Je suis lectrice d’Erri De Luca mais pas fan véritable, jusqu’ici le livre qui m’a plu totalement c’est Un nuage comme tapis, livre consacré à la lecture de la Bible par l’auteur.
Mais aujourd’hui j’ai eu un véritable coup de coeur pour son dernier roman.
Le héros du livre, dont vous ne saurez jamais le nom, est ce que l’on appelle un passeur. Il convoie des hommes et des femmes par les sentiers de montagne pour enjamber la frontière, des voyageurs pour qui
« Une adresse en poche leur sert de boussole. Pour nous qui n’avons pas voyagé, ils sont le monde venu nous rendre visite. Ils parlent des langues qui font le bruit d’un fleuve lointain. »
les Passeurs
Mais ce n’est pas un passeur comme les autres car
« je fonctionne différemment. Je me fais payer comme les autres et, une fois que je les ai conduits de l’autre côté, je rends l’argent. »
oui mais la médiatisation le rattrape
« Un de ceux que j’avais accompagnés un an plus tôt est écrivain, il a publié un livre sur son voyage »
Il est temps de tirer sa révérence et de trouver une activité moins exposée.
Il quitte son village et s’installe au bord de la mer et c’est là qu’il est chargé, car « On fait appel à moi pour de petits travaux de réparation de sculptures » de la restauration d’un Christ en croix, l’oeuvre
« semble parfaite, un bloc d’albâtre sculpté avec une intense précision. Je suis en admiration, je tourne tout autour, elle doit dater de la Renaissance »
mais à l’époque un évêque un peu trop vertueux
« ordonna de recouvrir la nudité par un drapé. Le sculpteur refusa, il fut évincé. Un autre ajouta cet affreux tissu qu’on voit maintenant. »
le respect de la pudeur
Et voilà la tâche de notre sculpteur, aujourd’hui
« l’Église veut récupérer l’original. Il s’agit de retirer le drapé. »
Des rencontres l’y aideront : homme lecteur du Coran, rabbin, une femme des montagnes.
J’arrête là mes révélations, la réflexion que mène Erri De Luca sur l’art, sur le sacré aujourd’hui, sont profondes, riches. Comment se mêlent sacré et profane, comment cohabitent chez un homme la tendresse et l’humilité, la volonté de réussir et le respect de l’oeuvre d’origine.
Le vocabulaire lié au métier, aux gestes, à la pierre, est superbe et m’a fait penser au livre Pietra Viva de Léonor Recondo que j’avais beaucoup aimé.
Un beau moment de littérature et d’humanité
« Là où le dos s’appuie en haut contre la croix on voit une adhérence entre le corps et le bois. À cet endroit, le travail de sculpture a été difficile. Encore plus dans l’étroit passage entre le buste qui se tord en avant et la croix. Il y a de la place pour glisser la main et toucher les vertèbres. Les faisceaux musculaires de chaque côté de la colonne vertébrale sont la marque d’une grande pratique. »
Je sais que Kathel a aimé ce livre comme moi
Le livre : La Nature exposée - Erri De Luca - Traduit par Danièle Valin - Editions Gallimard