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Pyramiden portrait d'une utopie abandonnée - Kjartan Fløgstad

Pyramiden Portrait d’une utopie abandonnée - Kjartan Fløgstad - Traduit du néo-norvégien par Céline Roman-Monier - Editions Actes Sud
pyramiden.gifEn 2000 j’ai fait une croisière non vers le soleil mais vers le nord, au-delà du cercle polaire, au Spitzberg mais dont le nom correct et norvégien est Svalbard. On embarque à Bergen et on remonte jusqu’à Ny-Ålesund la ville la plus au nord du monde qui se trouve à 800 petits kilomètres du Pôle Nord.
Croisière où les gants et les parkas sont nécessaires en plein mois d’août, où les descentes à terre se font encadrées par des gardes armés en cas de rencontre avec un ours polaire et où vous pouvez apercevoir des morses sur la banquise.
Une des escales m’avait impressionné à l’époque puisqu’elle avait lieu dans une ville russe abandonnée : Pyramiden, enclave Russe en Norvège, ancienne ville minière où la vie semblait s’être arrêtée et dégageait un sentiment d’abandon et de solitude presque effrayant.

La lecture du livre de Kjartan Fløgstad était une façon de repartir en voyage au Svalbard et de comprendre mieux le destin de cette ville achetée par les russes au début du XXe siècle , peuplée par des hommes souvent originaires d’Ukraine, mineurs volontaires venus exploiter des mines de charbon au bout du monde.
Fløgstad s’interroge sur le destin de cette ville qui a suivi celui du régime soviétique, projet russe ambitieux " Pyramiden est l'Utopie, poussée à l'extrême, dans l'extrême Nord, vidée de son contenu, figée dans le temps, par le froid arctique, par les conjectures économiques, par la guerre froide, par le capitalisme triomphant."
En 1990 Pyramiden avait encore 2500 habitants et faisait la fierté du régime soviétique, en 1998 la ville se vide, les bâtiments sont abandonnés, les mines fermées et Pyramiden passe de ville minière à ville fantôme.

pyramiden 3.jpg

Kjartan Fløgstad nous fait faire la visite (photos à l’appui) et insiste sur la qualité des bâtiments et des installations, ce qu’il en reste aujourd’hui, le gymnase déserté, la bibliothèque, qui contenait plusieurs milliers de volumes, vidée et dévastée.
Je garde pour ma part un souvenir très précis de la sensation d’irréalité sur la place de la ville où sont  encore érigés les symboles du communisme  "Partout à l’intérieur, Pyramiden à l’air d’avoir été frappée par une catastrophe naturelle, ou une catastrophe culturelle"
Pour l’auteur le destin de cette ville miniature repose sur la mine, et plusieurs chapitres passionnants sont consacrés à la symbolique qui s’y rattache, avec des incursions dans d’autres villes minières en Bolivie, en Pologne ou en Chine.
L’auteur étend son analyse au folklore, à la littérature  "minière" de Zola à Orwell, et bien sûr Jules Verne et son  "voyage au centre de la terre" Moins littéraire et plus noir, Fløgstad fait référence aux  écrits de Kapuscinski sur Vorkouta dont le bassin de houille le plus riche du monde, fut l’un des camps le plus dur du Goulag.



Sa réflexion épouse aussi le champs du social et du politique et il tente de comprendre comment est morte cette société créée de toutes pièces, qui vivait sous la menace permanente des accidents, il s’interroge sur la valeur du travail dont le mineur est le représentant quasi héroïque. Aujourd’hui se pose la question du devenir de cette cité fantôme, mais personne n’a l’air très pressé de trouver une réponse pas plus les Russes que la Norvège.

C’est un voyage curieux et personnel que fait faire l'auteur de ce livre, de nombreuses photographies l’illustrent, elles sont de Marc de Gouvenain qui a accompagné l’auteur lors d’un voyage à Pyramiden.


L’auteur
flogstad.jpgNé en 1944 à Sauda dans le Sud de la Norvège,puis suit des études de linguistique à l’Université de Bergen. C’est là que survient l’appel du réel, il abandonne ses études et s’engage comme ouvrier d’usine puis marin sur un cargo norvégien grâce auquel il part en voyage. Il devient le traducteur, vers le Norvégien de grands noms de la littérature Sud-Américaine au premier rang desquels Pablo Neruda et Julio Cortazar. En 2008, il a reçu le Brageprisen d’honneur pour l’ensemble de son œuvre.

Commentaires

  • Je sais que les Russes ont abandonné pas mal d'endroits, en général dans un état de désolation total, mais je ne connaissais pas celui-ci. Etonnante la vidéo sur la musique d'Ennio Morricone, on se croirait dans un film de science-fiction post-apocalypse.

  • @ Aifelle : il arrive que ce genre de document soit outré mais cette musique rend bien la sensation que l'on a en se promenant dans pyramiden : une fin de monde et un bout du monde Expérience intéressante et qui laisse des souvenirs !

  • Aujourd'hui je ne lis que des billets de livres qui me plaisent (j'avais pris de bonnes résolutions pourtant). J'étais persuadée avoir déjà vu la photo quelque part à la télévision mais comme dit Aifelle ça doit pas être le seul endroit comme ça en Russie. Combien de temps ça dure une croisière comme ça (si ce n'est pas trop indiscret) ?

  • @ Cécile : l'avion jusqu'à Oslo, puis pour Bergen, la traversée jusqu'au Spitzberg et ensuite une petit semaine de navigation dans les fjords de la Madeleine, des arrêts à barrensburg, longyearbyen, et ny Alesund la ville la plus au nord du monde où traditionnellement les touristes postent leurs cartes postales
    Enfin Pyramiden ville fantôme. On approche au plus près de la banquise bien au delà du cercle polaire, les paysages sont magiques, surprenants, des couleurs superbes et bien sûr le soleil de minuit
    Avec de la chance on voit des colonies de morses et des ours ( de loin )
    un voyage extrême très " rafraichissant" car même en août il peut faire à peine quelques degrés : gants et parka sont de rigueur

  • Un bon billet ou une bonne critique consiste d´abord et avant tout à encourager les lecteurs à les faire lire ce qu´ils ne connaissent pas ou connaissent mal, non à seulement vanter ce que tout le monde connaît ou croire connaître.
    Merci Dominique pour ce beau billet sur Kjartan Fløgstad

  • Merci pour le voyage et la réflexion, très intéressants, j'ignorais tout de Pyramiden.
    Quant au néo-norvégien, pouvez-vous m'en dire davantage ?

  • @ Tania , j'ignorais tout du néo norvégien avant de lire ce livre, en tapotant sur internet il semble que la norvège soit dotée de deux langues, l'une est un assemblage de dialectes ( le néo norvégien ) et reconnue comme langue officielle depuis environ 30 ans et parlé par un petit pourcentage de la population ( 15% environ)
    mes sources viennent d'internet avec tout ce que cela comporte d'approximation et d'erreurs possibles !

  • Cela donne presque froid dans le dos de lire ton billet et de voir la vidéo, Dominique ! Cet endroit paraît lunaire, irréel ou d'avoir été abandonné après une catastrophe nucléaire (Tchernobyl) ... Les russes ont fait une spécialité de ce genre d'endroit exploité au maximum et ensuite laissé en déshérence ! Il y a un peu la même chose sur une île de la Baltique qui appartient à l'Allemagne où sont laissés à l'abandon des bâtiments datant des années 30 et ayant servis de prison ... Drôle d'époque, quand même !

  • @ Nanne : c'est quelque chose que j'ignorais merci de ce renseignement, est ce que tu sais le nom de cette île ? ou quelqu'un le connait peut être ? merci d'avance

  • Pyramiden! Tout à fait le genre d'endroit où j'irai un jour. J'adore les îles, j'adore les fantômes, j'aimerai donc Pyramiden. Merci Dominique pour ce bel article, très interessant, très différent. Tout ce que j'aime.

  • @ Damien, effectivement un endroit très différent, comme hors du temps, les fantômes de tous ces mineurs hantent encore les lieux
    merci de votre visite et commentaire

  • fascinant!
    on pense aux lieux cathares
    à ces lieux silencieux
    tout d'avenirs perdus
    mais tout naîfs encore
    d'une utopie intacte

  • @ Dominique : A Pyramiden l'utopie ne se fait plus sentir par contre effectivement commes les villes fantômes on y sent encore de la présence

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