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Rechercher : la petite lumière

  • Un bol de nature

    Quelques extraits de livres, de ceux que je ne prête pas, de ceux qui me sont précieux et que je peux ouvrir à n’importe quelle page et y trouver un grand plaisir de lecture. Des livres riches et magnifiques, poétiques et sensibles. Certains sont épuisés chez l'éditeur mais la persévérance fait des miracles.

    Tout cela a commencé, voici quinze ans déjà, par un pique-nique à la pointe orientale de l’île d’Orléans, là où l’accès au fleuve est rendu hasardeux, en juillet par une immense batture chargée de joncs, de foin de mer et de riz sauvage. Le lieu où nous nous trouvions était paisible, préservé.(...) Dans l’après-midi, au cours d’une promenade au bord du fleuve, j’aperçus cachée dans les arbres et à demi enfouie sous les hautes herbes, une petite cabane rouge qui servait de camp de chasse. Je ne savais pas encore que cette maisonnette de bois rond allait devenir un des lieux importants de ma vie.
    Pierre Morency - L’oeil américain - Boréal

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    Une batture

    Chaque année, après les tempêtes de neige du coeur de l’hiver, survient une nuit de dégel où le tintement de l’eau qui goutte traverse le pays, réveillant sur son passage les créatures assoupies pour la nuit et d’autres qui dormaient depuis le début de l’hiver. La mouffette roulée en boule au fond de sa tanière déplie ses membres et risque une sortie dans cet univers humide, en traînant son ventre dans la neige. La trace de la mouffette marque l’un des premiers événements repérables de ce cycle de fins et de commencements qu’on appelle une année
    Aldo Leopold - Almanach d’un comté des sables

     

     

    Dans l’herbe autour du chalet, les abeilles sont très occupées à butiner les pissenlits dorés, et ne prêtent aucune attentions aux houstonies et aux violettes. Les violettes pourpres, bleues et blanches, poussent à telle profusion que l’air est embaumé de leur parfum. La brise apporte l’odeur sucrée des fleurs de pruniers sauvages qui poussent dans les bois sur la colline. Les abeilles aiment les fleurs des pruniers sauvages et moi aussi.
    Sue Hubbell - Une année à la campagne

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    Tinker Creek

    Il y a dans ce monde sept ou huit catégories de phénomènes qui valent la peine qu’on en parle, et l’une d’entre elles, c’est le temps qu’il fait. Si, d’aventure, l’envie vous prenait de sauter dans votre voiture, de traverser tout le pays, et de franchir les montagnes pour arriver dans notre vallée, et là, de traverser Tinker Creek, de monter la route qui mène à la maison, et si par hasard, vos pas vous faisaient traverser la cour, frapper à la porte et demander à entrer, et que, vous vous mettiez à parler du temps qu’il fait, alors, vous seriez le bienvenu.
    Annie Dillard - Pèlerinage à Tinker Creek

     

     

  • Le Sauvage des Pyrénées - Pep Coll

     

    sauvagedespyrénées.gifLe Sauvage des Pyrénées - Pep Coll - Traduit du Catalan par Edmond Raillard et Juan Vila - Actes Sud
    Tout commence avec la chute d’un chien sur un replat de falaise « une langue étroite et longue de terre vierge, constellée de roches grises et d’arbustes vert foncé. »
    Tura, mais on l’appelle aussi Ventura ou mieux Bonaventura Mir, va élire domicile sur ce replat d’où il domine le village et tout ceux qui le prennent pour un idiot, il est vrai que comme d’autre échange leur droit contre un plat de lentilles, lui Bonaventura a délaissé le confort d’une ferme cossue contre une vie d’étudiant et tout le village rit de lui. Son frère a au passage hérité de la propriété familiale et « emprunté » la fiancée de Ventura, la belle Filomena.
    Il va se construire un domaine, une forteresse, c’est à lui, c’est son bien qu’on se le dise « Habitants de Maulpui (...) je vous fais savoir à tous que j’ai pris la ferme et libre décision de rester vivre sur cette hauteur »

    Malgré toutes les tractations, toutes les tentatives pour l’extraire de son replat, notre héros persiste des années durant et transforme peu à peu la parcelle de terrain en un lieu de vie, il laboure, sème, arrose, cueille et vit bientôt en autarcie.
    De loin en loin il a des nouvelles du village, il regarde tous ces petits insectes se démener, il les reconnait de loin mais n’a nulle envie de se joindre à la fourmilière.
    De temps à autre il a de la visite, il faut du courage aux visiteurs parce qu’ils doivent emprunter des échelles de cordes et parce que Ventura a tourné un peu anarchiste et qu’on ne sait jamais quel va être l’accueil, aussi les visiteurs sont rares.

     

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    Du haut de son perchoir il contemple la bêtise humaine  

    Bonaventura ne s’ennuie pas, il a même mis au point une technique très sûre pour jouer aux échecs avec un membre du village, à distance et de belle façon.

    Mais la vie de Bonaventura va prendre un tour inattendu à la mort de son frère, emporté comme la moitié du village par une épidémie de peste
    Après des années de vie solitaire sur son replat va-t-il être contraint de retourner à la civilisation ?  La presse et les scientifiques s’intéressent de très près au cas de ce fou qui s’est fait ermite ce « sauvage des pyrénées »

    N’hésitez pas à passer quelques heures en Catalogne en compagnie de ce doux dingue de Bonaventura, le héros instruit et érudit qui a choisi de se faire ermite.
    C’est un récit qui prend son temps. Un récit joyeux, drôle et savoureux. Il y a du Rousseau dans ce récit, et Bonaventura est frère en loufoquerie de Don Quichotte et Pickwick.
    Une jolie fable sur l’utopie, la folie et l’amour de la liberté.


    L’auteur
    Pepcoll.jpegPep Coll est né à Pessonada en 1949. Il vit actuellement à Lleida, où il est professeur de langue et de littérature catalanes. Ecrivain, il est aussi l’auteur de scripts pour la télévision, d’articles de journaux ( source l'éditeur)

  • Ecrits de la maison des rats - Lao She

    ecritsdelamaison.gifEcrits de la maison des rats - Lao She - Traduit du chinois par Claude Payen - Editions Philippe Picquier
    Un recueil de textes, non pas des nouvelles mais de petits articles destinés à des journaux, d’un des grands écrivains chinois.
    Je n’ai lu que deux romans de Lao She : Le pousse-pousse et Gens de Pékin, ici c’est une façon légère de faire connaissance avec lui.
    Un grand nombre de thèmes sont abordés, certains sérieux d’autres nettement moins, de sa mère à la lecture, de sa nostalgie de Pékin à la poésie.
    Le recueil s’ouvre sur un texte très drôle « Dur dur d’écrire son autobiographie » où il fait un inventaire des épisodes de sa vie qui pourraient servir, après avoir renoncé aux deux premiers chapitres il s’obstine « Même si je me forçais  à écrire le troisième chapitre il n’aurait rien de glorieux. Il vaudrait mieux que j’oublie ce chapitre et commence directement au quatrième » pour conclure que rien ne presse.
    Le ton change totalement lorsqu’il évoque sa mère de façon très émouvante car « Vivrait-on jusqu’à l’âge de quatre vingt dix ans, on reste toujours l’enfant de sa mère »
    Il sait à merveille se moquer de lui-même, lui qui adore lire et qui aime parler de livres « Dés que je parle des miens, j’attrape mal à la tête. Mes livres et mon destin semblent constituer éternellement pour moi un double fardeau. »

     

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    Hutongs quartiers traditionnels chinois chers à Lao She

    Les chats, les enfants, les moineaux,  sont l’occasion de lignes savoureuses, poétiques, fines et délicates. Il se fait parfois nostalgique en particulier lorsqu’il évoque le Pékin de son enfance « Ce n’est qu’à Pékin qu’un homme aussi pauvre que moi peut se sentir relativement heureux. »

    L’écriture est d’une grande simplicité et j’ai éprouvé beaucoup de plaisir à cette lecture.

    L’auteur
    lao_she.jpgNé en 1899, il a enseigné pendant une vingtaine d’années, il a connu le succès avec Le Pousse-pousse, il a écrit de nombreuses nouvelles rassemblées dans « Gens de Pékin »
    Son plus grand roman « Quatre générations sous un même toit » est une fresque racontant l’histoire d’une famille.
    La révolution culturelle lui est fatale, tué ou « suicidé » par les gardes rouges, il ne sera réhabilité qu’en 1978

     

     

  • Mon vieux et moi - Pierre Gagnon

    monvieux.gifMon vieux et moi - Pierre Gagnon - Editions Autrement
    C’est la photo qui m’a attiré, il était touchant ce vieux avec son pantalon godaillant et sa cravate de traviole.
    Les vieux je connais pour en avoir soigné pendant quelques années et puis parce que j’y vais vers le vieillesse à une vitesse sidérante et qui me fait peur.
    Le narrateur de cette histoire saugrenue est un jeune retraité qui ne rêve ni " de posséder un bateau ou une maison de campagne " , il a une vieille tante pensionnaire d’une maison de retraite, là il a fait connaissance de Léo et il verrait bien Léo lui tenir compagnie, remplir sa vie, il se dit "Je l’aimerai comme un enfant, sans avoir à l’éduquer" donc c’est décidé et une fois que les tracasseries administratives sont derrière lui le voilà avec un colocataire.
    La vie à deux s’organise " Léo est très agréable à côtoyer, fait jamais la gueule. Volontaire il participe à tout" bien sûr parfois il ne fait rien et reste là sans bouger devant la fenêtre " ça s’appelle vieillir. Jamais on ne raconte ses choses là, bien sûr. Ca n’intéresse personne"
    Les deux hommes s’apprivoisent de parties de cartes en virées au marché aux puces, le partage des tâches "Je fais le café, il grille le pain".

     

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    Oui mais voilà avec les vieux il suffit d’un rien pour que tout bascule " Il a suffi d’une chute et il est devenu vieux" et la vie se fait plus difficile, le quotidien est devenu pesant. Léo ne reconnaît plus ses mains, prend le hamster pour un chat, chantonne toute la nuit, sème de l’urine dans toute la maison.  Les nuits sont longues " Un soir, je me suis allongé près de lui et j'ai lu, à haute voix, Le Vieil Homme et la Mer" notre narrateur est épuisé...parce que c’est dur les vieux, ils  " ne dorment plus la nuit, dorment trop le jour (...) gênent le passage, s’emmerdent, souhaitent mourir et n’y parviennent pas"

    Un tout petit livre qui sans avoir l’air d’y toucher aborde tous les thèmes du plus léger au plus grave. L’humour fait tout passer même le plus difficile.
    A faire lire à tous les enfants qui ont de vieux parents, à tous les parents qui seront de vieux enfants, à toutes les familles, à tous les soignants, bref un livre à déclarer d’utilité publique.



    L’auteur
    Pierre Gagnon est né le 13 mai 1957 à Arthabaska. Il vit à Québec depuis 1960. D’abord musicien, il publie en 2005 5-FU (éditions L’Instant même), qui s’élève en haut du palmarès des meilleures ventes au Québec. Mon vieux et moi est son quatrième livre.

  • Cadeau pour un copain amateur de thriller

    Un cadeau pour votre copain amateur de thriller

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    pour lecteur prêt à lire une partie de la nuit..............................

     

    adieujerusalem.gifAdieu Jérusalem - Alexandra Schwartzbrod - Editions Stock
    La peste noire est de retour ! Une explosion dans un laboratoire Russe, un technicien de ce laboratoire qui se rend en pèlerinage à La Mecque et il n’en faut pas plus pour que l’épidémie se répande.
    Le pèlerinage du Hadj attire des milliers de musulmans, la peste se répand, rien ne semble en mesure de l’arrêter et alors aussi vite un cri de colère retentit venant du fond des âges : « Les juifs ont empoisonnés les puits, ils veulent notre mort »
    L’accusation court à la vitesse de l’électronique, sites web, iphone, sms, rien ne peut la ralentir. Tous les pays musulmans sont en effervescence d’Istanbul en passant par l’Inde.
    En Israël les palestiniens de Territoires occupés mais bientôt aussi les arabes israéliens de Jaffa, de Jéricho, d’Hébron sont « contaminés » par la rumeur. Jérusalem est au bord de l'émeute.
    Le pays est au bord de l’implosion, le Premier Ministre ne doutant pas une seconde de l’appui des Etats-Unis, fait tirer sur les manifestants et décide l’expulsion de tous les arabes d’Israël.
    Oui mais il a oublié un peu vite que les temps ont changés et que le pouvoir n’est plus là où on le croit.

    Des personnages emblématiques dont certains sont le portrait craché d’hommes politiques bien réels.
    Un affairiste Russe et extrémiste « Andreï Sokolov s’apprêtait à mettre la main sur la mairie de Jérusalem. Vu l’importance que l’endroit revêtait pour la communauté internationale, il allait devenir le maître du monde »
    Zev Killman inquiet pour l’avenir de son pays « sioniste de gauche, attaché à des valeurs simples : la démocratie, la laïcité, les droits de l’homme »
    Dennis Crocker « l’interface entre le département d’Etat et la Maison Blanche, le Pentagone et la CIA »
    Le nouveau Secrétaire Général de l’ONU, l’Estonien Rein Laristel, respecté par tous car « Sa modestie, la netteté de ses convictions, son expérience avaient fait de lui un des piliers de l’Union Européenne »
    Et puis il y a les petits, les sans grades :
    Ana Güler jolie juive rousse Stambouliote viscéralement attaché à Israël et à son oncle Zev Killman
    Eli Bishara le flic arabe israélien qui va devoir choisir entre son devoir et ses frères de race

    Un roman de « Géopolitique fiction » haletant, avec une construction béton, les faits évoqués collent à la réalité, la ressemblance avec des personnages réels est voulue et cela rend le récit totalement crédible.
    On retrouve ici : la droite israélienne s’arc boutant sur un extrémisme suicidaire et poursuivant une politique de colonisation qui rend tout dialogue impossible avec les Palestiniens, le gouvernement Américain hésitant coincé entre son électorat juif et sa crainte du chaos, l’ONU pratiquement impuissante, les pays du Golfe tenant dans leurs mains les finances du monde.
    Alexandra Schwartzbrod sait de quoi elle parle, journaliste à libération elle a passé près de trois ans à Jérusalem durant la dernière Intifada.

    Un mauvais point cependant : ce livre est un cadeau empoisonné, une fois ouvert impossible de stopper la lecture, soyez charitable prévenez votre copain

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  • Ararat - Frank Westerman

    Une étape de mon tour du monde  à la fois réel et imaginaire.

    Le déluge, l'arche de Noé, je vous emmène vers un lieu mythique

     

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    Le mont Ararat : un lieu mythique qui a tout à voir avec la religion, qui est depuis des décennies un enjeu entre des pays ennemis, le sommet qui sera le plus élevé d’Europe (5165 m) si la Turquie intègre l’Union Européenne, voilà ce qui m’a poussé à lire ce livre.

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    Frank Westerman fait un voyage en Arménie en 1999 comme correspondant d’un journal, à Erevan le Mont Ararat est omniprésent, « Son image se trouve sur les billets de banque, les timbres et en hologramme sur les cartes de crédit  » oui mais on ne peut atteindre le sommet qui est sur le sol turc.
    Elevé d’une façon assez stricte, il a reçu une éducation religieuse, il a grandi dans le respect des textes sacrés et celui du déluge est un de ceux qui dont le souvenir est vivace, il comprend donc parfaitement les arméniens qui « habitaient le pays de Noé, où pour la première fois était apparu un arc-en-ciel. Comme dans la Bible, ils croyaient qu’une arche avait existé, longue de trois cents aunes, large de cinquante et haute de trente, un bateau de sauvetage enduit de goudron dans lequel hommes et bêtes avaient survécu à l’inondation du globe terrestre tout entier »
    Frank Westerman est étonné « Je ne m’étais encore jamais fait la réflexion qu’il existait des lieux bibliques que l’on pouvait tout bonnement aller visiter » et c’est ce qu’il entreprend.
    La quête de l’auteur va passer par tout une série de rencontres. Scientifiques quand il retourne voir son vieux prof de math, un géologue spécialiste des éruptions volcaniques, ne pas oublier qu’Ararat est un volcan ! Sans oublier les alpinistes car l’ascension n’est pas un promenade du dimanche et exige matériel et préparation.


    A la fois récit de voyage et interrogation personnelle, ce livre, entrepris au moment où l’auteur devient père, est tout à fait original. L’auteur s’interroge sur la foi qui l’a quitté, sa pratique religieuse d’enfant, ses doutes ou questions d’adulte. Il va se frotter aussi aux conflits qui sont à peine éteints aujourd’hui : la question arménienne, le conflit kurde, une petite poudrière aux portes de l’Europe.
    Le récit est agréable à suivre, les rencontres de l’auteur sont empreintes de chaleur et parfois de cocasserie.  

    Le livre : Ararat - Frank Westerman - Traduit du néerlandais par Danielle Losman - Editions Chrisitian Bourgois 2010