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  • Job Roman d'un homme simple - Joseph Roth

    Un juif ordinaire 

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    C’est un roman que vous avez peut être déjà lu sous un autre titre : le poids de la grâce. Il est reparu depuis peu avec une nouvelle traduction et un nouveau titre. 

    Dans ses romans Joseph Roth ne parle jamais de judéité sauf dans ce roman, roman que Stefan Zweig aimait particulièrement.

    Dans ce roman il reprend le thème biblique du livre de Job :

    «  Il y avait dans le pays d'Uts un homme qui s'appelait Job. Et cet homme était intègre et droit; il craignait Dieu, se détournait du mal »

    dit la Bible, si vous voulez en savoir plus je vous invite à lire le billet que j’ai consacré au livre de Pierre Assouline sur Job.

    Mais maintenant place au roman.

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    Les pogroms dans les Shetls - Nikolay Pimonenko 1899

    Transportons nous dans un petit Shetl d’Europe centrale à l’époque des Tsars et des pogroms. 

    « Il y a de nombreuses années vivait à Zuchnow un homme qui avait pour nom Mendel Singer. Il était pieux, craignait Dieu et n’avait rien d’exceptionnel, c’était un Juif tout à fait ordinaire »

    Mendel Singer est un maître d’école pauvre ...comme Job.
    Sa femme Deborah n’est pas toujours facile 

    « Elle lui reprochait les enfants, la grossesse, la hausse des prix et souvent même le mauvais temps. »

    et en cette veille de guerre mondiale une catastrophe s’abat sur sa tête, ses deux fils ont tiré le mauvais numéro et doivent partir au service militaire. 
    Son fils cadet choisit de déserter et de s’embarquer pour l’Amérique afin d’échapper à la conscription. Le second lui rejoint l’armée.

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    Le sort s’était déjà acharné sur Mendel car son dernier enfant, Menuchim, est sévèrement handicapé ET sa fille  Mirjam n’a pas trouvé mieux que de s’amouracher d’un cosaque ! Un comble en ces temps de pogroms.

    Comment ne pas se sentir accablé, comment ne pas maudire Dieu après cela ?
    Mendel ne baisse pas les bras et lorsque l’occasion d’émigrer aux Etats-Unis lui est offerte, il ne la laisse pas passer. Mais, car il y a un mais, il laisse derrière lui son plus jeune fils incapable de supporter le voyage.

     

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    C’est un superbe roman, le monde juif de la fin du XIXème siècle nous emporte de part et d’autre de l’Atlantique, nous faisant passer de la vie du Shetl à celle d’Ellis Island.

    Comme dans la Bible, Mendel reste digne et fier malgré les vicissitudes qui s’abattent sur lui. Le roman est une magnifique allégorie, une parabole qui a valeur universelle.

    Joseph Roth s’attache à ne jamais nous arracher des larmes et l’écriture est d’une grande sobriété. Il y a pourtant des passages très lyriques comme cette marche dans la neige des deux fils, l’arrivée dans ce nouveau pays où pourrait enfin couler le lait et le miel, les rapports de Deborah et Mendel toujours sous tension. 

    Nul besoin de connaitre bien la Bible, même si je crois que vous irez relire le livre de Job pour l’occasion, laissez Joseph Roth vous séduire avec en bonus une excellent traduction. 

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    Le livre : Job, roman d’un homme simple - Joseph Roth - traduit par Stéphane Pesnel - Editions du Seuil 2012

  • La Marche de Radetzky - Joseph Roth

    A quel moment de la lecture sait-on que l’on a en main un chef-d’oeuvre ?  Quand insensiblement on ralentit sa lecture, quand on se surprend à relire une phrase, un paragraphe, juste pour le plaisir, quand on se met à lire à voix haute un passage pour faire résonner les mots.
    C’est ce que j’ai ressenti à la lecture de Joseph Roth.

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    J’avais ce livre dans ma ligne de mire depuis longtemps mais le volume emprunté en bibliothèque était de tellement mauvaise qualité, frappe serrée, typographie baveuse, encollage qui ne permet pas d’ouvrir normalement le livre, bref j’avais renoncé. 

    C’est donc avec plaisir que j’ai ouvert ce volume clair, bien imprimé et qui va évidement resté dans ma bibliothèque.

    Une fresque magnifique, qui a la beauté des dernières fusées des grands feux d’artifice, on sait que ce sont les plus belles mais aussi que ce sont les dernières.

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    Solférino

    Un déroulé sans faille, depuis le geste du Héros de Solférino, le brave soldat Trotta pousse l’empereur François-Joseph pour lui éviter un tir ennemi, blessé son fait d’armes va changer sa vie et celle de sa famille à tout jamais. Il monte en grade et est anobli en von Trotta, il reçoit une petite fortune. 
    C’est un sage sujet de l’Empire, un paysan slovène de Sipolje qui devient par la grâce de son geste un héros de livre d’histoire.

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    François-Joseph

    Mais il a un double, c’est l’Empereur lui-même qui sera son jumeau tout au long du récit, récit qui va de l’épanouissement de l’Empire à sa chute, de la montée vers la gloire de la famille Trotta à son délitement.

    Le récit est magistralement conduit. On suit les conséquences du mythe du sauveur sur les relations dans la famille von Trotta, un fracture s’est faite entre père et fils « Son père était séparé de lui par une montagne de grades militaires »
    Joseph Roth déroule trois générations avec en réminiscence permanente le geste mythique parce que « quand on était un Trotta, on sauvait sans interruption la vie de l'Empereur »
    Le fils sera préfet, fidèle à François-Joseph 
    « Tous les concerts en plein air – ils avaient lieu sous les fenêtres de M. le préfet – commençaient par la Marche de Radetzky. »
    Le petit-fils Charles-Joseph von Trotta  reprend le métier des armes sans passion, sans bravoure, empêtré dans des histoires de femmes, de jeu et de duels. On est loin du héros de Solférino.

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    La fin de l'Empire

    Le sous titre de ce roman pourrait être à la manière de Gibbons : grandeur et décadence de l’Empire Austro-hongrois.
    Il se déroule aux confins de l’Empire, en Galicie, en Moravie où l’on assiste au réveil des nationalismes et à la fin du « grand soleil des Habsbourg » qui faisait tenir ensemble des peuples de langue, de culture, de religion différentes.

    Comme dans « Souvenirs d’un européen » de son ami Stephan Zweig, Joseph Roth exprime sa nostalgie de cette Mitteleuropa à jamais disparue.

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    Un roman magnifique avec des morceaux inoubliables, un duel, la mort d’un vieux serviteur, la rencontre avec l’Empereur ou cette Marche de Radetzky qui donne son titre à l’œuvre se fait entendre chaque dimanche sous les fenêtres du préfet, puis revient régulièrement par la suite, comme l’écho lointain d’un passé disparu, comme le souvenir d’une gloire antérieure à jamais révolue. 

     

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    Le livre : La marche de Radetzsky - Joseph Roth - Traduit par Blanche Gidon - Editions du Seuil