Après la poésie un enquêteur féru de philosophie ça vous tente ?
Sous les auspices d'Emmanuel Kant
Un polar original c'est bon à prendre. Parce que non content d’en référer fréquemment à Kant notre héros Hanno Stiffeniis est un magistrat qui vit en Prusse Orientale alors que celle-ci est sous la botte de la France.
Petit cours de rattrapage, après la bataille d’Iéna le pays est occupé par les français, inutile de dire qu’ils ne sont pas les bienvenus, l’occupation s’accompagnant nécessairement d’exactions, de misère, de peur et de haine « Bonaparte avait apporté un souffle nouveau à la Prusse mais ce n’était autre que celui de la terreur »
Le soir d'Iéna (1806) par Jean-Baptiste-Edouard Detaille
Nous sommes à Lottingen, un crime ignoble y est commis, le massacre des trois jeunes enfants Gottewald, Hanno Stiffeniis va participer à l’enquête aux côtés d’un français, sans doute le premier criminologue de l’histoire, Serge Lavedrine.
On est rapidement au coeur de l’action dans ce pays de forêts sombres, où il fait un froid de loup et où les chemins sont très peu sûrs.
Vous allez me dire et Kant là-dedans ? Lavedrine et Stiffeniis sont des adeptes du philosophe grognon et ils vont mettre au service de l’enquête toute la rigueur nécessaire.
L’enquête va conduire le prussien auprès des siens, en effet le père des enfants est en garnison dans la forteresse de Kamenetz « d’une laideur rebutante » occupée par des fanatiques qui veulent une revanche sur les français et qui sont prêts à tout pour y parvenir.
Hanno fait chou blanc, l’homme est mort avant le crime, et il découvre en rentrant que la mère des enfants a été assassinée également. Tout une famille tragiquement effacée. L’enquête s’annonce difficile d’autant plus qu’il s’avère que sa propre épouse, Helena est la dernière personne à avoir vu les victimes vivantes, elle lui avoue « je me promenais non loin des bois quand le massacre a eu lieu »
La ville se terre, les langues vont bon train et un rituel juif est évoqué par les habitants. L’antisémitisme renait dès que l’on apprend que c’est un juif qui était propriétaire de la cabane des Gottewald.
Un pays ou il fait un froid de loup
Un livre tout à fait passionnant, nous vivons les débuts de la police scientifique, un tant soit peu logique, raisonnée. Les deux enquêteurs en appellent à la médecine, à la tout neuve psychiatrie, consultent des archives pour comprendre les motifs de ce meurtre.
Bon ce ne sont pas les Experts mais pas loin ...
J’ai aimé ce polar historique qui avance lentement et méthodiquement (merci M Kant), j’ai aimé l’atmosphère, les notables du cru étant partagés entre une collaboration de bon aloi avec l’occupant ou une réserve qui pourrait leur attirer bien des ennuis. J’ai aimé le portrait de cette ville sous la botte de l’occupant.
Bref je vous recommande ce livre et je vais m’empresser de lire la première enquête d’Hanno Stiffeniis.
Le livre : L’enquête Prussienne - Michael Gregorio - Traduit par Marie Boudewyn - Editions JCLattès