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La Marche de Radetzky - Joseph Roth

A quel moment de la lecture sait-on que l’on a en main un chef-d’oeuvre ?  Quand insensiblement on ralentit sa lecture, quand on se surprend à relire une phrase, un paragraphe, juste pour le plaisir, quand on se met à lire à voix haute un passage pour faire résonner les mots.
C’est ce que j’ai ressenti à la lecture de Joseph Roth.

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J’avais ce livre dans ma ligne de mire depuis longtemps mais le volume emprunté en bibliothèque était de tellement mauvaise qualité, frappe serrée, typographie baveuse, encollage qui ne permet pas d’ouvrir normalement le livre, bref j’avais renoncé. 

C’est donc avec plaisir que j’ai ouvert ce volume clair, bien imprimé et qui va évidement resté dans ma bibliothèque.

Une fresque magnifique, qui a la beauté des dernières fusées des grands feux d’artifice, on sait que ce sont les plus belles mais aussi que ce sont les dernières.

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Solférino

Un déroulé sans faille, depuis le geste du Héros de Solférino, le brave soldat Trotta pousse l’empereur François-Joseph pour lui éviter un tir ennemi, blessé son fait d’armes va changer sa vie et celle de sa famille à tout jamais. Il monte en grade et est anobli en von Trotta, il reçoit une petite fortune. 
C’est un sage sujet de l’Empire, un paysan slovène de Sipolje qui devient par la grâce de son geste un héros de livre d’histoire.

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François-Joseph

Mais il a un double, c’est l’Empereur lui-même qui sera son jumeau tout au long du récit, récit qui va de l’épanouissement de l’Empire à sa chute, de la montée vers la gloire de la famille Trotta à son délitement.

Le récit est magistralement conduit. On suit les conséquences du mythe du sauveur sur les relations dans la famille von Trotta, un fracture s’est faite entre père et fils « Son père était séparé de lui par une montagne de grades militaires »
Joseph Roth déroule trois générations avec en réminiscence permanente le geste mythique parce que « quand on était un Trotta, on sauvait sans interruption la vie de l'Empereur »
Le fils sera préfet, fidèle à François-Joseph 
« Tous les concerts en plein air – ils avaient lieu sous les fenêtres de M. le préfet – commençaient par la Marche de Radetzky. »
Le petit-fils Charles-Joseph von Trotta  reprend le métier des armes sans passion, sans bravoure, empêtré dans des histoires de femmes, de jeu et de duels. On est loin du héros de Solférino.

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La fin de l'Empire

Le sous titre de ce roman pourrait être à la manière de Gibbons : grandeur et décadence de l’Empire Austro-hongrois.
Il se déroule aux confins de l’Empire, en Galicie, en Moravie où l’on assiste au réveil des nationalismes et à la fin du « grand soleil des Habsbourg » qui faisait tenir ensemble des peuples de langue, de culture, de religion différentes.

Comme dans « Souvenirs d’un européen » de son ami Stephan Zweig, Joseph Roth exprime sa nostalgie de cette Mitteleuropa à jamais disparue.

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Un roman magnifique avec des morceaux inoubliables, un duel, la mort d’un vieux serviteur, la rencontre avec l’Empereur ou cette Marche de Radetzky qui donne son titre à l’œuvre se fait entendre chaque dimanche sous les fenêtres du préfet, puis revient régulièrement par la suite, comme l’écho lointain d’un passé disparu, comme le souvenir d’une gloire antérieure à jamais révolue. 

 

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Le livre : La marche de Radetzsky - Joseph Roth - Traduit par Blanche Gidon - Editions du Seuil

Commentaires

  • J'en ai tellement entendu parler de ce roman, mais jamais lu ! je vais regarder l'exemplaire de la bibliothèque tiens ...

  • un roman que l'on ne peut pas oublier à mon avis

  • A l'évidence, ce livre est depuis trop longtemps sur mes étagères...
    Ta première illustration donne à penser qu'il en a été tiré récemment un film ? Je partage ton billet sur le groupe Facebook "Lire le monde" puisque Joseph Roth fait partie de la liste ;-)

  • Merci à toi pour ce partage
    Eeguab répond plus loin à ta question : il s'agit d'une série assez ancienne mais peut être toujours trouvable
    Dépoussière ce livre tu ne le regretteras pas

  • Hou là, mais il faut que je découvre cet auteur! Je comprends parfaitement ton ressenti a propos des livres où on ralentit volontairement, expérience rare, mais que je souhaite à tout lecteur.
    (et j'ai l'air de la marche dans la tête, maintenant, j'ignore s'il y a un rapport avec le personnage, et aussi si Margarethe von Trotta a un rapport avec?)

  • La Marche est effectivement jouée à l'époque dans toutes les manifestations officielles d'où l'utilisation pour le titre qui dit aussi par là le conformisme d'une époque
    Je ne pense pas qu'il y ait de lien avec M von Trotta

  • Merci beaucoup pour cet avis ! J'ai beaucoup apprécié ce livre également. Pour ceux qui ont peur de la complexité historique, il convient de les rassurer : hormis Solferino, les jalons historiques sont peu nombreux (mort de François Ferdinand, puis de son oncle). Point de trace du compromis austro-hongrois ni des évènements privés qui marquèrent la vie privée de l’Empereur. Je me souviens des extraits sur la figure de l’Empereur vieillissant, l’ennui des soldats (mémorable description de la nuit de célébration de l’anniversaire de la compagnie), la montée de la question sociale et des nationalismes.
    Joseph Roth rend de façon très perceptible de l’esprit réglé d’une époque qui se terminait. Une réelle recommandation ! Merci Dominique !

  • Ce que j'aime c'est lorsque petite et grande histoire se télescopent, c'est le cas ici, je suis d'accord avec toi la grande histoire n'est qu'évoquée et pourtant elle baigne tout le livre, c'est un tour de force de Joseph Roth, se centrer sur un destin mais faire apparaitre le destin du monde en filigrane

  • Véritable chef d'oeuvre, l'un des huit ou dix livres qui m'ont le plus marqué. Je suis très passionné par la Mitteleuropa, la fin des empires et le grand basculement du continent. Depuis j'ai lu une dizaine de livres de Joseph Roth dont la Crypte des Capucins qui est un peu la suite de La Marche...Je le tiens pour un immense écrivain, tant romans que nouvelles. Son amitié avec Zweig est très intéressante elle aussi (voir là-dessus Ostende 1936, chroniqué il y a deux ans). Bonne journée.
    Je voulais préciser à Sandrine qu'il s'agit d'une série TV qui date d'une vingtaine d'années.

  • je me disais que question film il fallait s'adresser à toi : une série que je ne connaissais pas
    je partage ton goût pour cette période et ses écrivains, j'ai chroniqué aussi Ostende 1936 qui m'avait beaucoup plu
    je lirai la crypte des capucins c'est à mon programme pour les mois à venir

  • Lu il y a si longtemps qu'une relecture serait sûrement une redécouverte. Merci de m'y faire penser.

  • je sais que je le relirai pour ma part

  • Comme tu as su parfaitement résumer le ressenti devant un chef-d'oeuvre ! J'ai eu cette même sidération avec " Belle du Seigneur", "Les Liaisons dangereuses" "Autant en emporte le vent"...
    J'ajouterai pour ma part : vouloir rester dans cette bulle sans pouvoir lire autre chose pendant un bon moment et paradoxalement être incapable de les relire.

  • je te suis quand tu dis l'incapacité derrière à lire autre chose, pour ma part dans ce cas je lis un polar facile, par contre je relis de façon compulsive certains livres

  • souvenirs souvenirs.. quand j'avais 18 ans j'étais une vraie boulimique , j'avalais les livres à une vitesse incroyable, mais j'avais aussi la chance de voir s'ouvrir devant moi un monde de chef d'oeuvre , je le sais également que j'ai lu trop vite et je me souviens avoir pensé que je relirai "cette marche", j'espère retrouver mon exemplaire dans mes cartons car il n'est plus sur mes rayons....

  • on fait souvent une lecture bien différente à 18 ans et ....plus tard :-)

  • J'ai beaucoup aimé ce livre où domine la mélancolie d'un monde qui va disparaître. Joseph Roth comme Zweig aura sa vie brisée par la fin de l'Empire des Habsbourg suivi d'une grande instabilité et de l'avènement d'hitler

  • on sent parfaitement la brisure dans ce livre comme dans Souvenirs d'un européen de Zweig

  • Oh là là, ici je ne connais pas du tout mais l'enthousiasme général, tes recommandations ne me laissent pas hésiter. J'en parle ce soir à "mon hidalgo"! Merci

  • A lire et je vois plus loin que tu l'as trouvé Hourra

  • Dire que je n'ai jamais encore eu l'attention attirée vers ce livre ! Ton billet répare cet oubli, je le note sans plus tarder !

  • je suis restée longtemps persuadé que ce livre m'ennuierait, un apriori tout à fait ridicule mais ....

  • J'ai adoré cette vision des confins d'un empire finissant. Un pur chef d'oeuvre, à coup sûr, je suis d'accord avec toi.

  • Tu rejoins l'avis d'Eeguab, de Patrice et de bien d'autres, avis que ce billet confirme totalement

  • plus qu'alléchant à mon avis un roman inoubliable

  • quelle chance de lire en plusieurs langues !

  • Je l'ai lu très jeune, et relu plusieurs fois : un monument de la littérature, ce roman. Vous avez raison : un chef d'oeuvre. Vous en parlez très bien, je trouve.
    Bonne journée.

  • Merci à vous et je vous ajoute à la liste des inconditionnels

  • Dire que je n'ai jamais encore croisé ce livre ! Ton avis et les commentaires m'inciteront à le chercher, et même à l'acheter, de préférence à des nouveautés tentatrices et parfois décevantes ! :-)

  • je crois que ce qui m'a porté vers cette lecture c'est mon passage à vide question lecture, du coup je me suis tournée vers des romans jamais lus et pourtant très connus

  • Un chef d’œuvre, le genre de livre que l'on n'oublie pas après avoir tourné la dernière page. Je l'ai lu (et relu) l'an dernier et je peux affirmer qu'il supporte tout à fait bien la ou les relectures. Je l'ai même apprécié de plus en plus. Lors de la lecture "découverte", j'avais été un peu rebutée par les descriptions du monde militaire... Mais l'écriture est telle que l'on est littéralement emporté dans cette ambiance fin de règne.
    Si tu ne l'as pas encore fait, je te conseille de lire la suite : "La Crypte des Capucins", afin d'assister à la fin des Trotta...

  • C'est à mon programme, j'ai acheté les deux livres à la fois pour l'avoir sous la main mais j'aime attendre un peu car je sais que j'y prendrai plaisir et je fais durer cette sensation d'avant lecture

  • C'est le téléfilm qui m'est venu en tête en lisant ton billet, signe certainement que je n'ai pas lu le roman. Quel plaisir de découvrir des chefs-d'oeuvre jamais lus !

  • je suis certaine qu'il peut te plaire

  • Je suis d'accord avec vous, ce roman est un chef d’œuvre, et sa fin est juste sublime.

  • Ravie de vous retrouver ici
    Je crois qu'il y a unanimité à propos de ce roman

  • je crois que c'est plus un roman de la maturité que de la jeunesse

  • Je n'ai jamais croisé ce livre mais ton article et les commentaire font maintenant que je retiens son titre ! L'Autriche est un pays qui m'a toujours intrigué.

  • C'est un auteur qui contrairement à Zweig n'est pas sur le devant de la scène mais qui mérite absolument la lecture

  • Ca fait un moment qu'il traine dans ma PAL. ton billet donne vraiment envie d ele lire !

  • souffle sur la poussière et hop

  • lu il y a peu, comme tu dis, des moments inoubliables, un style parfait (mais des petits moments un peu soporifiques, dirais-je...)

  • je n'ai éprouvé aucun ennui même si il y a des passages plus lents

  • je n'ai éprouvé aucun ennui même si il y a des passages plus lents

  • Ah je vois que vous avez retrouvé le rythme des pages. Voilà un vrai roman comme vous les aimez, je crois. La famille Trotta, belle fresque.
    L'écho d'un passé lointain, c'est tentant.

  • un roman qui reste en mémoire c'est certain
    je l'ai évoqué il y a peu au club lecture de ma médiathèque et tous les présents qui l'avaient lu ont partagé le bonheur d'en parler avec chaleur

  • Bonsoir
    J'avais commencé à lire ce livre, mais le début m'avait rebutée,. Je l'ai donc abandonné. Néanmoins votre intéressant billet m'incite à en reprendre la lecture. Le sujet est attirant.

  • cela vaut la peine de prolonger un peu l'effort de lecture car rapidement on est accroché par les personnages

  • Et bien moi, j'ai lu les 2 romans en allemand, et j'ai trouvé ça prodigieusement chiant ! certes, la langue autrichienne du début du XXème siècle y est sans doute pour quelque chose, mais toutes ces descriptions de la vie militaire, ce contexte exclusivement masculin m'a complètement barbée ! Même si le contexte historique est intéressant, j'ai connu mieux dans le genre.

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