Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : la petite lumière

  • Poésie du gérondif - Jean-Pierre Minaudier


    grammaire.jpg

     

    Histoire de fêter un peu la rentrée scolaire, si on parlait un peu de grammaire

    Enfin pas de n’importe quelle grammaire, non plutôt des 1163 livres de grammaire que possède l’auteur !! Quand je pense que je n’ai même pas une grammaire française sur mes étagères ....

     

    Jean-Pierre Minaudier l’avoue il faut être un peu fou pour faire collection de livres de grammaire, mais que voulez-vous ça le tient depuis l’adolescence. Il est fasciné par les langues, toutes les langues ! même celles qui ne sont parlées que par quelques individus perdus au fin fond d’un désert Australien. Sa collection couvre 864 langues.

    D’ailleurs il affirme « La lecture d’une grammaire peut constituer un véritable roman policier » comme je suis amateur de polar j’ai décidé de le suivre.

     

    polar.jpg

    Un érudit cet homme bien sûr mais ne croyez pas qu’il parle 35 langues, non non il se contente (à part les langues usuelles anglais, espagnol) du basque et...de l’estonien. Un doux dingue je vous dis !

    Mais le lecteur se laisse totalement embarqué dans sa folie, son humour est ravageur, je vous déconseille de lire son livre dans le métro ou le train vous allez attirer sur vous des regards interrogatifs.

    Il y a son parcours du combattants pour acheter, parfois à prix d’or, LA grammaire qu’il guigne, il y a son affirmation « Une grammaire est une espèce de grand sudoku : par déductions successives, il faut rassembler les pièces d’un puzzle logique », il y a cette langue qui aligne pas moins de 117 consonnes, la prononciation je vous dis pas, on peut aller se rhabiller avec notre anticonstitutionnellement.

    Il y a cette langue sibérienne qui est différente selon qu’elle est parlée par un homme ou une femme, il y a le coréen qui n’a pas moins de six façons pour saluer une personne. 

    Il y a ces langues fabuleuses comme le japonais qui sont des langues détenant des mots impressifs, quésaco ? ce sont ces mots imagés un peu comme nos onomatopées, par exemple truytte en japonais évoque le bruit d'un baiser, ou le mot pika un éclair de lumière. 

    Quand vous pensez que les étrangers se plaignent que le genre en français est difficile à mémoriser alors que certaines langues africaines n’ont pas moins de 20 genres

    L’amusement de l’auteur est communicatif :

    chaussettes.jpg

    « Voici comment on dit “J’ai vu un animal de ce type”  en kalam, une langue papoue de Nouvelle-Guinée orientale : Knm nb nnnk. Toute personne capable de prononcer cette phrase gagnera une chaussette d’archiduchesse séchée sur une souche sèche. »

     

    Et l’on se prend à prévoir un détour par le rayon grammaire de la bibliothèque.

     

    Mais soyons un peu sérieux, Jean-Pierre Minaudier explique très bien en quoi les langues orientent notre vision du monde, reflètent un système de pensée, à la fois richesse extraordinaire mais parfois aussi carcan.

    L’auteur s’est amusé à nous offrir à chaque page une phrase dans une langue telle que le Dimal, le Harari, le Lakota ou le Pipil, et vous serez certainement content d’apprendre comment on dit « j’ai sorti les ordures de la maison » en Hoan ou « viens par ici » en nez-percé ou mieux Tuktusiuqatiqarumalauqpuq qui veut dire « Il désira avoir un compagnon de chasse au caribou » en inuktiktut comme vous l’avez sûrement deviné.

     

    Heureux propriétaire d’une bibliothèque hors normes, Jean-Pierre Minaudier m’a amusé, enchanté, intéressé. J’ai aimé cet ode à la diversité, cette confession loufoque qui fait éclater le carcan universitaire. Bref j’ai aimé cette invitation au voyage au pays de la grammaire.

     

     

    9782370550163FS.gif

     

     

    Le livre : Poésie du gérondif - Jean-Pierre Minaudier - Editions Le Tripode

     

  • Je te suivrai en Sibérie - Irène Frain

    Que feriez-vous par amour ? Seriez-vous prête à traverser la Russie, à vivre privé de tout et ce pour des dizaines d’années ? 

    decabristes.jpg

    Vassili Time Révolte des décabristes

    Inspirés par le siècle des lumières, des jeunes hommes, riches et nobles pour la plupart, tentèrent le 14 décembre 1825 de renverser le Tsar. Ils souhaitaient l’abolition d’un régime sans limite et l’abolition du servage.
    Peut-être avez vous déjà entendu le nom de décabristes ou décembristes donné à ce mouvement.

    Courageux mais naïfs ils furent bien entendu arrêtés, emprisonnés, exécutés pour certains et condamnés au bagne en Sibérie pour les autres. Leurs épouses eurent un droit au divorce mais contre toute attente ce n’est pas du tout ce qui se produisit.

    exil-en-siberie.jpg

    Irène Frain s’est emparée de cette histoire et s’appuyant sur un personnage bien réel, d’origine française : Pauline Geuble, elle fait le récit de cette extraordinaire épopée depuis la Lorraine jusqu’au fin fond de la Sibérie.

    LaRusFrancophone-2015-07-03-à-17.06.27.jpg

    Pauline en France est en difficulté dans sa famille, entreprenante, audacieuse elle décide de partir pour la Russie. Installée comme modiste elle fait la connaissance d’Ivan Annenkov noble très riche et cultivée mais sous l’empire d’une mère autoritaire et acariâtre. C’est le grand amour mais le mariage n’est pas au programme.

    ivan.jpg

    craquant non ?

    Annenkov aime la France et ses idées, farouche adversaire du servage il s’engage dans le groupe et quand leur complot échoue il devient un décabriste. Déporté en Sibérie, une mort anonyme l’attend mais c’est sans compter sur Pauline qui comme neuf autres femmes de décabristes va le suivre en Sibérie.

    alexandra mouraieva.jpg

    catherine laval  ekaterina troubeskoi.jpg

    camille le dentu  camilla ivacheva.jpg

    zénéide Volkonsky.jpg

    Alexandra MouraievaKatherine TroubeskoïCamille le dentuZénéide Volkonsky

    Il faut s’imaginer ce qu’il fallut de détermination, de courage car ces femmes ainsi perdaient tout, parfois leurs enfants leur étaient enlevés, leurs biens confisqués.
    Pauline se bat bec et ongles car n’étant pas mariée sa situation est plus que précaire.

    bagne du tsar.jpg

    Dans les bagnes du Tsar

    C’est une belle épopée qui est racontée là. 
    Ces femmes sont devenues de véritables légendes et encore aujourd’hui sont fêtées car il est probable que, sans cette décision de suivre ces hommes jusqu’en Sibérie, ils serait morts, les conditions de détentions étaient épouvantables.

    mariage de pauline.jpg

    Le mariage de Pauline en Sibérie

    Pauline est une magnifique héroïne, amoureuse endiablée, tenace, têtue, courageuse, elle eut une vie extraordinaire et contre toute attente elle vécut jusqu’à un âge avancé. 

     

    J’ai aimé le parcours de ces femmes, les traces qu’elles ont laissé dans l’histoire. 

    musée des déca.png

    Musée des Décabristes 

    Si Alexandre Dumas, honte à lui, fait un portrait peu flatteur de Pauline dans son roman le Maître d’armes, Dostoïevski qui croisa leur route, lui rend un hommage vibrant de reconnaissance : 

    « Les anciens déportés (ou du moins, non pas eux mais leurs femmes) s’intéressaient à nous comme à des parents. Âmes merveilleuses que vingt-cinq ans de malheur ont éprouvées sans les aigrir ! D’ailleurs nous n’avons pu que les entrevoir car on nous surveillait très sévèrement. Elles nous envoyaient des vivres et des vêtements. Elles nous consolaient, nous encourageaient » Lettre à son frère 

     

    tombe.jpg

    Tombe de la famille Annenkov à Nijni Novgorod

    Le récit est bien mené, les portraits très réussis. Irène Frain a fait le voyage en Russie et s’appuie sur une documentation solide en particulier les mémoires, lettres de Pauline.

    Si vous aimez la Russie et son histoire ou les épopées romanesques ce livre est fait pour vous.

    9782375020722-475x500-1.jpg

    Le Livre : Je te suivrai en Sibérie - Iréne Frain - Editions Paulsen 2019 

  • Wilderness - Lance Weller

    Le pays et le temps de Lincoln

    guerre de sécession.jpg

    Bien loin d’Autant en emporte le vent, ce roman nous plonge dans la guerre de Sécession. Une lecture récente, celle de la biographie de Lincoln, m’avait donné envie de lire quelque chose d’un peu documenté sur cette guerre. En fait c’est un roman que j’ai choisi et quel roman !!

     

    1864 en Virginie, la guerre bat son plein et même si les armées confédérées donnent de vrais signes de fatigue, les combats sont encore très très violents.

    Abel Truman est un des ces soldats, de ceux qui chantent Dixie, il s’est laissé enrôlé non par conviction mais parce qu’il pense mériter cette punition.

    Une grande bataille se prépare dans la forêt de Wilderness près de Spotsylvania. 

     

    800px-Battle_of_the_Wilderness.png

                         la bataille de Wilderness - Bibliothèque du Congrès

     

    Et pourtant la nature est magnique et rien ne prédispose les lieux a être champs de bataille

     

     

    virginie.jpg

    « Ce matin-là était rempli de chants d’oiseau et les branches étaient traversées de rayons de soleil pâles et obliques, si bien que la lumière éclatante s’étalait sur les feuilles et qu’une légère vapeur s’élevait de la mousse sur le sol de la forêt. Ce matin-là le soleil faisait briller la rosée comme des perles minuscules enfilées sur la résille délicate et précise des toiles d’araignées. Ce matin-là il flottait dans l’air une odeur de soleil, de chaleur et de toutes les bonnes choses en train de pousser. »

     

    1899 Un vieil homme qui vit en compagnie d’un vieux chien quitte sa cabane en bois flotté au bord du Pacifique, quelque part dans l’état de Washington. Il est vieux, malade, il a le corps et le coeur couturé de cicatrices, il prend la route de l’est, la route du retour vers le passé.

    Trente ans plus tard de nouveau confronté à la violence lorsque deux hommes s’en prennent à son chien, il va retrouver de vieux réflexes oubliés mais aussi trouvé sur son chemin des hommes et des femmes capables de bienveillance.

     

    cote pacifique.jpg

    « Le vent faisait doucement grincer la cabane tandis que les vagues sifflaient le long du rivage sombre et rocheux. »

     

    Un récit somptueux et sombre et des personnages « humains, trop humains ». Pas de recherche particulière dans la forme du récit, un classique aller retour entre hier et aujourd’hui. Mais quelle écriture ! Une langue imagée, lyrique, riche, qui restitue parfaitement cette guerre, frère contre frère, cette tuerie ignoble dont les scènes semblent sortir tout droit de l’enfer.

    L’auteur possède une aptitude rare pour nous faire entendre les plaintes des hommes, le rugissement de la bataille et nous faire entrevoir Abel l’homme hanté par son passé qui gravit son Golgotha.

     

    L’auteur fait un récit presque halluciné des scènes de batailles, je n’ai pu m’empêcher de penser à Andersonville le film de Frankenheimer; mais l’auteur est également parfait dans les scènes plus intimistes, très visuelles, en total opposition à la férocité des combats. Les héros secondaires sont également magnifiques et je gage que vous n’oublierez ni Ned, ni David ni Helen et encore moins Hypatie l’esclave en fuite qui va tenter de ramener Abel à la vie.

     

    La traduction est mieux que bonne, elle est excellente et participe grandement au plaisir de lecture.

    La très grande et magnifique tradition du roman américain, dans la lignée des Raisins de la colère ou de la Route du retour. 

     

    Le livre : Wilderness - Lance Weller - Traduit par François Happe - Editions Gallmeister

  • Le déserteur - Jean Giono

    Giono est le roi de l’imaginaire, capable d’inventer même sa biographie ! Aussi quand j’ai commencé Le Déserteur j’ai cru qu’il s’agissait de fiction, mais au fil des pages j’ai eu un gros doute et bien sûr après recherche j’ai découvert que ce déserteur là avait bel et bien existé et que Giono l’a mis en lumière à la demande d’un artiste-éditeur

    champex.jpg

    Une région magnifique 

    Il était ce qu’on appelle un peintre itinérant, il travaillait sur commande et réalisait des ex-voto, des images pieuses, des portraits. Il a fait tout ça sous un nom d’emprunt : Charles Frédéric Brun, or cet homme n’a jamais existé si l’on en croit les registres de l’Etat civil et pourtant il est bien réel.

    C’est là que le talent de Giono opère, certes on ne sait que peut de chose de ce peintre mais Giono lui crée une vie, fabrique une identité à cet homme sans passeport qui arrive dans le Haut Valais en 1843 par des chemins empruntés par les contrebandiers ou les hors la loi.
    Si comme moi vous connaissez la région on est du côté de Nendaz, d’Hérémence mais aussi la vallée d’Abondance.

    En lisant le roman on pense immédiatement à Jean Valjean, il faut dire que Giono quand il écrit le Déserteur vient de relire les Misérables.

     

    Charles Frédéric trouve le gîte chez l’habitant, dans les granges ou les raccards « On lui a fait un lit avec des vieux sacs à côté du poêle » Il vit simplement, frugalement et il peint.

    raccards.jpg

    Un raccard

    Il fait halte dans le Chablais, on le voit passer à Vallorcine. Il va par les sentiers muletiers, s’arrête dans les hameaux.

    Mais c’est dans le Valais qu’il est le mieux accueilli et pourtant « Ce n’était pas facile en 1850 de se faire adopter par un village de montagne du Valais »

    Ses peintures plaisent  « Elles ont été conservées ici parce qu’elles plaisaient au coeur populaire » Il ne fut jamais dénoncé, il a une place dans le coeur des villageois qui lui passent commande ainsi le portrait de Mme Fragnière :

    IMG_0443.JPG

    « Marie-Jeanne Bournissay de son nom de jeune fille, préside son ménage. On ne peut pas distraire un quignon de pain et un quart de fromage de ses placards sans qu’elle en soit avertie. »

     

    Le peintre se diversifie « il voudrait tout enrubanner de rose, fleurir ces neiges livides et réchauffer ces autans, donner à tout le monde le paradis naïf qui s’émerveille en lui. »

    IMG_0442.JPG

    Il peint des saints, des vierges à l’enfant, les rois mages et autres scènes bibliques et il peint même Geneviève de Brabant, voilà qui aurait plu à Proust

    brabant.jpeg

    « la robe de Geneviève a des plis, son voile de mariée est brodé d’un liséré de fleurs et sa couleur imite la transparence, etc., rien n’est passé au pochoir, tout est peint délicatement »

    J’ai trouvé d’occasion un livre qui outre le texte de Giono rassemble les oeuvres du peintre et c’est magnifique de couleurs, de vivacité et d’une foi naïve de celle qu’on appelle la foi du charbonnier. C’est grâce à un curé de campagne qui commença à collectionner les oeuvres et récolta ces peintures colorées auprès de ses paroissiens que ce livre put se faire. 

    Vous pouvez voir certaines des oeuvres de ce peintre au musée de Sion en Suisse mais aussi à la Chapelle Saint Michel à Nendaz signalée par Tania 

    un billet de Cléanthe sur ce livre

    IMG_0440.JPG

    Le livre : Le déserteur - Jean Giono - Editions de Fontainemore  ou Gallimard Folio

     

  • Japon perdu - Alex Kerr

    temple-kinkaku-ji-kyoto-japon.jpg

    Temple KInkaku à Kyoto

    La culture japonaise m’a toujours fascinée avec ses paradoxes, ses traditions, sa société, et son histoire. 
    J’ai déjà fait plusieurs voyages au Japon, Sur les chemins de Sata, à la rencontre de poètes ou de peintres. 

    alex kerr.jpg

    Alex Kerr

    Le récit d’Alex Kerr m’a enchanté, écrit en japonais à l’origine, il permet de suivre trente ans de la vie de cet homme 
    « Au début des années 1970, Alex Kerr, jeune étudiant américain, acquiert une maison abandonnée, plusieurs fois centenaire, sur l'île japonaise de Shikoku. Ce sera le point de départ d'une vie d'écrivain, d'antiquaire, d'expert érudit et passionné du Japon. »

    japon.jpg

    Alex Kerr a fait connaissance très jeune avec le Japon ses parents étant nommé à Yokohama après la guerre.
    Il fait des études pour apprendre le japonais et l’histoire du pays. Il arpente le pays. 
    Quelques années plus tard fasciné par la beauté des lieux il achète une maison ancienne, abandonnée, dans la vallée de l’Iya sur l’île de Shikoku qu’il nommera Chiiori.
    « En entrant dans ces habitations vides, j'ai été frappé par leur obscurité, la paix qui y régnait. Je me souviens encore parfaitement qu’en ressortant des maisons, j’étais ébloui par la lumière du soleil qui contrastait avec la pénombre intérieure. Les montagnes de l'autre côté de la vallée étaient couvertes de brume. »

    pont au japon.jpg

    Pont dans la vallée de l'Iya

    Il faut des efforts intenses pour payer les travaux nécessaires, la réparation des toits, trouver les artisans capables, préserver la beauté prête à disparaitre.
    Alex Kerr va vous permettre de découvrir le Japon ancien, sa calligraphie; la cérémonie du thé; le théâtre Kabuki, vestiges d’un temps passé.

    theatre_kabuki_1024x1024.jpg

    Nostalgique de ce monde perdu, critique de la quête effrénée de modernité si destructrice du patrimoine culturel et naturel, Alex Kerr continue pourtant d'aimer le Japon de tout son être. 
    « Ma mère m'a emmené un jour dans une boutique d'antiquités dans le quartier de Motomachi. J'observais avec émerveillement de vieux objets en porcelaine d'Imari, que l'on sortait avec grande précaution de leur emballage de paille. À cette vue, j'ai ressenti une fascination indescriptible. C’est à ce moment-là que je suis tombé amoureux du Japon. »

    tenmangu kameoka.jpg

    Temple de Tenmangû

    Il parle de sa vie au Japon, son travail pour des fondations, la recherche d’une maison plus proche de son travail, il trouve Kameoka une demeure dans un sanctuaire Tenmangû.
    Son savoir énorme à propos des objets anciens, de leur restauration : paravents, écrans, manuscrits.

    como-hace-japon-para-obtener-madera-sin-talar-arboles-daisugi-284411-2.jpg

    Pour reboiser !! faire pousser des arbres sur des arbres

    Il attire l’attention sur les pertes générées par le Japon d’aujourd’hui, par les désastres écologiques comme le déboisement brutal et catastrophique. Il dit qu’au Japon aucune ville, aucun village n’est préservé.

    Son livre a surpris les japonais qui n’étaient guère intéressés par leur patrimoine.
    Japon Perdu a reçu en 1994 le prix Shincho Gatugei et fait d’Alex Kerr le premier étranger à recevoir ce prix, qui récompense chaque année la meilleure oeuvre de non fiction publiée au Japon. 

    Lire Japon perdu c’est entrer dans un monde fascinant, revivre un monde qui n’existe pratiquement plus, c’est faire provision de nostalgie. 
    Je suis très attiré par le Japon mais guère par celui d’aujourd’hui, j’ai donc trouvé là mon bonheur.

    IMG-0187.jpg

    Le Livre : Japon perdu  Alex Kerr - Traduit par Guillaume Villeneuve - Editions Nevicata 2020

     

  • L'Infinie patience des oiseaux - David Malouf

    Certaines parutions déclenchent aussitôt une alarme dans ma tête. Le nom de David Malouf a suffi.
    Le roman est  ancien en fait (1982) mais traduit pour la première fois.
    Une rançon est pour moi un texte magnifique et c'est avec quelque appréhension que j'ai plongé dans cette Infinie patience des oiseaux.

    malouf

    Un court roman qui se déroule en Australie dans le Queensland à la veille de la Première Guerre.
    Deux personnages vont occuper l'espace, Jim Saddler un garçon de vingt ans à l'avenir incertain, un peu marginal, un peu paumé, son plaisir il le prend dans les marais à observer les oiseaux.

    malouf

    « Là-bas, derrière lui, à l'endroit où tous ces marécages se déversaient dans le Pacifique, il y avait le sable des dunes, maintenu par du pourpier violet et des buissons bleus, puis l'océan : sur des milles et des milles. L'on pouvait marcher pendant des heures le long de la blancheur sifflante des vagues sans jamais rencontrer âme qui vive. Rien que des bandes de mouettes et des huîtriers à long bec s'affairant au-dessu de la lumière humide »     

    Il n'en croit pas ses oreilles quand Ashley Crowther riche héritier revenu s'installer sur les terres auxquelles les marais appartiennent, lui propose de créer un sanctuaire pour les oiseaux, dont lui, Jim, serait le responsable.
    Et le miracle s'accomplit, le diplômé de Cambridge et le paumé s'entendent, Jim fait faire la découverte des marais aux amis d'Ashley.
    Deux jeunes hommes amoureux de la nature, de la beauté des oiseaux, émerveillés et fascinés par ce monde étrange des migrateurs.

    malouf


    « Cela l'émerveillait. Une chose pareille. De pouvoir par une chaude journée de novembre avec le soleil lui brûlant le dos, la terre fourmillant sous lui et le paysage tout entier étincelant et stridulant, observer une créature qui, à peine quelques semaines plus tôt, se trouvait de l'autre côté de la Terre et avait trouvé sa route jusqu'ici en traversant toutes les cités d'Asie, franchissant des lacs, des déserts, des vallées encaissées entre de hautes chaînes de montagnes, survolant des océans sans le moindre point de repère, pour se poser précisément sur cette berge  »

    Bientôt Imogen Harcourt vient se joindre à eux, c'est la photographe qui fait de beaux clichés des oiseaux, qui permet de découvrir « de l'intérieur la vie unique de l'animal. Ça aussi ce pouvait être un don »

    C'est Août l'époque des grandes migrations celle où arrivent « les premiers réfugiés, comme les appelait Miss Harcourt »
    Ce ne sont pas les migrateurs qui arrivent mais la guerre, Jim et Ashley s'engagent. Le bateau, l'Angleterre puis les Flandres et les tranchées. Jim va faire partie de la piétaille, Ashley lui intégré le corps des officiers, ils étaient ensemble dans leur Eden peuplé d'oiseaux, l'absurdité de la guerre les lie à tout jamais.

    malouf

                    « L’Australie a promis à la Grande-Bretagne de lui fournir 50 000 hommes de plus.
                                                  Allez-vous nous aider à tenir cette promesse »


    La seconde partie du livre est terrible, David Malouf a les mots justes pour décrire l'horreur qui s'est brutalement matérialisée « Vous êtes entré dans la guerre par un trou ordinaire dans une haie » et de l'autre côté c'était l'indicible.
    Horreur et absurdité de toutes les guerres, comme dans Une rançon, on retrouve ici la prose magnifique de David Malouf, toute de sobriété.
    La force du livre c'est ce décalage entre un avenir tout juste entrevu au Queensland et la réalité des tranchées.
    David Malouf écrit le récit de cette guerre comme un ralenti de cinéma, les images faites de boue, de froid, de sang répondent comme le négatif d'une photo aux images poétiques, bucoliques des marais.

    malouf


    Vous ouvrez ce livre et ne le quittez plus. Il faut une plume exceptionnelle pour ainsi passer d'un monde à l'autre, pour transformer le lecteur d'ornithologue attentif en soldat dans la boue des Flandres.
    Quel magnifique livre, quel grand auteur !

    Le livre : L'infinie patience des oiseaux - David Malouf - Traduit par Nadine Gassic - Editions Albin Michel