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Rechercher : la petite lumière

  • Entre ciel et terre - Jón Kalman Stefánsson

    entrecieletterre.gifEntre ciel et terre - Jón Kalman Stefánsson - Traduit de l’Islandais par Eric Boury - Editions Gallimard
    Rares sont les livres dont on sait après quelques pages qu’ils resteront parmi vos lectures préférées. En 2009 il y avait eu " La leçon d’allemand " et en 2010 il faudra beaucoup de talent à un écrivain pour détrôner ce livre magnifique.
    La littérature islandaise m’avait déjà apporté beaucoup de plaisir avec Laxness mais aujourd’hui j’attends avec impatience que les autres livres de Stefánsson soient traduits en français pour retrouver cette écriture si particulière.

    A l’ouest de l’Islande il y a plus d’un siècle, quasiment au bout du monde, dans le fond d’un fjord, sont réunis pendant la saison de pêche un groupe d’hommes qui vivent et meurent de la mer. Voilà, vous allez les accompagner dans une nuit de pêche à la morue, dans la barque il y a Bárður un marin pas comme les autres car ce qu’il aime par dessus tout ce n’est pas la pêche, non, ce sont les livres que lui prête un vieux capitaine aveugle, d’ailleurs là en ce moment sa lecture c’est " Le Paradis perdu " de Milton, il est tellement habité de poésie qu’il en a oublié sa vareuse dans la baraque où il dort.

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    "Certaines d'entre elles n'ont toutefois qu'un niveau, les équipages dorment, appâtent les lignes

    et mangent dans le même espace"

    Pour faire équipe avec Bárður il y a un gamin, un jeunot, qui le suit comme son ombre et qui s’est laissé lui aussi envoûté par les mots, il veut        " accomplir quelque chose dans cette vie, apprendre les langues étrangères, parcourir le monde, lire un millier de livres ".
    Il n’a plus ni père ni mère, son père aussi " était sur une barque à six rames (...) et il ne fut pas le seul à se noyer " et sa mère à griffonner pour lui avant de mourir " Vis " munit de ce viatique il s’essaie à la vie.

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    " Chaque homme a son rôle précis au sein de la nuit"

    Son seul ami c’est Bárður, il rame avec lui, " seule une maigre planche les sépare de la noyade " sur ce bateau,  mais cette nuit là un vent glacial souffle, la tempête s’en mêle. Lorsque le gamin se retrouve seul, son ami disparut, il a à coeur de faire ce qui était le plus important pour celui-ci, rendre le livre emprunté au vieux capitaine qui possède , merveille des merveilles quatre cent livres, et puis après... rejoindre son ami dans la mort.
    Le voyage du gamin est un voyage initiatique, son désir de rejoindre Bárður est fort mais l’envie de continuer à vivre est là aussi,  un poème peut changer votre vie parce que " Certains mots sont des balles de fusil, d’autres des notes de violon. Certains sont capables de faire fondre la glace qui nous enserre le coeur (...) quand les jours sont contraires et que nous ne somme peut être ni vivants ni morts. "

    C’est un livre rare que ce roman, une révélation, de ceux que l’on ne peut oublier, la poésie  habite les deux personnages, imprègne tout le livre, un monde disparu auquel on se sent lier par les mots de Stefánsson. L’exploration des replis de l’âme humaine est de tous les pays, le style et les superbes métaphores nous obligent à ralentir la lecture et nous font regretter d’être arrivé à la fin de l’histoire. L'art du traducteur Eric Boury permet de jouir pleinement de la beauté de ce livre.


    Faites une place à ce livre dans votre bibliothèque.

    L’auteur
    jkstefansson.jpgJón Kalman Stefánsson, né à Reykjavík en 1963, est poète, romancier et traducteur, de Knut Hamsun notamment. Il figure parmi les auteurs islandais actuels les plus importants. Trois de ses romans ont été sélectionnés pour le Prix scandinave de littérature (en 2001, 2004 et 2007). Il a reçu pour son récit Lumière d’été, et ensuite la nuit arriva le Prix islandais de littérature en 2005. Entre ciel et terre est son premier roman traduit en français. ( source l’éditeur)

  • L'excursion des jeunes filles qui ne sont plus - Anna Seghers

    L’excursion des jeunes filles qui ne sont plus - Anna Seghers - Traduit de l’allemand par Joël Lefebvre - Editions Ombres
    l'excursion.gifCe n’est pas un livre récent que celui là , écrit par Anna Seghers réfugiée au Mexique en 1943 pour fuir le nazisme, elle y raconte une excursion, celle d’une classe de jeunes filles au début de la première guerre mondiale.
    Lorsqu’elle écrit cette longue nouvelle, elle a appris la mort de sa mère dans les camps et la destruction de sa ville natale, Mayence, lors de bombardements. Cette nouvelle dénonce l’antisémitisme, le nazisme, l’intolérance, elle mêle le passé et la période de la guerre de façon subtile.
    Anna Seghers revit pour nous ce voyage dans sa pureté originelle. Il faisait beau "Quelques boutons d’or se mirent à briller dans la vapeur qui s’exhalait du sol à travers l’herbe haute", deux jeunes filles sont sur une balançoire, Leni et Marianne, Lore et Greta plus loin, et aussi Nora et Ida, Sophie et Melle Sichel l’institutrice.
    Toute la troupe s’installe "la terrasse du café, au bord du Rhin était planté de rosiers (...) des tables couvertes de nappes à carreaux rouges et blancs (...) le son de jeunes voix bourdonnant comme un essaim d’abeilles". Une classe de garçons va les rejoindre un moment.
    Ce récit idyllique est bien vite fracassé car Anna Seghers, comme un devin qui lirait l’avenir sur le visages de ces jeunes filles, nous dévoile implacablement leurs destins. Quinze destins tragiques.
    Telle jeune fille au profil délicat épousera un dignitaire du régime fasciste et refusera son aide à Leni dont l’enfant sera enlevé par les nazis. Telle autre se suicidera de désespoir lorsque son mari accrochera le drapeau à croix gammée à leur fenêtre.
    L’incessant va et vient est poignant, et comme les décors d’un théâtre, les deux époques vont s’interchanger au fur à mesure qu’avance le récit.
    Des détails retenus de ce jour là deviennent des marques plus tard de la folie des hommes, ainsi les cheveux noirs ébène de Sophie, que revoit Anna Seghers, deviendront blancs après son voyage en wagon plombé.
    Elle met en avant l’ironie de l’existence qui voulut que Marianne qui refusa son aide à Leni, périsse dans l’incendie de sa maison lors des bombardements mais que l’enfant de Leni survécut.
    Anna Seghers cherche à comprendre comment ces jeunes filles ont pu se haïr ou se trahir,  nous rappelle les actes de courage, les dénonciations, les reniements, les fautes et les sacrifices, et fait " apparaître en filigrane ce qui aurait pu advenir si .... " Elle sait que la destinée de ces jeunes filles est semblable à la destinée de son pays car " l’essaim de jeune filles serrées les unes contre les autres, qui remontait le fleuve dans la lumière oblique de l’après-midi, faisait partie intégrante du pays."

     

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    Mayence

    Ce livre court est salutaire pour ne pas oublier et de garder à l’esprit la question restée sans réponse "Par quel processus, lâcheté, ambition, indifférence, tout un peuple a-t-il pu soutenir ou même simplement tolérer le crime commis en son nom ? " et comment n'importe quel peuple est capable d'en faire autant !
    Dans sa postface Jean Tailleur qualifie le texte de "requiem " C’est le mot juste.

    Le texte a fait l'objet d'adaptation au théâtre et Amanda a eu la chance de participer à sa lecture en public.

    L’auteur
    annaseghers.jpgNetty Radvany Reiling, dite Anna Seghers (Mayence, Rhénanie-Palatinat, 1900 – Berlin, 1983). Née dans une famille de la bourgeoisie juive de Mayence, après des études d’histoire de l’art, elle se tourne vers la littérature, Prix Kleist en 1928 pour La Révolte des pêcheurs de Sante-Barbara, elle adhère au Parti communiste allemand, puis à la Ligue des écrivains révolutionnaires-prolétariens. Placée sous surveillance après l’accession de Hitler au pouvoir, elle émigre en France, où pendant six ans elle participe activement au combat des intellectuels contre le fascisme, tout en poursuivant son œuvre de romancière. En septembre 1940, fuyant Paris occupé, elle part pour les États-Unis puis de là vers le Mexique.  Rentrée à Berlin en 1947, elle devient en présidant l’Union des Écrivains de RDA, l’une des figures dirigeantes, l’une des voix les plus écoutées de la nouvelle culture socialiste.

  • La Tristesse des anges- Le coeur de l'homme - Jón Kalman Stefánsson

    Une saga islandaise

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    Pour le résumé du premier roman de la série Entre ciel et terre  je vous invite à relire le billet que j’avais fait à la sortie du premier tome de cette saga islandaise.

     

    Après nous avoir retracé l’histoire du gamin féru de poésie, nous repartons dans La tristesse des anges en compagnie de Jens le postier

    Postier dans ces contrées c’est un métier à risque, le froid et les tourmentes de neige peuvent vous faire disparaître comme un rien. Il est aimé Jens, il est celui qui apporte les nouvelles du monde, qui emporte avec lui les messages d’amour, qui livre le journal local avec ses potins. Son patron le déteste et se fait un malin plaisir de l’expédier porter le courrier vers un fjord qu’il ne connait pas et dont l’accès doit se faire par bateau. La mer le terrifie aussi est-il décidé de lui adjoindre le gamin qui lui a le pied marin. 

     

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                                       "La Rive de l'hiver"

     

    Le gamin qui venait juste de commencer son apprentissage de l’anglais et de découvrir les sentiments amoureux, va devoir accompagner Jens et affronter avec lui la mer hostile, les tempêtes de neige, le brouillard qui rend tous les repères inutiles pour atteindre « la rive de l’hiver ».

    L’homme et l’enfant vont devoir trouver leur chemin, de hameau en hameau il leur faut porter les lourdes sacoches, trouver le gîte et le couvert auprès de familles dépourvues de tout et ensevelies dans le froid l’hiver durant.

     

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    « Il neige. Une charpie de flocons emplit la voûte du ciel et s’amoncelle sur le monde »

     

    L’auteur est habile et je n’ai jamais eu envie d’abandonner là Jens et le gamin, j’ai vibré avec eux, les personnes rencontrées sont autant de héros singuliers et discrets, Kjartan le pasteur en proie au doute, une femme pour qui un livre est plus précieux que du pain. Au milieu de la tempête où la tragédie affleure en permanence, la pulsion de vie qui anime les hommes et les femmes rend la lecture pleine d’allégresse.

     

    Dans le Coeur de l'homme dernier volume de ce long périple nous retrouvons le gamin qui a trouvé asile chez un médecin. L’hiver se termine, les jours allongent et la lumière emplie le paysage. Une nouvelle campagne de pêche va commencer. 

    Le gamin est bientôt de retour auprès de Kolbeinn.et tous les personnages s’animent autour de lui, Andrea, Pétur et Einar, l’imprimeur Olaf, Gisli avec qui il se gave de ces mots qui « sont nos armes contre le temps, la mort, l’oubli, le malheur.» 

     

    Il rêve et ses rêves «  proviennent de l'intérieur, ils arrivent, goutte à goutte, filtrés, depuis l'univers que chacun de nous porte en lui » . Souvent il pense à son ami Bárður qui l’a poussé vers la lecture qui « élargit l’horizon de la vie ».

    Le gamin fait aussi son apprentissage amoureux et  tente de résister à la séduction de Ragnheiður. Bref il grandit.

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    Tout au long de ces trois livres on est fasciné par les flot des pensées des personnages, leur inquiétude spirituelle, leur culpabilité parfois, le flux des sensations qui les assaillent, tout est amené avec habileté et délicatesse. On est pris d’une totale empathie pour eux et l’on a aucune envie de les quitter.

    On a parfois l’impression de se perdre, mais au détour d’une phrase on retrouve une pensée, une émotion, le commentaire parfois drolatique d’un personnage ou un proverbe et l’on poursuit sa route.

     

    Cette trilogie détient un fort pouvoir de fascination. L’écriture demande parfois un effort : les noms, la multitude de personnages sont de légers obstacles qui valent d’être surmontés.

    L’ écriture de Jón Kalman Stefánsson est pareille au climat islandais, il peut vous perdre dans ses brumes, ses méandres, ses bourrasques de neige mais son lyrisme vous tient toujours sous sa coupe. 

    Il faut dire et redire que sans l’extraordinaire traduction d’Eric Boury l’écriture de Stefánsson ne nous toucherait pas autant.

     

    Cette saga est un hymne à l’Islande et aux islandais férus de récits et de poésie et vous pouvez lui faire une place dans votre bibliothèque

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    Jérôme est tout aussi enthousiaste que moi pour les 2 romans

     Les livres : La Tristesse des anges et Le coeur de l’homme - Jón Kalman Stefánsson - Traduction Eric Boury - Editions Gallimard

  • Le Grand guide de Venise - Alain Vircondelet

    Villes mythiques : Venise 

     

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    Parmi les villes mythiques Venise tient le haut du pavé. 

    J’ai trop lu sur Venise et je ne m’y suis pas assez promenée hélas. Je suis à l’affût de tous les livres qui peuvent me procurer un voyage immobile. 

    Alain Vircondelet mêle peinture et photos de façon habile et ainsi nous fait parcourir toutes les rues, tous les quartiers, tous les ponts et toutes les églises.

    En douze promenades le lecteur part sur les pas de Canaletto et de Guardi.

     

    On peut donc lire se livre en trois temps.

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     «  Au premier plan les embarcations se pressent dans le Canal au risque de chavirer. C’est sans compter sans l’agilité des gondoliers que Canaletto croque avec finesse et humour » 

    Un temps pour la peinture et les maîtres vénitiens sont d’une grande richesse, vous pouvez explorer Venise sous toutes ces facettes, profiter de l’analyse et des détails d’une vingtaine de tableaux parmi les plus célèbres.

     

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    « Canaletto veut élargir l'espace lumineux du motif, retranscrire la qualité atmosphérique de Venise, accueillir sa lumière. »

     

    Un temps pour la Venise d’aujourd’hui. La mise en parallèle des tableaux et des photos est réjouissante, on retrouve les mêmes places, les mêmes ponts, jusqu’aux couleurs qui sont les mêmes. J’ai aimé parcourir les rues avec lui, entrer dans des palais parfois fermé au public. Découvrir des jardins cachés.

     

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    « Venise est une ville où l’on marche. Où l’on entends les pas de ses visiteurs. C’est aussi une ville qui se donne à voir. »
     

    Un temps pour votre voyage de demain avec des parcours détaillés par quartier, plus de douze circuits et 150 lieux à visiter, à admirer. Vous pourrez choisir votre itinéraire, découvrir des campi secrets et mettre une croix sur votre plan pour prévoir une glace chez Nico la gelateria près des Gesuati histoire de faire une pause.

     

    DSC00074.jpg©ivredelivres

    Ce qui m’a plu : les échanges entre hier et aujourd’hui, les détails d’un tableau et le même lieu en photo qui par la magie du cadrage semble se confondre avec hier. 

    Mais Alain Vircondelet n’est pas dupe des changements, alors que les travaux pour protéger Venise ont commencé, la photo qui présente un luxueux et ENORME paquebot de croisière empruntant le Grand Canal est proprement terrifiante !! 

     

     

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                                        Voilà qui fait peur

     

    et voilà pourquoi je préfère cela :

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    «  Le tableau joue sur le liquide et le solide. La pierre et l'eau. Les nuages irisent le ciel auquel Guardi a consacré la majeure partie du tableau. Venise est ouverte sur la mer.»

     

    La littérature est là aussi et vous pourrez flâner avec Rilke, peut être apercevoir l’Altana d’Henri de Régnier ou aller vous recueillir sur la tombe de Diaghilev ou évidemment partager un verre au  Harry’s bar avec Hemingway.

     

    Si vous êtes amoureux de Venise ce livre va se révéler un puits de souvenirs et va  trouver place dans votre bibliothèque.

     

    Le livre : Le Grand guide de Venise - Alain Vircondelet - Photos de Marco Cecchi - Editions Eyrolles

     

    L’auteur : Alain Vircondelet enseigne la littérature des XVIIIe et XXe siècles à l'Université. Il devient maître de conférence à la faculté des lettres de l'Institut Catholique de Paris. Il a écrit de nombreuses biographies de Camus à Saint Exupéry. Il est aussi un spécialiste de Venise à laquelle il a consacré plusieurs ouvrages.

     

     

  • Poésie du gérondif - Jean-Pierre Minaudier


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    Histoire de fêter un peu la rentrée scolaire, si on parlait un peu de grammaire

    Enfin pas de n’importe quelle grammaire, non plutôt des 1163 livres de grammaire que possède l’auteur !! Quand je pense que je n’ai même pas une grammaire française sur mes étagères ....

     

    Jean-Pierre Minaudier l’avoue il faut être un peu fou pour faire collection de livres de grammaire, mais que voulez-vous ça le tient depuis l’adolescence. Il est fasciné par les langues, toutes les langues ! même celles qui ne sont parlées que par quelques individus perdus au fin fond d’un désert Australien. Sa collection couvre 864 langues.

    D’ailleurs il affirme « La lecture d’une grammaire peut constituer un véritable roman policier » comme je suis amateur de polar j’ai décidé de le suivre.

     

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    Un érudit cet homme bien sûr mais ne croyez pas qu’il parle 35 langues, non non il se contente (à part les langues usuelles anglais, espagnol) du basque et...de l’estonien. Un doux dingue je vous dis !

    Mais le lecteur se laisse totalement embarqué dans sa folie, son humour est ravageur, je vous déconseille de lire son livre dans le métro ou le train vous allez attirer sur vous des regards interrogatifs.

    Il y a son parcours du combattants pour acheter, parfois à prix d’or, LA grammaire qu’il guigne, il y a son affirmation « Une grammaire est une espèce de grand sudoku : par déductions successives, il faut rassembler les pièces d’un puzzle logique », il y a cette langue qui aligne pas moins de 117 consonnes, la prononciation je vous dis pas, on peut aller se rhabiller avec notre anticonstitutionnellement.

    Il y a cette langue sibérienne qui est différente selon qu’elle est parlée par un homme ou une femme, il y a le coréen qui n’a pas moins de six façons pour saluer une personne. 

    Il y a ces langues fabuleuses comme le japonais qui sont des langues détenant des mots impressifs, quésaco ? ce sont ces mots imagés un peu comme nos onomatopées, par exemple truytte en japonais évoque le bruit d'un baiser, ou le mot pika un éclair de lumière. 

    Quand vous pensez que les étrangers se plaignent que le genre en français est difficile à mémoriser alors que certaines langues africaines n’ont pas moins de 20 genres

    L’amusement de l’auteur est communicatif :

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    « Voici comment on dit “J’ai vu un animal de ce type”  en kalam, une langue papoue de Nouvelle-Guinée orientale : Knm nb nnnk. Toute personne capable de prononcer cette phrase gagnera une chaussette d’archiduchesse séchée sur une souche sèche. »

     

    Et l’on se prend à prévoir un détour par le rayon grammaire de la bibliothèque.

     

    Mais soyons un peu sérieux, Jean-Pierre Minaudier explique très bien en quoi les langues orientent notre vision du monde, reflètent un système de pensée, à la fois richesse extraordinaire mais parfois aussi carcan.

    L’auteur s’est amusé à nous offrir à chaque page une phrase dans une langue telle que le Dimal, le Harari, le Lakota ou le Pipil, et vous serez certainement content d’apprendre comment on dit « j’ai sorti les ordures de la maison » en Hoan ou « viens par ici » en nez-percé ou mieux Tuktusiuqatiqarumalauqpuq qui veut dire « Il désira avoir un compagnon de chasse au caribou » en inuktiktut comme vous l’avez sûrement deviné.

     

    Heureux propriétaire d’une bibliothèque hors normes, Jean-Pierre Minaudier m’a amusé, enchanté, intéressé. J’ai aimé cet ode à la diversité, cette confession loufoque qui fait éclater le carcan universitaire. Bref j’ai aimé cette invitation au voyage au pays de la grammaire.

     

     

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    Le livre : Poésie du gérondif - Jean-Pierre Minaudier - Editions Le Tripode

     

  • Je te suivrai en Sibérie - Irène Frain

    Que feriez-vous par amour ? Seriez-vous prête à traverser la Russie, à vivre privé de tout et ce pour des dizaines d’années ? 

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    Vassili Time Révolte des décabristes

    Inspirés par le siècle des lumières, des jeunes hommes, riches et nobles pour la plupart, tentèrent le 14 décembre 1825 de renverser le Tsar. Ils souhaitaient l’abolition d’un régime sans limite et l’abolition du servage.
    Peut-être avez vous déjà entendu le nom de décabristes ou décembristes donné à ce mouvement.

    Courageux mais naïfs ils furent bien entendu arrêtés, emprisonnés, exécutés pour certains et condamnés au bagne en Sibérie pour les autres. Leurs épouses eurent un droit au divorce mais contre toute attente ce n’est pas du tout ce qui se produisit.

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    Irène Frain s’est emparée de cette histoire et s’appuyant sur un personnage bien réel, d’origine française : Pauline Geuble, elle fait le récit de cette extraordinaire épopée depuis la Lorraine jusqu’au fin fond de la Sibérie.

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    Pauline en France est en difficulté dans sa famille, entreprenante, audacieuse elle décide de partir pour la Russie. Installée comme modiste elle fait la connaissance d’Ivan Annenkov noble très riche et cultivée mais sous l’empire d’une mère autoritaire et acariâtre. C’est le grand amour mais le mariage n’est pas au programme.

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    craquant non ?

    Annenkov aime la France et ses idées, farouche adversaire du servage il s’engage dans le groupe et quand leur complot échoue il devient un décabriste. Déporté en Sibérie, une mort anonyme l’attend mais c’est sans compter sur Pauline qui comme neuf autres femmes de décabristes va le suivre en Sibérie.

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    Il faut s’imaginer ce qu’il fallut de détermination, de courage car ces femmes ainsi perdaient tout, parfois leurs enfants leur étaient enlevés, leurs biens confisqués.
    Pauline se bat bec et ongles car n’étant pas mariée sa situation est plus que précaire.

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    Dans les bagnes du Tsar

    C’est une belle épopée qui est racontée là. 
    Ces femmes sont devenues de véritables légendes et encore aujourd’hui sont fêtées car il est probable que, sans cette décision de suivre ces hommes jusqu’en Sibérie, ils serait morts, les conditions de détentions étaient épouvantables.

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    Le mariage de Pauline en Sibérie

    Pauline est une magnifique héroïne, amoureuse endiablée, tenace, têtue, courageuse, elle eut une vie extraordinaire et contre toute attente elle vécut jusqu’à un âge avancé. 

     

    J’ai aimé le parcours de ces femmes, les traces qu’elles ont laissé dans l’histoire. 

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    Musée des Décabristes 

    Si Alexandre Dumas, honte à lui, fait un portrait peu flatteur de Pauline dans son roman le Maître d’armes, Dostoïevski qui croisa leur route, lui rend un hommage vibrant de reconnaissance : 

    « Les anciens déportés (ou du moins, non pas eux mais leurs femmes) s’intéressaient à nous comme à des parents. Âmes merveilleuses que vingt-cinq ans de malheur ont éprouvées sans les aigrir ! D’ailleurs nous n’avons pu que les entrevoir car on nous surveillait très sévèrement. Elles nous envoyaient des vivres et des vêtements. Elles nous consolaient, nous encourageaient » Lettre à son frère 

     

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    Tombe de la famille Annenkov à Nijni Novgorod

    Le récit est bien mené, les portraits très réussis. Irène Frain a fait le voyage en Russie et s’appuie sur une documentation solide en particulier les mémoires, lettres de Pauline.

    Si vous aimez la Russie et son histoire ou les épopées romanesques ce livre est fait pour vous.

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    Le Livre : Je te suivrai en Sibérie - Iréne Frain - Editions Paulsen 2019