Tout d’abord il ne s’agit pas d’un livre à la mode, ni de ces livres distribués largement à tous les chroniqueurs de blogs et de Navarre pour qu’ils en fassent un compte rendu dithyrambique...non c’est un petit volume datant de 1994, qui dit en quelques pages comment dans la tourmente de la révolution russe, quelques écrivains ont tenu ouverte une librairie, se sont organiser pour venir en aide à des écrivains démunis, ont permis à des propriétaires de bibliothèques de vendre leurs livres et ainsi d’échapper pour un temps à la famine.

    Mickaïl Ossorguine raconte comment un petit groupe va faire vivre cette « Librairie des écrivains »

     

     

    Sport-les-echecs-ossorguine.jpg
    Mikhaïl Ossorguine (à gauche) en exil à Paris

    Il le raconte avec une simplicité pudique, à ceux qui s’étonneraient de la tolérance des autorités, Ossorguine répond

    « pourquoi nous tolérait-on ? Sans doute parce qu’au début, nous étions passés inaperçus, ensuite, on ne comprit pas très bien quelle sorte d’institution nous étions, ou peut-être estima-t-on malséant de s’en prendre à des écrivains travaillant sur les bases d’une coopérative sans employer de salariés. Une fois que la librairie eut acquis sa popularité, on la toléra par inertie, tout simplement. »

    L’inflation les obligeait à changer le prix de livre chaque jour aussi l’inscrivaient-ils au crayon et convertissaient-ils les prix devenus fous en denrée alimentaire, le livre valait une livre de farine, un litre d’huile.
    L’argent étant uniquement consacré à acheter des livres, l’aménagement de la librairie recourait au système D.


    « Un menuisier fabriqua d’après nos plans des bibliothèques pour lesquelles nous extorquâmes des planches à une coopérative. Sur les rayonnages s’alignèrent des livres transportés à dos d’homme, certains venant de maisons d’édition survivant encore, d’autres de chez nous – de nos réserves, dont nous étions contraints de nous séparer – d’autres enfin de chez des amis. En guise de caisse, une boîte en carton, en guise de vitrine, une planche inclinée devant une fenêtre qui se couvrait de givre le soir et se réchauffait vaguement au matin. »
    Mais qu’on ne s’y trompe pas c’était une vraie librairie :  « Les classiques, russes et étrangers, occupaient à eux seuls une pièce entière. »

    marina.jpgOssorguine agrémente son histoire d’anecdotes parfois cocasses ou émouvantes et dresse en annexe la liste des livres publiés par la libraire en effet lorsque papier et la possibilité d’imprimer ont disparus, les écrivains vont vendre leurs livres sous forme de manuscrits, formidables défis et volonté hors du commun.

    vous trouverez en fin de volume des reproductions d’illustrations et des fac-similés en particulier des poèmes de Marina Tsvétaïeva ainsi publiés.

     

    Faites une place à ce livre, hommage magnifique aux écrivains, aux libraires et à tous les amoureux des livres, de la poésie et de la littérature.

    Une pièce de théâtre à vue le jour inspirée par le livre

     

  • Tchékhov un homme et son œuvre – Korneï Tchoukovski

    timbre.jpg

    « ...jamais il n'y eut dans toute l'histoire de la littérature un autre poète qui, sans jamais charger ses œuvres de scènes horribles, uniquement au moyen d'un lyrisme calme et retenu, fut capable d'arracher autant de larmes aux gens ! ».

    Bel hommage rendu à…Anton Tchekhov, l'écrivain et dramaturge russe dont je ne me lasse ni de voir et revoir les pièces, ni de lire et relire les nouvelles.

    Korneï Tchoukovski balaie toute l’œuvre de Tchékhov, ses nouvelles, ses pièces de théâtre, son livre est un magnifique hommage à l’écrivain et à l’homme.
    Tchoukovski commença son travail sur Tchékhov l’année de la mort de l’écrivain en 1904, il vit alors à Londres et est fortement touché par ce décès.
    Il engrange les articles, les conférences, les préfaces aux œuvres de Tchékhov, il ne cesse de dire son admiration, d’essayer de rendre justice à son « idole ».
    Rassemblant son travail il en fit cette biographie qu’il publia en 1967.

    kornei tchoukovski.jpg

    Le biographe  

    L’analyse de l’œuvre de Tchékhov représente un travail important, toute l’œuvre est balayée et l’on sent derrière l’admiration sans limite pour l’écrivain et la colère devant les interprétations erronées de sa pensée.

    Bien que célèbre rapidement après ses début, Tchékhov fut maltraité par tout le paysage littéraire d’alors, par les critiques très dures, toutes plus ou moins à la solde du régime tsariste.
    Les articles malveillants et hostiles furent légion.

    Osip Emmanuilovich Braz - Portrait of Anton Pavlovich Chekhov 1898 - (MeisterDrucke-146053).jpg

     Portrait de Tchékhov-Ossip E Braz

    A travers ce livre son biographe nous montre la multiplicité des talents de l’écrivain, et au-delà, ses convictions, ses actions, son engagement auprès des plus pauvres ou de sa famille.

    Il voyageait beaucoup, invitait énormément de gens chez lui, aidait tout le monde quoi que soient leurs problèmes.

    Tchékhov 2.jpg

    Une enfance et une adolescence près d’un père violent, acariâtre et alcoolique, le poussa à gommer toute brutalité, toute mesquinerie dans ses actes, ses écrits.
    Au contraire il cultiva « une délicatesse et une douceur comme on n'en trouve chez aucun écrivain de sa génération ».

    la cerisaie.jpg

    C'était aussi un amoureux de la nature, des arbres et des fleurs. Il aimait passionnément aménager des jardins et cultiver la terre, la Cerisaie reflète cet amour.

    Un homme qui déteste le mensonge, à l’humour corrosif, à l’intelligence étincelante, à la « ténacité admirable », qui écrivait une œuvre magnifique mais fidèle à sa modestie, il minimisait son oeuvre.

    maison de Tchékhov. Sergei Arsenievich Vinogradov .jpg

    Maison de Tchékhov-Sergeï Arsenievich Vinogradov

    Armé d’une volonté sans faille, volonté qui est le centre de certaines nouvelles, c’est cette volonté qui fit de lui un classique de la littérature.

    Ses nouvelles donnèrent vie à des personnages qui souffrent du non-sens de l’existence, qui sont impuissants devant le sort, faibles parfois et incapables d’actions efficaces.
    A travers ses courts récits, Tchékhov fait preuve d’empathie, d’humanité, il sait d’un mot, d’une phrase camper un personnage, défendre une idée.

    Mais cette simplicité dans l’écriture est le fruit d’un patient, dur et permanent labeur sur lui-même d’abord et sur ses écrits.

    Tolstoy_and_chekhov.jpg

    Tolstoï et Tchékhov

    « Le soleil ne se lève pas deux fois par jour, et la vie n'est pas donnée une seconde fois » disait Tchekhov qui aimait par-dessus tout la Vie et les Hommes. »

    J’avais lu il y a quelques années l'excellent livre écrit par son ami Ivan Bounine  Sur Tchekhov, en voici un autre superbement bien écrit,  Korneï Tchoukovski, est traducteur, critique littéraire, célèbre en Russie pour ses livres destinés aux enfants.
    Je dois dire qu’à côté la biographie d’Irène Némirovsky fait vraiment pâle figure.

    Il y a sur ce blog plusieurs chroniques consacrées à Tchékhov un essai littéraire de Roger Grenier, et bien entendu une chronique sur La Steppe que j’ai lu, relu et écouté.

    Tchekhov-sakhaline-bagne.jpg

    Le bagne de Sakhaline  

    Mais aussi le voyage à Sakhaline de l’écrivain pour prendre la défense des bagnards, un de ces livres indispensables pour dire que l’on connaît un écrivain.

    Les pièces de Tchékhov sont parmi mes meilleurs souvenirs de théâtre.

    La traduction est vraiment excellente, que la traductrice en soit remerciée.
    Pour terminer c’est l’occasion de vous rappeler les textes que les éditions Interférence offrent, tous excellents, vous en trouverez plusieurs sur le blog.

    IMG_0541.jpg

    Le livre : Tchékhov un homme et son œuvre – Korneï Tchoukovski – Traduit par Fanchon Deligne – Éditions Interférences

  • Mes bibliothèques - Varlam Chalamov

    Mes bibliothèques - Varlam Chalamov - Traduit du russe par Sophie Benech - Editions Interférences
    mes bibliothèques.gifCe tout petit volume dit en quelques cinquante pages l’amour des livres, la passion pour la lecture et la souffrance d’en être privé.
    Varlam Chalamov c’est l’homme des Récits de la Kolyma, l’homme qui a résisté à deux condamnations à la déportation et qui a passé 17 ans de sa vie au Goulag.
    Le livre s’ouvre sur un aveu « Je ne me rappelle pas avoir appris à lire et j’ai l’audace de croire que j’ai toujous su. »
    Le ton est donné, et l’auteur nous fait faire le tour des bibliothèques qu’il a fréquenté, les bibliothécaires qu’il a croisé « Maroussia Pétrovna, les joues rouges comme ce n’est pas possible (..) distribuait des livres aux reliures dorées couverts de givre ».
    C’est là qu’il va faire connaissance avec les héros d’Alexandre Dumas et que s’allumera chez lui le goût de la littérature.
    Il aura toujours du mal à lire et travailler dans les bibliothèques « Lire en présence d’autrui m’a toujours été désagréable, j’ai presque honte (..) n’est-ce pas troublant ? Comme si la lecture était un vice secret. »

    « J’ai toujours acheté des livres » dit-il mais tous furent détruits lors de son arrestation et il confie « Je regrette de n’avoir jamais possédé ma propre bibliothèque » on se sent un peu honteux d’avoir à côté de soi un pile de livres qui nous attendent et Chalamov nous invite à être attentif à la qualité de nos lectures « Nous lisons des milliers de pages imprimées qui ne méritent pas tout ce temps perdu » venant de lui cet mise en garde  est de grande valeur.

    varlam_chalamov.jpgEn déportation il a presque perdu le goût et la faculté de lire et les pages consacrées à cet épisode sont poignantes, heureusement grâce à une femme médecin il va revenir à la lecture « ma protectrice prescrivit de différer ma sortie et m’apporta un livre (..) je lus ce livre avec attention, et je retrouvai le plaisir de lire, d’être captivé par un livre, de pénétrer sans un regard en arrière dans le monde d’un auteur »

    C’est un livre magnifique qui, je n’ai pas honte de le dire, m’a fait monter les larmes aux yeux à plusieurs reprises. Il va trouver place à côté de Gardiens des livres du même éditeur. Vous pouvez aller lire le billet de Frédérique ou de Cuné sur ce livre

    Faites une place à ce livre dans votre bibliothèque car comme le dit Varlam Chalamov “les livres, c’est un monde qui ne nous trahit jamais”

  • La Traductrice - Efim Etkind

    cadeau.jpg

    C ‘est un cadeau que j’ai reçu et qui m’a fait un immense plaisir, vous me direz comment peux-tu dire ça alors que tu as déjà lu le livre ?
    C’est vrai je l’ai déjà lu mais rapidement comme on lit quand on doit rendre le livre très vite.

    Alors là j’ai pris mon temps.
    Un récit très court mais dont on regrette presque la concision tant cette étonnante histoire nous bouleverse.

    On assiste à la représentation de Don Juan de Byron, à la fin de la pièce le public debout réclame l’auteur. Une femme gênée, voutée, monte sur scène et là s’écroule.
    Cette femme c’est Tatiana Grigorievna Gnéditch.

    tatiana.jpg

    Elle est une intellectuelle issue d’une famille aristocrate ce qui en Union Soviétique était comme une épée de Damoclès.
    Tatiana Gnéditch est passionnée de littérature anglaise et attirée en particulier par Byron. Elle a de qui tenir, un de ses ancêtres fut le traducteur de l’Iliade, traduction jamais dépassée depuis. 

    La politique n’intéresse pas Tatiana mais la politique va la rattraper. Soupçonnée puis emprisonnée pour ses origines, elle est condamnée à dix ans de camp en 1945.

    tombe.jpg

    Bizarrement elle ne part pas immédiatement au Goulag, elle va profiter de ce répit pour obtenir avec l’aide d’un de ses geôliers, papier et crayon et elle s’attaque à la traduction de Byron.
    Au nez et à la barbe du NKVD elle va traduire les 17000 vers de Don Juan. 

    byron.jpg

    Le parcours de cette traduction est un exemple de solidarité et de prise de risques pour que ne se perdent pas les paroles des écrivains. 

    Une femme de la trempe d’un Soljenitsyne qui enterra ses manuscrits ou de Nadejda Mandelstam qui mémorisa l’œuvre de son mari pour qu'elle ne s'efface pas.

    En lisant ce petit livre j’ai pensé au « Proust contre la déchéance » de Joseph Czapski et au rôle de la mémoire.
    J’ai fait également le rapprochement avec le superbe film La femme aux cinq éléphants qui, bien que dans un tout autre contexte, met parfaitement en valeur le travail de la traduction.

    efim etkind.jpg

    Un mot sur l’auteur : Efim Etkind était linguiste et traducteur, il fut un dissident qui prit des risques pour faire circuler des œuvres d’auteurs interdits. Il a travailler à faire connaître les dérives soviétiques, en 1974 il fut contraint à quitter l’URSS.

    IMG-0501.jpg

    Le genre de petit livre tout à fait indispensable, des textes qui ne s’oublient pas, qui réactivent en nous l’obligation de nous inquiéter des livres, des auteurs ET des traducteurs.

    Le livre : La traductrice – Efim Etkind – Traduit par Sophie Benech – Éditions Interférences