Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : la petite lumière

  • Sonnenschein - Daša Drndić

    « Tout nom cache une histoire »

    1732490973.jpg

    C’est le second livre que je lis dans le cadre de la Lecture commune pour l’Holocauste et plus encore que Goetz et Meyer ce livre fut un choc de lecture
    La littérature croate ne tient pas beaucoup de place sur les présentoirs des librairies hélas et on a un peu honte qu’un tel livre soit passé un peu inaperçu.

    75-ans-apres-10-des.jpg

    © LUDOVIC MARIN AFP 

    C’est à la fois un regard et une écriture, brutale, dérangeante. Des mots qui interpellent, mettent en cause, alertent, on ne sait pas comment qualifier ce qui se passe pour le lecteur tout au long de ce roman documentaire comme le nomme l’auteur et l’éditeur.

    Gorizia.jpg

    Gorizia aujourd'hui 

    Le récit se déroule dans La ville de Gorizia, proche de Trieste, dont le nom se décline selon les langues en Görz, Gorica, Gurize. C’est souvent le cas pour ces villes où le vent de l’histoire à baptisé les lieux chaque fois que la frontière se modifiait. 

    Ville qui évolue de son attachement à l’Empire austro-hongrois à l’appartenance à l’Italie annexée à l’Axe durant la guerre. 

    axe.jpg

    L’héroïne de ce roman Haya Tedeschi est une femme âgée et depuis 1944 elle attend…elle attend ainsi depuis soixante-deux ans. « À ses pieds, une immense corbeille rouge remplie de photos, de coupures de presse, de documents divers. Son attente, au début du roman, est « notre attente ».

    Haya est née à Gorizia et a grandit dans une  famille juive qui va hésiter et pencher curieusement vers le fascisme à l’arrivée de Mussolini, espérant peut être l’impunité grâce cela.

    mussolini.jpg

    Haya peut ainsi se croire à l’abri mais l’histoire avance et l’on s’achemine vers le temps des massacres. 
    La famille Tedeschi semble ignorer ces faits car ils détournent la tête  regardent ailleurs, les voisins ne disparaissent pas « ils déménagent » ils ne sont pas expulsés ils « semblent ne plus ouvrir leur magasins » 

    Le récit s’étend géographiquement et dans le temps, on approche de l’inhumain 
    Haya est amoureuse d'un allemand qui est venu un jour acheter des pellicules photo dans sa boutique. 

    1280px-Treblinka_-_Rail_tracks.jpg

    Treblinka 

    C’ est Kurt Franz, celui qui à Treblinka « se promène, monte à cheval, court le matin, chante (…) plante des fleurs » Treblinka est fermé il a été muté !!
    Elle se retrouve seule lorsque, fin de la guerre oblige, il quitte Trieste.
    C’est le début de l’attente pour Haya.

    Kurt_Franz_Treblinka.jpg

    le bon dieu sans confession 

    Personnage symbolique, Haya est là pour nous rappeler ce que vécurent ces hommes et ces femmes, certains broyés immédiatement, d’autres se transformant en bourreaux.

    Après la guerre les yeux d’Haya s’ouvrent petit à petit, elle lit des témoignages, ses souvenirs  prennent une autre teinte, elle suit les procès qui sont faits aux criminels de guerre 

    Riserie de San Sabba.jpg

    Rizerie de San Sabba

    En 1976 commence le procès des criminels de guerre de San Sabba. Dans cette rizerie de Trieste, on a assassiné des Juifs, des Tsiganes, des résistants.
    Un four crématoire avait été construit par Erwin Lambert, ingénieur qui a fait ses preuves en Allemagne et en Pologne en éliminant des malades mentaux et des handicapés.

    Lambert,_Erwin.jpg

    Erwin Lambert un bon père de famille 

    L’auteure ne vous donnera la clé de cette attente qu’en toute fin du livre mais on pressent tout au long  que ce qui sortira de la quête ne sera ni joyeux, ni consolant.
    C’est un quête pour savoir et comprendre, pour éclairer cet événement violent et inimaginable que fut la déportation et l’extermination des juifs en Europe.

    Selection_on_the_ramp_at_Auschwitz-Birkenau,_1944_(Auschwitz_Album)_1b.jpg

    Sélection à Auschwitz-Birkenau en .

    Si ce roman m’a tellement marqué c’est par la façon dont Daša Drndić parle de l’histoire, mêle les faits avec ce qui sort de son imagination.

    Le récit n’est jamais linéaire ce qui parfois rend la lecture difficile, exigeante, mais c’est un peu comme si l’on inventoriait tout le contenu du panier rouge d’Haya et que l’on sortait tous les papiers, photos, coupures de presse, tout un par un. 

    nousnesommespaslesderniers zoran music .jpg

    Nous ne sommes pas les derniers  - Zoran Mušič

    Ainsi on croise Boris Pahor, Paul Celan, Zoran Mušič, Umberto Saba, Danilo Kiš, Claudio Magris …et surtout ce qui pour moi fut une rencontre forte le philosophe Carlo Michelstaedter dont la soeur disparue à Ravensbrück, je l’avais lu il y a environ 20 ans et il s’est à nouveau imposé à moi grâce à ce roman.

    Elda Michelstaedter.jpg

    La littérature, la philosophie, la poésie, la peinture sont-elles plus à même de dire la douleur, l’horreur, la souffrance ?

    Carlo_Michelstaedter.png

    Carlo Michelstaedter

     

    Le roman est interrompu pendant 80 pages et nous trouvons la liste des 9000 juifs qui ont perdus la vie dans les camps, les transports ou les territoires occupés. C’est comme une reconnaissance, un hommage, une stèle de papier.

    Daša Drndić  a ainsi redonné un visage à l’histoire refusant que l’individu soit résumé à une « note en bas de page de l’Histoire »

    evenements-seconde-guerre-mondiale-seconde-guerre-mondiale-guerre-aerienne-allemagne-policier-et-aides-de-la-croix-rouge-allemande-joignant-un-panneau-de-direction-indiquant-le-refuge-public-de-raid-aerien-berlin-fin-aout-1939-bbnj3g.jpg

    Réquisitoire très puissant contre les nazis bien entendu mais aussi envers tous ceux qui ont fermés les yeux ou tournés la tête : la Croix-Rouge qui aide les nazis à blanchir l’argent des victimes déportées, le Vatican qui aidera à cacher les criminels de guerre, ou plus simplement par exemple ….un chef d’orchestre :
    «  En 1955 Karajan est nommé chef à vie de l’Orchestre philharmonique de Berlin (…) la terre absorbe le passé comme la pluie disparait dans ses entrailles » En 1935 il avait adhéré au parti Nazi et joué pour Hitler.

    herbert-von-karajan-1-1399390017-view-0.jpg

    Et pourquoi ne pas diriger l'Ode à la Joie ?

    Sonnenschein est un roman parfaitement documenté, on a envie d’ajouter hélas ! Car les protagonistes ont réellement vécu et fait ce dont on les accuse. Des photos, des compte-rendus des procès, les retranscriptions d’interrogatoires, tout atteste de la réalité des faits.
    La folie meurtrière du nazisme, la circulation des trains, les camps,  les exécutions, le Lebensborn 

    C’est comme un monument pour sauver de l’oubli des hommes et des  femmes qui un jour ont vécu, aimé, travaillé, parce que « tout nom cache une histoire » 

    250px-Dasa_Drndic.jpg

    Daša Drndić

    La construction du livre rend le lecteur témoin, il est interpellé par les faits qui redonnent vie aux victimes anonymes et  qui sont un réquisitoire sans appel pour les bourreaux qui voudraient faire croire à leur petite vie de fonctionnaires obéissants. 

    Daša Drndić multiplie sans arrêt les points de vue, les documents, les cartes, les dates, jusqu’à parfois rendre le lecteur un peu hagard, un peu noyé par ce chaos effrayant. 

    Pourtant l'auteur parvient à donner une cohérence à tout ça et c’est ce qui fait la force du livre, sans doute un des grands livres sur l’Holocauste.

    IMG-0101.jpg

    Le livre : Sonnenschein - Daša Drndić - Traduit par Gojko Lukić - Editions Gallimard

  • Dix ans dix livres

    DSCN0575.jpgMon carnet de lecture est plein, acheté il y 5 ans dans une petite ville d’Ombrie dont j’ai oublié le nom, il est magnifique, du cuir superbement travaillé, un papier ivoire, épais et filigrané. Bref une petite merveille.
    Le précédent était plus simple, italien aussi ( on trouve des merveilles dans les boutiques d’Italie en matière de papier) avec une couverture de papier marbré et des pages lignées.

    Les précédents hélas ont disparus dans des déménagements multiples et dévastateurs.

    Ces deux carnets sont pleins et il faut donc en commencer un nouveau.
    Les cadeaux de Noël qui touchent le plus sont ceux que vous attendiez sans le savoir, j’ai reçu un agenda personnalisé pour 2009, il est superbe et mérite beaucoup mieux que le rendez vous chez le dentiste ou les plantes vertes à arroser, je vais le transformer en carnet de lecture pour lui donner une vie digne de son allure.

    En feuilletant les anciens carnet et l’Art des listes m’ayant stimulé, j'ai eu envie d'en extraire la substantifique moelle et après l’épreuve douloureuse de l’élimination voici les 10 meilleurs livres de ces 10 années.

    Il est facile d’éliminer des titres dont il ne reste rien, ni la trame, ni le nom des héros, mais beaucoup de livres sont d’excellents souvenirs, par la personne qui m’a fait ce cadeau, par celui ou celle qui m’en a parlé, par le plaisir de la découverte inattendue...et par la qualité du livre. Choix simple pour ceux retenus mais parfois douloureux pour éliminer.

    Carnet de lecture 1998/2008

    Les Disparus - Daniel Mendelsohn
    Pour la quête du passé qui dévide l’écheveau de l’histoire, pour la restitution par l’auteur à travers les personnages de sa famille de la mémoire de personnes empêchées de témoigner, parce qu’il fouille les souvenirs des témoins avec compassion et dignité...
    Un très très grand livre,  le meilleur livre de ces 10 dernières années.

    Le Temps des offrandes - Patrick Leigh Fermor
    Le plus grand récit de voyage, celui qui vous transporte au sens littéral et figuré du terme, j’ai eu froid, dormi dans les granges, j’ai parcouru les rues de Vienne avec lui et découvert la vie des châteaux de l’Europe centrale aujourd’hui disparus. Ce livre relu pratiquement chaque année est un grand bonheur de lecture.
    « Le journal de marche de Patrick Leigh Fermor est à ranger au rayon des chefs-d'œuvre de l'humanisme nomade. » Nicolas Bouvier

    Pastorale américaine - Philip Roth
    Parce que le récit de Roth est celui de la faillite du rêve américain, de l’effritement des rêves d’un homme, la fuite de la réussite. Le destin de cet homme bon, juste et droit vole en éclat. C’est son désarroi qui m’a touché à la lecture et qui me touche toujours 10 ans après.

    Si c’est un homme - Primo Levi
    Parce que ce récit fait partie des livres à faire lire à nos enfants et petits enfants pour ne pas oublier.
    Parce que je ne peux pas le prendre en main sans ressentir une douleur profonde, tout simplement humaine.

    Le Temps où nous chantions - Richard Powers
    Parce que l'auteur parle magnifiquement de l'appartenance à une communauté, des rapports familiaux, des préjugés et de la haine. Un splendide roman porté par la majesté et l'universalité de la musique

    L’Usage du monde - Nicolas Bouvier
    Parce que "Comme une eau, le monde vous traverse et pour un temps vous prête ses couleurs. Puis se retire, et vous replace devant ce vide qu'on porte en soi, devant cette espèce d'insuffisance centrale de l'âme qu'il faut bien apprendre à côtoyer, à combattre, et qui, paradoxalement, est peut-être notre moteur le
    plus sûr" ...Il n'y a rien à ajouter.

    La Route du retour - Jim Harrison
    Parce que c’est le meilleur livre de Jim Harrison, , les grands espaces, l'ouest, les indiens, les chevaux et les forts sentiments. Une fresque épique et poétique à la fois. bref une merveille....

    La Ferme africaine - Karen Blixen
    Pour l’Afrique sous l’oeil passionné de Karen Blixen, le courage d’une femme hors du commun. Pendant longtemps je n’ai pas voulu voir le film j’avais tort, il rend justice au livre.


    Le Monde d’hier - Stefan Zweig
    Pour la Vienne 1900, pour l’âge d’or de la culture européenne, pour la description d’un monde en train de disparaître, par admiration pour un homme que la barbarie n’a poussé ni à la haine ni à la violence mais au suicide.

    Et le dixième..

    En lieu sûr - Wallace Stegner
    Pour l’idéalisme de la jeunesse, l’amitié, les ambitions littéraires, les imprévus de la vie, l'expérience, la vie qui passe. La tendresse et la délicatesse sont présentes dans toutes les pages.

     

     

     

     

  • L'Ukrainienne Joseph Winkler

    J’ai acheté ce livre bien avant la guerre en Ukraine, attirée par le titre et surtout l’auteur que j’avais déjà lu 
    Lecture et événements se sont télescopés.

    winkler

    Alors qu'il termine un manuscrit, en 1981, Joseph Winkler s’ installe dans une ferme près de sa vallée natale de Carinthie, à Mooswald. 

    Il fait la connaissance d'une femme d'origine ukrainienne, Nietotchka Vassilievna Oliachenko,  qui va lui raconté sa vie... 

    winkler

    Tableau d'Anastasia Rak 

     

    Le roman se compose de deux parties. 

    Dans la première partie on suit l’installation de l’auteur à la ferme, sa participation aux travaux agricoles, fenaison, cueillette des baies, soins des bêtes et le début de ses entretiens avec la maitresse de maison installée là depuis la guerre. 

    winkler


    Petit à petit les mots arrivent, toute la parole retenue depuis des décennies, se déverse.

    Un récit voit le jour, récit du destin d’une femme, d’une famille et au delà  d’un pays entier.

    Ne vous attendez pas à un récit romanesque, non c’est brut de décoffrage, sans fioriture aucune, les phrases s'enchaînent sans style littéraire, les souvenirs et anecdotes se pressent,  le discours est souvent répétitif, illustrant combien les souvenirs sont encore vivants dans l'esprit de Nietotchka.

    Si vous ne connaissez rien de l’histoire de l’Ukraine vous allez en même temps prendre une leçon d’histoire. 

    winkler

    La chasse et les arrestations de Koulaks

    L’enfance pauvre dynamitée par la chasse aux Koulaks du pouvoir soviétique, par l’expropriation des paysans, par l’interdiction de cultiver la terre, les réquisitions qui vident le garde manger. La fuite du père pour échapper aux arrestations, la faim qui s’intalle.

    winkler

    Holodomor en Ukraine 

    Et là Nietotchka parle de sa mère, Hapka Davidovna Iliachenko, son héroïne, son modèle. 
    Une mère qui paie le prix fort pour assurer une subsistance à ses deux filles.

    winkler

    La famine que l'on cherche à fuir 

    Mais le destin est bassement joueur car après avoir survécu à l’Holodomor, Hapka voit ses filles déportées en Autriche par les nazis. 
    Déportation dans des wagons à bestiaux pour traverser l’Europe centrale.

    L’arrivée à 15 ans dans une ferme dont Nietotchka ne connait rien, elle est la servante, la Russe avec tout le mépris sous ce nom, séparée de sa soeur qui va vivre dans une autre vallée.
    Le soir elle regarde en direction de l’Ukraine

    « J’ai tendu les bras et j’ai sangloté. Je regardais vers l’est et je me disais Maty doit être là-bas. Je n’arrivais pas à comprendre que j’étais loin de ma mère. Je la cherchais sans cesse, sans cesse, je me postais sur le balcon et je regardais vers l’est ou bien je me tenais dans ma chambre près de la fenêtre à l’est et je l’ouvrais comme si je voulais l’appeler, comme si je voulais l’entendre m’appeler. »

    La mère et les deux filles sont doublement victimes, et pourtant Nietotchka parle sans haine. 
    « Là-bas, en Russie, les gens ne sont pas plus mauvais que ceux d’ici »
    Elle parle avec un fatalisme, une humilité et un courage qui laissent le lecteur abasourdi.

    Le récit est suivi des lettres échangées entre Nietotchka et sa mère Hapka Davidovna Iliachenko. On y sent toute la douleur de cette femme, privée de ses filles, dans l’incapacité des les rejoindre, tout rapprochement étant impossible par manque d’argent et le rideau de fer.

    Cette histoire a profondément marqué Joseph Winkler 
    « Depuis que j'ai quitté Nietotchka Vassilievna, je ne lis presque plus que de la littérature russe. Chez Dostoïevski, chez Tchékhov, chez Gorki, chez Tourguéniev, le long du Dniepr, je cherche encore des traces de la petite Nietotchka Vassilievna Iliachenko, de sa mère Hapka Davidovna Iliachenko, de son père Bassili Grigotovitch Iliachenko. Si je déploie une carte, c'est toujours la carte de la Russie. »

    Nous lecteur nous sommes parfois perdu dans ce récit, les repères chronologiques sautent, il n’y a aucun effet littéraire, les répétitions disent toute la douleur, les souvenirs épouvantables, mais c’est ce qui confère à ce récit une force inimaginable.

    J’ai aimé l’humilité de Joseph Winkler, s’effaçant derrière l’Ukrainienne, lui rendant la grandeur de son histoire, lui conférant une vérité magnifique.

    « Nietotchka Vassilievna Iliachenko m’a extirpé de mon recoin où les araignées avaient déjà tissé leurs toiles »

    Un livre que je ne peux que vous recommander, comme un accompagnement à la terrible réalité que vit l’Ukraine en ce moment.

    winkler

     

    Le livre : L’Ukrainienne   Joseph Winkler  Traduit par Bernard Banous   Editions Verdier 

     

  • Une bible peut en cacher une autre - Thomas Römer Frédéric Boyer

    collège.jpg

    Et si vous alliez voir la suite des cours de Thomas Römer au Collège de France ? 

    Parce que d’année en année le corpus s’accroit et reste toujours aussi surprenant, intéressant, toujours empreint du même humour, mais surtout de la même érudition.

    Cette année il s’agit de Jacob, dans la mémoire populaire c’est celui qui combat avec un ange, celui qui voit une échelle magique en rêve et qui regarde Dieu face à face.

    jacob.jpg

    Le combat avec l'ange d'après Gustave Doré 

    Si vous n’avez jamais écouté les cours, n’avez jamais rien lu sur la Bible et à fortiori peut être jamais lu la Bible c’est le moment c’est l’instant

    Le livre qui vient d’être publié vous permettra non pas de découvrir les mystères de la Bible à la façon Da Vinci Code non un peu de sérieux, mais de comprendre comment ce livre est né.

    thomas romer.jpg

    Thomas Römer «  Puisque la Bible est un ensemble littéraire à voix multiples nous voulions proposer de l’approcher à partir d’une compréhension de ce dialogue entre points de vue divers. »

    Frédéric Boyer : « L’idée de départ était tout simplement d’échanger sur l’écriture des récits bibliques, d’aller interroger la « fabrique » des textes. » 

    boyer-02-2015-0409.jpg

    En introduction vous apprendrez le pourquoi d’un ordre des textes différent selon qu’on parle de la Bible Juive ou des traductions secondaires catholiques ou protestantes. Chacun son ordre !

    ordre.jpg

    Clic pour le voir en plus grand 

    En fait dans le choix de l’ordre des textes bibliques, il faut voir la volonté des auteurs et des hommes qui l’ont diffusé de mettre en avant tel ou tel aspect du texte, tel personnage, tel lieu, qui vont petit à petit mettre leur marque sur les auditeurs, à l’origine les textes sont diffusés oralement.

     

    L’ordre c’est une chose mais pourquoi plusieurs versions d’un même évènement ?

    Les premiers chapitres de la Genèse sont lourds symboliquement, cela devrait être un texte auquel tout le monde souscrit.

    Et non perdu, il y a deux récits distincts et fort différents de la création et il y deux visions de la  Tour de Babel. Idem pour l’Exode, la Terre promise est-elle conquise ou donnée par Dieu ?

    15.8.12.-Adam-et-Eve-et-lArbre-693x1024.jpg

    Ces doublons se contredisent parfois, Thomas Römer dit « C’est le génie du judaïsme que de faire tenir ensemble des textes qui peuvent être contradictoires, sans gommer la contradiction »

    Les scribes de l’époque ont compilé et non pas éliminé, c’est assez classe si l’on considère que parfois le texte va à l’encontre de ce qu’ils croient.

    Fig-1-Le-sacrifice-dAbraham-miniat-ure-persane-illustrant-La-fine-fleur-des-Histoires-par-Louqman-1583-musée-d’art-islamique-d’Istanbul.jpg

    Le sacrifice d'Abraham qui s'étend à la tradition islamique 

    Quant au personnage d’Abraham là on reste un peu pantois de voir que cet homme censé représenter le début même d’Israël, cet homme est capable de mensonge et tient pourquoi pas d’offrir sa femme pour se tirer d’affaire !!

     

    Du coup les récits divergent et les croyants venant après font leur choix, l’Eglise catholique préfère nettement se référer à la création de la femme à partir d’une côte d’Adam, mais la première mouture du texte faisait état de la création de l’homme et de la femme ! 

    Les auteurs ont écrit à des périodes différentes, ceux qui écrivent sur Abraham ont un point de vue totalement différents que les auteurs qui vivent en Egypte et écrivent sur Moïse et l’Exode.

    Et puis il y a des récits heureux : l’histoire de Joseph qui est une sorte de petit roman au sein de la Genèse.

    joseph.jpg

    Anonyme, Joseph vendu par ses frères © Musée de Valence, 

    C’est peut être volontaire de la part des scribes de laisser la porte ouverte à l’interprétation.
    Bien malin qui pourrait après ça faire un portrait de Dieu, c’est impossible et comme disent les juifs « il est insaisissable » 

    moise.jpg

    l'incontournable Charlton Heston dans le rôle 

    J’ai aimé le chapitre sur le don de la terre à Israël, impossible en le lisant de de pas penser au conflit entre Israéliens et Palestiniens. 

    Le récit de l’Exode qui reste un chapitre clé de la Bible est lui aussi fait de plusieurs couches de récits ce qui explique les incohérences du récit parfois.

    Nicolas_Poussin_-_L'été_ou_Ruth_et_Booz,_1660-64.jpg

    Nicolas Poussin   L'Eté ou Ruth et Booz 

    J’ai quelques préférés dans la Bible : Ruth dont j’aime le personnage, Jonas qui me fait rire, Job là ce serait trop long d’en parler mais lisez Pierre Assouline sur le sujet 

    Et puis bien entendu Qohelet ou Ecclésiaste  ce qui signifie celui qui s’adresse à la foule.

    vanité .jpg

    Vanité tout est vanité   la Madeleine repentante George de La Tour 

    Thomas Römer dit que si la Bible et ses livres nous parlent encore aujourd’hui, c’est parce qu’ils n’ont cessé d’être interprétés, représentés, débattus, de telle sorte qu’ils appartiennent autant à leur origine antique qu’à notre histoire et à notre culture. 

    Des auteurs qui ont une passion certaine pour la Bible et savent nous la faire partager 

    « La Bible est une littérature à part entière, mais singulière » qui savent nous parler « Des textes qui touchent à l’identité humaine »

    IMG-0369.jpg

    Le livre : Une bible peut en cacher une autre -Thomas Romer -Frédéric Boyer - Bayard Editions 

  • Chapeau bas Mr Lehane

    pays a l'aube.gifUn pays à l’aube - Dennis Lehane - Editions Rivages

    C’est toujours un grand plaisir de voir un écrivain changer de catégorie, c’est ce qui arrive à Dennis Lehane, auteur de polars à succès toujours passionnants, il gagne avec ce livre ses galons d’écrivain. Il livre ici un roman ambitieux qui balaye une période sombre de l’Amérique.

    Dennis Lehane a placé son roman dans les années 1918 et 1919, à Boston, Massachusetts. La fin de la 1ère guerre mondiale s’accompagne de l’épidémie de grippe espagnole qui va particulièrement toucher les forces de police, le chômage et l'inflation prennent des allures de catastrophe, le retour à la vie civile des soldats rentrés d’Europe va aggraver la situation en accroissant le chômage.
    C’est l’époque où un peu partout les luttes syndicales se radicalisent, les mouvements anarchistes éclosent et la grande peur du bolchevisme s’empare de l’Amérique pour longtemps. Les manifestations et les tentatives de grève doivent être réprimées, pour cela il faut infiltrer les organisations syndicales, politiques, il faut créer la peur dans la population, il faut monter les unes contre les autres les communautés d’immigrés : les irlandais, les italiens. c’est une recette connue et d’une redoutable efficacité. Tout contestataire devient un terroriste en puissance et doit être pourchassé.

    Le décor est campé, maintenant les personnages :
    Danny Conghlin, jeune flic prometteur, courageux vient d’être blessé lors d’un attentat anarchiste et tout naturellement accepte d’infiltrer ces milieux ce qui lui permettrait de prendre du galon, son père est un des chefs les plus respectés du département de la police de Boston. Son frère Connor est adjoint du procureur et doit bientôt épouser Nora dont Danny est lui aussi amoureux.
    Petit à petit Danny va devenir sensible aux difficultés de ses collègues, les semaines de 70 heures et le salaire de misère. Contre sa famille il va s’engager dans le combat syndical et mettre son idéal et son sens du devoir à leur service.

    Luther Lawrence est le deuxième héros de cette épopée, jeune noir contraint après avoir commis un meurtre de quitter sa femme et sa ville, il trouve refuge à Boston et est engagé par les Conghlin comme domestique. Passionné de base-ball, victime de la brutalité, de l’injustice, du racisme, il parvient dans le chaos a gardé courage, humanité et droiture. Il va contre son gré se trouver mêlé à tous les événements. Très habilement

    Dennis Lehane va tisser sa toile, faisant s’entrecroiser les destinées, mêlant les héros de fiction aux personnages historiques, ainsi croise-t-on John Hoover futur patron du FBI, Coolidge gouverneur de l’état, mêlant destins individuels et histoire collective. Lehane est tout aussi efficace dans les scènes de rue que dans les moments intimistes, il nous donne un beau portrait de femme et l’on sent tout son attachement pour les personnes faibles et vulnérables.
    Certaines scènes sont bouleversantes sans jamais tomber dans le mélodrame. Ses héros sont vrais et terriblement humains jusque dans leurs faiblesses. Un seul bémol, les passages sur le base-ball et son joueur vedette Babe Ruth n’ajoutent rien au récit et parfois même rompent la tension de celui-ci.

    C’est un roman puissant, ample, plein d’émotions, le lecteur est happé jusqu’aux scènes finales. Une belle évocation d’une Amérique en train d’écrire son histoire.

    L’auteur

    Dennis-Lehane.jpgDennis Lehane est né en 1966 à Dorchester (Massachusetts) et vit dans la région de Boston.
    Il exerce d'abord de petits jobs et de multiples métiers. Puis il se consacre à l'écriture et devient l'un des auteurs de polars les plus connus des États-Unis. Il a publié une cinquantaine d'ouvrages, notamment les best-sellers Un Dernier Verre avant la Guerre, Gone, Baby, Gone, Mystic River (dont Clint Eastwood fera un film), Shutter Island.
    Il a obtenu de nombreux prix.

     

    Pour poursuivre votre lecture
    histoirepopulaire.gifIl y a quelques années est paru un livre d’histoire excellent « Une histoire populaire des Etats-Unis » par Howard Zinn, je me souviens de ma surprise en découvrant ces années d’émeutes, de grèves, de bras de fer entre les ouvriers et le pouvoir en place dans son chapitre intitulé « De l’entraide par gros temps »

    Voici ce que dit l’éditeur « Cette histoire des États-Unis présente le point de vue de ceux dont les manuels d’histoire parlent habituellement peu. L’auteur confronte avec minutie la version officielle et héroïque (de Christophe Colomb à George Walker Bush) aux témoignages des acteurs les plus modestes. Les Indiens, les esclaves en fuite, les soldats déserteurs, les jeunes ouvrières du textile, les syndicalistes, les GI du Vietnam, les activistes des années 1980-1990, tous, jusqu’aux victimes contemporaines de la politique intérieure et étrangère américaine, viennent ainsi battre en brèche la conception unanimiste de l’histoire officielle. »

    Toujours passionnant ce livre a donné lieu à des empoignades sévères entre historiens, il manque parfois d’objectivité mais nous fait découvrir des pans de l’histoire américaine très peu connus des non spécialistes.

     

     

  • Goulag une histoire - Anne Applebaum

    goulag.gifGoulag une histoire - Anne Applebaum - Traduit par Pierre-Emmanuel Dauzat - Editions Grasset ou Gallimard Folio
    Goulag de Iossip Pasternak et Hélène Châtelain  DVD Arte la sept Doriane film

    Un seul sujet mais deux façons d’entrer dans ce monde du Goulag russe, je suis allée de l’un à l’autre, l’un éclairant l’autre et pour moi aujourd’hui ils forment un tout.
    Mon intérêt pour ce sujet est ancien, il remonte à un jour d’Août 1967, j’étais jeune et je séjournais chez des amis tchèques dans une petite ville proche de Prague, au retour d’une balade en voiture en approchant de leur domicile mon ami s’est figé et a dit « Arrêtez-vous ! » . Sur la place une voiture de police était stationnée, sa peur était palpable, quelques minutes passèrent, puis nous sommes repartis, ce n’était pas pour lui, ni pour sa famille, que la police était là.
    Jamais je n’ai oublié la peur de cet homme, la quasi terreur qu’il avait ressenti, j’avais compris en quelques minutes ce que "régime policier" veut dire. Au mois d’août de l’année suivante les troupes russes entraient en Tchécoslovaquie pour mettre fin au Printemps de Prague.
    Ensuite ce furent la lecture des écrits de Soljenitsyne, Eugenia Ginzburg et Varlam Chalamov.

    Anne Applebaum elle a écrit une histoire du goulag, l'histoire des camps de concentration soviétiques : leur origine avec la révolution bolchevique, leur essor et leur apogée sous Staline, leur mutation avec ses successeurs, leur arrêt en 1986, sur décision de Gorbatchev, petit-fils d'un paysan emprisonné.
    En se rendant sur les lieux historiques de "L’archipel du Goulag" Iossif Pasternak et Hélène Châtelain donnent la parole aux victimes des déportations, à leurs descendants, aux témoins. Je leur laisse la parole :
    "Ce voyage fut une tentative pour échapper aux convictions toutes faites. Pour s’enfoncer dans une Russie différente, plus profonde, plus secrète celle des silencieux qui n’ont écrit ni mémoires ni témoignages, le petit peuple des villages et des ateliers qui a constitué pendant près de 40 ans, la population majoritaire des camps.(...) Nous avons choisi de nous limiter aux grands camps du Nord, les plus extrêmes, les plus mythiques : des îles Solovki, au milieu de la Mer Blanche, au Nord Ouest jusqu’à la Kolyma –le Nord Est polaire qui, à 5000 kilomètres de là, touche à l’Alaska"

    solovki2.jpg

    Le monastère des Solovki

    La Russie des Tsars avaient déjà envoyés en Sibérie ou à Sakhaline bons nombre d’être humains, mais le régime soviétique va l’ériger en système.
    Goulag est un acronyme de Glavnoe Oupravlenie Laguereï, la direction générale des camps. Le premier camp est crée sur les îles Solovki en 1920, aux confins de la Russie au bord de la mer Blanche. On utilise le monastère des moines véritable forteresse.
    Les premiers prisonniers sont des officiers de l’armée blanche, des hauts dignitaires de l’église, réfractaires au pouvoir, grands criminels, des marins ayant pris part à des révoltes comme à Cronstadt.
    A la création du camp le pouvoir soviétique n’a pas l’intention de détruire l’économie du monastère, il compte même lui donner une impulsion nouvelle. Le pouvoir propose d’organiser les solovki en camp de travail , les conditions sont favorables : une vie dure, un régime strict : bonne école pour les détenus.
    La vie quotidienne est terrible, le froid, la faim, les châtiments corporels et les actes sadiques des gardiens.
    L’administration est loin et curieusement des espaces de liberté sont conservés, les détenus montent des spectacles et même comme le racontent deux charmantes vieilles dames à Hélène Chatelain, sortent pour se rendre aux obsèques de Kropotkine.
    Anne Applebaum écrit " Solovetski, le premier camp soviétique conçu et construit pour durer, se développa sur un véritable archipel"
    Soljenitsyne en fera son "Archipel du Goulag"
    En 1921, on dénombrait déjà quatre-vingt-quatre camps.

    les camps soviétiques.jpg

    « des îles de la mer Blanche aux côtes de la mer Noire, du cercle Arctique aux plaines d'Asie centrale, de Mourmansk au Kazakhstan, du centre de Moscou aux faubourgs de Leningrad  »


    1929 Staline entreprend la collectivisation et l’industrialisation du pays , le régime recours au travail forcé, l’exemple le plus frappant et l’ouverture du chantier de Belomorkanal. Désormais au froid, à la faim et aux mauvais traitements va s’ajouter l’épuisement par le travail. Varlam Chalamov écrit  "Il suffisait de vingt à trente jours d’affilée de journées de travail de seize heures sans jours de repos, associés à la faim systématique; des vêtements en haillons et des nuits à moins 18° au-dessous de zéro sous une toile de tente trouée pour transformer en crevard un jeune homme sain"

    1937 la ligne de partage des eaux " C’est en effet cette année-là que les camps soviétiques se transformèrent temporairement de prisons gérées dans l’indifférence, où l’on mourait par accident, en camps réellement meurtriers où l’on tuait délibérément les détenus au travail, quand on ne les massacrait pas"
    Zek, c’est le nom que l’on donne aux détenus à partir de 1937  Les détenus vont travailler dans tous les secteurs : mines de charbon mais aussi mines d’or, construction de lignes ferroviaires, industrie et même aéronautique, exploitation forestière.
    La  Grande Terreur va augmenter considérablement le nombre de détenus, n’importe quel citoyen se retrouver au goulag : koulaks, vieux bolcheviks, trotskistes, poètes, écrivains, artistes... On ouvre les camps de la Kolyma pour extraire l’or ce qui avait toujours été impossible en raison des difficultés climatiques, des milliers de détenus y trouveront la mort.

     

    kolyma_detail.jpg

    La Kolyma

    La Seconde Guerre mondiale n’a pas freiné l’extension du Goulag et Anne Applebaum parle d’apogée pour les années 40 et 50.
    On estime qu’à cette époque les camps  produisaient un tiers de l’or du pays, une bonne partie de son charbon et de son bois d’œuvre.
    La mort de Staline en 1953 puis l'arrivée de Khrouchtchev voit diminuer le nombre de détenus, Mais Brejnev  les remplit à nouveau, C'est l'époque des dissidents et la publication de « L'Archipel du Goulag », en 1973
    Il faudra encore attendre vingt ans et Gorbatchev pour en finir avec le goulag.

     

    Goulag3.jpg
     

    L’histoire chronologique pour indispensable qu’elle soit ne rend pas justice à ces hommes et à ces femmes.
    Anne Appelbaum dans son livre, Hélène Châtelain et Iossip Pasternak dans leur film s’attachent aux témoignages, à la description de la vie quotidienne, les arrestations, les châtiments, les conditions de travail, tous les temps qui rythment la vie au Goulag sont évoqués.
    Dans le film on écoute un vieil apiculteur paysan koulak qui resta prisonnier de 1920 à 1956 et qui en 1998 lors du tournage du film récolte encore son miel. Tel autre parle, assis sur une colline, des milliers d’hommes enterrés là sous lui,  cette femme qui raconte comment enfant elle a vu mourir dix prisonniers pour chaque traverse de chemin de fer posée.
    L’histoire terrible de l’ acheminement du matériel par péniches halées par des prisonniers sur des centaines de km, filmée par l’administration du camp est un des passages du film le plus fort. Un ancien du  Goulag était capable de reconnaître « à leur regard » d’anciens détenus après leur libération.

     

    mandelstam_ossip.jpg

    Ossip Mandelstam : une victimes parmi des millions

    18 millions d'individus en ont été victimes, plus de 4 millions n'en sont pas revenus  En 1995 on estimait qu’un adulte soviétique sur 7 était passé dans un camp.
    "En Allemagne, on pouvait mourir de cruauté, en Russie de désespoir. A Auschwitz, dans une chambre à gaz ; dans la Kolyma, de froid dans la neige." dit Anne Appelbaum.

    goulagfilm.jpgLe travail extraordinaire d’historienne d’Anne Applebaum lui valut le prix Pulitzer, son livre est passionnant, clair, les sources multiples et riches.
    Le film bien que datant des années 90 n’a rien perdu de son actualité et de sa très grande sensibilité.
    Un dossier sur ce film   Goulag.pdf
    Il y a des pans de notre histoire que nous nous devons d’explorer et de comprendre,

    Faites une place à ce livre dans votre bibliothèque

     

    Pour aller plus loin

    Sojenitsyne.jpg

     

    Récits de la Kolyma - Varlam Chalamov
    Le ciel de la Kolyma - Eugenia Guinzbourg
    Déportée en Sibérie - Margarete Buber Neumann