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  • La Colombe poignardée - Pietro Citati

    A la recherche de Proust  Episode 2

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    Vous n’avez jamais lu La Recherche, vous avez été tenté mais ... vous avez commencé et vous êtes enfui à toutes jambes ....Voilà un livre fait pour vous.
    Après le témoignage de Céleste, une analyse subtile qui déclenche l’envie de lire Proust ou apporte un plaisir renouvelé à sa lecture.

    Essai d’un érudit, d’ un esthète, d’un admirateur intransigeant, d’un écrivain d’un rare talent. Je vous assure que je n’exagère pas du tout.

    Le livre se divise en deux temps distincts, les premiers chapitres ont la forme de la biographie, mais une bio sautillante car le respect de la chronologie n’est pas le fort de Pietro Citati.
    Ce qui l’intéresse et qui du coup intéresse son lecteur ce sont les à côtés, les moments clé de la vie de Proust, ceux qui ensuite vont se retrouver dans son oeuvre et servir de trame à la Recherche.
    Pietro Citati nous invite à découvrir un homme pour qui le bonheur est le centre, l’essence même de son écriture.
    Je vous vois tressauter derrière votre écran ! quoi Proust amateur de bonheur ! lui qui dissèque pendant des pages sa quasi agonie lorsque sa mère ne lui donne pas le baiser du soir ?  

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    Oui ce Proust là, dont Pietro Citati nous dit que son envie de bonheur était tellement intense qu’elle en était douloureuse. D’une façon inattendue il rapproche Proust de Tolstoï dans cette course effrénée vers la vie et le bonheur.
    A travers des anecdotes, des épisodes de la vie de Marcel Proust il donne à voir cette réalité. Les relations avec sa mère, qui refusait tout ce que son fils était « l’emphase, l’exagération, la tragédie, le dévoilement de soi » les relations avec les autres qui toutes étaient blessure car « la douleur est l’arme véritable pour pénétrer dans le coeur des autres. »
    On voit Proust au travail, Proust en pleine crise d’asthme, Proust devant les tableaux de Chardin ou de Vermeer, Proust se gorgeant de musique.
    Pietro Citati nous invite dans son intimité avec ses amis, ses amants : Reynaldo Hahn, Antoine Bibesco, Anna de Noailles.

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    La seconde partie  Autour de la recherche  est une analyse de l’oeuvre, une recherche sur la Recherche, en découvrir les mécanismes, en comprendre les rouages. Voir se construire cette cathédrale somptueuse :
    « La Recherche est une oeuvre unique. Si nous lisons Wilhelm Meister, Crime et Châtiments, Anna Karénine, les Démons ou L’homme sans qualités, nous découvrons que l’oeuvre grandit d’abord comme un arbre ou un taillis, sans posséder encore une architecture, ou une théorie sur elle-même. »
    Pour la Recherche il en va autrement « Toute l’énorme masse narrative s’y dissimule, comme un germe qui deviendra arbre, forêt, continent. »

    Proust voulait écrire un roman avec des « essences »  des « gouttes de lumière » et son oeuvre « tente de réunir en elle toutes les traditions la littérature. »
    Effort prodigieux de Marcel Proust car nous dit Pietro Citati
    « Pour écrire un livre aussi démesuré, Proust avait l’impression de devoir se multiplier. Il lui fallait faire appel à tous ses sens : la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût, le toucher »

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    Proust l’écrivain du temps « Nous connaissons tous le temps, tous nous vivons immergés en lui, et nous entendons le lent bruissement qui l’accompagne et nous enveloppe tandis que nous pénétrons en lui »  mais quelle différence avec d’autres écrivains du temps « Stevenson reproduit sa légèreté rapide, Flaubert sa continuité monotone, Hardy sa laborieuse épaisseur, Proust la mélodie des événements. »
    Ce livre est un monument d’admiration pour un auteur, le Proust portraitiste, le Proust maître du dialogue, le Proust ironiste mais aussi le ténébreux et presque frère de Dostoïevski.
    Je vous laisse en compagnie de Citati qui je l’espère finira de vous convaincre de glisser ce livre dans votre bibliothèque.

    « Nous sommes parvenus ici, vers la fin du temps retrouvé; nous avons lu des milliers de pages, sans comprendre les signes, les indices, les avertissements, les révélations inachevées, les clartés dans l’ombre; des épisodes entiers reçoivent maintenant leur signification : nous n’avions même pas compris les premières pages ; il nous faut maintenant revenir en arrière, déchiffrer Longtemps je me suis couché de bonne heure , puis relire tout le livre, tandis que Marcel commence à écrire le sien. »

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    Le livre : La Colombe poignardée - Pietro Citati - Editions Gallimard 1997 également en Folio

  • Monsieur Proust - Céleste Albaret

    A la recherche de Proust  Episode 1

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    "A Céleste, affectueusement, son vieux Marcel"

    En 1913 une toute jeune femme épouse un homme taxi de son état, son principal client lui adresse un télégramme de voeux pour son mariage « Je fais des voeux de tout mon coeur pour votre bonheur et celui des vôtres » , en 1922 les derniers mots écrits de cet homme il les lui confiera « à l’heure où sa plume a cessé de courir sur le papier ».

    En 1913 Marcel Proust entra dans la vie de Céleste Albaret pour n’en plus ressortir.
    De simple commissionnaire qui porte les ouvrages dédicacés chez les amis et relations de l’écrivain, elle devient une présence indispensable.
    Elle l’accompagne lors de son dernier séjour à Cabourg mais au retour Marcel Proust lui annonce :
    « Ma chère Céleste, il y a une chose que je dois vous dire. J’ai fait ce voyage à Cabourg avec vous, mais c’est fini : je ne ressortirai jamais plus »
    La voilà enfermée avec l’écrivain pour neuf années, installée comme lui dans une vie de recluse.

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    Céleste guette les coups de sonnette, prépare « l’essence de café » et l’assiette avec le sacro-saint croissant, et elle attend que Proust l’appelle.
    Elle est l’obéissance même, Proust lui conseille de lire, elle lit et y prend plaisir « Je me souviens même qu’il m’a conseillé Les Trois Mousquetaires. Je l’ai lu et cela m’a passionnée ».
    Elle répond à toutes ses envies, commande le plat que l’écrivain réclame mais qu’il ne touchera pas car dit-elle
    « Il était fin gourmet ou plutôt l’avait été. Je voyais bien que ses envies le prenaient comme des coups de souvenir »

    Elle lui prépare ses  boules  d’eau chaude, s’occupe de la garde-robe, mais jamais au grand jamais ne vois Proust à sa toilette, c’est le domaine interdit de cet homme d’une pudeur presque maladive.
    Mais bientôt voilà Céleste et Proust qui « entrent dans l’habitude de la conversation » , elle l’attend lorsqu’il rentre de soirée avec « l’air d’un jeune prince qui revient du bal de la vie. »
    Jamais elle ne s’assoit dans cette chambre , elle l’écoute debout à côté du lit raconter les bals, les souvenirs de vie mondaine, son duel, ses années de jeunesse.
    L’écrivain construit son oeuvre « Il faisait le tri de ce qu’il pensait (...) je suis sûre qu’il essayait sur moi, pour mieux voir ce qu’il écrirait »

    C’est elle qui souffle à l’écrivain l’idée des béquets qui permettent de faire des rallonges au manuscrit, elle qui courre à la librairie pour trouver l’ouvrage que veut lire Proust. Elle assiste à la « course aux personnages » , à l'édification de l’oeuvre.

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    La librairie où courrait Céleste


    Elle devient une confidente, qui sait tout de la vie du maître, qui peux parce qu’elle en a la preuve, affirmer qu’André Gide « avec ses airs de faux moine » a refusé le roman de Proust sans l’avoir lu, qui a vu Gaston Gallimard faire antichambre « Ce M. Gallimard est un peu papillon, maintenant qu’il a vu la fleur, il voudrait se poser. Laissons le voleter encore un peu. »

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    La chambre de Proust au Musée Carnavalet   © Cécile Debise

    Céleste est près de lui quand il est « pâle comme un mort, penché sur sa fumigation et cherchant désespérément à respirer ».
    Elle est un coeur simple comme la Félicité de Flaubert, capable de tout sacrifier, confidente, rempart protecteur entre le monde "Il y a des moments où je me sentais comme sa mère et d'autres, comme sa fille."

    Témoin privilégié, c’est un témoin émouvant, drôle, cruel parfois, sincère dans son admiration sans limite de l’homme. Elle ferme les yeux sur les défauts, sur les amours interdites, sur la tyrannie de Proust dont elle rit.

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    "C'est ainsi qu'il était quand il me parlait de son lit"

    Pendant des années elle refusa tous les interviews, toutes les propositions de livre,  elle se décide sur le tard à raconter  "parce que trop de choses fausses ont été écrites par des gens que ne l'ont connu que par les livres "
    Elle l’éternelle admiratrice comblée car dit-elle  « C'est grâce à la gentillesse et à la bonté de Monsieur Proust, je puis vous le dire, que je suis devenu quelqu'un »



    Si vous aimez Proust, si vous voulez le voir sous un jour très humain, parfois naïf mais toujours émouvant c’est le livre indispensable.
    Il vous fera pénétrer dans une chambre sombre, enfumée et apercevoir une silhouette pâle assise dans le lit entourée de ses carnets, cachés sous des châles, avec à ses côtés une cafetière d’argent, un croissant posé sur une soucoupe..........

    Nous ne nous sommes pas donné le mot mais Keisha est elle aussi séduite par le monde de Proust

     

    Le livre : Monsieur Proust - Céleste Albaret - Editions Robert Laffont