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Rechercher : la petite lumière

  • Johanne - Marc Graciano

    Marc Graciano est très présent sur ce blog. J’ai lu trois de ses romans c'est le quatrième que je lis et dans tous j’ai trouvé la même force, la même imagination, la même richesse. 

    Ce nouveau roman tient toutes ses promesses. 

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    Hiver 1429, Johanne va aller de de Vaucouleurs à Chinon afin de rencontrer le Dauphin et lui livrer un message de la part de Dieu, message dont il a fait révélation à Johanne.

    Elle part avec ses compagnons d’armes et doit éviter les lieux dangereux tenus par les Bourguignons alliés des anglais. 

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    Cinq cents kilomètres et douze chapitres pour rapporter ce voyage. C’est un inconnu qui prend la parole, il est le page de Johanne et est un « ancien écolier de l’Université de Paris »
    On va avec lui au pas du cheval.

    Le premier chapitre intitulé « l’Enfance » ne raconte pas le voyage mais est un prologue où l’on voit la famille rassemblée autour d’un colporteur, ancien chambellan des ducs de Lorraine, qui ressemble à un mage détenant des secrets.

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    « C’était l’hiver et il gelait à pierre fendre, et le monde était couvert d’une épaisse et blanche  couche de givre, comme s’il avait neigé une première neige, une neige noëlle, et, en songeant à la froide obscurité du dehors, Johannette se sentait bien au chaud et en sécurité entre les quatre  murs blancs de la salle éclairés par la lumière de la lampe posée au centre de la mense, et par celle de la flambée qui crépitait dans l’âtre, et elle était assise en bout de mense sur une haute chaise paillée, afin d’être à hauteur de table, et c’était comme une petite reine installée sur son modeste trône et régnant par tendresse et un peu par caprice sur tous les gens de la maisonnée, qui avaient réputation d’un peu trop la chérir et la choyer, peut-être jusqu’à la gâter, à ce qu’il se disait dans tout le village, et Isabelle, la mère, était assise devant la cheminée et surveillait sa poêlée, et Jacques, le père, rempaillait une chaise devant la croisée, quoiqu’il fît nuit et qu’aucune  lumière n’en vînt, mais c’était par habitude, et les deux frères jouaient aux osselets, »

    L’homme raconte des faits merveilleux, des horreurs, des contes fantastiques, il mêle légendes, superstitions et fariboles.
    Il nomme et décrit les oiseaux, les animaux, les saints.

    Il exhibe des médailles comme autant de documents, La Légende dorée est là pour servir à l’appui de ses dires.
    L’homme séduit toute la famille et offre en toute fin une médaille de Saint Michel à Johanne.

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    Le voyage s’effectue de nuit, l’ambiance est sombre et froide. 

    Le lecteur avance au rythme de la chevauchée, ressent la peur qui tient la petite troupe devant les risques d’ennemis, de rencontres fâcheuses avec des bandes de voleurs, des passages de gué dangereux.

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    Un Lépreux 

    Des rencontres parfois favorable comme cette vieille charbonnière, ce lépreux ou cette jeune saltimbanque qui rappelle un roman précédent de Marc Graciano.

    Plus surprenant encore le prieur d’une abbaye qui affirme que  « c’étaient donc les hommes qui avaient créé Dieu et non l’inverse ». 

    Le récit n’épargne pas le lecteur, les horreurs de la guerre sont là qui parfois interrogent Johanne découvrant le lieu d’un massacre, mais le récit nous enchante par son rappel de la nature.

    Ce sont de somptueux tableaux à la Breughel, de ceux qui montrent les paysages d’hiver avec son froid mordant, les granges incendiées, la glace qui fige les étangs.

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    Les Chasseurs dans la neige 

    Maintenant il est temps de parler de la langue de Marc Graciano.
    Tout d’abord ce qui surprend, chacun des douze chapitres est une longue phrase. 
    Pas de dialogues, pas de points, pas de paragraphes.

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    Je vous vois déjà faire la grimace, et bien non cette langue nous charme, et ne nuit pas au récit. 
    Bien sûr il y a ici ou là quelques longues incises qui déstabilisent un peu mais bon, on revient un peu en arrière et hop on repart.

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    Dans un article autour de ce roman, le journaliste compare le travail de Marc Graciano à la volonté des musiciens baroques d’utiliser les instruments d’époque. Ici l’auteur utilise une langue qui contient moults termes inconnus du commun des lecteurs et jamais de mot n’existant pas au XV ème siècle !

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    Cette langue est riche et saturée de terme qui exige le recours au dictionnaire. 

    Des noms deviennent adjectifs, les adverbes sont parfois surprenants, et comme toujours des termes inconnus. (De livre en livre mon lexique s’enrichit) et bien entendu quelques subjonctifs imparfait.

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    Il y a un souffle romanesque rare, c’est foisonnant, le lecteur est transporté dans un temps à la sonorité magnifique.

    Cela peut demander un rien d’effort mais l’on est largement payé de retour. Je me suis attachée à cette langue singulière avec son premier roman et j’y revient avec bonheur.

     

    C’est une Jeanne d’Arc assez inattendue que livre l’auteur.
    Vous pouvez retrouver ce livre dans l’émission Histoire de Patrick Boucheron sur France Inter.

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    Le Livre : Johanne - Marc Graciano - Editions du Tripode 

  • La croisée des errances - Lionel Bourg

    Jean-Jacques le nomade

     

    " Je dispose en maître de la nature entière ; mon coeur, errant d'objet en objet, s'unifie, s'identifie à ceux qui le flattent, s'entoure d'images charmantes , s'enivre de sentiments délicieux."

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    Les débuts de Jean-Jacques Rousseau furent des débuts nomades. 

    Il circula, erra, pris la fuite, et cela pendant pas mal d’années. Beaucoup de ses tribulations eurent pour cadre la région Rhône Alpes, un livre aujourd’hui permet de suivre Rousseau au gré de ses errances, s’appuyant sur les textes de l’écrivain et associant ces écrits aux paysages que Rousseau traversa.                                    

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                                              Les Charmettes 

     

    Ce livre nous ouvre les perspectives des pérégrinations du philosophes, ses marches parfois difficiles, marches qui s’étagent au fil des années et des lieux.

    Lionel Bourg nous permet de suivre le Rousseau jeune vagabond amoureux des montagnes « Il me faut des torrents, des rochers, des sapins, des bois noirs, des montagnes, des chemins raboteux à monter et à descendre, des précipices à mes côtés qui me fassent bien peur » et aussi le Rousseau trouvant asile aux Charmettes chez Mme de Warens et en proie aux émotions du jeune homme faisant connaissance avec l’amour et la volupté.

     

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                                              Les Charmettes le jardin

     

     

    Mais Lionel Bourg suit les traces de l’écrivain à Lyon, à Valence, à Grenoble hors des sentiers battus.

     

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                                           Grenoble : Beauregard

     

    " Cheminant rive droit du Drac : les bois de Fontaine ou de Seyssins, Beauregard, n'eurent bientôt plus de secrets pour l'infatigable randonneur "

     

    Il est bon de découvrir le Rousseau musicien, le futur auteur des Confessions et des Rêveries d’un promeneur solitaire. Lionel Bourg à travers ses propres souvenirs nous invite à herboriser et vagabonder aux côtés de Rousseau en s’invitant dans ses écrits, en les lisant ou relisant tout en suivant son parcours de Genève à Paris.

     

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     " Des parcs, des jardins, des maisons de retraite, des villas s'y disputent toujours avec la même indolence le monopole d'une vue imprenable sur la saône

     

    Le portrait tracé du « proscrit, indésirable à Genève » et qui devient le philosophe inspirateur des Lumières. Mettant ses pas dans ceux de Jean-Jacques, Lionel Bourg nous invite à le connaître mieux, à redécouvrir l’impertinent qui aujourd’hui encore intrigue par son amour de la solitude tempéré par son envie de reconnaissance, son amour de la langue et de la liberté,.

     

    Un petit livre écrit par un admirateur qui ne peut s’empêcher de dire « J’aime Rousseau », suivez le par les monts et par les champs derrière Jean-Jacques le genevoix, d’auberge en cascade, de l’adolescence à l’âge adulte, au long des chemins, c’est un joli parcours plein de sensibilité.

    J’ai aimé ce petit livre qui fait la part belle aux errances du philosophe et de l’auteur, publié chez un éditeur de la région comme il se doit.

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    Le livre : La Croisée des errances - Lionel Bourg - Editions La Fosse aux ours - 2012

  • Colette, une certaine France - Michel del Castillo

    Colette, une certaine France - Michel del Castillo - Editions Folio Gallimard


    colette une certaine france.gifMichel del Castillo est habile à vous faire aimer un écrivain, son essai sur Dostoïevski m’avait beaucoup plu, la relecture et l’écoute de Colette m’ont donné envie d’en savoir un peu plus sur Colette.
    L’image que j’avais gardé était celle de l’enfance campagnarde en Puisaye, le mariage avec Willy qui va s’approprier la paternité du premier « Claudine », le parfum du scandale de Colette nue sur scène et de sa liaison avec Mathilde de Morny, puis la femme assagie et la naissance de l’enfant chéri surnommée Bel Gazou, enfin la notoriété et la vieille dame du Palais Royal.

    Ce livre n’est pas une biographie au sens habituel du terme mais plutôt un portrait et comme tout bon portrait il est fidèle mais n’épargne pas les traits gênants.
    Michel del Castillo s’intéresse à l’entourage de Colette, à la correspondance de celle-ci et la réalité qu’il nous fait entrevoir est assez éloignée de la légende, « Peu d’auteurs auront travaillé avec autant de persévérance à l’élaboration de leur mythe » dit-il.
    Il ne s’agit pas seulement de petits détournements ou de petits arrangements avec la vérité, mais dans bien des circonstances Colette apparaît dure, égoïste et rancunière. Les portraits que fait Michel del Castillo de Willy, de Mathilde de Morny, et surtout de Colette de Jouvenel dite Bel Gazou, sont autant de pierres dans le jardin de Colette. Il s’interroge sur le paradoxe d’une auteure qui chante si bien la nature mais aime surtout la vie mondaine, qui sait magnifiquement parler de Sido mais n’assiste pas aux obsèques de sa mère, qui chante les enfants mais qui ne fut pas une mère exemplaire. Il dit son amour de l’argent, son ingratitude, son ambition balayant tout.

     
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    Mais ce portrait est aussi un exercice d’admiration, égoïste Colette ? certes « on n’aura beau l’aimer et tenter de la défendre par tous les moyens, on ne réussira pas à enlever Colette à son égoïsme » mais géniale égoïste ou comme l’appelait François Mauriac une « joyeuse ogresse ».
    Michel del Castillo est touché par la quête perpétuelle du paradis de l’enfance de Colette, lui l’enfant meurtri et déchiré par son enfance. Lorsqu’il lit Colette il est emporté « A cet instant une page m’empoigne, me bouleverse par sa cadence exacte, par sa mélodie simple et savante » « Par la magie de cette poésie à la fois simple et raffinée. »
    Il aime sa sensualité animale,  sa véritable «vocation du bonheur », sa prose est « l’une des plus concrètes, des plus charnelles, avec celle de Montaigne, que la France ait produites »
    Il n’aime pas tout dans l’oeuvre de Colette mais « Sido et la Naissance du jour témoignent d'une maîtrise inégalée »
    Colette sort de ce portrait habillée d’ombres et de lumière sûrement plus proche de la réalité que dans les biographies idolâtres.
    Pour Michel del Castillo « Elle ne prétend à rien d’autre qu’à raconter et à charmer par ses histoires. Elle veut dispenser le plaisir de lire, l’émerveillement et l’émotion, par les moyens les plus simples.(...) Par moments, ce chant nous arrache à nous-mêmes, nous transporte, nous plonge dans une béatitude comblée. »




    L’auteur
    micheldelcastillo2od3.jpgLa biographie de Wikipedia répondra à vos questions.
    Je préfère signaler les trois livres de Michel del Castillo que je préfère  :
    Tanguy le récit de son enfance, Mon frère l’idiot essai sur Dostoïevski où comment la littérature lui a sauvé la vie et Colette une certaine France.

  • Dans la famille Durrell donnez moi le frère

    Après quelques brindilles pour vous appâter voici le complément.

     

    La Grèce d’autrefois, la Grèce mise en scène par la famille Durrell. Une bonne façon de retrouver les paysages, les personnages que l’on a croisé dans des livres, de jouir d’un pays magnifique assez loin des mots comme dette ou austérité 

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     « La petite baie est d'une perfection à vous couper le souffle : c'est une sublime conspiration de lumière, de bleu et de cyprès ». 

     

    En choisissant de lire ou relire ces trois livres je savais ce que je faisais, passer de la poésie des paysages au rire de situations cocasses, au bonheur de croiser les habitants des îles de Corfou ou de Rhodes, d’y puiser un brin d’histoire mais surtout d’y sentir la chaleur du soleil, le parfum de myrtes et les divagations des frères Durrell.

     

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    Satanés frères Durrell © Loomis Dean/Time Life Pictures/Getty Images

     

    De savants mélanges dans ces trois livres. Vous pourrez passer des mythes antiques à des bestioles bien vivantes, faire le grand écart entre la prose de Lawrence et le ton joyeux et irrévérencieux de Gerald.  

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    Gerald au temps de Corfou

    Lawrence préfère le ton journalistique, un peu sérieux, bien documenté, agrémenté des conversations avec les uns et les autres, de bouts de correspondance avec des amis, les tribulations des statues des saints locaux, de baignades au clair de lune, de tapis de fleurs sauvages, de vergers magnifiques et de vignes séculaires. 

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    Henry Mille rendit visite à Durrell à Corfou et en fit un livre : le Colosse de Maroussi

    Lawrence imagine l’île de Corfou comme le repaire de Prospéro, le Prospéro de la Tempête,  vérité ou invention ? Allez donc le demander aux autres occupants, Tibère ou Homère, enfin s’ils acceptent de vous parler.  

    Lawrence occupe une villa à Kalami avec sa femme, havre où il espère trouver l’inspiration et être à l’abri des bestioles que son damné petit frère rapporte avec régularité dans la maison occupée par le reste de la famille.

     

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    « Là poussent de grands arbres florissants, poiriers, grenadiers, pommiers aux fruits éclatants, figuiers domestiques et luxuriants oliviers. » 

     

    Le Jardin des Dieux n’avait jamais été traduit, quel manque ! Toute la magie de Corfou est condensée dans ces pages, magie d’une île, magie de l’enfance.

    Car pendant que le grand frère Lawrence s’échine à écrire, Gerald qui n’a qu’une dizaine d’années s’en donne à coeur joie grâce à Theodore Stephanides  un ami de Lawrence qui va prendre Gerald sous son aile et transformer pour lui Corfou en un terrain de jeu extraordinaire et fascinant. 

     

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    «  Par ailleurs, j’imaginais sans mal la réaction de Larry (Lawrence Durrell) à l’idée d’un vautour dans la maison »

     

    On peut dire que c’est ici que s’est forgée son âme de biologiste.

    Je vous engage à suivre Sally l’ânesse sur les chemins, prendre place à bord de l’embarcation de Gerald avec chien et hibou. Un brin d’entomologie, un rien de biologie marine et toc voilà l’éducation du jeune boy qui prend forme d’autant que Lawrence,  bien que parfois victime des facéties du gamin, scorpion et serpent sont de la partie, initie son frère aux livres important comme ceux du naturaliste Jean-Henri Fabre.

     

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    Le décor de Vénus et la mer à Rhodes 

     

    Ces diables de Durrell ont réellement la bougeotte et quelques années plus tard Lawrence va travailler à Rhodes, l’occasion pour nous d’y faire un voyage dans le temps, 

    Plus historique le livre est tout à fait passionnant.

     

    Voilà une trilogie bien sympathique et si comme moi vous n’avez jamais fait le voyage en Grèce cela vous permettra au moins d’en rêver.

     

    Les Livres

    L’île de Prospero - Lawrence Durrell - Editions Le livre de poche

    Vénus sur l’île - Lawrence Durrel - Editions Le livre de poche

    Le Jardin des Dieux - Gerald Durrell - Editions La table ronde 

  • Guerre et térébenthine - Stefan Hermans

    J’ai lu il y a peu un roman de Stefan Hertmans qui m’a beaucoup plu et bien sûr cela m’a donné envie de lire son livre précédent, ni essai, ni autobiographie, ni roman, c’est un peu des trois à la fois.

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    « Mon enfance a été envahie par ses récits sur la Première Guerre mondiale, toujours et encore la guerre; les vagues actes d’héroïsme dans les plaines boueuses sous une pluie de bombes, le claquement des fusils, les ombres criant dans l’obscurité » 

    Urbain Martien a survécu à la Grande guerre et à l’horreur des tranchées. Il lègue trois cahiers à son petit fils, Stefan Hertmans va écrire grâce à eux le livre de mémoire de sa famille, un roman sur la guerre, sur les liens familiaux. Tout cela et un peu plus encore.
    Ces récits sont nous dit l’auteur « mélange d’élégance désuète, de maladresse et d’authenticité »

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    Adaptation au théâtre

    Ce grand-père fut un  homme courageux qui retourne au front après ses blessures, un courage jamais reconnu par les autorités et qui trouvera un épanouissement dans l’art : musique et peinture
    Au-delà de la personnalité du grand-père c’est toute la famille qui est mise en scène, avec précision parfois, grâce à des anecdotes souvent très touchantes comme le cadeau de cette montre à douze ans. 

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    On remonte le temps pour découvrir la vie des quartiers pauvres de Gand, une région dans laquelle l’Eglise tient une place majeure imprimant son empreinte sur les familles et les consciences.
    Le travail de l’arrière grand-père magnifier superbement par le récit, le lien filial entre Urbain et Franciscus qui restaurant peintures et statues donnait  au Christ le visage de son fils.

    Le travail très jeune dans une fonderie qui a tout d’un petit enfer. C’est la misère de Germinal ou chez Dickens

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    François Bonhommé, Fonderie - le Creusot Montceau.

    J’ai ainsi découvert, grâce à ce livre, cette région des Flandres, rencontrée au hasard des lectures, qui ici a pris un relief particulier. 

    Pendant la Première guerre les ordres aux troupes étaient donnés en français uniquement, ce qui conduisait à des quiproquos parfois dramatiques pour les combattants de langue flamande et surtout à une humiliation perpétuelle qui finira par engendrer la révolte.

    Les combats désespérés de cette armée belge en déroute devant la force de frappe allemande sont évoqués avec sensibilité, pudeur, et un brin de colère.

     

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    L’auteur recherche des traces avec un souci constant d’objectivité, il revisite les lieux.
    Ainsi il nous décrit l’inondation de la plaine de l’ Yser, inondation volontaire pour arrêter les troupes allemandes, une scène effrayante qui prend vie grâce aux écrits d’Urbain.

    « Cependant, le spectacle qui s’offrit à nos yeux le lendemain matin dans la pénombre nous fit froid dans le dos : des chiens, des lapins, des chats, des belettes, des putois et des rats traversaient le fleuve en masse comme une armée irréelle en traçant, de leurs museaux sensibles à fleur d’eau, d’innombrables triangles sur la surface lisse et noire ; les écluses à Nieuport avaient été ouvertes, et jusqu’à Stuivekenskefke, Pervijze, Tervate et Schoorbakke, le pays se couvrait d’eau peu à peu. Nous prîmes lentement conscience que la marche de l’ennemi serait peut-être ainsi interrompue. Le cœur battant, nous regardions. Il fut strictement interdit de tirer sur les animaux, pour ne pas trahir notre position. Nous les vîmes par conséquent, ces messagers au nez fin d’un monde maudit, prendre la fuite face à cet incompréhensible Armageddon, arriver à terre, secouer l’eau de leur fourrure, courir sans se soucier de rien le long de nos tranchées, fuyant à l’aveuglette comme des Lemmings. Personne ne chercha à s’emparer des animaux, personne ne voulait en tuer pour les manger, même si nous avions faim. Tels des anges du Jour du Jugement dernier déguisés, ces créatures fantomatiques trempées disparurent de notre champ de vision, traversant en bondissant la plaine boueuse noire et brillante dans la lumière grise du matin. »

    Ce passage à lui seul dit à la fois le désespoir des combattants, leur attente, leur crainte devant ce spectacle halluciné et tout cela sans le moindre effet de manche, sans aucun pathos.

    J’ai tout aimé de ce livre, les rappels historiques, l’évocation de la guerre, l’évocation des métiers, des amours, des liens filiaux.

    Je vais faire une place à ce livre dans ma bibliothèque.

     Voir l’avis d’Anne 

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    Le livre : Guerre et térébenthine - Stefan Hertmans - traduit par Isabelle Rosselin - Editions Gallimard Folio

  • Cézanne Des toits rouges sur la mer bleue - Marie-Hèlene Lafon

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    Bibémus : j’ai dit dans ma chronique précédente que cela m’évoquait Giono et la Provence.
    Marie Hélène Lafon nous invite dans la Provence de Cézanne, de Zola et de Giono.

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    Elle a manifestement un attachement particulier pour le peintre et cet attachement a accouché d’un petit livre, il n’est ni une bio, ni un essai sur la peinture, c’est plutôt le livre d’une amitié, une rencontre entre peinture et littérature.


    Le titre ? ce sont les mots de Cézanne « Des toits rouges sur la mer bleue ».

    L’auteure a quelques craintes, elle décide d’ouvrir un « chantier » rassembler la documentation, les lettres, les écrits.
    Elle va affronter un monument de la peinture, un véritable colosse.

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    Elle se sent écrasée par ses prédécesseurs, ceux qui ont écrit sur Cézanne et non des moindre : Ramuz, Rilke, Juliet, Handke bien entendu « C’est écrasant et j’ai une longue expérience de cette sensation d’écrasement culturel, qui ne m’empêche toutefois pas de faire ce que je crois avoir à faire »

    Délaissant son Cantal natal, MH Lafon va trainer ses guêtres à Auvers-sur-Oise, à Aix-en-Provence, à Marseille.

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    La maison du pendu à Auvers-sur-oise – Paul Cézanne

    Comment parler de cet homme qui a consacré son existence à la peinture, cet homme qui disait la nécessité d’« Aller au paysage » ce qui est une formule magnifique, l’auteure dit que c’est un peu comme « aller au combat ».
    Un combat toujours perdu, et une œuvre toujours recommencée.

     

    Sous la plume de MH Lafon, Cézanne reste le bonhomme bourru, un rien violent, parfois carrément hargneux.
    Elle aime le chercher à travers les lieux, les paysages :
    Le Jas de Bouffan ou l’atelier des Lauves dans lequel une fente fut pratiquée pour permettre de faire passer la toile des Baigneuses.
    Marseille ou Auvers-sur-Oise où il peignit sans trêve.

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    J’ai le souvenir d’une expo magnifique au Grand Palais à Paris en 2011
    J’étais restée plantée devant certaines toiles, bien entendu les plus petites ce qui dans une foule est un combat toujours perdu.


    J’aurais voulu avoir les mots de MH Lafon qui fait parler les tableaux

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    « Je suis plantée devant le Sous-bois, au Louvre, salle Mollien, et je suis dans le bois, sous les arbres, traversée de lumière pâle. L'air est tiède, c'est un matin d'été caressant et parfait. Le vent bleu court dans les branches basses, le remuement des feuilles est tissé de pépiements d'oiseaux furtifs. Tout fait présence, le silence est habité, on arrête de marcher pour que cesse le vacarme des pas et du sang sous la peau. On sort de soi pour faire corps avec la merveille. »

    Pour parler de l’homme, elle choisit de faire parler ses proches, Blanche sa mère en premier lieu, Paul est son préféré, elle s’inquiète de l’avenir pour cet enfant qui choisit un chemin rude et incertain « songe à l’avenir, on meurt avec du génie et l’on mange avec de l’argent » mais toujours encourageante et soutien de son fils.

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    Elle fait aussi parler le père, Louis-Auguste  si souvent blâmé mais pour qui me semble elle n’est pas aussi sévère que beaucoup car après tout il a plus ou moins toujours fournit des subsides à son fils et était profondément désemparé devant le refus de ce fils de choisir une vie toute tracée. Il finit malgré tout par accepter le choix de Paul et même son mariage avec Hortense l’éternelle invisible.

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    Vous rencontrerez le Docteur Gachet si important pour les impressionnistes, Pissarro son ami.
    Elle nous livre même le jardinier, assis sous le tilleul des Lauves, à côté d’un Cézanne vieillissant.

    Elle sait parler de lui, de ses toiles, de sa peinture, parfois même avec une sorte d’urgence qui donne un rythme haletant au récit qui m’a parfois décontenancé.
    J’ai aimé que son imagination l’emporte vers Giono et ses personnages.

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    Lisez cet exercice d’admiration, fruit de trente années de compagnonnage et qui tente de nous communiquer les rêves du peintre, sa vie intime, ses obsessions, sa passion pour sa Montagne « sainte et carabinée, en majesté et en puissance ».
    Pour conclure ainsi : « On ne saisit pas Cézanne, on ne l'épuise pas, il résiste, on l'effleure, il glisse, il disparaît dans le sous-bois. On l'espère. On l'attend. »

    Vous avez visité ses maisons il est tant de connaître le bonhomme.

    Le Livre : Cézanne. Des toits rouges sur la mer bleue – Marie-Hélène Lafon – Éditions Flammarion