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Rechercher : huit montagnes

  • Les Huit montagnes - Paolo Cognetti - Editions Stock

    En plein été caniculaire qu'il est bon de se rafraichir l'âme avec une lecture envoûtante et splendide.

    J'aime la montagne, les 25 ans passés à Annecy m'ont comblé, j'aime la couleur du ciel le matin très tôt, la rude montée vers un alpage, la descente en fin d'après-midi dure pour les genoux, les petits lacs glaciaires. L'alpinisme n'a jamais été fait pour moi mais la randonnée oui et ce sont de très très bons souvenirs.

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    L'auteur sur sa montagne

    Evidement que, dès l'annonce de sa parution, j'ai coché le livre de Paolo Cognetti. J'avais un brin d'appréhension ayant beaucoup aimé Le Garçon sauvage son livre précédent. Je ressors comblée par ma lecture.

     

    L'histoire est simple. Pietro, un enfant de la ville, va faire connaissance avec la montagne. Ses parents, son père surtout, sont des montagnards fervents et Pietro va migrer toutes les années vers Grana, un village de montagne au pied du Mont Rose.

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    Le Mont Rose

    Ses premiers pas en montagne sont un peu difficiles, il faut dire que le père est exigeant, solitaire et à bien l'intention de transformer le petit en un montagnard zélé malgré le mal des montagnes qui le terrasse.

    " Avec lui, il était interdit de s'arrêter, interdit de se plaindre de la faim, de la fatigue ou du froid, mais on pouvait chanter une belle chanson surtout sous l'orage ou en plein brouillard. Et dévaler les névés en lançant des cris d'indiens."  

    Mais la découverte, la vraie, c'est celle de l'amitié. Bruno est un rien plus âgé que Pietro, fils d'un homme souvent absent et d'une mère quasi muette, il sait tout des torrents, des pierres, des souches, cette montagne, c'est la sienne, formidable terrain d'aventures. La première rencontre est un brin houleuse mais très vite la complicité l'emporte. L'amitié s'installe. 

    Pour Bruno ce ne sont pas des vacances car il travaille dur sur l'alpage mais les minutes volées sont précieuses.

    Chaque été Bruno l'attend : 

    " Il faut croire qu'il guettait les virages du haut d'un de ses postes d'observation parce qu'il venait me chercher dans l'heure qui suivait notre arrivée"

    Et c'était le bonheur, parce que : 

    "Aller en montagne avec Bruno n'avait rien à voir avec la conquête des sommets."

    Non ils furètent dans les baites abandonnées, se transforment en chercheurs d'or
    Le temps de l'amitié idyllique prendra fin brusquement (non vous ne saurez pas pourquoi !) mais Pietro et Bruno se retrouveront. 

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    Baite ou chalet d'alpage 

    Un livre que j'ai énormément aimé, la montagne est le protagoniste principal mais les personnages sont magnifiques jusque dans leur imperfection.
    Un roman de formation, d'éducation, à l'atmosphère parfois empreinte de mélancolie. Les pères n'y sont pas parfaits, les mères y sont parfois trop silencieuses. 

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    L'écriture est rigoureuse, classique, forte et acérée parfois, lyrique à d'autres moments. Paolo Cognetti sait nous laisser entrevoir les fils qui se tissent malgré la distance et les différences, les noeuds qui se dénouent usés par l'érosion du temps qui passe.  Le rythme est celui, lent et régulier, d'une course en montagne.

    Si vous aimez les rapprochements je dirais qu'il y a un peu de Frison-Roche, un zeste de Giono, un parfum de l'île de Giani Stuparich

    L'auteur nous fait mettre sac au dos, il nous a balisé les chemins de sa montagne et c'est avec un plaisir total que je l'ai suivi, j'ai mis mes pas dans les siens, je l'ai écouté égrener ses souvenirs et je n'avais aucune envie de descendre le soir venu.

     

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    Le livre : Les Huit montagnes - Paolo Cognetti - Traduit par Anita Rochedy - Editions Stock

     

  • Liberté dans la montagne - Marc Graciano

    Le temps de l'imaginaire

     

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    Comment parler d’un livre que l’on a énormément aimé au point d’avoir envie de le garder pour soi ? 

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    « Depuis bien des jours le vieux cheminait avec la petite le long de la rivière. »

     

    Le livre débute comme un récit initiatique, vous ne saurez jamais où se passe le récit, ni le nom des deux personnages, ni d’où ils viennent, ni où ils vont.  

    Le vieux et la petite vont cheminer ensemble tout au long du roman, le vieux protégeant la petite, l’éveillant à ce qui l’entoure, la portant quand elle est fatiguée, la réchauffant quand elle a froid, la nourrissant avec amour. 

    Ce que l’on devine c’est que le récit fait retour vers un monde médiéval, un monde ancien. L’homme et l’enfant vont affronter ensemble des épreuves. 

    Un moyen-âge imaginaire se déploie, le village et ses remparts, un tournoi avec des chevaliers en cotte de mailles et des dames portant hennin, le travail des artisans le long de la rivière. 

     

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    Ils vont croiser la route d’une série de personnages, bienveillants ou dangereux, comme les figures d’un ancien jeu de cartes, l’auteur les nomme : il y a le géant, l’abbé, le veneur. Les lieux traversés sont nommés avec le même laconisme : le marais, la ville….

    Le vieux se fait éducateur :

     

    « Il lui dit qu’ils possédaient le ciel et il lui dit qu’ils possédaient la forêt et il lui dit qu’ils possédaient les poissons dedans la rivière et aussi les animaux de la forêt. Il lui dit qu’ils possédaient les plantes et il lui redit qu’ils possédaient le ciel et aussi les oiseaux dedans le ciel »

     

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    « De grands et nobles animaux enfantés par la nuit des forêts et le vieux lui parla de leur vie de bêtes traquées. Il lui parla de leur vie de proies fugitives et lui parla de leurs moeurs. Il lui parla des rudes combats entre mâles et  lui parla des femelles faonnant dans les chambres de feuillage. »

     

    Il lui nomme le monde, lui montre ses beautés et ses pièges

    « Chaque fois qu’il le pouvait, le vieux enseignait la petite sur les êtres et sur les choses qu’ils rencontraient. Le vieux nommait à la petite toutes les choses qu’elle découvrait et, quand il le connaissait, il lui en décrivait l’usage. »

     

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    Il l’avertie de la folie des hommes lorsqu’ils assistent à un exécution 

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    « le vieux dit à la petite qu’il n’existait pas de mot pour le décrire et il se tut en poursuivant sa marche puis, après un moment encore, le vieux reprit la parole et il dit à la petite fille que, de surcroît, il n’aurait servi à rien de l’inventer. »

     

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    Avec lui elle découvre le monde, sa violence, ses lois, sa beauté.

    Le chemin sera long et semé d’embûches, de belles rencontres, de dangers évités pour atteindre le but du voyage.

     

    Le récit se déploie et l’auteur utilise un mode d’écriture basé sur la répétition, ces répétitions transforment les phrases en litanies, donnent au récit un rythme lent et procure une sensation un peu hypnotique.

    C’est une écriture qui envoûte mais qui aussi se mérite, l’auteur vous fait parcourir des lieux escarpés et sa langue est elle-même une épreuve initiatique.

    Pour le lecteur aussi il s’agit d’apprentissage, les mots du travail, des outils, de la chasse, de la pêches, les mots des joutes et des tournois. Ils sont autant de pièges et de détours qu’il vous faudra passer. 

     

    J’ai noté au fur et à mesure tout un vocabulaire inconnu, inusité, rare, et j’ai béni mon Littré et mon Dictionnaire historique de la langue française. 

                       brousser   cabarer    eubage    

                    cosnil    camail  archiatre  faonner 

                         muid  brassin  abeausir 

                   toue   achevaler  ablais   dosse 

                         ébarouir    adamantin

              

    Pour apprécier ce livre il faut accepter de se laisser surprendre, ensuite on est envoûté et on pénètre dans les terres secrètes de Marc Graciano.

    Ce livre est beaucoup plus qu’une bonne surprise, c’est un récit splendide auquel il faut faire une place dans votre bibliothèque.

     

    Le Livre : Liberté dans la montagne - Marc Graciano - Editions José Corti

     

    L’auteur : C’est le premier roman de Marc Graciano qui est infirmier en psychiatrie et vit près du plateau du retord dont les paysages ont sans doute inspiré plusieurs pages de ce roman

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  • La Maison dans la montagne - Angelina Lanza Damiani

    Souvenirs domestiques

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    Voilà un livre que j’ai trouvé totalement par hasard et qui m’a enchanté.

    Angelina Lanza Damiani est une poétesse qui est née en Sicile en 1879 et qui trouva dans l’écriture son épanouissement face à une vie pleine d’adversité.

    Son époque est celle aussi du roman « Le guépard », celle où les familles siciliennes passaient l’hiver à Palerme et sitôt le printemps venu prenaient le chemin de la montagne pour y trouver de l’air et de la fraîcheur.

     

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    « La Montagne est chaude, bien que midi soit encore loin. A travers le coteau qui devient escarpé, le sentier se déroule sans agrément, tout en escaliers, en montées et en descentes, où le sabot de la mule hésite entre les pierres, puis se raffermit. »

     

    C’est à dos de mulet que l’on atteint « La maison dans la montagne » que l’auteur va nous dessiner à traits vifs, empreints d’une poésie toute virgilienne. 

    En une trentaine de courts chapitres elle nous présente SA maison, celle qui vit naitre et parfois mourir ses enfants. Une maison paisible, un monde simple où les hommes et les femmes qui travaillent sur le domaine sont sous la protection du monastère local.

     

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    « Le sanctuaire est toujours le même ; paisible, austère, serein. Ni la foule, ni la solitude ne lui ont fait perdre de sa beauté »

     

    Avec des mots très simples elle nous livre son amour pour cette terre, pour les forêts, pour les bergers, pour les femmes qui ramassent le lin, pour la vigne et le verger.

     

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    « Il y a encore quelques semaines, dans le vallon du verger, les arbres s’élevaient comme des candélabres à mille flammes vertes dans un petit lac d’azur. Le lin était en fleurs. »

     

    C’est un monde de traditions avec ses joies et ses tragédies, Angelina Lanza Damiani trouve dans cette maison la paix et le recueillement qui lui sont nécessaires, sa foi est vive et infinie. 

    Nous suivons le petit peuple du domaine à travers les travaux des champs, l’écoulement des saisons, les gestes rituels et primitifs et c’est magnifique de simplicité et de poésie.

     

     

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    « Je m’en vais par les allées, le foin au genou, un foin tout fleuri de marguerites jaunes et blanches, d’herbe à chats violette, de myosotis, de véronique, de mille corolles rouges, bleues, blanches, qui me font fête ; de mille plantes d’un vert intense qui retiennent mes pas, comme en un jeu. »

     

    Ce livre est un pur bonheur, malgré mon côté mécréant j’ai aimé cette femme qui dit sa foi simple avec beaucoup de sincérité malgré les vicissitudes, elle voit mourir deux de ses filles de tuberculose sans jamais perdre confiance ! 

    C’est un très beau livre dans tous les sens du terme, la typographie est soignée, les illustrations de Pierre-Yves Gabioud sont très belles et la traduction de Christophe Carraud impeccable.

     

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    Le livre : La maison dans la montagne - Angelina Lanza Damiani - Traduit par Christophe Carraud - Editions de la Revue Conférence

     

     

     

  • La légende des montagnes qui naviguent - Paolo Rumiz

    Quand on est un peu accro à un auteur on saute sur tout ce qui parait, sans se poser trop de questions, par fidélité en somme.
    C'est ce qui m'a fait acheter ce livre et non seulement je n'ai aucun regret mais j'ai des petites étincelles dans les yeux.

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    Attention c'est un livre qui date un peu, enfin tout est relatif, mais quand même, les articles ont été écrit par P Rumiz pour les journaux dans les années 2003 à 2006. Mais qu'importe car ils mettent déjà l'accent sur les changements que connaissent les territoires de montagne, en Italie, en Suisse, en Autriche et en France. Et aujourd'hui les choses n'ont fait qu'empirer.

    Paolo Rumiz a entrepris un voyage de 7000 Km le long des Alpes et des Apennins, son voyage l'emporte du golfe de Kvarner jusqu'au bout de la botte italienne.

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    Golf et îles de Croatie

    Les Alpes pas de problème, je voyais bien les paysages, les lieux, les vallées, les sommets. Par contre les Apennins c'était plus nébuleux pour moi malgré plusieurs séjours en Italie ça ne me parlait pas vraiment.

    Mon regret ? Ne plus avoir sous la main l'équivalent du fabuleux atlas que j'avais enfant, celui du Reader Digest qui à l'époque m'a fait voyager partout, l'Europe était mon terrain de jeux et j'ai passé bien des heures penchée sur les doubles pages à la taille démesurée ( il faut dire que j'étais petite et gringalette ) je me suis vengée sur ma tablette.

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    Vous êtes prêt pour le voyage ?

    Un mot d'abord des moyens de circulation, à pied évidement, en vélo, et plus insolite en Topolino de 1954  « Sur le marché, c'est celle qui se rapproche le plus de la mule. » dit Paolo Rumiz 

    Tout commence dans les Alpes en Slovénie, surprenant voyage dans un pays qui n'attire pas l'attention et que les pages de Rumiz m'ont donné envie de découvrir même si le penchant des slovènes va plus vers les ours que vers les étrangers. 

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    On navigue, car c'est bien de navigation qu'il s'agit, entre le pays des loups, des ours et du miel, le Tessin italien, les sommets avec Walter Bonatti un guide idéal dans les Alpes ou Mario Rigoni Stern qui devait disparaitre peu après.

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    Walter Bonatti 

    Ce début de voyage m'a enchanté et a ravivé des journées en montagne, des cueillettes de fleurs, des photos de sommets, des vallées presque inconnues, des glaciers et de somptueux coups de soleil.
    Une belle randonnée dans les Alpes que j'ai parcouru au fil des années et le récit de Rumiz a réveillé bien des souvenirs pour moi.

    On croise des musiciens, des experts, des gardiens d'auberges de montagne, il est à Chamonix juste avant que ne soit décidé la réouverture aux poids lourds après la catastrophe du tunnel du Mont Blanc, entrainant la catastrophe écologique qui sévit aujourd'hui si vous avez écouté les dernières constations sanitaires sur la vallée de l'Arve.

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    Il évoque la catastrophe du Vajont en 1963 qui tua 2000 personnes et anéantit une partie de la Vénétie.
    Ces Alpes où la neige est de plus en plus rare, où les stations plongent dans un marasme économique et écologique.

    On croise Õtzi l'homme des glaciers découvert par Helmut Simon, avec autour de cette découverte un peu de ce qu'à connu chez nous la Grotte Chauvet et les enjeux médiatiques qui s'y rattachent.

     

     

    Les Apennins c'est différent, je ne me sentais pas en pays connu. Ces montagnes nécessitent la lenteur, la recherche d'une certaine harmonie. Les lieux ont été parfois saccagés, parfois épargnés, les témoignages sont là pour appuyer les propos. 
    Et puis les Apennins vivent encore dans l'ombre d'Hannibal.

    Traverser ces montagnes « sans croiser un gendarme ou une autoroute » cela tient d'une gageure. On peut lire les marques sur le paysage de la désertification, du manque d'eau, l'installation de la « grande peur climatique »

    Paolo Rumiz déniche une Topolino, datant de 1954. Un véhicule pour se faire instantanément des amis. La sienne prend l'eau, a des ratés mais avance vaille que vaille.

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    On s'enfonce dans « un labyrinthe aussi fascinant qu’infini » qui va des côtes ligures jusqu'au bout du bout de la Calabre.

    On navigue dans des villages déserts, uniquement habité de vieillards et de leurs auxiliaires de vie, Paolo Rumiz rivalise d'anecdotes pour faire oublier la tristesse des lieux.

    Vous pensez que cela va vous plomber le moral ? Et bien pas du tout, l'humour de l'auteur est là, et puis il y a ces personnages hors du temps qui enchantent le récit.
    Certains noms de lieu ne parlent pas à nos oreilles françaises et la magie d'internet est là pour combler le vide

     

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    « Vous verrez des merveilles. Des fleuves de lumière, des villages abandonnés, des maquis impénétrables, des cascades.»

    Un journal de voyage plein de surprises, sans GPS mais avec carte. Des sites hors des itinéraires touristiques, où la cuisine est savoureuse et les villages dépeuplés.

    Un livre par un écrivain de la lenteur, pour les fous de voyage, de montagne, de protection des territoires, d'écologie. 

    Pour clore ce billet je laisse la parole à Paolo Rumiz

    « Parti pour m'échapper du monde, j'ai fini, au contraire, par en trouver un autre : à ma grande surprise, mon voyage s'est transformé en révélation d'un univers vivant et secret. Je l'ai décrit avec rage et émerveillement. Émerveillé par la beauté fabuleuse du paysage humain et naturel, mis en rage par le pouvoir qui n'en tient aucun compte. »

     

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    Le Livre : La légende des montagnes qui naviguent - Paolo Rumiz - Traduit par Béatrice Vierne  - Editions Arthaud

     

     

  • La Grande peur dans la montagne - C-F Ramuz

    Quand la montagne se fait danger

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    Le Valais Suisse

     

    Ramuz était en bonne place dans mes intentions de lecture aussi quand Christian a fait un billet sur un des ses livres j’ai dressé l’oreille, ou l’oeil si vous préférez, et je me suis laissée tentée par la version numérique d’un de ces romans.

     

    A quoi comparer La grande peur dans la montagne ? dans un style d’écriture totalement différent je rapprocherai ce roman de Collines de Giono mais aussi du Vampire de Ropraz de Chessex 

    Terreur, bluff, manipulation, méchanceté, haine et superstition…..voici les thèmes de ce roman. 

     

    Tout là haut dans le Valais Suisse un alpage porte malheur, tout le monde le sait dans la commune de Sasseneire, tout le monde en est certain au point de laisser perdre cette bonne herbe qui enrichirait facilement le village et nourrirait ses troupeaux. 

    La malédiction date de 20 ans et ils sont nombreux à en avoir été témoins.

    Maurice Prâlong, Président du Conseil général, finit par emporter la décision de remonter sur l’alpage maudit. Les arguments financiers ont eu raison de la peur.  

     

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                                            les personnages

     

    Pas facile de trouver des volontaires pour passer les 3 mois d’été, bon gré malgré on finit par constituer un groupe d’hommes.

    Il y a là Pierre Crittin lamodiateur et son neveu, Ernest dit le boûbe le simplet du village, Romain le jeunot et Barthélémy qui se prémunit du mal avec un talisman, Joseph qui veut pouvoir marier sa promise et voit là l’occasion de se faire un petit pécule. Enfin il y a Clou, le mauvais, le tordu, le fourbe prêt à pactiser avec le diable.

     


    La Grande Peur dans la Montagne par AVWorld

     

    L’alpage est magnifique « On a trouvé que le pâturage avait une riche apparence » gage de profits. Mais rien de plus contagieux que la peur, un rien peut la réveiller : le bruit d’une sonnaille, un nuage à la forme bizarre, l’eau qui devient sournoise, un vent agaçant « une couleur méchante »

    Des tensions naissent, tout le monde observe le ciel, les pâturages, les bêtes. Un soir Barthélémy raconte ce qui s’est passé autrefois, chacun écoute et gamberge. 

     

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                                               ©Enzo Photographie

     

    Et le malheur se produit, les vaches sont victimes d’une fièvre mystérieuse,  personne ne sait plus réfléchir, le moindre signe est interprété, les hommes se méfient les uns des autres, des objets disparaissent, c’est le règne de la peur, de l’irrationnel.

    L’alerte est donnée au village mais les hommes sont condamnés à rester sur l’alpage jusqu’à la fin de l’épidémie pendant que le village sombre un peu dans le chaos quand la fatalité s’en mêle.

     

    Vous conviendrez que la trame de ce roman est mince et pourtant par la grâce d’une écriture très personnelle et savoureuse, par un art consommé pour créer une atmosphère inquiétante, par une habile manipulation du lecteur, on se laisse prendre à ce récit. 

    Rien de folklorique dans ce roman, la Suisse de Ramuz pourrait être ailleurs tant les sentiments et les émotions sont de tous les pays.

    Je vous invite à venir faire un tour sur ce pâturage maudit.

     

    Le site de la fondation Ramuz

     

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                                                                              version numérique

      

    Le livre : La grande peur dans la montagne - Charles-Ferdinand Ramuz - Editions Grasset numérique        

               

  • Le Garçon sauvage carnet de montagne - Paolo Cognetti

    Retour à la montagne

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    C’est un jeune homme, la trentaine tout juste, il quitte la villela douleur accompagne cette évasion.
    « J’avais trente ans et je me sentais à bout de forces, désemparé et abattu, comme quand une entreprise en laquelle tu as cru, échoue misérablement. »

    Il va passer du temps dans une solitude quasi totale pratiquant ainsi une rupture radicale avec sa vie d’avant, plusieurs semaines sans voir âme qui vive, il va ainsi tenter de reprendre pieds dans la vie.

    Il nous invite sur les pentes de sa montagne
    « les pâturages étaient encore en sommeil, teintés des couleurs brunes et ocres du dégel; les montagnes et les vallons ombragés encore recouvert de neige. » pas très loin du Grand Paradis.

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    Paolo Cognetti est un admirateur de Thoreau mais pour autant il ne construit pas sa cabane, non il a pour s’enfouir loin du monde

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    «  une baita en bois et en pierre à deux mille mètres d’altitude, là où les dernières forêts de conifères cèdent la place aux hauts pâturages. »

    Il emporte de quoi lire et écrire, Thoreau bien sûr, Elisée Reclus le géographe  et puis il a en tête des auteurs choisis : Mario Rigoni Stern, Erri de Luca, Charles-Ferdinand Ramuz ...

    Il trace la carte du pays, il a envie comme Reclus de cataloguer la faune et la flore  « une tentative de lire les histoires que le terrain avait à raconter. »

    Il parcourt les pentes, contemple « les nuages gonflés d’eau » et prend avec les aigles « une leçon de voltige » ou entendre le bruit d’éclatement du mélèze frappé par la foudre. A sa suite on surprend le renard dans sa clairière et on l’entend imiter le sifflet des marmottes.

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    Photo © Daniel Nagi

    Après quelques semaines l’envie d’échanger à nouveau avec les hommes revient et lorsque quelqu’un toque à la porte il pleinement heureux, il va faire une rencontre prémices d’une belle amitié.

    Dans sa baita il découvre un livre de poésie et c’est une vraie chance pour nous lecteur que de lire pour la première fois un poème d’Antonia Pozzi, poétesse qui se donna la mort à 26 ans lors de la montée du fascisme en Italie.

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    Dire que j’ai aimé ce livre est peu dire. Ce petit livre se classe dans la catégorie des livres d’ermitages, à côté de Thoreau bien sûr mais il a aussi une parenté très forte avec Mario Rigoni Stern que Cognetti cite souvent et qu’il admire manifestement. 

    C’est un recours aux montagnes comme Thoreau proposait un recours aux forêts, un voyage vers soi-même. Paolo Cognetti met dans cette introspection beaucoup de pudeur et de poésie.

    Et pour vous donner envie de découvrir Antonia Pozzi

    J'ai écumé les monts
    hérissée comme une fleur —
    regardant les rochers,
    les hautes parois
    dans les mers du vent —
    et, chantant à mi-voix, je me souvenais
    d'un ancien été
    où les rhododendrons amers
    prenaient feu dans mon sang.

                              Antonia Pozzi - Névés - La route du mourir

     

    L'avis positif aussi d'Hélène

     

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    Le livre : Le garçon sauvage Carnets de montagne - Paolo Cognetti - Traduit par Anita Rochedy - Editions ZOE