Un premier roman de Francesca Melandri m’avait comblé et donc naturellement la parution de celui-ci m’a attiré.
On retrouve le goût de l'auteur pour l'histoire de son pays, mais autant le premier s’enfonçait dans les méandres de l’histoire d’une région, autant celui-ci est concis et court.
Un roman à quatre personnages, Paolo et Luisa, Pierfrancesco et l’île-prison dans laquelle on reconnait Asinara.
« L’île les saisit de plein fouet par son arôme.(...) Elle sentait le sel de mer, le figuier, l’hélichryse. »
Paolo et Luisa rendent visite l’un à son fils, l’autre à son mari, deux détenus dépendant d’un régime spécial de détention.
Ils font ensemble la traversée en ferry. Tout les opposent, elle la paysanne inculte se débattant pour élever seule ses cinq enfants mais presque heureuse d’avoir échappé à un mari violent, lui le professeur de philosophie rongé de remords d’avoir peut être contribué à transformer son fils en terroriste.
On pénètre dans la prison et on y subit nous aussi la bureaucratie carcérale, la fouille corporelle à chaque visite, la rétention des douceurs apportées aux prisonniers.
Les hasards du destin et une belle tempête vont obliger Paolo et Luisa à passer la nuit sur l’île sous la garde de Pierfrancesco le gardien.
Une île où pousse l'immortelle ou hélichryse
Cette île est le symbole des années de plomb en Italie. Francesca Melandri en y situant son roman met en scène le drame collectif qui endeuilla le pays pour longtemps.
Elle parvient d’une façon tout à fait magistrale à donner à la fois la parole aux victimes grâce à une photo que vous n’oublierez pas, aux familles et aux prisonniers.
La rencontre de Paolo et Luisa est un fragment de vie, ils sont otages d’une histoire, d’une violence, d’une douleur qui par bien des côtés ont des allures de drame antique.
L’amour filial est présent tout au long du roman, la rencontre sur l’île est une petite éclaircie hors du temps.
C’est un très beau et fort roman qui parvient, sans excuser personne, à ne rien laisser dans l’ombre, ni les victimes, ni les coupables, et pas plus les prisonniers que les familles.
La sanction est tombée et dans sa dureté elle touche tout le monde.
Une belle façon de nous rappeler cette période de l'histoire.
Le livre : Plus haut que la mer - Francesca Melandri - Traduit par Danièle Vallin - Editions Gallimard 2015