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Rechercher : REPENSER la pauvreté

  • La Grèce voilée de noir

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    © Alkis Konstantinidis Agence Reuters

     

    J’avais déjà assisté à une liquidation à la grecque et j’ai profité de l’été pour récidiver et terminer ains la trilogie de Petros Markaris. 

    Ces deux polars valent essentiellement par l’atmosphère qui s’en dégage. Le commissaire Kostas Charitos est franchement très très sympathique, soucieux de ses collaborateurs, de sa famille, de ses amis. Il est loin du héros flic traditionnel, remisant sa voiture au garage faute de subsides pour la faire rouler, il regarde avec bienveillance les efforts de sa femme pour organiser une sorte de cantine familiale pour réduire les frais de bouffe !

     

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    Pourtant les intrigues de ces deux livres nous mettent au coeur du problème grec, pauvreté, colère, fin de l’abondance, misère des plus petits. Oui oui mais aussi, corruption, prévarication, clientélisme, fonctionnaires sans vraies tâches pendant que d’autres suent et ne touchent qu’une partie de leur traitement.

    La vraie vie je vous dis.

     

    Les deux intrigues se suivent sans difficulté sur fond d’escroquerie, de vengeance, d’argent parti pour les paradis fiscaux, fraude, politicien corrompu : on s’y croirait

    J’ai été particulièrement intéressée par ce qui dit Markaris de la Grèce après les colonels, sortant d’une dictature épouvantable les grecs ont admiré et fait confiance aux anciens bannis qui sont devenus l’élite et qui a installé un régime clientèliste et corrompu reniant toutes ses convictions.

     

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    Vous ne pourrez pas dire que j’en dis trop sur l’intrigue, c'est sympa à lire. Laissez vous faire, lisez Markaris et soutenez Charitos !

     

    Une interview de l’auteur sur la crise qui secoue le pays

     

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    Les livres

    Le justicier d’Athènes - Petros Markaris - Traduction Michel Volkovitch - Editions du Seuil et Point Seuil

    Pain éducation et liberté - Petros Markaris - Traduction Michel Volkovitch - Editions du Seuil

  • Un juif pour l'exemple - Jacques Chessex

    un juif pour l'exemple.gifUn Juif pour l’exemple - Jacques Chessex - Editions Grasset

    1942 à Payern une petite ville suisse riche et cossue mais qui souffre de la guerre proche, le chômage et la pauvreté touchent une partie de la population. La ville est atteinte par l'épidémie de haine et de bêtise venue d'Allemagne.
    Oubliée la carte postale de la suisse verte et riante, fleurie, propre, tout cela est envolé, dénaturé par l’apparition des croix gammées, de l’antisémitisme ordinaire.

    Un petit groupe d'hommes, les plus médiocres de la petite communauté, brutes pleines d’envie, fanatiques excités par un pasteur fou, vont s'en prendre à un juif non pas pour le voler, par vengeance, non seulement " pour l'exemple".
    Le récit de ce crime est très court mais d'une telle force, un telle férocité, on ressent à ce point la fureur des criminels que l’on se sent soi même agressé. Cette violence dépasse la compréhension.
    Les criminels seront arrêtés mais nulle compassion pour la victime dans la ville, nul soutien à sa famille, seulement l’indifférence et parfois un ricanement complice.

    Ecrit à la manière d’un compte rendu froid et lapidaire car c’est peut être la seule façon de rapporter des faits aussi monstrueux. Jacques Chessex sait dire avec une grande sobriété dont on lui sait gré, cet acte impensable, inimaginable.

    Le récit est très court, très dense, très ramassé, puissant, d'une violence inouïe que l'on reprocherait à l'auteur si cette histoire n'était pas une histoire vraie.
    Il avait 8 ans au moment des faits, on sent encore dans son récit la stupeur devant ce geste inouï , la honte et l’incompréhension qui l’habitent encore.
    Il lui a fallu une vie pour témoigner et nous confier cette histoire : sa rencontre avec le mal absolu.

    Le livre de Jacques Chessex m’a laissé tétanisée. Il y a un double coup de hache , le premier c'est celui qui atteint Arthur Bloch le personnage du livre de Jacques Chessex, le second coup c'est celui reçu par le lecteur de ce livre, j'ai vraiment pensé en le lisant à la citation de Kafka qui dit « Un livre doit être la hache qui fend la mer gelée en nous »

    Un livre à lire et à faire lire. Faites lui une place dans votre bibliothèque



  • Le miel d'Harar - Camilla Gibb

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    Dépaysement garanti aujourd’hui , un voyage de couleurs, d’odeurs et de saveurs dans un pays soumis aux tourments des révolutions, des guerres, des famines.

    Le roman alterne entre deux époques et deux lieux : 1974 en Ethiopie dans les mois de chaos politique qui précèdent la chute d’Hailé Sélassié, et 1990 à Londres au sein de la communauté éthiopienne en exil.

    L’héroïne se nomme Lilly , fille d’un père britannique et d’une mère irlandaise, parents excentriques et irresponsables qui disparaissant au Maroc la laisse à la garde d’un maître Soufi.

    Le Grand Abdal, élève l’enfant et l’instruit dans le respect des textes et des lois de l’islam.

    La vie de l’héroïne prend un nouveau tournant lorsqu'elle fait un pèlerinage à Harar, en Éthiopie, un des lieux saints du soufisme, quatrième ville de l’Islam.

    Contrainte de rester à Harar, Lilly va devoir lutter pour trouver sa place dans une société qui la rejette parce qu’étrangère, parce que blanche et parce que femme. Elle mesure le gouffre existant entre un texte d’amour ce que le Coran a toujours été pour elle et la possible « fureur de l’islam ».

    Les difficultés sont immenses, elle partage la pauvreté, et la misère des harari. Pour gagner sa vie elle enseigne le Coran aux enfants pauvres du quartier, cueille le khat, coud des coquillages sur des paniers, donne des leçons d’anglais.

    Elle tente de s’intégrer à la vie de la communauté mais la situation politique du pays va l’obliger à s’enfuir à l’heure où le destin des éthiopiens bascule pour longtemps dans le sang et l’horreur.

    Réfugiée en Angleterre auprès d’émigrés éthiopiens Lilly va tenter de reconstruire sa vie, de faire le deuil d’un pays et d’un amour.

    Camilla Gibb qui a vécue en Ethiopie, campe une Lilly toute à la fois forte et fragile, sensible, et qui laisse voir une facette de l’Islam très différente des violences de l’intégrisme.
    Le roman est peuplé de personnages hauts en couleurs, les odeurs et les couleurs de l’Ethiopie sont rendues avec bonheur; la communauté londonienne exilée est très heureusement peinte.

    Roman de l’exil, de la tolérance mais aussi de la force de la vie spirituelle et de sa beauté, ce roman mérite une place dans votre bibliothèque

    Le’Livre Le miel d'Harar - Camilla Gibb - Editions Actes Sud

     

     

  • Le mois des papillons - Ariëlla Kornmehl

    moisdespapillons.gifLe Mois des papillons - Ariëlla Kornmehl - Traduit du néerlandais par Emmanuelle Sandron - Editions Actes Sud
    L’Afrique du Sud est le cadre de ce roman qui compose deux portraits de femmes très attachants.
    Une femme médecin, Joni, a quitté son pays à la suite d’un événement personnel très violent qui lui a fait rompre tous ses liens familiaux.
    Elle vit seule à Johannesburg et travaille dans le service d’urgences d’un hôpital, pour s’y rendre chaque jour elle fait un long trajet en voiture traversant des zones peu sûres. C’est son choix, elle vit dans une grande maison qu’elle partage avec une femme.
    En échange du logement et de la nourriture pour elle et ses enfants, Zanele qui est Zoulou s’occupe de la maison, prépare les repas, fait les achats, bref gouverne la vie de Joni. Le soir elle se retire dans sa partie de maison et joue du tambour pour Shanla sa fille.
    Elle a littéralement pris possession de Joni et des lieux. Elle veut la voir manger car elle la trouve trop maigre « Zanele voulait que je prenne un petit déjeuner, elle tentait de m’y contraindre »
    Zanele ne comprend pas le travail de Joni « Là où elle a grandit aucune ambulance ne venait jamais même quand on était gravement malade » elle est tout interdite devant les photos de Joni prise en Hollande un jour de neige.

     

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    Le pire

    Quand Shanla a trop de noeuds dans les cheveux elle les lui rase. Elle sait qu’il y a les choses que l’on peut manger et celles qui sont tabou, celles que l’on peut faire et celle qui sont dangereuses, et puis il y a les certitudes « plus on vient du nord, plus on est noir » les interdits : le pain bis, le maïs jaune, et ..parler avec sa patronne blanche.
    Ce qui pourrait être simplement une histoire d’amitié entre deux femmes prend une toute autre dimension car peu à peu le récit s’ouvre et l’on aperçoit un monde dur. Les dialogues entre les deux femmes dévoilent peu à peu l’histoire de Joni et ses rapports avec sa mère, sa souffrance, la violence au quotidien et les rêves que Zanele fait pour sa fille, la pauvreté et l’insécurité des townships, et le racisme qui n’est pas toujours où on l’attend.

     

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    Et le meilleur


    Deux femmes que tout oppose, l’une, scientifique, intellectuelle, l’autre, analphabète, superstitieuse. Elles se chamaillent et se comprennent, se soutiennent et composent une étrange famille dans ce pays où l’apartheid est encore dans toutes les têtes.
    J’ai beaucoup aimé ce roman fait de délicatesse et de rudesse, de soleil et de neige à la fois. En le lisant j’ai repensé à un roman lu il y a quelques mois Le miel d’Harar que j’ai aimé mais aussi le roman d’André Brink  Les imaginations de sable un excellent souvenir de lecture

    Découvrez cette jeune auteure en espérant que ses autres romans seront traduits chez Actes Sud


    L’auteur

    Le Mois des papillons est le second roman d’Ariëlla Kornmehl. Née en 1975, elle vit et travaille à Amsterdam, où elle a fait des études de philosophie. Elle a passé deux ans à Johannesburg.

  • L'Enigme du retour - Dany Laferrière

    enigme.gifL’Enigme du retour - Dany Laferrière - Editions Grasset
    Un long récit mêlant poésie et prose comme si l’auteur ne pouvait faire le choix entre ces deux modes d’écriture, comme il ne peut faire le choix entre sa terre natale et son lieu d’exil.  C’est ainsi que Dany Laferrière met en mots l’indicible : la douleur de l’exil et  la volonté de se dire à nouveau "chez soi "
    A vingt ans d’intervalle son père et lui ont quitté Haïti, ont échangé la splendeur des couleurs pour le froid et le vide de l’exil. Vingt années durant l’auteur a été hanté par l’absence de ce père parti sans espoir de retour.
    A son tour lui aussi fait le choix du départ, laissant mère, soeur, amis.

     

     

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    Les femmes de Haïti sont celles qui restent

     

    Il n’y a plus de famille, un père aux Etats-Unis, un fils au Canada, la famille éclatée, dispersée.
    C’est son père dont " La mort expire dans une blanche mare de silence " (Aimé Césaire)  va provoquer le retour vers la terre d’origine, vers le bruit, les couleurs, les odeurs de la terre natale.
    C’est un retour difficile. Il reprend possession des lieux, il reconnait les rues, les bruits, la vitalité paradoxale de son île " Si on meurt plus vite qu’ailleurs, la vie est ici plus intense " C’est son pays et il y est comme un étranger. Sa soeur est restée, c’est sa blessure secrète :
    " Encore plus secrète que ma mère.
    A la voir toujours souriante on n’imaginerait pas
    qu’elle vit dans un pays ravagé par une dictature
    qui ressemble à un cyclone
    qui n’aurait pas quitté l’île pendant vingt ans "

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    Ce roman de l’identité est magnifique et terrible, le fantôme du père est partout présent, les changements sont profonds dans l'île mais la pauvreté, la faim, la peur sont toujours là.

    De brefs tableaux, croqués sur le vif, de la vie haïtienne, un poignant constat d’échec "Un fleuve de douleurs dans lequel on se noie en riant." et aussi " Les trois quarts des gens que j’ai connus sont déjà morts (...) Ils vont si vite vers la mort qu’on ne devrait pas parler d’espérance de vie mais plutôt d’espérance de mort."

    Un roman qui est comme un cri et qui devrait trouver place dans votre bibliothèque

    D'autres avis :    Chez AnnDeKerbu sibylline Bénédicte Luocine

    Une interview que m'a fait découvrir Colo

    Le blog Encres Noires avec une interview de Dany Laferrière

  • Récits d'un jeune médecin- Mikhaïl Boulgakov

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    Alexis Savrasov  Hiver 

    J’avais envie de lire ce livre depuis déjà plusieurs mois. Sous couvert d’un roman l’auteur nous livre son expérience personnelle dans les premiers mois de son installation comme médecin

     

    Nommé à tout juste 24 ans au fin fond d’une campagne russe, Vladimir Mikhaïlovitch Bomgard se voit confier un hôpital pendant qu’à Moscou éclate la Révolution.

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    Des débuts affolants : loin de tout, une population en proie à la pauvreté, à l’absence de médicaments, à une hygiène plus que précaire et par dessus tout victime des superstitions les plus arriérées.

    Vladimir est terrorisé, diplômé depuis quelques mois, autant dire tout à fait novice, il redoute les accouchements, les amputations, l’impossibilité d’en référer à un collègue, bref tout pour faire des cauchemars.

    Sa première intervention se finit bien et lui donne le courage de poursuivre malgré la fatigue, l’obscurantisme de la population, les moujiks finissent par lui accorder leur confiance, et parfois c’est plus de cent personnes qu’il examine dans la journée.

     

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    Les déplacements l’hiver sont dignes de Tolstoï et sa tempête de neige, il doit lutter sans cesse tout en continuant à apprendre et la nuit venue il compulse fiévreusement ses manuels.

    C’est un récit autobiographiques, il n’y a pas à s’y tromper, Boulgakov garde un souvenir vif de ses débuts dans les années 1916, il situe d’ailleurs les récits près de Smolensk où il a exercé.

    On trouve dans ces nouvelles un réalisme total mais déjà la plume de Boulgakov est à l'oeuvre, il manie la dérision avec habileté permettant au lecteur de ne pas trop reculer devant des scènes parfois très violentes, certaines scènes s’apparentent à la tragi-comédie et on le sent proche du moujik qui bientôt prendra les armes. 

     

    891381ffa2ad5f6662ac54808b63d379.jpgCes récits sont pris sur le vif  et traduisent une certaine empathie de Boulgakov avec le peuple russe mais qui sait aussi approcher la réalité de la toxicomanie de façon tout à fait étonnante.

    J’ai aimé ce court livre qui ne peut que donner envie de se plonger dans les deux livres importants de Boulgakov : Le maître et marguerite et La Garde blanche.

    Pour tous les amateurs de littérature russe.

     

     

    Le billet de Tania et celui de Mango 

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    Le livre : Récits d’un jeune médecin - Mikhaïl Boulgakov - traduit par Paul Lequesne - Editions Le livre de poche