Le Grand Siècle Volume 2
Six lettres à une épouse, six lettres d'un poète léger et primesautier, l'oeil aux aguets sur les travers des hommes et la beauté des femmes ..........Retrouvons La Fontaine en sa correspondance.
Le procès de Fouquet vient de se terminer, l’oncle de La Fontaine, Jannard, soutien du Surintendant reçoit une lettre de cachet l’enjoignant à l’exil à Limoges. La Fontaine décide d’accompagné son oncle :
« La fantaisie de voyager m'était entrée quelque temps auparavant dans l'esprit, comme si j'eusse eu des pressentiments de l'ordre du roi. »
Il va pendant le voyage laisser courir sa plume au bénéfice de son épouse Marie.
Ces 6 lettres ne seront publiées qu’après la mort du poète.
La destinataire des lettres : Marie de Héricart
Il faut plus de trois semaines pour effectuer le voyage et tout au long, La Fontaine décrit les paysages, la Beauce n’a pas ses faveurs, « trop plate » mais la Loire le surprend
« Elle est près de trois fois aussi large à Orléans que la Seine l'est à Paris. »
Il peint à Marie les villes traversées :
« Blois est en pente comme Orléans, mais plus petit et plus ramassé; les toits des maisons y sont disposés, en beaucoup d'endroits, de telle manière qu'ils ressemblent aux degrés d'un amphithéâtre. Cela me parut très beau, et je crois que difficilement on pourrait trouver un aspect plus riant et plus agréable. »
Un ton léger et ironique pour présenter ses compagnons de voyage dans le carrosse qui les emporte.
« Dieu voulut enfin que le carrosse passât: le valet de pied y était; point de moines, mais en récompense trois femmes, un marchand qui ne disait mot, et un notaire qui chantait toujours, et qui chantait très mal: il reportait en son pays quatre volumes de chansons. Parmi les trois femmes, il y avait une Poitevine qui se qualifiait comtesse; elle paraissait assez jeune et de taille raisonnable, témoignait avoir de l’esprit, déguisait son nom, et venait de plaider en séparation contre son mari: toutes qualités de bon augure et j'y eusse trouvé matière de cajolerie, si la beauté s'y fût rencontrée; mais sans elle rien ne me touche; c'est à mon avis le principal point: je vous défie de me faire trouver un grain de sel dans une personne a qui elle manque. »
Le récit est franchement humoristique quand il relate les incidents qui émaillent le voyage.
« La comtesse se plaignit fort, le lendemain, des puces. Je ne sais si ce fut cela qui éveilla le cocher; je veux dire les puces du cocher, et non celles de la comtesse: tant y a qu'il nous fit partir de si grand matin qu'il n’était quasi que huit heures quand nous nous trouvâmes vis-à-vis de Blois, rien que la Loire entre deux. »
Il versifie, abonde en citations et n’oublie de se montrer à son avantage :
« M’étant allé promener dans le jardin, je m'attachai tellement à la lecture de Tite-Live qu'il se passa plus d'une bonne heure sans que je fisse réflexion sur mon appétit»
Il peut aussi se moquer un peu de lui-même quant aux dangers qui guettent :
« Tant que le chemin dura, je ne parlai d'autre chose que des commodités de la guerre: en effet, si elle produit des voleurs, elle les occupe; ce qui est un grand bien pour tout le monde, et particulièrement pour moi, qui crains naturellement de les rencontrer. On dit que ce bois que nous côtoyâmes en fourmille: cela n'est pas bien; il mériterait qu'on le brulât. »
Le but du voyage
Limoges enfin qu’il pare de grâce, prudemment, il y trouve :
« la meilleure table du Limousin. » quant aux habitants « Je vous donne les gens de Limoges pour aussi fins et aussi polis que peuple de France: les hommes ont de l'esprit en ce pays-là, et les femmes de la blancheur. »
Ces lettres étaient destinées à être lues à voix haute , le poète espérait qu’elles feraient le tour de son cercle d’amis et qu’elles les amuseraient.
Je vous propose de vous compter au nombre des amis de La Fontaine et d’écouter Philippe Lejour vous les lire.
Le livre audio :
Relation d’un voyage de Paris en Limousin - Jean de La Fontaine - lu par Philippe Lejour - Editions Sous le lime