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  • Arpenter le paysage - Martin de la Soudière

    Je voudrais que vous fassiez connaissance avec Martin de la Soudière, j’avais déjà croisé l’auteur grâce à un livre sur les saisons et celui qu’il vient de publier m’a aussitôt attiré. 

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    Arpenter le paysage nous propose-t-il, j’aime la marche ou plutôt je l'ai aimé, la nature, la poésie des lieux, la peinture de paysages, les descriptions magnifiques de certains auteurs donc je me suis embarquée.

    La première partie du livre est faite des souvenirs d’enfance de l’auteur, on entre ainsi en paysage avec lui à travers ses souvenirs de vacances dans les Pyrénées, randonnées, promenades, balades en vélo, en famille. 

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    La vallée de Vicdessos

    On ne s’ennuie pas un instant, il faut dire que parfois le récit tient un peu des Pieds Nickelés.
    On égrène avec lui les observations faites au fil du temps, les grands bonheurs lors de l’arrivée au sommet, et aussi les petits malheurs lorsque rien ne se déroule comme prévu. C'est un vrai apprentissage initiatique.

    Le récit est fait de mille anecdotes familiales ponctuées de citations, de fragments de poésie, de noms d’auteurs pas toujours des plus connus. L’auteur a déclenché mes souvenirs  de randonnées pyrénéennes dans les gorges de la Carança, un lieu qui me fascinait enfant.

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    Les gorges de la Carança

    Ensuite Martin de la Soudière élargit son propos. Il nous propose de suivre des arpenteurs, des flâneurs, des promeneurs. Moi quand on m'invite chez les écrivains du voyage je ne peux pas résister.

    Jean Loup Trassard en Mayenne, Julien Gracq en bord de Loire, Fernando Pessoa, André Dhôtel dans ses Ardennes ou Philippe Jaccottet dans sa garrigue drômoise.

    Julien Gracq en bord de Loire

    L’universitaire bien sûr glisse quelques remarques sérieuses ici ou là, j’ai retrouvé avec plaisir Elisée Reclus par exemple, mais il laisse place bien vite à l’amoureux des paysages, au passionné de littérature.  

    Avec lui on se fait botaniste, géologue, on avance au rythme lent des arpenteurs, on apprend avec le géographe, on crapahute avec le montagnard, on rêve avec le poète.

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    Le pays où l'on n'arrive jamais

    Vous êtes en bonne compagnie : bergers, taupiers, militaires, cartographes  ou ethnologues. 
    C’est passionnant et cela éveille de nombreux souvenirs, les livres de Marie Hélène Laffon, les écrits de Giono, les films de Raymond Depardon. 

    Le livre a déclenché chez moi tout une série d’images et de lieux oubliés parfois, de sensations et d’émotions. 
    Un château médiéval en ruine dans un coin de Vaucluse, le parfum d’une forêt de pins, le froid glacial d’un ruisseau pyrénéen, la sauvagerie des Causses.

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    Le château de Boulbon dans le Vaucluse

    souvenirs de lectures d'enfant dans l'odeur des pins

    Vous avez envie de vous plonger dans les auteurs cités, d’en découvrir d’autres, de mêler avec bonheur le savoir et l’imagination. 

    La plume est belle, sérieuse et légère à la fois, elle éclaire petit à petit la notion de paysages. Le genre de livre que vous fermez en vous sentant un brin plus intelligent, plus sensible à ce qui vous environne. Il vous rend le paysage intime. 

    Un beau livre dont la couverture est munie d’un large rabat qui sert de marque-pages

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    Le livre : Arpenter le paysage - Martin de la Soudière - Editions Anamosa

  • Éloge des voleurs de feu - Dominique de Villepin

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    Dans ma bibliothèque le rayon dévolu à la poésie est un peu à part. S’y côtoient des livres minces et des pavés.
    Bien entendu j’ai quelques anthologies même si elles n’ont pas ma préférence car il y a un côté artificiel qui ne me séduit pas vraiment. Mais c’est une façon de relire des poèmes classiques de ceux appris dans l’enfance et jamais oubliés.

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    Et puis il y a quelques pavés de choix et parmi eux il y a celui-là, cet Éloge des voleurs de feu, un livre qui depuis son achat a tellement été feuilleté que déjà il présente quelques signes d’usure.
    Un gros livre pour un sujet qui a toute sa place sur ce blog.


    Un beau titre pour un livre magnifique par son ampleur, par son ambition.
    Oubliez le ministre, l’homme politique, ici il n’est question que d’une passion pour la poésie.
    C’est le recueil d’une vie où se mêlent les poèmes de l’enfance, de l’école, de ceux partagés avec un ami, ceux découverts tout au long de la vie.

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    C’est une foule de poètes qui vient à nous, toutes les traditions et tous les continents sont présents.
    Tous les poètes sont ici célébrés, honorés, glorifiés.
    Dominique de Villepin se fait le passeur de leur colère, de leur chagrin parfois, de leurs mots, du feu  qui les anime.

    Une petite liste ?
    Ronsard, Du Bellay et Villon, Scève ou Charles d’Orléans  : du classique
    Nerval, Mallarmé et Verlaine, Rimbaud et Baudelaire, Lamartine et Hugo: du classique toujours.
    Pour ces poètes il s’agit d’un compagnonnage  de longue durée, une communauté fraternelle. Celle que je partage avec l’auteur de ce livre.

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    Apollinaire et Cendrars, Saint John Perse, Jouve,
    Michaux, Char, Jaccottet ou Bonnefoy, les poètes du siècle qui s’est ouvert « dans le vacarme effrayant du désastre qui alourdit la parole ».
    Mais les poètes veillent et pourront nous offrir de nouveaux enchantements.

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    Whitman


    Et puis il y a les autres, ceux que j’ai déjà rencontrés et aimés au fil du temps : Dickinson ou Whitman, Rilke bien entendu, TS Eliot ou Robert Frost, Yeats, Paul Celan, Séféris et Cavafy,
    Mandelstam et Akhmatova.

     

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    Herbier de E Dickinson

    Dominique de Villepin déroule son panthéon, la longue cohorte de ses poètes préférés.

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    Sa mère les lui a fait connaître à travers ses « recettes de vie » qu’il a engrangé et ses « poches n'ont cessé d'enfler de poèmes, de papiers ou d'objets, de mots mêlés aux choses de la vie ».

    Pour chacun il y a quelques mots de l’auteur pour nous faire entrer dans un monde nouveau, nous tenter, nous charmer ou nous intriguer.

    Le plus souvent vous n’aurez droit qu’à quelques vers, parfois un poème entier mais c’est un maillage magnifique qui serti tout le livre.

    Lorsque le poète est devenu un ami vous saurez tout ce qu’il éveille chez D de Villepin, tout ce qui l’enchante, le fait rêver, le déboussole parfois.

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    C’est un long compagnonnage qu’il donne à lire, le lecteur n’a pas de repos en suivant ses découvertes accumulées, ces sauts dans le temps.  
    Dominique de Villepin a une préférence pour les chemins tortueux, pour les poètes rebelles, les révoltés, les insurgés ceux qui vagabondent à coup de mots, ceux qui nous font découvrir de nouvelles terres poétiques.


    Il nous propose les poètes du monde pour que nous les rencontrions à travers leur destin, leur bataille parfois, et que nous fassions un bout de route avec eux.

    Ces voleurs de feu dénoncent « la dure loi du monde, la déception des choses » et nous disent qu’ « Il s’agit de camper à proximité des choses, au plus près de l’être, toujours à l’écoute d’un souffle de vie ».

    C’est un livre ardent, ample et ambitieux à la langue généreuse.
    L’auteur nous parle avec un ton juste, ses réflexions sont très personnelles.
    Le mot liberté revient souvent comme s’il ne faisait qu’un avec poésie.

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    Que la taille du livre qui compte 800 pages ne vous effraie pas. Vous serez comblé.
    Il y a parfois des envolées lyriques, certains n’aiment pas, moi j’aime si l’on sent la sincérité derrière.
    C’est un voyage à travers la poésie de tous les temps, un pèlerinage là
    « où l'univers prend un visage nouveau » une volonté de « faire entendre le son de la vie »

    Ce live n’a rien d’un essai sur la poésie, c’est bien plutôt un journal météorologique de l’âme d’un amoureux de poésie.

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    Le livre : Éloge des voleurs de feu – Dominique de Villepin - Éditions Gallimard 2003

     

  • Cahiers de la Kolyma - Varlam Chalamov

    « Ce que j'ai connu, un homme ne devrait pas le connaître, ni même savoir que cela existe. »

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    Varlam Chalamov lors de son arrestation par le Guépéou 

    Varlam Chalamov c’est l’homme des Récits de la Kolyma, l’homme qui a résisté à deux condamnations, à la déportation et qui a passé 17 ans de sa vie au Goulag.

    Un livre de poésie par un rescapé des camps du Goulag c’est à peine imaginable, comme peut l’être une poésie sur les camps de concentration. Pourtant Varlam Chalamov, après avoir vécu des horreurs, avait déjà dit toute sa passion pour les livres et  la lecture, dans un livre qui m’avait profondément touchée.
    « les livres, c’est un monde qui ne nous trahit jamais »

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    Infirmerie d'un camp du Goulag 

    Ici c’est le versant poésie qu’offre l’éditeur Maurice Nadeau dans une présentation parfaite et un livre d’une très belle qualité. 
    « Nous lisons des milliers de pages imprimées qui ne méritent pas tout ce temps perdu » c'est une peu ce que dit Montaigne. Mais il y a les autres pages, ces milliers de pages indispensables. J’ai juste ouvert son Cahier de la Kolyma et son recueil de poèmes.

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    Vers Magadan 

    C’est un recueil magnifique qui, je n’ai pas honte de le dire, m’a fait monter les larmes aux yeux à plusieurs reprises. Mon rayon russe vient de s’agrandir d'un livre précieux. 

    Immédiatement on sent poindre une foi dans les poèmes, Chalamov est fils de prêtre orthodoxe, il ne croit pas en Dieu mais fait preuve d’une foi totale dans la vie alors qu’il travaille par des températures de moins cinquante dans une région où il y a « douze mois d'hiver, le reste, c'est l'été. »
    A cela il faut ajouter la faim, l’épuisement, la peur de la délation, la dureté du travail et la mort qui rôde en permanence.

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    Pêche sur la glace de la Vologda

    La poésie est un recours  mais  « Les conditions du grand Nord excluent la possibilité d'écrire et de conserver des récits et des poèmes - à supposer qu'on veuille le faire. » Ce n’est que tardivement qu’il parvient à écrire ses poèmes « sur les revers et les pages de garde de pharmacopées, sur des feuilles de papier d'emballage, sur des sachets. » 

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    Son écriture dans les récits de la Kolyma était dépouillée, sobre, précise et l’on retrouve ces qualités dans ses poèmes avec « une inclination pour le naturel et le concret » dit son traducteur.

    Il est une voix de la souffrance des hommes 

     

    « Et je gémissais sous les tenailles du froid
    Qui m'avaient arraché ongles et chair
    Je brisais mes larmes avec la main
    Non, ce n'était pas un rêve. » 

    « Je suis un petit jalon de la vie,
    Un bâton enfoncé dans la neige,
    Une voix que l'écho a égarée
    Dans les glaces de ce siècle. » 

    Chalamov évoque les hommes de la Vieille Foi, ceux qui s'opposaient aux réformes religieuses ceux que Peskov rend si vivants dans  Ermite dans la Taïga.

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    Vieux Croyants 

    « Chaque soir dans la surprise
    de me savoir vivant,
    Je me disais des poèmes »

    Il vénère la poésie  « Tu conduis mon âme »

    « C'est ma force contre l'indifférence
    C'est, dans l'hiver
    ma forteresse bâtie. » 

     

    Il vit dans un monde de glace et dans un lieu de mort, mail il parvient à s’émerveiller devant la nature.

     

    « C'est que j'aime toujours à l'aube 
    Plus pure qu'une aquarelle,
    le reflet laiton de la lune 
    Et le trille des alouettes. » 

     

    Des poèmes de résistance avec une volonté absolue de remercier la vie.
    Il y a là la même force que dans Les Récits de la Kolyma mais avec sans doute un peu plus de douceur et d’espoir. 
    Il se raccroche à des riens au plaisir si fugace de l’instant.

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    Monument à la mémoire de Chalamov à Moscou 

    La poésie l’a sans doute aidé à supporté la venue probable de la mort « Je vais sans peur dans les ténèbres »  et quand la vie devient trop dure il nous dit malgré tout « Il me fallait choisir entre la vie et la poésie et me prononcer (toujours !) pour la vie ». 

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    Philippe Jaccottet disait de lui qu’il était celui qui était revenu « du dernier cercle de l’enfer »

    Chalamov est mort seul abandonné mais ses poèmes ont résisté au temps. 
    Sa voix se fera toujours entendre comme celle de Mandelstam, de Soljenitsyne,  parce ces voix sont la voix de la Russie, de la poésie et de l’amour de la liberté .

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    Le livre : Cahiers de la Kolyma et autres poèmes - Varlam Chalamov - Traduit par Christian Mouze - Editions Maurice Nadeau 

  • Sur les étagères de ma bibliothèque

    Beau comme l’antique 

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    L’antiquité pour moi c’est : 

    Jupiter faisant retentir le tonnerre, une mère qui mange ses enfants, un homme condamné à l’exil loin de Rome, un empereur regardant Rome brûler, un vieil homme tentant d’échapper à une coulée de lave, un jeune homme poussant devant lui des éléphants, un fils assassinant son père tu quoque fili mi, un empereur guerrier et philosophe, un mur large comme l’Angleterre, un guerrier rendant les armes à Alésia, l’épouse du héros défaisant la nuit le travail de la journée, un père venant réclamer le corps de son fils, un fil qui conduit à un monstre, un poète qui nous raconte tous les mythes et leurs métamorphoses, le père de l’histoire, un poète qui aime les abeilles, une ville engloutie sous les cendres …..et bien d’autres choses encore 

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    Je n’ai pas le prétention de tout passer en revue, ma bibliothèque a évolué au fil du temps, aujourd’hui il ne reste que l’essentiel, la substantifique moelle si l’on peut dire.

    Je n’ai pas la prétention de vous dire « c’est ce qu’il faut lire » mais plutôt voilà ce que moi j’aime, ce qui m’a enrichi, a répondu à ma curiosité, m’a fait parfois rêver ou bondir ou changer mon regard.

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    Certains livres sont classés en histoire et là je vous recommande Lucien Jerphagnon, un formidable passeur, avec lui vous saurez tout sur l’histoire romaine et ses empereurs qui ont fait sa gloire ou son malheur ou si vous préférez un livre plus récent choisissez Mary Beard 

    Je vous recommande Moses Finley et son formidable Monde d’Ulysse ou bien son essai On a perdu la guerre de Troie avec son érudition formidable, une admiration que partage mon amie de Bonheur du jour 

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    Dans ma bibliothèque commençons par les dictionnaires, certains sont indispensables à qui aime l’antiquité.

    Il y a ainsi le dictionnaire amoureux de la Grèce de Jacques Lacarrière, vous n’êtes pas étonnés de trouver ce nom ici car c’est un auteur que je lis et relis depuis de nombreuses années.

    Plus savant si l’on peut dire, il y a le Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine de Pierre Grimal, une somme qui nous fait connaitre ces personnages humains et divins, ces lieux mythiques, ces symboles de notre humanité, ces « marionnettes éternelles » 

    Mais vous pouvez faire plus simple avec le livre d’Edith Hamilton que l’on trouve en poche et aussi en version audio que je vous recommande lu par Thierry Janssen avec brio.

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    Il y a pour les non latinistes comme moi le Dictionnaire des sentences latines et grecques de Renzo Tosi, le genre de livre que l’on ouvre et dans lequel on tombe comme dans un puit sans fond 

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    Enfin il y a le dictionnaire amoureux de la Rome antique, ne vous arrêtez pas au fait que son auteur fut ministre, il faut bien pardonner les fautes non ?  C’est un petit réservoir d’histoire, d’anecdotes, de personnages, je l’ouvre toujours avec plaisir 

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    Bon maintenant attaquons le coeur du sujet 

    Il y a environ trente ans ( ah oui je suis désolée mais …) j’ai lu des grands classiques grecs grâce à Jacqueline de Romilly, j'ai lu sa biographie d'Hector ou d'Alcibiade, aujourd’hui certains la regarde comme une figure un peu ringarde mais les gens qui lui doivent des lectures hors sentiers battus sont nombreux et j’en fait partie.

    Grâce à elle j’ai lu, parfois en sautant des passages la Guerre du Péloponnèse, il faut dire que j’avais un souvenir splendide de mon année de sixième grâce à un formidable prof d’histoire qui m'a transmis sa passion de l'antiquité.

    J’ai maintenant dans ma bibliothèque grâce aux éditions numériques Arvensa tout Eschyle, Euripide et Epicure.

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    J’ai lu plus tard bien entendu Xénophon et sa célèbre Anabas, rappelez vous : Thalassa Thalassa, le livre est encore dans ma bibliothèque dans un format un peu curieux mais qu’importe.  

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    Retraite des Dix Mille - Adrien Guignet - Musée du Louvre 

    Ensuite c’est ouvert à moi le Monde d’Ulysse, j’avais 15 ans et j’avais choisi au lycée une option Textes anciens, pour moi qui malheureusement n’avais pu étudier ni le grec ni le latin, ce fut le bonheur, c’est ainsi que j’ai découvert Achille et Patrocle, Nausicaa, Calypso et Pénélope et bien sûr Ulysse

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    Beaucoup plus tard est venu la version de l’Odyssée traduite par Philippe Jaccottet qui est pour  moi indépassable et depuis je navigue de livre en livre en audio, d’essais sur le sujet comme ceux de Pietro Citati ou Alberto Manguel 

     

    Même si vous n'avez jamais lu Hérodote, vous avez peut être vu Le Patient anglais et donc vous savez qu’Hérodote fut un grand conteur, son livre porte plusieurs titres, celui que je préfère c’est Enquête, car même si l’auteur se laisse aller à quelques traits de son imagination, la plupart du temps il a à coeur de nous dire, ce qu’il a vu, ce qu’il a entendu, ce qu’il a compris, et pour ça tout historien aujourd’hui lui est redevable. 

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    J’ai en complément le livre de J Lacarrière : En cheminant avec Hérodote, une façon d’être accompagné sur le chemin.

    Pour terminer cette chronique un livre à mi-chemin entre la mythologie et la philosophie, que j'aime beaucoup, que je feuillette souvent c'est le livre du Luc Ferry, une mine pour comprendre les mythes, leur influence, ce qui perdure d'eux aujourd'hui encore et pourquoi. 

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    Une chronique déjà bien longue et je crois que je vais arrêter là mon bavardage et vous donner rendez-vous à Rome d’ici quelques jours 

    Les Livres 

    Jacques Lacarrière - En cheminant avec Hérodote - Editions Hachette pluriel 

    Luc Ferry - Mythologie et Philosophie le sens des grands mythes  grecs - Editions Plon

    Herodote - Enquête en trois tomes - Editions Paléo 

    Alberto Mangueo - L'iliade et l'Odyssée - Editions Bayard

    Pietro citati - La pensée chatoyante - Editions gallimard

    Xenophon - lAnabase - Edition ancienne mais à trouver chez Flammarion ou Classiques Garnier 

    Renzo Tosi - Dictionnaire des sentences latines et grecques - Editions Jérôme Millon

    Xavier Darcos - Dictionnaire de la Rome antique - Editions Plon

    Jacques Lacarrière - Dictionnaire amoureux de la Grèce - Editions Plon

    Pierre Grimal - Dictionnaire de la mythologie grecque et latine - Editions PUF

  • Mon Temps mon fauve - Ralph Dutli

    Le Mendiant magnifique

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    Ossip Mandelstam fut un mythe en Russie et dans le monde malgré la censure attachée à son nom et à sa poésie,  mais on ne peut le réduire à son mythe ou à sa fin tragique au Goulag. 

    Ralph Dutli connait l'oeuvre du poète sur le bout des doigts, des premiers poèmes à ceux écrits en exil à Vorojnev, des poèmes les plus connus à ceux en forme de farce sur les tramways ou les crèmes glacées.

    Les éditions Le Bruit du temps ont réalisé avec ce livre une ode magnifique au poète sous l'égide duquel elles se sont placées. 

    Si vous aimez la poésie, la Russie, et plus largement la liberté des mots je vous propose d'entrer avec moi dans cette oeuvre.

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    Mandelstam par Petr Miturich

     

    La biographie évoque la naissance dans une famille juive aisée et très assimilée, on retrouve ce temps dans son récit Le Bruit du temps.

     Toute sa vie la culture juive le marquera même si il est souvent en conflit avec elle et qu'il flirtera avec le christianisme.

    Ses études sont chaotiques, le numérus clausus envers les juifs lui interdit les portes de l'université, il lui faudra choisir l'étranger pour terminer sa formation. Paris, Heidelberg, l'Italie. 

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    Le poète en 1909

    Les oeuvres des auteurs antiques l'inspireront tout au long de sa vie, pied de nez aux examinateurs qui le firent échouer à l'épreuve de littérature latine !

    Ses premiers poèmes paraissent en 1910, très vite il fait une rencontre importante : Anna Akhmatova, mariée au poète Nikolaï Goumiliov, elle « restera jusqu'à la fin une confidente et une interlocutrice privilégiée. »Mandelstam adhère au noyau de poètes qui fondent le mouvement acméisme prenant l'adhésion à « L'ici et maintenant »

     

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    Mandelstam et Anna Akhmatova

    S'ouvrent des années de création, de ferveur « Mandelstam supprime les frontières, fait surgir des époques et des espaces, multiplie les mondes. »

    Mais la Révolution qu'il soutient dans ses débuts va petit à petit le plonger dans les difficultés, l'errance, le nomadisme, la pauvreté et la misère 

    Lorsque les modérés sont chassés par les Bolcheviques il écrit un poème pour dire sa colère de voir « Un joug de violence et de haine » s'abattre sur le pays.
    Sa poésie est novatrice, visionnaire, il se veut citoyen du monde « Son seul credo est la poésie  » 

    Il ne perd jamais courage malgré toutes les vicissitudes de l'existence   « Exister - Voilà la plus haute ambition de l'artiste. Il ne veut pas d'autre paradis que celui de l'existence  »  

     

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    Portrait du poète par Lev Aleksandrovitc

    Bientôt le régime va le traquer, il faut dire qu'il a des mots qui frappent juste, la Révolution ?  Une « victoire avec les mains coupées.» 

    Ses errances le porteront souvent en Crimée alors que la guerre y sévit encore dans les années 20 malgré cela « La Crimée restera pour lui, toute sa vie, une terre promise. »

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    L'armée Russe en 1917

    Il est encore temps d'émigrer mais Mandelstam refusera cette solution « Sa foi en la Russie est d'ordre intime. » il n'envisage pas de la quitter, il le dit magnifiquement 

    Russie bâtie sur la pierre et le sang,

    Fais-moi la grâce, fût-ce par la pesanteur, 

    De prendre part à ton ultime châtiment.

    Il a de plus en plus de mal à publier ses poèmes, contraint à changer de lieu de résidence sans arrêt, hébergé par des amis, nourris par ses proches, Moscou, Saint Pétersbourg, la Crimée. Refusant tous les compromis, tous les abaissements, capable d'un courage sans nom.  Ralph Dutli le décrit comme un combattant mais aussi comme un amoureux magnifique.

    C'est un autre versant du poète, Mandelstam et les femmes, Nadejda fut sa compagne tout au long de sa vie mais elle dut composer avec des météores qui passèrent dans la vie du poète.

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    Nadejda Mandelstam

    La plus célèbre fut Marina Tsvetaïeva qui lui offrira neuf de ses poèmes dont certains vers sonnent comme un avertissement au destin du poète

    L'air résonnera toute la nuit de tes cris !

    Ils déchireront tes ailes aux quatre vents !

     En 1921 la mort du mari d'Anna Akhmatova le touche particulière, la condamnation de  Nikolaï Goumiliov sonne le glas des espoirs de Mandelstam et de sa volonté de réconciliation avec le régime. 

    L'arrivée au pouvoir de Staline va renforcer sa mise à l'écart, il vivote de traductions, parvient très difficilement à faire imprimer ses poèmes. 
    On lui fait de mauvais procès, tout est bon pour le marginaliser.
    Nadejda et lui vivent grâce à quelques emplois bien éphémères, ils sont contraints d'accepter l'aide de leurs amis pour simplement survivre.

    Il fait un voyage en Arménie dans les années 30 qui donne lieu à un superbe récit qu'il ne parvient pas à faire imprimer.

    Ils ont vécu d’aides amicales, de mendicité ou d’emplois éphémères souvent humiliants.

    Les poètes même proches du régime le respecte sans le dire trop haut, Essénine, Maïakovski. Pasternak qui l'admire reste prudent mais lui avoue   « J’envie votre liberté » il aurait pu ajouter votre courage ! 

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    Pasternak le prudent

    Déportations, assassinats deviennent le mode de gouvernement, la souffrance et la famine imposée par la Dékoulakisation vont pousser le poète à s'exprimer, d'abord sous le manteau et puis de plus en plus ouvertement jusqu'à la catastrophe.

    En 1934 un poème particulièrement virulent envers Staline va sans doute précipiter les choses, il faut dire que Mandelstam n'a pas fait dans la demi-mesure parlant de Staline comme du « Montagnard du Kremlin » mais aussi de « l’équarisseur des paysans »

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    Arrestation, condamnation, c'est l'exil à Vorojnev. Il a toujours aimé le poète Ovide exilé à Tomes au bord de la mer noire, il se sent proche de lui plus que jamais.

    Contre toute attente il va profité de l'exil pour offrir ses plus beaux poèmes. Il dicte sans relâche à Nadejda qui écrit inlassablement et apprend par coeur tous les poèmes. 

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    Mandelstam à Vorojnev

    Arrêté à nouveau en 1938, condamné aux travaux forcés, Mandelstam meurt au Goulag.  « Ossip Mandelstam n'était qu'une victime de plus parmi les centaines de milliers de morts du goulag stalinien, et son corps fut jeté nu, avec un numéro matricule attaché au pied, dans une fosse » 

    Les derniers chapitres du livre sont consacrés au combat de Nadejda gardienne et mémoire de son oeuvre qu'elle avait appris par coeur pour la protéger et la faire connaitre. Un chapitre est consacré à la réception de l'oeuvre en France, enfin un chapitre est fait des éloges d'autres poètes, Philippe Jaccottet, Paul Celan ou le Prix Nobel Joseph Brodski, ce que Ralph Dutli appelle joliment  le « triomphe de la poésie »

    La biographie est complétée par des photos dont certaines très émouvantes.
    Tous les titres des chapitres sont emprunté à l'oeuvre du poète, comme le titre lui-même.

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    Le Goulag

    Russe jusqu'au bout des ongles, Mandelstam était à la fois un européen, un passionné de culture grecque, un admirateur et amoureux de Dante au point d'apprendre l'italien. Un chantre lyrique et généreux qui a refusé de plier. 
    Un grand amoureux de la vie, des femmes dont il a chanté la beauté, « un gardien des mots »

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    C'est une biographie que j'ai lu deux fois, une première il y a déjà plusieurs mois et dernièrement pour écrire ce billet. L'émotion était présente même à la seconde lecture. On voudrait que la fin soit différente mais l’on est étreint par le bonheur de lire ces vers que Ralf Dutli nous livre généreusement.

    Une biographie que je vais avoir du mal à ranger, doit elle trouver sa place aux côtés d'autres poètes ou plutôt à côté des Récit de la Kolyma de Chalamov, du livre de Julius Margolin, d'un Monde à part d'Herling  ou de l'oeuvre de Soljenitsyne ? 

     

    Le Livre : Mon temps, mon fauve - Ralph Dutli - Traduit par Marion Graf - Editions Le Bruit du temps