Il y a un côté jouissif à s’attaquer à un pavé. D’abord arrivera-t-on au bout ? Le temps passé vaudra-t-il la peine ? Je réponds oui aux deux questions.
Bien sûr il m’a fallu quelques jours de lecture pour parvenir au bout de ce roman, mais qu’importe quand on est tout à fait subjugué par la lecture le temps ne parait pas long du tout.
Je n’avais jamais rien lu de George Eliot, je me le promettais depuis longtemps mais l’occasion ne s’était pas trouvée.
Trois temps : j’ai commandé, j’ai reçu et j’ai lu, tout cela dans la foulée sans effort aucun mais avec un vrai grand plaisir.
Un petit préalable pour dire que je connaissais déjà le traducteur Sylvère Monod comme tous les lecteurs de Dickens, j’étais déjà certaine de la qualité de la traduction et c’est vraiment très important pour un livre aussi long dont il est important de saisir non seulement le contenu mais aussi toutes les nuances.
Illustration de la British library
George Eliot se rapproche de Jane Austen en cela qu’elle aime brosser la vie d’un village, de ses habitants, des liens qui les unissent, des histoires drôles ou sordides qui les lient.
Sa fresque, parce qu’il faut bien parler ici de fresque plutôt que de tableau qui aurait un air un peu trop restrictif, sa fresque est de l’avis de Virginia Woolf « Un des rares romans anglais écrits pour grandes personnes »
Dorothea vue par la BBC
Les personnages qui vont apparaitre sur la fresque de la petite ville de Middlemarch : Dorothea Brooke qui très vite épouse pour son malheur un ecclésiastique froid, raide, à la réputation largement usurpée. Lydgate le médecin ambitieux qui va se fourvoyer dans un mariage raté, Peter Vincy qui court après un amour impossible et est un rien incapable de s’engager véritablement dans une carrière professionnelle lui assurant un avenir, le pasteur Casaubon qui court lui après la gloire universitaire mais ne va rencontrer qu’échec et humiliation après une expérience ratée de mariage avec Dorothea, enfin le jeune Will Ladislaw qui représente l’avenir.
Autour d’eux tout un monde qui vient croiser le destin de chacun pour le bien ou pour le mal. Les imbroglios des relations familiales reposant sur des mensonges, les caractères des personnages allant de l’inconséquence absolue à l’abnégation totale comme Mary Garth
George Eliot à l’art du masque et un même personnage est tour à tour nimbé d’admiration pour passer aussitôt à l’opprobre sociale.
George Eliot
Vous allez me dire que je ne vous parle pas de l’intrigue du roman, tout simplement parce qu’il n’y en a pas vraiment.
Certes il y a des péripéties, des imbroglios, mais l’important c’est la peinture de cette société où l’auteur passe du destin individuel au tableau plus large de la vie d’un pays : épidémies, réformes politiques, changements techniques comme l’arrivée du chemin de fer.
Les débuts du chemin de fer
Cette alternance George Eliot en a la maitrise parfaite et les épisodes avec une large vision et ceux centrés sur un personnage, se mêlent avec une grande habileté. Il y a à la fois de la sévérité dans les portraits qu’elle trace mais en même temps beaucoup de lucidité.
On a tout : le rôle de l’argent, du pouvoir, les faiblesses des êtres humains au prise avec l’ambition, la soif de l’argent, le désir, la haine ou l’amour.
Il y a un souffle puissant dans ce roman, la société anglaise de l’époque est analysée avec finesse, acuité, ironie et brio.
Un roman habile et riche qui mérite totalement l’effort de la lecture.
Le livre : Middlemarch - George Eliot - traduit par Sylvère Monod - Editions Gallimard Folio
Commentaires
Ca donne envie de le lire ; encore une fois, la littérature peut décrire admirablement bien tous les changements d'une époque (c'est ce que j'apprécie chez Zola). Merci !
Il y a le même souci chez Eliot que chez Zola de replacer ses personnages dans un contexte, c'est ce qui fait dire à certains qu'il y a des longueurs mais en même temps ce tableau d'une époque est très bien rendu
J'aime beaucoup tes lectures actuelles, qui n'alourdissent pas ma liste à lire. ^_^J'ai relu Middlemarch pour le blog et une lecture commune (j'ai été 'lâchement' abandonnée en cours de route, mais j'ai poursuivi). Curieusement -ou pas- mes impressions de lecture ont été différentes, Ou disons plutôt que mes souvenirs de première lecture ne sont pas ceux de la deuxième.
Il te reste d'autres romans de l'auteur à découvrir, alors, tu as de la chance!!!
Lorsqu'on relit les impressions diffèrent parfois beaucoup en effet
j'ai encore au moins trois romans à lire d'Eliot et je m'en réjouis
Les pavés littéraires ne me font pas peur, mais ce "Middlemarch", j'ai eu du mal à le terminer, je l'ai lu sans plaisir - la rencontre n'a pas eu lieu avec George Eliot.
Ah oui ? je vois que tu n'es pas la seule, moi j'ai lu cela comme je lis Balzac par exemple en passant d'une intrigue à une vue plus large et j'aime ça
Donc je ne me suis jamais ennuyée
Je suis tentée par ce classique !
Il vaut la découverte, apparement certains le trouvent un peu long mais je n'ai pas ressenti cela
keisha m'a amenée à lire un pavé de 100 pages et c'est vrai que parfois ont comprend la nécessité de la longueur , mais quand même j'ai une petite préférence pour la concision
Question concision euh c'est raté là mais si tu aimes Balzac par exemple tu sera en terrain connu
J'attendais beaucoup de ce roman, qui m'a un peu déçue. J'ai bien aimé la peinture sociale, mais j'ai trouvé qu'il y avait beacoup de longueurs
et tu n'es pas la seule mais je n'ai pas été sensible à l'ennui du tout, j'ai aimé les changement de rythme entre les relations entre les personnages et la peinture de la société
J'ai ce gros livre dans ma pile de non lus depuis pas mal de temps mais ne me décide pas. J'attends d'en avoir vraiment envie ..... Peut-être suite à ton billet qui le rend très séduisant.
Lance toi, vrai qu'il faut quelques jours de lecture mais par contre aucune difficulté le style est souple, la traduction très correcte
Une lecture pour les longues après-midi (trop) chaudes de l'été, chaise longue à l'ombre.
Pour les longueurs, s'il y en a, avant je lisais religieusement tout, tout, maintenant je saute allègrement ce qui m'ennuie...
ça m'arrive aussi sans aucun état d'âme, le droit de lire ou ne pas lire !!
Là en fait ce que certaines lectrices qualifient de longueurs j'y ai vu moi une peinture de la société à la manière de Balzac ou Zola, non pas pour le style, mais pour le genre de tableau
Il y a 1152 pages tout de même ! de quoi me faire peur, surtout que je vois dans les commentaires que tout le monde n'a pas été conquis. Je vais plutôt chercher du côté de la bibli, je prendrai moins de risque d'avoir un livre de plus qui prendra la poussière ..
Je l'ai acheté en me disant que je le revendrai d'occasion mais non c'est pour moi typiquement le genre de roman que je serai heureuse de relire dans quelques années ou de faire lire
Heureux de voir que ce roman t'ait autant plu !
C'est mon roman préféré mais je comprends si certains trouvent qu'il y a quelques longueurs par-ci par-là mais l'effort de lecture comme tu le dis en vaut vraiment la peine. On en ressort grandi et enrichi par sa lecture.
Je viens justement de lire Silas Marner du même auteur. J'ai beaucoup aimé bien que la traduction soit un peu faiblarde par endroits et un brin ampoulée (avec un usage du subjonctif passé bien trop abondant à mon goût) de par sa traduction datant du 19e aux éditions Archipoche. Sinon Le Moulin sur la Floss est une parfaite continuation dans la découverte des autres livres de George Eliot, et probablement le meilleur livre pour l'aborder à mon avis (plus court, avec moins de "longueurs" que Middlemarch, et une traduction excellente d'Alain Jumeau).
Dans la foulée de ma lecture j'ai acheté le volume Omnibus où l'on trouve Silas Marner et Adam Bede et je lirai le Moulin car ton billet est bien tentant
Les traductions donnent parfois un peu de fil à retordre en effet
comme toi j'ai vraiment aimé ce roman, j'irai lire ton billet sur Silas Marner quand tu le feras paraitre
Je l'ai dans ma PAL et il faut absolument que je lise... C'est le genre de roman, qui peint toute une société et que j'adore !
alors tu vas être servie
Tu avais oublié de nous dire si c'était un petit pavé ou un gros pavé, Aifelle parle de 1152 pages... là, c'est trop pour moi, j''en suis navrée mais je ne peux pas, je t'admire Dominique ! Bises. brigitte
Bizarrement le nombre de pages d'un livre m'importe peu sauf question poids dans les mains car parfois cela me pose problème, mais pas la longueur d'un roman
Je suis par ailleurs capable de refermer un livre à n'importe quel moment, je n'ai aucun état d'âme car pas de temps à perdre avec quelque chose qui ne me plait pas
pas encore essayé, je vide la PAL et je m'y mets...mais cela va être dur
je ne suis pas certaine que ce soit réaliste :-)
Mais tu vas me donner envie de m'inscrire au mois anglais de Lou, en plus de nous inviter à lire les femmes ;-)
la lecture de cette femme vaut la peine
Honte à moi, je ne connaissais même pas cet auteur...