Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : philippe Berthier

  • Le Désert et la Grâce - Claude Pujade-Renaud

    9782742769032FS.gifLe Désert et la Grâce - Claude Pujade-Renaud - Editions Actes Sud
    Port Royal, Pascal, la Querelle janséniste - je suis certaine que tous ces noms évoquent quelque chose pour vous, peut-être des souvenirs plus ou moins ennuyeux (tout dépend de votre prof de français de l’époque !!)
    Si vos souvenirs sont très diffus je vous propose d’y revenir par un livre qui n’est ni un cours d’histoire - bien que le roman soit très fidèle à la vérité historique - ni un cours sur les tragédies de Racine bien que celui-ci soit au cœur du récit.
    Le roman embrasse un siècle entier, celui pendant lequel Richelieu, puis Louis XIV et les jésuites, vont lutter contre l’influence de ces hommes et femmes qui choisissent de vivre hors du siècle.

    Un petit rappel : Pour les jansénistes, Dieu accorde sa grâce par avance, à ceux qui la mérite par pure miséricorde. La liberté de l'homme existe encore, mais est très limitée. Ainsi, celui qui est prédestiné au mal, ne peut en aucun cas se retourner vers le bien.
    Le Jansénisme fut diffusé en France par Saint Cyran. Le mouvement gagna la famille Arnaud, les religieuses de Port Royal et une partie de la noblesse.

     

    General-View-of-the-Abbey-from--l-Abbaye-de-Port-Royal--c-1710-Louise-Madelaine-Cochin-303016.jpg

    C’est un spectacle macabre qui ouvre le roman : l’Abbaye n’existe plus mais le cimetière est toujours là ; les corps et ossements des hommes et femmes inhumés ici sont jetés à la fosse commune sur ordre du Roi. La volonté du pouvoir est d’effacer toutes traces du Jansénisme et des hommes et femmes qui y adhéraient.
    Le couvent a été rasé, les religieuses dispersées et contraintes d’abjurer leur foi sous peine d’être privées de sacrements et de sépultures chrétiennes.

    racine.jpgPascal, Racine, Messieurs les Solitaires, les religieuses « les Arnauld, les Le Maistre, laïcs ou religieux » sont les grandes figures qui traversent le roman.
    En but aux persécutions certains sont emprisonnés, d’autres sont partis en  exil,
    ils peuplent ce roman de leur ombre.

    Mais les  personnages centraux sont deux femme, deux personnages magnifiques de foi, d'orgueil et de dévouement.
    Françoise de Joncoux  dite «  l’invisible » qui porte secours, soigne, assiste et «  consacrait une partie de ses nuits à ce labeur : multiplier les copies afin d’éviter tout risque de perte, en répartir chez des connaissances sûres pour parer à l’éventualité d’une perquisition et d’une saisie, les expédier aux Pays-bas où ils seraient relus, préparés, annotés par les jansénistes exilés puis, une fois imprimés, seraient clandestinement diffusés en France. »

    Marie-Catherine Racine, fille de Jean, elle aurait voulu prendre le voile mais son père la força à quitter Port-Royal parce qu’il « défendait sa liberté d’écrire, sa carrière tout juste montante d’auteur de théâtre »
    Elle essaie de comprendre pourquoi son père après avoir été élevé par les Solitaires, a renié ses amis mais a choisi de se faire inhumer Port-Royal.

    Leurs amis : Claude Dodart médecin bien en cour et dont le père fut médecin de l'abbaye, Charlotte de Roannez, Jacqueline Pascal la soeur du philosophe, Angélique Arnaud enfin figure tutélaire de l'Abbaye

     

    429px-Angélique_Arnauld.jpg

    Angélique Arnauld peinte par Philippe de Champaigne

    Leur ennemie : Madame de Maintenon qui les poursuit de sa hargne « Il fallait absolument anéantir ce monastère et ce parti. Reste à les extirper des mémoires »

    Claude Pujade-Renaud ressuscite pour nous Port-Royal des Champs, haut lieu de résistance au pouvoir royal, elle restitue magistralement ces personnages qui vivent dans une atmosphère de secret, de crainte et de solitude.
    Elle sait faire d’un sujet austère une magnifique fresque tout en finesse et dans une langue qui se veut fidèle à l’esprit du temps.

    Faites une place à ce livre dans votre bibliothèque

    abbaye-port-royal-des-champs-1.jpg

    Le site de Port-Royal

     

    Pour en savoir plus

     

    L’excellent biographie d’Anne Delbée : Racine roman

    Lettres Provinciales de Blaise Pascal

     

  • Journal 1973-1982 - Joyce Carol Oates

    Journal  1973 - 1982 - Joyce Carol Oates - Traduit par Claude Seban - Editions Philippe Rey
    journal oates.gifTrès attirée par les journaux et correspondances j’ai eu très envie de lire celui-ci alors que je ne goûte que très peu les romans de Joyce Carol Oates, le billet très admiratif de Frédéric Ferney a fini de me convaincre.
    A l’origine un journal de 4000 pages, l’éditeur a fait une sélection et chaque année est introduite par un résumé des événements marquant pour JC Oates : changement d’université, changement d’éditeur, succès littéraires.
    Toutes les pages sont centrées sur l’écriture, son travail d’enseignante, les relations amicales et la vie quotidienne.
    On y voit une femme écrivain au travail, le plus souvent totalement absorbée par l’avancée de ses romans.
    Ecrivain prolifique, les romans s’enchaînent de façon vertigineuse et il est parfois question d’un « embouteillage de manuscrits »
    Elle a une capacité de travail énorme car entre les romans ou en même temps qu’elle y travaille, elle ajoute des nouvelles, des essais littéraires  : Dostoievski, Kafka. Elle dit d’elle même « Je me sens assiéger par les mots »
    On découvre dans le journal un écrivain assez insensible aux critiques bonnes ou mauvaises mais lorsque les critiques deviennent très bonnes pour Bellefleur elle avoue «  Une critique positive dans le Times est analogue à ...quoi ? Se voir annoncer qu’on n’a pas le cancer. »

    Eux.gifDe nombreuses pages sont consacrées à ses lectures qui sont très éclectiques et dont elle parle sans langue de bois «  Je soupçonne Rilke d’être largement surestimé » et sait défendre ce qu’elle aime « on perd fort peu de chose en ne lisant pas une critique de Whitman..on perd la moitié de la terre en ne lisant pas Whitman »
    Ses lectures sont souvent dictées par son travail d’enseignante qui lui donne l’occasion de relire avec plaisir « lisons nous jamais deux fois le même livre ? lisons nous le même livre que celui que lisent les autres ? »
    Au gré des pages on rencontre Virginia Woolf dont elle se sent proche, James, Joyce, Wilde, les soeurs Brontë. Elle parvient encore à assister à des soirées consacrées à écouter ou à lire de la poésie en public.
    C’est un bain littéraire permanent ! Tous les gestes de la vie quotidienne sont l’occasion de méditer sur une nouvelle, sur un roman ou sur une lecture. Boulimique ? sans doute et cette boulimie fait pendant à son anorexie « une forme maîtrisée et prolongée du suicide » dont elle parle avec une grande pudeur.

    J’ai été passionnée par les pages qu’elle consacre à sa vie d’enseignante. Son intérêt, je dirais son amour des étudiants transparaît, elle aime enseigner et préparer ses cours, corriger les travaux de ses étudiants Une grande partie de mon inspiration me vient quand j’enseigne. J’aime l’interaction entre l’esprit des étudiants et le mien ».
    La vie sociale prend une grande place et le journal est traversé par quelques unes des plus grandes figures de la vie littéraire américaine, il n’y a jamais une once de méchanceté dans ses écrits, même pour les auteurs qu’elle apprécie peu. Au gré des pages on rencontre Bernard Malamud « un homme complexe, intelligent qui parle avec douceur et bien » John Updike, Philip Roth « Séduisant, drôle, chaleureux, courtois : quelqu’un de parfaitement aimable » ou Susan Sontag.

    mulvaney.gifLa musique occupe une grande place dans la vie de Joyce Carol Oates, elle passe des heures (où prend-elle se temps ?) à apprendre les sonates et préludes de Chopin, elle met la même énergie au piano que sur sa machine à écrire. Elle est excessive en tout, en musique comme dans l’écriture. « J’écoute les Préludes presque tous les jours depuis un bon moment, et je me verrais bien consacrer les vingt prochaines années à ces vingt quatre oeuvres »
    Elle garde beaucoup de discrétion sur sa vie de couple et est horrifiée par le dévoilement de la vie intime d’un écrivain, à propos d’Emily Dickinson et de ses lettres elle dit « l’exhumation systématique, impitoyable, de tous les secrets par les universitaires, les critiques et les voyeurs est épouvantable »
    Aucunes confidences intimes mais quelques jolies pages sur son amour indéfectible pour son mari «Intelligence. Bonté. Patience. » son admiration pour lui et son travail. Ses amis importent beaucoup et des pages émouvantes sont consacrés à certains d’entre eux,

    oates.jpgJ’ai été touchée par la simplicité et la sincérité de ce journal, j'ai lu ces pages avec un grand intérêt mais  surprise de l’absence totale de pages sur le monde et les événements politiques ou sociaux durant ces années.
    Cette absence  accentue l’impression d’immersion totale dans la littérature et l’écriture. 
    C’est l’autoportrait vivant et attachant d’un écrivain nobélisable.

  • La Grandeur Saint-Simon - Jean-Michel Delacomptée

    L'un et l'autre 

     

    9782070129812FS.gif

    En Pléiade c’est 8 ou 9 volumes, pas certaine que vous êtes prêts à vous embarquer dans une aventure aussi longue, aussi je vous propose une version raccourcie, très très raccourcie.

    Jean Michel Delacomptée est le spécialiste chez Gallimard des microbiographies, j’ai lu avec grand intérêt son livre sur Ambroise Paré et j’ai dans ma bibliothèque plusieurs essais de lui. 

    C’est une vraie gageure de parler de Saint Simon de façon aussi simple et percutante et en un nombre de pages très réduit. C’est un art et l’auteur y excelle.

    Comment s’y prend t-il pour nous faire entrer dans le coeur de l’oeuvre ? 

    Il nous le situe dans son siècle, sa vie même et il s’interroge sur le projet que Saint Simon mêne à bien à un âge déjà avancé, il nous dit « A partir de quel moment un écrivain, chargé d'un projet longuement fermenté mais qui lui résiste, finit par se lancer et, d'une traite, le réalise ? »

     

    Songez que Saint-Simon commence à écrire vraiment alors qu’ il a plus de soixante ans  « A soixante quatre ans (...) Louis de Saint-Simon rompant les amarres, s'élança dans l'océan »

    Son oeuvre s’achèvera pratiquement avec sa vie.

     

    Chateau_de_Versailles_1668_Pierre_Patel.jpg

                           Le château en 1668 Pierre Patel

     

    Il nous présente des Mémoires de Saint-Simon les portraits les plus incisifs, ces portraits tantôt méchants, tantôt méprisants de la cour et des courtisans avec lesquels il partageait le vivre et le couvert. Si vous avez vu le film tiré du roman de Chantal Thomas, Les adieux à la Reine, vous avez eu une idée de ce qu’était la vie quotidienne à Versailles. 

    Saint-Simon  a l’oeil qui traîne partout et la dent dure, la santé à l’époque était précaire mais il a pour le moins conservé une bonne mâchoire, ses coups de dents sont saignants. Son mariage lui permet de résider au château de Versailles, d’être un courtisan, de ceux qui peuvent approcher le Soleil.

     

    Le tout est mis en mots avec une langue extraordinaire « Une langue écrite par le vieil homme, mais qui était si neuve, si vibrante de passion, si chargée de la grandeur même du règne dont il blâmait les tares. »

    les courtisans.jpg

    Les courtisans 

     Cet homme d’une fidélité exemplaire, il admire Louis XIII qui pour lui fut « chaste, désintéressé, modeste, sobre, charitable »  Il est aussi capable d’inimitiés terribles et de rancunes tenaces et il dit de Louis XIV que c'était un roi à l'esprit  « au dessous du médiocre »

    A la mort du Grand Dauphin il sait que la place sera libre pour Philippe d’Orléans qui est son ami et il le dit « Il me semblait, avec une évidence encore plus parfaite que la vérité, que l'État gagnait tout en une telle perte. Parmi ces pensées, je sentais malgré moi un reste de crainte que le malade en réchappât, et j'en avais une extrême honte. »

    Louis_de_Rouvroy_duc_de_Saint-Simon.jpg

                              Louis de Rouvroy Duc de Saint-Simon

     

    Jean-Michel Delacomptée avec un titre parfaitement choisi, nous dresse un portrait tout en nuances « Grandeur modeste par son altruisme, ambitieuse par son objectif, audacieuse par l'exposition de soi , avec pour clé de voûte la franchise, la véracité des faits rapportés et l'honnêté morale » 

    Son portrait m’a rappelé celui de La Fontaine par Marc Fumaroli, une même célébration de la langue, une même admiration de l’homme, une même nostalgie d’un passé révolu et magnifiquement ressuscité.

     

    Le livre : La Grandeur Saint-Simon - Jean-Michel Delacomptée - Editions Gallimard collection l’un et l’autre 

  • Le Moulin sur la Floss - George Eliot

    Lorsqu’un auteur me plait je vais souvent au bout de ma lecture, parfois il me faut beaucoup de temps mais cahin-caha j’avance.

    Mon auteure actuelle est George Eliot, après l’essai de Mona Ozouf il est temps de revenir aux romans. 

    Impossible de commencer cette chronique sans répéter les mots de Proust
    « deux pages du « Moulin sur la Floss » me font pleurer. » 

    moulin de Parham John Constable.jpg

    Moulin de Parham - John Constable

    Faisons connaissance avec Maggie et Tom Tulliver, elle est vive, intrépide, enthousiaste, curieuse de tout, rêveuse et vite enfiévrée par les livres, Maggie voudrait tant étudier. Mais elle souffre d’un handicap certain : c’est une fille.

    Tom lui est le point de mire de la famille, il porte l’ambition du père, s’élever dans la société et pour cela faire des études ce qui exige des sacrifices et l’endettement pour M Tulliver propriétaire d’un moulin. 

    Tom aime beaucoup sa soeur mais ne peut pas s’empêcher de lui adresser piques et rebuffades, de l’humilier et de faire preuve de pas mal de mesquinerie, trouve normal de recevoir un souverain lorsque Maggie doit se contenter de shillings, en cela il ne fait que suivre l’avis d’une société qui maintien la femme en état de dépendance et de soumission.

    le moulin.png

    Lorsqu’après des déboires, dus à l’ entêtement du père, la famille  se retrouve démunie, ruinée, Tous les espoirs reposent sur Tom qui doit permettre aux Tulliver de retrouver leur place dans la société et ainsi venger l’honneur de son père. 

    Pour parvenir à ce résultat la famille va devoir consentir des sacrifices. Sacrifier son bien être et se séparer de ses possessions, je vous recommande une scène autour d’un problème de théière qui est un morceau d’anthologie, le tempérament sarcastique de George Eliot éclate dans ce genre de scène.

    théière.jpg

    Mais le sacrifice va aller bien au-delà pour Maggie. Elle a un tempérament ardent Elle va devoir sacrifier beaucoup, une amitié amoureuse avec Philipp Wakem le fils de l’ennemi juré des Tulliver, puis un amour éclos bien malgré elle pour Stephen le fiancé de sa cousine.

    The-Mill-on-the-Floss-BBC.jpg

    Je sais qu’il est habituel de parler de ce roman comme celui de l’amour entre un frère et une soeur  mais pour moi indéniablement c’est le roman de Maggie, c’est elle le centre du récit.

    Elle est une héroïne superbe, en soeur aimante alors que son frère est très souvent dur et injuste avec elle « Tu as toujours pris plaisir à me punir... tu as toujours été dur et cruel avec moi. » crie-t-elle dans un moment de révolte. 

    Jeune fille vite enflammée elle  a au fond d’elle la volonté farouche de ne nuire à personne et accepte pour cela de sacrifier ses propres désirs, ses propres passions. 

    paddington-mill-pond-abinger-hi_orig.jpg

    J’ai aimé les scènes bucoliques autour du moulin, la peinture très poétique d’une vie naturelle et simple. 
    La rivière est centrale dans le roman, voici ce que dit Mona Ozouf dans son essai sur George Eliot 
    « La Floss cependant est bien la personne centrale du récit. Séduisante, incertaine, ombrageuse, un brin sorcière, elle est la maîtresse du moulin qu’elle cerne, fait vivre menace »

    Si je n’ai pas comme Proust, pleuré à la lecture du Moulin sur la Floss, j’ai cependant été touchée par Maggie qui va rester pour moi, un de ces beaux personnages à l’égal de Jane Eyre, de Dorothea de Middlemarch ou d’Elizabeth Benett.

     

    9782070426270-475x500-1.jpg

    Le livre : Le Moulin sur la Floss - George Eliot - Gallimard Folio

     

  • Arpenter le paysage - Martin de la Soudière

    Je voudrais que vous fassiez connaissance avec Martin de la Soudière, j’avais déjà croisé l’auteur grâce à un livre sur les saisons et celui qu’il vient de publier m’a aussitôt attiré. 

    Arpenteur-ancien.png

    Arpenter le paysage nous propose-t-il, j’aime la marche ou plutôt je l'ai aimé, la nature, la poésie des lieux, la peinture de paysages, les descriptions magnifiques de certains auteurs donc je me suis embarquée.

    La première partie du livre est faite des souvenirs d’enfance de l’auteur, on entre ainsi en paysage avec lui à travers ses souvenirs de vacances dans les Pyrénées, randonnées, promenades, balades en vélo, en famille. 

    vicdessos.jpg

    La vallée de Vicdessos

    On ne s’ennuie pas un instant, il faut dire que parfois le récit tient un peu des Pieds Nickelés.
    On égrène avec lui les observations faites au fil du temps, les grands bonheurs lors de l’arrivée au sommet, et aussi les petits malheurs lorsque rien ne se déroule comme prévu. C'est un vrai apprentissage initiatique.

    Le récit est fait de mille anecdotes familiales ponctuées de citations, de fragments de poésie, de noms d’auteurs pas toujours des plus connus. L’auteur a déclenché mes souvenirs  de randonnées pyrénéennes dans les gorges de la Carança, un lieu qui me fascinait enfant.

    carança.jpg

    Les gorges de la Carança

    Ensuite Martin de la Soudière élargit son propos. Il nous propose de suivre des arpenteurs, des flâneurs, des promeneurs. Moi quand on m'invite chez les écrivains du voyage je ne peux pas résister.

    Jean Loup Trassard en Mayenne, Julien Gracq en bord de Loire, Fernando Pessoa, André Dhôtel dans ses Ardennes ou Philippe Jaccottet dans sa garrigue drômoise.

    Julien Gracq en bord de Loire

    L’universitaire bien sûr glisse quelques remarques sérieuses ici ou là, j’ai retrouvé avec plaisir Elisée Reclus par exemple, mais il laisse place bien vite à l’amoureux des paysages, au passionné de littérature.  

    Avec lui on se fait botaniste, géologue, on avance au rythme lent des arpenteurs, on apprend avec le géographe, on crapahute avec le montagnard, on rêve avec le poète.

    dhotel.jpg

    Le pays où l'on n'arrive jamais

    Vous êtes en bonne compagnie : bergers, taupiers, militaires, cartographes  ou ethnologues. 
    C’est passionnant et cela éveille de nombreux souvenirs, les livres de Marie Hélène Laffon, les écrits de Giono, les films de Raymond Depardon. 

    Le livre a déclenché chez moi tout une série d’images et de lieux oubliés parfois, de sensations et d’émotions. 
    Un château médiéval en ruine dans un coin de Vaucluse, le parfum d’une forêt de pins, le froid glacial d’un ruisseau pyrénéen, la sauvagerie des Causses.

    chateau de boulbon.jpg

    Le château de Boulbon dans le Vaucluse

    souvenirs de lectures d'enfant dans l'odeur des pins

    Vous avez envie de vous plonger dans les auteurs cités, d’en découvrir d’autres, de mêler avec bonheur le savoir et l’imagination. 

    La plume est belle, sérieuse et légère à la fois, elle éclaire petit à petit la notion de paysages. Le genre de livre que vous fermez en vous sentant un brin plus intelligent, plus sensible à ce qui vous environne. Il vous rend le paysage intime. 

    Un beau livre dont la couverture est munie d’un large rabat qui sert de marque-pages

    DSC_0006.JPG

    Le livre : Arpenter le paysage - Martin de la Soudière - Editions Anamosa

  • Le Beau mystère - Louise Penny

    Je broie du noir : enfin façon de parler.
    Je n'avais plus lu de polars depuis un bon moment et j'ai replongé dans un petit polar bien sympathique
    Pas un chef-d'oeuvre, non un bon petit polar simple, facile à lire, bien ficelé que j'ai lu pffttt d'une traite.

    Direction le Québec au fond de nulle part, dans un monastère ignoré de tous, auprès d'un ordre monastique sensé avoir totalement disparu depuis des siècles. 
    Exceptionnellement vous êtes autorisés à entrer dans le saint des saints.

    Saint-Gilbert-entre-les loups, le monastère dont

    « Vingt-quatre hommes avaient franchi la porte, qui s’était refermée derrière eux. Et aucun autre être vivant n’avait été admis à l’intérieur.»  

    Ils entretiennent verger et potager, vendent de succulents Bleuets enrobés de chocolat pour subvenir aux besoins de la communauté. 

    Les moines ont fait voeu de silence sauf au moment des offices, là alors s'élèvent les plus beaux chants grégoriens qui soient, ceux que l'église nomme le Beau mystère tellement leur effet et leur puissance sont extraordinaire.  

    chants.jpg

    Un lieu de paix et de silence sauf que ….les moines ont enregistré un CD de chants qui a eu un succès inespéré, apportant une manne inattendue permettant des travaux dans l'abbaye mais apportant aussi touristes et journalistes. 

    Lorsque le chef de choeur est retrouvé le crâne fracassé dans un jardin privé et quasi secret, il importe de sauvegarder la tranquillité de la communauté et l'inspecteur Gamache est envoyé là pour enquêter en toute discrétion et Dom Philippe le père supérieur est bien obligé de tolérer l'intrusion.

    La victime tient entre ses doigts un morceau de papier sur lequel apparaissent des signes mystérieux qui s'avèrent être des neumes 

    neumes.gif

    « une forme de notation musicale utilisée mille ans auparavant. Avant qu’existent les notes, les portées, les clés de fa et de sol, les octaves, il y avait eu des neumes. »

    L'enquête sera longue, seule solution rester au monastère, Gamache est ravi, pour son adjoint Jean-Guy Beauvoir c'est plus compliqué 

    « Du chant grégorien ? Vous voulez rire ? Qui n’aimerait pas un groupe d’hommes qui chantent sans instruments, sur un ton presque monocorde, en latin ? »

    Il faut payer de sa personne et les deux inspecteurs vont assister aux offices, et il y en a des offices … matines, laudes, vêpres, complies.
    Gamache est sous le charme de ces chants portant à la contemplation, des chants qui disent la gloire de Dieu 

    laudes.jpg

    « Le soleil commençait à se lever et, tandis que continuaient les laudes, de plus en plus de lumière pénétra dans la chapelle par les fenêtres dans le haut de la tour centrale. Les rayons frappaient le vieux verre imparfait et se réfractaient, se divisaient, en toutes les couleurs jamais créées. Et celles-ci se répandaient dans le chœur et illuminaient les moines et leur musique, donnant l’impression que les notes et la lumière joyeuse se mêlaient et s’unissaient, jouaient ensemble »

    Pourtant parmi les moines il y a un meurtrier.

    J'ai pris un vrai plaisir à ce huis clos car le sujet de fond est la musique, le plain chant et les chants grégoriens. 

     

    Louise Penny a construit une intrigue classique mais toutes les évocations de la musique, le choeur des moines, l'extase qui les transportent, tout est réussi et d'un ton juste (c'était le moins vous me direz dans un polar musical ) 

    En arrière fond il y a les relations entre Gamache et Beauvoir et leur hiérarchie et certains détails peuvent paraitre bizarres si l'on n'a pas lu les romans précédents, pour autant ce n'est pas une vraie gêne.

     

    CVT_Le-beau-mystere_1976.jpg

    Le Livre

    Le Beau mystère - Louise Penny - Traduit par Claire et Louise Chabalier - Editions Actes Sud