Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : L AFFAIRE COLLINI

  • L'art des listes

    l'art des listes.gif

    C’est le meilleur moment pour lire ce livre, qui n’a pas au début d’une année nouvelle fait la liste de ses souhaits, des choses à faire absolument, des résolutions à tenir ?

    « je vais aller à la piscine une fois par semaine... »
    « je nettoie ma voiture  demain et je défais le sapin ....»
    « la liste des écharpes pour la famille : une pour Julie, une pour Paul et une pour ma grand-mère »
    « je note les menus que j’ai concocté à mes invités  »
    « la liste des voeux à envoyer »
    bref me voilà en train de faire des listes, cela me rassure, me réconforte, me donne l’impression de voir plus clair.

    C’est un procédé vieux comme le monde et pratiqué par tous, mais élevé au rang « d’art » par Dominique Loreau car ses propositions dépassent largement les listes habituelles.
    Elle nous dit : Les listes font partie de notre quotidien comme de notre mental....Elles nous aident à garder le contrôle de notre vie, à gagner du temps, à éviter les oublis, la confusion, le stress...

    Il y a les listes classiques :
    listes des livres lus
    liste des films vus    
    la liste pour faire les valises


    Il y a les listes plus personnelles, plus nostalgiques, plus curieuses :
    les pays que je souhaite visiter
    les tableaux que je veux voir avant de mourir
    les choses que j’aime, celles que je déteste
    Les dix actions dont je suis fière ....et les dix autres .....
    La liste des choses à oser faire

    L'auteur nous propose des listes très variées, parfois amusantes, d’autres plus pratiques, pour ma part j’ai bien aimé les « listes pour prendre soin de soi » et « les listes des mille et un plaisirs »

    Cet art très développé au Japon, est un moyen « d’enrichir sa vie  » et puis si vraiment vous vous prenez au jeu, vous pouvez faire un vrai livre de listes, les japonais affirment qu’ « au delà de 10 ans un tel livre est un trésor »

    Je suis fanatique de listes depuis toujours : les envies de vacances, les prochains gros achats, les idées de cadeaux quand elles viennent, et bien sur les livres lus, ceux que je vais lire, ceux que je rêve d’acheter (surtout d’énormes livres d’art très très très coûteux) les films vus dans l’année, mes morceaux de musique préférés ...etc.

    Je me suis donc précipitée sur cet « art des listes » et je ne le regrette pas; il faut juste maintenant que j’achète un énorme carnet pour faire mon livre de listes....
    Il peut se lire d’une traite mais surtout on peut venir y piocher au gré des ses humeurs et de ses envies.
    Il met de « la lucidité et de la simplicité dans la vie quotidienne » et il donne envie de lire les autres livres de Dominique Loreau : l’art de la simplicité et l’art de l’essentiel.


    L'auteur
    Française installée au Japon depuis plus de vingt-cinq ans, Dominique Loreau est imprégnée par le mode de vie de son pays d'adoption. Un mode de vie qui repose sur le principe du «moins pour plus» appliqué à tous les domaines, du matériel au spirituel. Dans ses livres comme dans ses séminaires, elle transpose ces préceptes à l'usage des femmes occidentales 

     « La liste nous donne une voie d’accès directe à l’exploration illimitée de notre vie. Forme de langage et de savoir, elle permet d’aborder les faits avec une clarté magique qui les rend évidents et nous amène à nous enrichir et à mener notre vie avec plus de profondeur.
    Se constituer des listes de souvenirs, de ses rêves, de ses aspirations, de ses goûts, aller chercher au plus profond de soi toutes sortes de trésors cachés, de pouvoirs créatifs, de souvenirs, de rêves abandonnés, faire remonter à la surface mille parcelles de son soi jusque là diffus ou ignoré, affiner ses sens, se restructurer, réfléchir, évoluer, apprivoiser le silence et la solitude, se simplifier la vie mais aussi la valoriser, voilà ce que permettent les listes»

     

    Le livre : L’art des listes - Dominique Loreau - Editions Robert Laffont et Marabout

  • Chateaubriand l'Enchanteur

    IMG-0370.jpg

    J’ai commencé depuis quelques jours les Mémoires d’Outre-Tombe que je prévois de lire de bout en bout.
    J’en ai lu de longs morceaux au fil des années mais j’avais envie de faire cette lecture complète.

    Chateaubriand m’intéresse depuis très longtemps et j’ai accumulé des livres à son propos. 
    Des biographies bien entendu, on peut en trouver de très valables par des spécialistes comme celle de Ghislain de Diesbach ou celle de Jean-Claude Berchet chez Gallimard.

    Elles sont complètes, sérieuses, mais comment vous dire, elles ne m’ont pas passionné. 
    Celle qui a emporté mon adhésion c’est une bio ancienne mais qu’importe, celle d’André Maurois je ferai un billet à son propos dans quelques temps.

    IMG-0363.jpg

    Il y a quelques essais sur l’homme de lettres, l’homme politique, le grand amoureux qui sont une bonne façon de mieux le connaitre.

    L’essai de Michel Crépu grand admirateur de l’écrivain, du catholique, de l’homme politique, du visionnaire. 
    Il est un lecteur assidu de Chateaubriand et j’ai beaucoup aimé son essai même si certains passages ne sont pas simples du tout. 
    Le souvenir du monde  est d’une grande élégance. Il nous invite à cerner Chateaubriand, sa sensibilité digne d’un mouvement qui n’existe pas encore : le romantisme.
    Il place la Révolution comme l’évènement qui formera la personnalité de l’écrivain.
    Il évoque les années anglaises mais surtout la deuxième partie de sa vie et ses rapports tumultueux avec Napoléon mais aussi avec tout ce qui compte pour la Restauration. 

    Michel Crépu le fait apparaitre comme celui qui a rêvé la royauté à l’anglaise et qui va de déception en déception.

    IMG-0364.jpg

    Le deuxième essai est celui de Michel Onfray La Stricte observance 
    J’ai été très surprise par cet essai en raison des convictions fortes de Michel Onfray. Ecrire un essai sur l’abbé de Rancé et la Trappe c’est plus que surprenant.
    Le philosophe après un deuil se réfugie à la Trappe comme l’a fait l’abbé de Rancé en son temps. 
    Michel Onfray lit Chateaubriand et son livre sur la vie de Rancé, le dernier de l’écrivain.

    M Onfray veut comprendre comment Rancé, adepte de tous les plaisirs, libertin, comment cet homme choisit d’entrer à la Trappe, de se soumettre à l’ascèse la plus grande, au silence. 
    Comment il peut après la perte de sa maitresse se dépouiller de sa fortune, et imposer une réforme de la vie monastique.
    C’est un mélange du portrait de Rancé, de Chateaubriand et …de Michel Onfray
    J’ai été étonné par certains de ses propos assez loin de ses imprécations contre la foi catholique. Il y a des pages splendides sur la vie monastique, la fidélité au passé, le deuil et l’âme.
    A lire avec le livre de Chateaubriand à côté de soi. Vous pouvez en profiter pour acheter en poche la version avec la préface parfaite de Roland Barthes.

    IMG-0364.jpg

    Philippe Berthier est un éminent spécialiste de Chateaubriand et de  stendhal.
    Vous pouvez le retrouver sur ce blog.

    Il offre avec ce livre Chateaubriand Chemin faisant : un vaste panorama de la vie, de la pensée de l'écrivain, c’est plein d’enthousiasme mais aussi de critiques, plein d’admiration mais aussi de condamnation bref c’est la plume oh combien attrayante de Philippe Berthier 
    Même si le livre est annoncé comme un joyeux désordre, il n’en est rien
    Philippe Berthier traite des voyages de Chateaubriand, de son écriture et de son inspiration mais aussi des rencontres marquantes en particulier celle de Mme Récamier 
    J’ai vraiment aimé ces essais tous tout à fait lisibles pour le profane à condition d’avoir lu une biographie comme référence.

    J’ai particulièrement aimé un long chapitre sur la route du temps, ce sont les textes les plus forts et magnifiques de Chateaubriand, son séjour en Bohème, une Venise inoubliable, et surtout les adieux à la politique et à la vie mondaine.
    J’ai aimé aussi le chapitre sur Juliette Récamier plein de tendresse.

     

    IMG-0367.jpg

    Le dernier essai mais sans doute la somme la plus importante est celle de Marc Fumaroli, j’avais tellement aimé sa biographie de La Fontaine que je m’étais précipité sur Poésie et Terreur quand  le livre paru.

    Ce n’est pas par là qu’il faut commencer car je dois dire que j’ai eu du mal avec ce livre, mais au final c’est une somme un peu incontournable si l’on aime l’Enchanteur. 

    Chaque chapitre peut être lu indépendamment du reste, comme une oeuvre en soi.  Chaque chapitre se fait l’écho des liens, des parallèles, des sources entre Chateaubriand et les autres auteurs classiques comme Milton que Chateaubriand traduisit, Rousseau bien sur l’inspira, Byron ou Mme de Staël 

    M Fumaroli s’attache à nous faire découvrir cet écrivain « entre deux rives »  Un homme qui découvre la force de sa parole à travers ses succès littéraires. Si vous pensez Chateaubriand un rien ringard ce livre va vous réveiller et vous le faire voir autrement.
    Mais Marc Fumaroli interroge aussi les effets de Chateaubriand sur des auteurs comme Joseph Conrad, Marcel Proust bien entendu 

    Ce qui donne l’unité du livre c’est la genèse des Mémoires d’outre-tombe et la tragédie de la Révolution. 
    Un grand livre qui demande concentration et lecture attentive « L’itinéraire d’un esprit libre »

     

    Les livres

    René ou la vie de Chateaubriand - André Maurois - Editions Grasset

    Le souvenir du monde, essai sur Chateaubriand - Michel Crépu - Editions Grasset

    La stricte observance - Michel Onfray - Editions Gallimard 

    Chateaubriand Chemin faisant - Philippe Berthier - Editions Classiques Garnier 

    Chateaubriand Poésie et Terreur - Marc Fumaroli - Editions de Fallois ou Tel Gallimard 

    Vie de Rancé  - François René de Chateaubriand - Livre de poche 

     

     

  • En trompe l'oeil

    Plein les yeux : les fresques

     

    9782841471669FS.gif

     

    Diversité, créativité, beauté, le monde du trompe l’oeil fait aujourd’hui partie des richesses touristiques de Lyon, de son patrimoine.

    On vient du monde entier pour s’en inspirer, pour faire la même chose ailleurs et la coopérative CitéCréation à l’origine du projet lyonnais a des réalisations dans le monde entier. 

     

    On les trouve aujourd’hui à Vevey

     

    196012_des-fresques-geantes-de-scenes-de-films-de-chaplin-ornent-deux-immeubles-a-vevey-en-suisse-le-6-octobre-2011.jpg

                                        Vevey qui honore Chaplin afp.com/Fabrice Coffrini

     

    à Mexico, Barcelone ou Berlin et ses cités végétales

     

    5-CitesVegetales.jpg

     

    Au Québec

     

    québec 2.jpg

                                   A Québec près de la place Royale

     

    CitéCréation crée en 1978 à aujourd’hui plus de 500 fresques à son actif. Ils vont jusqu’en Chine porter leur savoir faire et Shanghai est aujourd’hui dotée d’une fresque qui marque la coopération de la ville avec la région Rhône Alpes.

     

    c314ca30-438a-44ef-a01b-1a22d1a5e48d.jpg

                                       Des Lyonnais illustres 

     

    Récemment j’ai eu l’occasion de visionner un film montrant un projet en train de se réaliser, outre le travail énorme que cela représente, j’ai été frappé par le lien immédiat qui s’établit entre les peintres et la population du quartier qui peu à peu s’approprie la fresque, en parle, l’admire, suit son évolution …Les créateurs disent qu’une fresque renforce le sentiment d’appartenance.

    Elles font parfois revivre un temps passé créant un pont entre les générations.

     

    Les fresques lyonnaises honorent parfois des personnages illustres

     

    34_fresque_des_lyonnais_rez_de_chauss_e_bocuse.jpg

                 L'Abbé Pierre ou Paul Bocuse : charité et gastronomie

     

    33_fresque_des_lyonnais_rez_de_chauss_e_bernard_Pivot.jpg

                                    B Pivot qui a toute sa place ici

     

     

    parfois des moments de l'histoire de la ville

     

    Mur des canuts-entier-P1040836.jpg

                                      Le mur des canuts

     

    mais plus souvent des métiers, des lieux, des activités aujourd’hui disparues .

    Elles traduisent l’identité d’un quartier, elles donnent à voir des instants de vie.

     

    babel.jpg

                             Le mythe de la tour de Babel

     

    Vous l’avez compris si vous venez à Lyon les murs peints sont à ne pas rater 

     

    Le livre : Guide de Lyon et ses murs peints - bilingue anglais français - Editions Elah

     

    Le site de CitéCréation qui dit tout 

     

    Et pour ceux qui veulent faire la visite en autonomie vous pouvez même télécharger une app  sur votre iphone ou ipad

  • L'Iliade et l'Odyssée - Alberto Manguel

    WCO_008.jpg

    La tendance est aux retraductions, Paul Veyne vient de retraduire l’Enéide par exemple.

    Je n’avais pas d’édition de l’ Iliade franchement satisfaisante, un livre en poche plus en très bon état, une édition bilingue beaucoup trop lourde à manipuler, alors en entendant dans une émission de radio qu’une nouvelle traduction venait de sortir j’en ai profité.

    Me voilà maintenant avec une édition de l'Iliade flambant neuve et ma vieille Odyssée traduite par Philippe Jaccottet. 

     

    Vous me connaissez j’aime bien en plus avoir un passeur et comme je ne me vois pas vous faire une laïus sur l’Iliade et l’Odyssée du genre fiche de révision du bac, c’est du passeur dont il va être question.

     

    Alberto Manguel est un fan d’Homère ! Et il a commit un petit livre tout à fait passionnant où il entreprend de chercher la trace de ces deux oeuvres à travers le temps et les littératures d’un peu partout.

    Comment l’Iliade et l’Odyssée ont été lues, quel sens leur a-t-on attribué, quelles influences ont-elles exercées et comment ont-elles été traduites.

    Manguel est certain que ces oeuvres là peuvent être lues et relues car elles ont  « été écrites pour nos propres vies d'aujourd'hui, avec tous nos bonheur secrets et tous nos péchés enfouis. »

     

     

    media131.jpg

    Bien entendu il revient sur Homère, le premier des écrivains, le père de la littérature comme Hérodote est le père de l’histoire. On est à peu près certain qu’Homère n’a pas existé et que ces oeuvres sont des assemblages d’anciennes histoires collectées par les rhapsodes ces interprètes des chants épiques, quelle importance puisque la littérature en sort habillée de pied en cap ?

    Xénophon disait déjà qu’Homère avait attribué aux Dieux « tout ce qui constitue chez les mortels honte et indignité : le vol, l’adultère et la tromperie »

    Manguel recherche à travers les oeuvres d’autres poètes, d’autres écrivains, la trace des oeuvres. Joyce bien entendu mais aussi Virgile dont l'Enéide doit beaucoup à Homère, Dante qui fait apparaitre Homère dans son premier cercle de l’enfer.

    Racine avec son Andromaque, Cavafy qui propose un Ulysse moderne.

    Ils ont été inspiré, influencé par Homère et l’on retrouve chez eux la colère d’Achille,  la ruse d’Ulysse,  la patience de Pénélope, le sacrifice d’Iphigénie. Homère a laissé sa trace jusque dans les récits de Sindbad le marin.

    Il nous rappelle l’influence qui a transformé Schliemann en archéologue obstiné pour découvrir les vestiges de Troie alors qu’il semblait que c’était un monde totalement imaginaire.

     

     

    troie_01-1390140.jpg

     

    Un livre monde que Manguel illustre avec cette anecdote de villageois colombiens à qui l’on a prêté l’Iliade et qui refusent de rendre le livre au prétexte que :

     

    les-dieux-grecs-476x430.jpg

    « l’histoire d’Homère reflétait la leur: elle parlait d’un pays déchiré par la guerre, dans lequel des dieux fous se mêlent aux hommes et aux femmes qui ne savent jamais exactement pour quelle cause on se bat, ni quand ils seront heureux, ni pourquoi ils seront tués. »

     

     

    Ce livre est une sorte de biographie littéraire, non celle d’un homme mais celle d’une oeuvre de plus de 3000 ans et qu’aujourd’hui encore on traduit partout de par le monde, livre qui ne résout pas l’énigme d’Homère mais qui lui rend hommage.

    Manguel rejoint Italo Calvino  « Les classiques sont des livres qui, quand ils nous parviennent, portent en eux la trace des lectures qui ont précédé la nôtre et traînent derrière eux la trace qu'ils ont laissée dans la ou les cultures qu'ils ont traversées. »

     

                         

    9782227477612FS.gif                        Couverture-1.jpg

     

     

    Les livres : L’Iliade et l’Odyssée - Alberto Manguel - Editions Bayard

    L’Iliade - Homère - Traduction de Jean Louis Backès - Editions Gallimard Folio classique

  • L'oeil de l'esprit - Oliver Sacks

     Voir est un miracle 

    vue.jpg

    Le fonctionnement du cerveau c’est à la fois fascinant et un peu stressant. Oliver Sacks et Antonio Damasio sont les scientifiques que j’ai lu sur le sujet, ils me passionnent et j’admire la qualité de leur argumentation et le respect du lecteur dont ils font preuve en nous prenant ni pour des enfants ni pour des neurobiologistes confirmés.

    A son habitude Oliver Sack ( vous avez peut être déjà lu « L’homme qui prenait sa femme pour un chapeau » ) part de cas de patient qu’il a connus et qu’il a pris en charge. Rien de vaut les exemples concrets pour remplacer le jargon scientifique.

    Son propos est de nous faire comprendre les interactions entre la vue et le cerveau.

    Que se passe t-il lorsque quelque chose dysfonctionne sur le chemin entre l’oeil et le cerveau ?  comment les personnes dans ce cas contourne les difficultés, luttent contre elles ou les compensent. 

    D’abord un préalable, pour tous ceux qui pensent que le sujet est lourd et triste, j’affirme qu’il n’en ai rien, c’est bien au contraire un constat réconfortant qui s’impose devant les fascinantes possibilités de notre cerveau.

     

    istock_000007540549small1_examen-de-la-vue-150x150.jpgQue pensez-vous qu’il arrive à une pianiste atteinte d’agnosie visuelle ( oui je fais un peu la neurologue ) qui se révèle incapable de lire sa partition mais conserve en mémoire toutes les partitions apprises et peut les restituer avec talent,  puis quelques années plus tard devient incapable de déchiffrer un texte ou faire la différence entre un verre et une bouteille ? 

    Est-il possible d’imaginer une personne incapable de voir en 3D, aucun relief, les paysages observés sont plats tels des tableaux,  peut-on penser qu’un aveugle est capable de réparer la gouttière de son toit ? 

    Comment font les personnes qui sont incapables de reconnaître les visages ou de s’orienter dans un bâtiment ? Oliver Sacks est particulièrement bien placé pour en parler, il est atteint de ces troubles depuis toujours.

    Imaginez un écrivain incapable subitement de déchiffrer le moindre mot, tout ce qu’il lit lui apparait aussi obscure que du Coréen ou du serbo-croate ?

     

    neurologue.jpgOliver Sacks nous fait partager le quotidien des ces hommes et de ces femmes qui vont prendre leur handicap à bras le corps, qui vont développer des stratégies pour que ce manque, cette difficulté, cette défaillance de la machine humaine ne les prive pas des joies élémentaires ou de leurs capacités personnelles.

    Ce que peux le cerveau est loin d’être totalement élucidé et dans beaucoup de ces exemples on est frappé par les capacités de celui-ci et par le courage et la détermination des patients.

     

    ecran-3D.jpgLilian la brillante pianiste compense pendant très longtemps son handicap, se sert d’une série d’astuces pour ne pas être prise au dépourvu et trouve de la joie dans la musique.

    L’écrivain découvre qu’il peut écouter au lieu de lire, qu’il peut dicter au lieu décrire, Sue qui ne voyait pas en 3D entame une rééducation et un jour enfin ne voit plus la neige comme sur un écran plat mais « Mais maintenant, je me sentais à l'intérieur, parmi les flocons de neige. J'étais submergée par une profonde sensation de beauté. »

    Des leçons d’espérance, une dose d’empathie aussi haute qu’une montagne, une chaude humanité, ce qui pourrait être un livre triste et pesant devient un parcours fascinant et profondément humain à travers cette étrange machine qui nous fait vivre. 

     

    eveil 3.jpg

                                 Robert De Niro, Robin Williams, Ruth Nelson © Columbia pictures

     

    Passionnant essai qui me donne envie de revoir le film L'éveil tiré de l'expérience d'Oliver Sacks lorsque jeune neurologue il s'est trouvé confronté à une sorte de maladie du sommeil dont il va chercher à guérir ses patients 

    9782021011296.jpg

     

    Ecoutez l’émission  Sur les épaules de Darwin  sur le sujet, Jean Claude Ameisen est un conteur magnifique profitez en

    Le livre : L’oeil de l’esprit - Oliver Sacks - Traduit par Christian Cler  - Editions du seuil

  • L'âne et l'abeille - Gilles Lapouge

    anebis.jpg

    « Jésus décida de récompenser l'âne de Bethléem. il donna à tous les descendants de cet âne le pouvoir de rire.»

     

    Voilà un homme qui aime les chauve-souris et les colibris mais qui fait carrément une fixation sur les ânes et les abeilles. 

    Son choix est poétique, c’est la faute non pas à Voltaire mais à Francis Jammes et au divin Platon.

    Tombé dans le poème de Francis Jammes quand il était jeune, mais si vous savez...

     

    J’aime l’âne si doux
    marchant le long des houx.
     
    Il prend garde aux abeilles
    et bouge ses oreilles 

    seraphin_chemin.jpg

    Celui là se nomme Séraphin

    Voilà notre homme qui s’embarque dans un livre où il est question du mariage improbable de ces deux animaux.Gilles Lapouge est amoureux à la fois de l’âne « qui bouge ses oreilles » et de l’abeille industrieuse.

    L’âne têtu (et ce n’est pas un mythe) et humble comme celui de la crèche à qui il manque une vertèbre ce qui le rend corvéable à merci, ne dit-on pas âne bâté ?

    L’âne marche, musarde, flâne, « L’âne est tenté par l'anarchie. » alors que l’abeille chacun sait qu’elle est une travailleuse hors pair, acceptant de se dévouer corps et âme pour sa reine et qui nous donne son miel. Gilles Lapouge nous dit

    « Ses colonies et ses ruches préfigurent les sociétés glaciales, techniciennes, sans ferveur ni déchirements, barbares en somme, modernes en somme »

    L’abeille elle philosophiquement n’est pas pour l’anarchie  « L’abeille est utopiste, à la manière de Platon et de Thomas Moore. » et elles sont résolument pour une société loin de tout individualisme.

     

    ruche-en-couleurs-535x410.jpg

    « Les abeilles, en s'associant les unes avec les autres, sacrifient leur indépendance, leur insouciance, leur goût du plaisir et leur passion de l'inutile. »

     

    Ânes et abeilles, ils les passe tous en revue, de Modestine accompagnant Stevenson, aux pauvres ânes des tranchées de Verdun (ils y étaient !) en passant bien évidemment par La Fontaine incontournable quand il s’agit d’animaux. Mais il y a aussi : la Bible, la mythologie, Homère, Aristote ou l’inévitable Marcel P.

    Pour les abeilles c’est itou, des blasons à l’étude des ruches, aux savants qui se sont interroger sur la fabrication du miel et sur le sexe non pas des anges mais des bourdons, là Lapouge est ferme : l’abeille n’a pas de vie sexuelle qu’on se le dise ! si ce n’est avec des fleurs....alors que l’âne lui est un des seuls animaux à s’accoupler hors de son espèces ! oh voilà bien un « exhibitionniste » osé ! 

     

    C’est une lecture délicieuse, douce comme le miel mais qui requière la ténacité de l’âne car Gilles Lapouge n’est pas en reste d’érudition et remonte allègrement les siècles pour nous enchanter. Je vous avertis que quand Lapouge vous tient il ne vous lâche plus et que l’on file doux 

    Un livre qui en en même temps fable philosophique, essai scientifique mais surtout une fantasia poétique et amoureuse.

     

    Le livre : l’âne et l’abeille - Gilles Lapouge - Editions Albin Michel