Chasseur ou gibier
Dans une traque on peut être le chasseur ou le gibier, ici nos héros seront un peu les deux.
Je vous ai emmené en Carélie et bien maintenant prenons le chemin de l’Ukraine mais faisons une marche arrière dans le temps, retour aux années trente.
C’est l’hiver et à Vyriv un petit village oublié du monde vit Luka Sidorov, il a combattu bien des années dans les armées russes, je dis LES armées car les ukrainiens ont eu maintes fois l’occasion de changer de camp, écoutez le « J’appartenais à l'Armée noire anarchiste de Nestor Makhno, qui avait affrontée seule l'Armée blanche du général Wrangel, avant de s'allier à l'Armée rouge. »
Luka aujourd’hui se contente de la chasse et d’éduquer ses deux fils, les jumeaux Viktor et Petro, deux solides gaillards de dix sept ans et Lara la petite dernière de neuf ans.
Le village entier retient son souffle, il a connu la famine déclenchée par Staline mais les habitants ont pu survivre car Vyriv est loin des routes, loin de tout et ils ont été un peu épargnés. Aujourd’hui ils sont dans l’attente et la peur des sbires de Staline qui organise la collectivisation à marche forcée et vont faire main basse sur tous les biens.
Alors ils font le moins de bruit possible dans le village, il s’agit de se faire oublier.
C’est Luka qui va semer la confusion, il recueille un homme mourant et deux enfants sur un traineau. Ils ont été mutilés peut être par un tueur anthropophage.
Le village est pris d’une fureur absolue, cet homme met en péril le village ! il n’est pas question que les tchékistes déboulent ici à cause de lui. C’est un assassin d’enfants, et il n’y a qu’une chose à faire dans ce cas et Dimitri le voisin et parent de Luka va mener la danse. Malgré les exhortations au calme le pire arrive et l’homme meurt.
Quand Dariya la fille de Dimitri disparait, le village réalise que Luka avait vu juste, l'homme n'était pas le tueur et une traque va s’organiser.
Il y a quelques maitres mots pour ce récit, terreur envers la Tchéka, peur de l’assassin, peur pour les enfants, violence qui peut ne connaitre aucune limite, froid car la steppe sous la neige, survie difficile des hommes dans ce milieu hostile.
Dan Smith joue parfaitement de la corde sensible au bon sens du terme, on suit les réflexions de Luka, son comportement parfois injuste avec ses fils, son effroi à la pensée de perdre sa famille, son goût de la violence qui le rattrape.
J’ai vraiment aimé ce roman où la force des liens familiaux l’emporte sur le reste, où la barbarie et l’humanité peuvent être présentes à la fois chez un homme.
Ce livre peut se classer dans un genre similaire à En mémoire de la forêt mêlant polar et histoire, mais aussi à un polar que j’ai écouté Enfant 44
Le contexte historique est celui que Anne Appelbaum retrace dans son livre.
Le livre : Le village - Dan Smith - Traduit par Hubert Tézenas - Editions Le Cherche midi
Commentaires
Si tu fais référence à "en mémoire de la forêt", je le note tout de suite, j'aime ce mélange d'histoire familiale et de grande histoire. Il faut reconnaître que celle de l'Ukraine est particulièrement compliquée.
@ Aifelle : j'ai pensé immédiatement à ce roman car celui ci aussi dépasse assez le cadre du polar simple, on y voit bien la vie tenaillée par la peur des ukrainien de l'époque
que de tentations! je vais vider ma Pal actuelle, et ouvrir une liste pour "quand-je-serai-à-la-retraite"
@ miriam : oui oui j'ai fait ce genre de chose mais il faut savoir que la retraite est une période pleine de tentations alors ....
Je n'ai pas lu ceux auxquels tu fais référence. L'histoire de l'Ukraine années 30 40, oui, bien compliqué...
@ Keisha : une histoire compliquée et dure, En mémoire de la forêt se passe en Pologne mais de la même façon un passé ressurgit, excellent Aifelle et moi on a beaucoup aimé
celui ci élargit le cadre du polar par un roman qui fait la lumière sur ce qu'on vécu les ukrainiens
Je note celui-là en le plaçant avant Vongozero
@ nadejda : et tu as raison, entre les deux celui ci est nettement meilleur
J'ai déjeuné dimanche avec Olga, une ukrainienne vivant en France où elle exerce le métier de professeur de piano... Elle nous a parlé de son pays et des actes affreux qui s'y passent, du travail sur elle-même pour accepter l'idée de ne plus revoir sa mère. Histoires dans les livres, histoires dans la réalité, les années 30 ou maintenant... tout se répète ! Quand donc les hommes changeront-ils de musique ? Bises. brigitte
@ plumes d'anges : ce genre de roman aide à comprendre et c'est en ce sens qu'il m'a beaucoup intéressé
Si tu fais référence à Enfant 44, ma curiosité est piquée. J'ai moi aussi Vongozero sur la planche, donc je vais peut-être attendre un peu côté pays de l'est, neige et drame, mais je note sans hésiter pour la suite.
@ Zarline : j'ai retrouvé l'atmosphère d'Enfant 44 même si le pays est différent
Pas trop hard pour moi ?
C'est génial j'ai ma conseillère polar moi qui suis frileuse de ce côté !
@ Aloïs : non pas hard du tout, ce qui est dur c'est le climat, le pays, l'épée de damoclès qui est sur la tête des paysans mais ce n'est pas un polar crash
Conseillère pour moi aussi chère Dominique, et je crois bien que cela plaira à M. aussi.
Merci!
@ Colo : je suis certaine qu'il devrait plaire à M
on parle tellement de l'Ukraine en ce moment, que cet "angle d'attaque" pourrait me plaire...
Bonne journée!
@ eimelle : une façon sympa d'entrer dans l'histoire d'un pays
Une région qui est sous le feu de l'actualité. Et la période noire du stalinisme à laquelle vous semblez sensible. Je retiens ce titre.
@ christw : j'ai beaucoup voyagé dans les pays de l'est avant la chute des régimes soviétiques et j'y suis particulièrement sensible ayant vu de près ce que faisait un régime totalitaire (communiste ou autre évidement )
désolée , j'ai été très prise par mon changement de blog et je n'ai pas vu passer ce roman que je trouve très attirant.
Je me demande toujours comment rester humain quand la société des hommes devient folle et n'apporte que souffrances et horreur.
Les Russes et les Ukrainiens sont ben placés pour répondre à ces questions
@ luocine : il est classé en polar mais je trouve que c'est un roman plus large que ça, un questionnement sur notre humanité, sur la transmission de valeurs bref un chouette roman
J'avais adoré "Enfant 44", ce titre me tente donc aussi.
@ Margotte : par moment il est aussi noir qu'enfant 44 à d'autres moins mais comme lui il balaie les relations de ces gens sur qui se s'est abattu en quelques années un véritable enfer
Je note tous ces titres de roman dont tu parles.De la période sous Staline je n'ai lu que Evguénia Guinzbourg, Le vertige et Soljnitsyne, mais je trouve ça passionnant et terrible.
ça semble terrible et pourtant, cette fois encore, tu arrives à me tenter très fortement... Je le note et encore un lien qui ira dans vos billets les plus tentateurs ;0)