« … Je sais quelle heure il est en regardant le soleil, et en quelle saison nous sommes en regardant les écureuils. Aujourd’hui, j’en ai vu un faire provision de noix en haut de l’arbre à côté de l’abri de jardin. Il se hâtait vraiment. Alors je pense que ça annonce un hiver précoce. Et les chenilles ont mis leurs grosses fourrures, et le chèvrefeuille s’entortille. Cela veut dire que je suis tout aussi heureux que si j’avais du bon sens… »
Ecureuil américain
« Dans le courant de la nuit, un cerf passe près de notre bivouac d’un pas nerveux. J’entends le bruit puis, un peu avant l’aube, lorsque je me lève, je vois ses délicates empreintes en forme de cœur. J’attise le feu et confectionne notre première cafetière de café de cow-boy noir et riche, et dans la solitude j’en bois la première tasse, en me réchauffant les mains sur l’émail brûlant. Les dernières étoiles disparaissent lentement, le ciel s’éclaircit, perçant la lueur verte de l’aube pour éclater dans la splendeur ignée du lever de soleil. »
« L’été, la forêt s’étirait en dessous de nous en dix-sept différentes teintes de vert. Il y avait les pins jaunes et les pins pignons, les épicéas bleus et les épicéas d’Engelmann, les sapins du Colorado et les sapins de Douglas, les trembles, des robiniers du Nouveau-Mexique, des genévriers alligators et quatre variétés de chênes. Sur le rebord rocheux de l’escarpement, où remontait l’air chaud des canyons, poussaient du raisin d’ours, des agaves, des acanthes et diverses variétés de cactus – figuiers de barbarie, coussins de belle-mère, cactus hameçon. Tout au fond des canyons, où l’eau coulait, certes pas toujours en surface, nous voyions des sycomores, des aulnes, des peupliers, des noyers, des micocouliers, des cerisiers sauvages et de la vigne vierge. Et cent autres espèces d’arbres, de buissons et de plantes grimpantes que je n’arriverai probablement jamais à identifier nommément. »
Aujourd'hui hélas la forêt brûle
Le livre : En descendant la rivière - Edward Abbey - Editions Gallmeister
Commentaires
Un magnifique livre, hommage a la nature et condamnation sévère de l'homme déprédateur. Un coté ou un ton anarchisant aussi ai-je trouvé,
Merci merci. Bonne journée.
Edward Abbey... Tout est dit !
Le souffle de cet écologiste grand teint nous soulève !
Je le connais peu mais sa prose poétique fait partie
des qualités que nous recherchons dans la lecture…
et la réflexion induite est vraiment en phase
avec notre « modernité » trop souvent destructrice !
Commencer la journée en apprenant que les empreintes
de cerfs ont une forme « en cœur », voilà une belle chose :
merci Dominique !
Bien évidemment je n'ai pas raté cet opus d'Edward Abbey!
Ah périodiquement je le note et je me dis qu'il faut que je le lise, mais ça ne progresse guère. Mais tu as bien raison de te lancer dans cette exploration.
Auteur culte ... que je n'ai toujours pas lu. On ne peut pas être partout n'est-ce-pas !
Ces bribes américaines me plaisent beaucoup !
quel beau billet ! je ne suis pas sûre de le lire car je m'ennuie souvent dans les livres dont le sujet n'est que la nature.
J'aime bien les citations, mais je ne suis pas sûre de relire Edward Abbey. J'ai été agacée par son ton moralisateur dans Désert solitaire, alors qu'il se déplaçait plus que de raison en gros 4x4 et ne voyait rien de mal à voir jeter des pneus dans le Grand Canyon...
C'est vrai que les empreintes d'un cerf ou d'une biche forment les deux moitiés d'un cœur, c'est joliment dit ! Ce livre parait intéressant.
Bonsoir. En lisant cet extrait, on a envie de descendre la rivière et pourquoi pas, de la remonter aussi. Belle soirée et merci pour cette suggestion de lecture qui me fait de l'oeil.