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Rechercher : la petite lumière

  • ”Les enfants aussi” La Grande Rafle du Vel d'Hiv

    La Grande rafle du Vel d’Hiv - Claude Levy - Paul Tillard - Editions Tallandier Textogranderafle.gif
    Dans quelques jours à Paris se commémorera  « la plus grande rafle que la ville ait connue depuis l'arrestation des Templiers et la Saint-Barthélemy »
    En 1942 dans l’Europe entière des opérations identiques sont lancées, Ecume de mer en Europe de l’est, à Paris c’est sous le nom de Vent printanier que l’opération est connue.
    Partout en Europe les juifs sont répertoriés, arrêtés et déportés vers les camps de la mort. La solution finale a été décidé par les allemands à la Conférence de Wannsee qui s’est tenue en janvier 42.
    Pourtant par comparaison à ce qui se passe en Europe la rafle de Paris qui débute le 16 juillet 1942 présente la terrible particularité d’être organisée, menée, dirigée, par la police française et le gouvernement français de Vichy.
    Gouvernement et police qui seront responsables de l’arrestation et de la déportation de 12884 juifs dont 4051 enfants car Pierre Laval en a ainsi décidé, jouant un rôle déterminant dans la disparition de ces enfants dont pas un ne reviendra.
    Le livre de Claude Levy s’appuie sur les documents de l’époque mais aussi sur ceux mis à sa disposition plus tardivement lorsque les archives se sont ouvertes. Ce qui rend se livre inoubliable ce sont les paroles des témoins de cette rafle, juifs ou non.

    27 388 fiches de personnes juives et de nationalité étrangère, sont répertoriées sous la responsabilité du Directeur des camps de concentration français de Drancy, Beaune-la-Rolande, Pithiviers.
    Dans les jours précédents on a demandé aux membres de l’UGIF (Union Générale des Israélites de France) de préparer des étiquettes et d’y accrocher un morceau de ficelle, pour étiqueter quoi ?
    9000 policiers
    vont intervenir, tous français et organisés en 880 équipes, il est prévu d’agir vite afin de ne déclencher aucune réaction dans la population. Les personnes arrêtées seront regroupées dans les écoles, les gymnases puis convoyées vers le Vel d’Hiv pour les familles, vers Drancy pour les célibataires ou couples sans enfants.L’organisation est méticuleuse, les camps sont en partis vidés dans les jours qui précèdent, les détenus envoyés en Allemagne pour « faire de la place » aux femmes.


    rafle.jpgLe jeudi noir
    Dans les jours précédents quelques juifs sont prévenus de la rafle, souvent de façon cryptée, imprécise, mais certains d’entre eux auront la vie sauve grâce à ces messages. D’autres ne voudront pas le croire ou tout simplement ne sauront ni où se cacher ni vers quoi fuir.
    La rafle débute à 4 heures du matin pour être sûr de trouver les juifs chez eux. Les familles au complet dans la plupart des cas.
    Le récit de Claude Levy est précis, s’appuyant sur des témoignages il dresse le tableau de ces familles, femmes en couche, enfants, réveillés aux cris de « police ouvrez »
    Les témoins expliquent les tentatives de fuite, les suicides, quelques actes de courage de la population, quelques gestes de compassion des policiers en bien trop petit nombre. Des témoins en seront à jamais marqués tel Roger Boussinot qui écrira « Les guichets du Louvre » dont Michel Mitrani fera un film en 1973.

    50 autobus, des cars de police vont convoyer les familles, c’est la seule photo qui reste de la rafle, la file des bus stationnés devant le Vel d’Hiv.
    Les familles vont vivre sept jours d’enfer dans ce vélodrome où rien n’a été prévu pour les accueillir, les nourrir, les soigner.
    Les quelques médecins, infirmières qui parviendront à entrer feront des récits terrifiants du bruit, de la chaleur, de l’odeur de la détresse de cette foule entassée sans moyens d’hygiène, mourant de soif, terrorisée et tentant parfois par tous les moyens de s’échapper de ce piège. 7000 personnes prisonnières dans des conditions inhumaines

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    Le camp de Pithiviers

    Toute cette foule sera bientôt dirigée vers les camps français puis vers Auschwitz.
    Dans un chapitre particulier l’auteur fait le point sur les 4051 enfants arrêtés, autour de Pierre Laval plusieurs font la proposition de regrouper ces enfants dans des Maisons d’enfants mais la décision de Laval est sans appel malgré des pressions des Etats-Unis « Les enfants aussi » doivent être déportés.
    Les convois d’enfants partiront vers Auschwitz que les enfants pour conjurer la peur de l’inconnu ont baptisé « Pitchipoï »

    Claude Levy fait aussi une large place à la volonté des témoins, des survivants de « faire savoir » , du long chemin vers la reconnaissance par l’Etat Français de son rôle, sur la position des différentes Eglises et de leurs représentants.
    Des 12884 personnes raflées en juillet 42 une cinquantaine revinrent et aucun des 4051 enfants.

    Lisez ce livre, faites lui une place dans votre bibliothèque

    En complément

    Un site de la mémoire juive
    Des films : Les guichets du Louvre et La Rafle film récent de Roselyne Bosch.








  • Le Mas Théotime - Henri Bosco

    Un auteur oublié au parfum de lavande

     

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                        Paul Cézanne - Maison en Provence

     

     « Depuis dix ans j'habite le mas Théotime. Je le tiens d'un grand-oncle qui portait ce nom. Comme il est situé en pleine campagne, la chaleur l'enveloppe et, du moment que juillet monte, on n'y peut respirer avec plaisir qu'aux premières heures du jour ou bien la nuit. Encore faut-il qu'il passe un peu de brise. Alors on peut se tenir près de la source, sous le buis, car c'est là qu'on rencontre un air doux, qui sent l'eau vive et la feuille. » 

     

    C’est bon vous êtes dans l’ambiance ? 

    La Provence âpre, celle du travail laborieux, des paysans animés par l’amour de leur terre, des jalousies, des rancunes venues du fond du temps, des querelles de bornages. 

    C’est là que Pascal Dérivat vit, seul au milieu de ses terres cultivées par la famille Alibert, des simples, des taiseux « modelés aux exigences de la terre. »

    Lui il herborise, il a « le goût des plantes et des herbes » d’ailleurs il s’est réservé le grenier « le coeur de la maison  » là il écrit, dessine, fait sécher arnica ou pariétaire et de là il regarde « filer les saisons ». 

    Il a été accepté par les gens du pays mais pas par Clodius, son cousin et voisin, un teigneux, un violent, un mauvais pour qui tous les prétextes sont bons pour déclencher une querelle. 

     

     

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                     La Provence de Georges de Pogedaieff

     

    C’est l’arrivée de Geneviève qui va mette fin à cette vie calme, Geneviève la cousine de Pascal, son amour d’enfance, celle qui a fait le choix d’une vie de tumulte et qui va faire flamber les hommes et jeter une étincelle sur ce pays où « l'air flambait en colonnes de feu et, du côté de l'aire, entre les meules, montait une odeur de blé et de fournaise »

    Lorsque l’on retrouve Clodius assassiné c’est la fin de la tranquillité pour Pascal Dérivat.

     

    Ne vous méprenez pas, il ne s’agit pas d’un polar, Henri Bosco est le peintre d’une Provence oubliée où les hommes font un travail harassant, luttant contre la nature 

    « En août, dans nos pays, un peu avant le soir, une puissante chaleur embrase les champs. Il n'y a rien de mieux à faire que de rester chez soi, au fond de la pénombre, en attendant l'heure du dîner. Ces métairies, que tourmentent les vents d'hiver et que l'été accable, ont été bâties en refuges et, sous leurs murailles massives, on s'abrite tant bien que mal de la fureur des saisons. »

     

     

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                       Oliveraie - Van Gogh 

     

    Son écriture est belle, ses mots sont magnifiques, j’aime sa façon de parler des gens de la terre qui ont eu « du blé et de l’huile, des fils, des filles et des maisons » sa prose mi-ombre mi-soleil à un petit parfum d’autrefois qui me le rend cher. 

    J’ai trouvé d’occasion un livre regroupant 5 des romans d’Henri Bosco ce qui tombait bien car mes livres de poche tombaient un peu en poussière, j’aurai donc l’occasion de vous reparler de lui 

     

    Le Livre : Le Mas Théotime - Henri Bosco - Gallimard Folio 

     

    bosco.jpgL’auteur : Henri Bosco est né en 1888 à Avignon. Il enseigne en Algérie, en Afrique, en Italie. Il a obtenu le Prix Renaudot en 1945 pour « Le mas Théotime »  

    Il a reçu le Grand Prix national des lettres en 1953

    Il est aussi écrivain pour la jeunesse : L'enfant et la rivière ou le Renard dans l'île.

     

     

     
  • Le Grand troupeau - Jean Giono

     

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    Depuis quelques mois j’ai lu plusieurs des livres de Nicole Lombard et ses références à Giono sont permanentes, elles donnent nécessairement envie de le lire ou le relire.

    Le Grand troupeau écrit en 1931 est de ces envies là. 

     

    J’étais un peu sceptique avant ma lecture, mes lectures de Giono antérieures ne cadraient pas bien avec un récit de guerre. 

    Et bien autant pour moi, c’est certainement un des plus beau roman sur la guerre que j’ai lu, avec une approche tellement singulière qu’elle va restée je pense inoubliable pour moi.

     

    Août 14, les hommes appelés au combat quittent leurs fermes, leurs champs, leurs femmes et leurs enfants. 

    Joseph marié à Julia est un des premiers à partir, suivra Olivier amoureux de Madeleine. Restent à la ferme pour faire les moissons et les vendanges que deux femmes et un papé.

    Bientôt les récoltes et le bétail seront aussi réquisitionnés. 

    Bien sûr lors du retour du front rien ne sera simple, amputation, blessure volontaire vont marquées à jamais hommes et femmes. 

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                      Même le mulet est réquisitionné 

     

    Simple me direz-vous, alors qu’est-ce qui fait de ce roman un très très grand livre ? 

    Tout d’abord un scène d’ouverture absolument fulgurante, un énorme troupeau de moutons traverse vallées et villages avec seulement deux bergers tous les hommes ayant été appelés, et ce troupeau impressionne « tout l'air tremblait et on ne pouvait plus parler », métaphore saisissante des hommes que l’on conduit à la boucherie que sera la guerre.

    « Parfois, ça devait s’arrêter là-bas, au fond des terres où s’était perdu le berger… L’arrêt remontait le long du troupeau, puis ça repartait avec un premier pas où toutes les bêtes bêlaient de douleur ensemble. »

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    Ensuite Giono va tout au long du roman nous faire passer de l’arrière provençal au champ de bataille mais sans jamais être précis sur les lieux, sur les dates. Ce flou voulu rend le récit atemporel et lui confère une force supplémentaire.

    Giono le pacifiste ne se perd pas en discours inutiles, ses descriptions du chaos sont bien suffisantes, il nous fait sentir en quelques phrases l’angoisse du soldat, les gestes de Joseph auprès d’un blessé disent tout de la peur, de la douleur. Pas de scènes héroïques, pas de descriptions de bataille. Les hommes seuls importent. La folie guette parfois.

     

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    Giono  peint ce monde rural dévasté par le départ des hommes et les annonces de morts et de blessés. Une scène très forte m’a particulièrement remuée celle d’un hommage rendu, une cérémonie « au corps absent » car l’homme n’a jamais été retrouvé.

    Les femmes qui vont empoigner le travail des hommes mais qui la nuit venue cherchent dans le lit la marque de l’absent « Elle vint découvrir le grand lit. Il en a tellement l’habitude que la place du Joseph est encore formée et que, dans le blanc des draps, ça fait comme un homme d’ombre couché là ».

    Il faut être un grand romancier pour parvenir à teinter un tel récit d’éclats de poésie.

    « Il n’y aurait qu’à ouvrir la fenêtre, tout deviendrait clair. Les amandiers et sur le blé ces ombres rondes comme des pastèques. Et ce vent frais tiré de l’eau. Les tulipes et les hirondelles, ces fleurs d’amandier qui tombent. »

     

    Ce roman est comme la suite naturelle de Jean le bleu qui se termine ainsi :

    « On entra dans l’année quatorze sans s’en apercevoir. Elle fit tout doucement son jeu de neige, d’hirondelles, d’amandiers en fleur. Les blés montèrent comme d’habitude. Les tulipes des champs arrivèrent à l’heure ; elles sortaient paisiblement des vieux oignons du printemps treize. Les hirondelles retrouvaient leurs nids. Les hases avaient fait des troupes de petits levrauts. Autour des bergeries on agrandissait les barrières parce que, cette année-là, le sel des béliers s’annonçait bien divisé ; on avait presque un tiers de plus d’agneaux. « 

     

    Faites une place à ce livre dans votre bibliothèque

     

    Le livre : Le Grand troupeau - Jean Giono - Editions Gallimard Folio

  • Kipling Une brève biographie - Alberto Manguel

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    Publiée dans la petite collection (par la taille, pas par son intérêt) Actes Sud Léméac, cette biographie m’a tout de suite fait de l'oeil.

    L’envie de la lire m’est venue après la lecture du « Journal d’un lecteur » du même Manguel, il évoque le roman de Kipling,  Kim, celui dont Juliette Binoche lit un extrait à son « Patient anglais… »

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    Pour moi kipling c’était un écrivain magnifique ET un affreux colonialiste, les histoires comme ça, le livre de la jungle et le poème  If et ....rien d’autre. J’ai donc cherché à en savoir un peu plus.

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    Reçu à la Sorbonne © BNF Gallica 

    Il s’agit plus d’un portrait que d’une biographie, mais un portrait très attachant, très court, donc Manguel va à l’essentiel et fait revivre Kipling en quelques pages.

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    Reconstitution de la maison d'enfance de Kipling à Bombay

    Né à Bombay au moment où le terme  Empire britannique est à son apogée, il est expédié à 6 ans avec sa soeur qui en a trois vers l’Angleterre car il n’est pas concevable d’éduqué un enfant hors de la patrie.

    Confié à de parfaits inconnus, Kipling souffre et se souviendra toute sa vie de ce traitement qu’on qualifierait aujourd’hui de maltraitance à enfant, Dickens n’est pas loin.

    Réfugié dans l’imaginaire Kipling n’eut aucune peine devenu écrivain, à évoquer l’enfant abandonné, Kim et Mowgli sont là pour en témoigner.

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    Les premiers écrits 

    Marié, c’est en Afrique du Sud qu’il va se rendre, celle de la guerre des Boers où déjà apparaît le nom de Winston Churchill. Il écrit dans ces années là,  Histoires comme ça  et comme il aimait bien mettre un poème en exergue de ses écrits, cela a donné  If  traduit pour nous en français par André Maurois.

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    A ma grande honte je dois dire que j’ai longtemps ignoré que Kipling avait reçu le Nobel (en 1907) Il devient un écrivain et un poéte reconnu et admiré.

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    Film sur la perte d'un fils 

    En 1914 Kipling persuada son fils de s’engager dans l’armée, refusé pour sa vue déficiente celui-ci est finalement incorporé dans le corps des Irish Guard après l’intervention de son père. En 1915 quand Kipling apprend la disparition de son fils il ne s’en remet pas et écrit pour calmer sa culpabilité un poème  My boy Jack

     

    Mort en 1936 vous pouvez le retrouver à Westminster mais surtout dans ses livres et c’est ce que Manguel nous fait sentir à travers un un portrait chargé d’humanité.

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    Le poème de kipling  If Traduit par André Maurois en 1918

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    Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie
    Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
    Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties
    Sans un geste et sans un soupir ;

    Si tu peux être amant sans être fou d'amour,
    Si tu peux être fort sans cesser d'être tendre,
    Et, te sentant haï, sans haïr à ton tour,
    Pourtant lutter et te défendre ;

    Si tu peux supporter d'entendre tes paroles
    Travesties par des gueux pour exciter des sots,
    Et d'entendre mentir sur toi leurs bouches folles
    Sans mentir toi-même d'un mot ;

    Si tu peux rester digne en étant populaire,
    Si tu peux rester peuple en conseillant les rois,
    Et si tu peux aimer tous tes amis en frère,
    Sans qu'aucun d'eux soit tout pour toi ;

    Si tu sais méditer, observer et connaître,
    Sans jamais devenir sceptique ou destructeur,
    Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
    Penser sans n'être qu'un penseur ;

    Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
    Si tu peux être brave et jamais imprudent,
    Si tu sais être bon, si tu sais être sage,
    Sans être moral ni pédant ;

    Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
    Et recevoir ces deux menteurs d'un même front,
    Si tu peux conserver ton courage et ta tête
    Quand tous les autres les perdront,

    Alors les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
    Seront à tous jamais tes esclaves soumis,
    Et, ce qui vaut mieux que les Rois et la Gloire
    Tu seras un homme, mon fils

     

    Le livre : Kipling - Une brève biographie - Alberto Manguel - Editions Actes Sud

  • Little Rock 1957 - Thomas Snégaroff

    Les Neufs de Little Rock

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    Thelma Mothershed, Minnijean Brown, Elizabeth Eckford, Gloria Ray; Top row (L-R): Jefferson Thomas, Melba Pattillo, Terrence Roberts, Carlotta Walls, Daisy Bates (NAACP President), Ernest Green, 1957. (Credit: Everett Collection Historical/Alamy Stock Photo)

    Pour moi la lutte des noirs américains pour leurs droits est attachée à plusieurs souvenirs. 

    Le premier nom qui vient bien entendu est Martin Luther King mais tout de suite derrière il y a Rosa Parks qui refusa avec un courage incroyable de se plier à la ségrégation dans les autobus. 

    Ensuite il y a le film Mississipi burning qui fut une gifle car malgré ce que l’on croyait savoir la réalité était bien pire.
    Quand j’ai entendu parler du livre Little Rock 1957, sa lecture s’est imposée comme une évidence.

    « Tout avait commencé en 1903, à près de huit cents kilomètres de Little Rock, dans la petite ville de Topeka, Kansas, quand William Reynold, un homme noir, avait tenté d’inscrire son fils dans une école réservée aux Blancs. »

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    Foule devant le lycée septembre 1957

    Après des années de lutte et une plaidoirie magistrale de Thurgood Marshall avocat de la NAACP mouvement de lutte pour les droits civils, la Cour Suprême en mai 1954 rendit illégale la ségrégation dans les écoles

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    « La seule chose qui puisse expliquer cela, c’est la conviction profonde que le peuple qui fut réduit en esclavage doit être maintenu dans un état le plus proche possible de celui-ci. Il est temps, selon nous, que la Cour affirme clairement que ce n’est pas l’esprit de notre Constitution »

    Little Rock est la capitale de l’Arkansas, état où la ségrégation sévissait durementLe livre retrace à la fois le combat juridique, politique et des parcours individuels

    Celui en particulier d’Elizabeth Eckford, mais aussi celui de Orval Faubus un soi disant démocrate oeuvrant pour la ségrégation, d’hommes politiques attisant la haine et la peur, de journalistes faisant preuve d’audace. Les protagonistes des événements sont multiples depuis le gouverneur de l’état jusqu’au Président Eisenhower.

    Le destin d’Elizabet Eckford est emblématique

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     la haine en action 

    « Ce matin-là, Elizabeth était partie seule, à la différence de ses huit camarades qui étaient accompagnés. Arrivée aux abords du lycée, elle découvre une foule de plusieurs centaines d’adultes, mais surtout des jeunes femmes comme elle, vociférant des insultes racistes. Face à elle, une rangée de gardes nationaux : ils viendraient à son secours, croyait-elle. Ils ont croisé leurs armes pour l’empêcher d’aller plus loin. Elle a dû se réfugier, sous les hurlements et les premiers coups, sur un banc, jusqu’à ce qu’une jeune femme blanche, courageuse, l’accompagne à un bus. »

    La photo prise ce jour là fit le tour du monde et déclencha une réaction forte du Président qui envoya l’armée fédérale et destitua le gouverneur de l’état.

    Après que le gouverneur fut obligé de plier devant la loi les étudiants néanmoins subirent des pressions, du harcèlement pendant toute l’année.
    Insultes, menaces, et pressions aussi sur les étudiants blancs « Ne retournez pas au lycée, n’allez pas en classe avec les négros ! » mais aussi des sévices : soupe chaude versée dans le cou, jet de papier enflammé dans les toilettes, les soldats présents pour les protéger n’avaient en effet pas le droit de pénétrer dans les salles de cours, la cafétéria et les toilettes ! 

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    Monument hommage aux neufs 

    Le combat pour les droits civils fut encore long mais Little Rock marqua un tournant important.

    Un livre très complet, très clair, avec des rappels utiles pour comprendre même si  parfois c’est un peu long et un peu trop détaillé à mon goût mais j’ai appris beaucoup de chose et ce livre rappelle que le combat n’est pas si loin. 

    Les neufs furent reçus à la Maison Blanche lors de l’élection de Barak Obama, juste revanche.

    Keisha m'a alerté sur une illustration de Norman Rockwell je l'ajoute à ce billet car elle me parait tout à fait parlante

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    Thomas Snégaroff est un historien spécialiste des États-Unis et si vous regardez la 5 et l’émission C’est dans l’air,  vous l’avez déjà vu et entendu par exemple au moment de l’élection de Trump.

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    livre : Little Rock, 1957. L'histoire des neuf lycéens noirs qui ont bouleversé l'Amérique - Thomas Snégaroff - Editions Tallandier

  • Vies de Job - Pierre Assouline

     Parcours dans le monde de la Bible deuxième étape 

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    Job et sa femme- Georges de La Tour

     Tout le monde connait Pierre Assouline, son blog, ses critiques, ses livres. Je ne suis pas une inconditionnelle, si j’aime ses biographies je n’apprécie pas vraiment ses romans, venant de terminer le livre de Meir Shalev j’ai enchainé avec  Vies de Job  c’est tout le plaisir des ricochets dans les lectures.

     

    En choisissant la forme du roman Pierre Assouline s’offre la liberté totale, il ne fait ici ni oeuvre d’historien, ni de philosophe, mais oeuvre d’homme pour qui Job aujourd’hui est une figure obsédante et universelle. Partons sur les traces de Job, un peu partout dans le monde, dans la littérature, la peinture ou le théâtre. 

     

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     Job par Gerard Seghers

     

    " Ce livre que l'on garde autant qu'il nous garde, les juifs l'ont judaïsé, les chrétiens l'ont christianisé, les musulmans l'ont islamisé, les poètes l'ont poétisé."

     

    Parlons d’abord du livre de Job lui-même, vous le trouverez dans toutes les bonnes Bibles, un livre assez court et qui hante énormément de lecteurs, croyants ou non :  Julien Green le portait en permanence sur lui dans un petit exemplaire relié nous dit Pierre Assouline. 

    Job c’est l’homme dépossédé de tout : ses enfants, son troupeau et tous ses biens. Il est atteint dans sa chair même et se retrouve seul sur un tas de cendres. Il survit, il résiste et cherche à comprendre.

    C’est un juste souffrant, "il est droit de coeur, intègre craignant-Dieu " et pourtant il se débat dans la nuit et la solitude,  il ne comprend pas où est sa faute, il exige des explications ! 

    Cette histoire, cette parabole qui hante l’auteur va entraîner celui-ci à la recherche de Job, pour s’en approcher au plus près car Pierre Assouline a la conviction que cet homme qui n’a jamais existé, cet homme est toujours vivant parce que son influence est toujours présente et qu’aujourd’hui encore il aide les gens à survivre.

     

     

    Une version fleurant bon le Québec

     

    La recherche est celle d’un journaliste, une véritable enquête qui le conduit auprès des exégètes, des chercheurs, des théologiens, chrétiens ou juifs. Il va comparer des textes, comparer les traductions et tirer patiemment le fil de ce livre qui est sans doute antérieur à la Bible car on en trouve trace dans des textes mésopotamiens et même indiens.

    Il va faire un séjour dans un monastère, fouiller la bibliothèque de l’Ecole biblique et archéologique française de Jérusalem et interroger les érudits qui « lisent la Torah mieux que bien des juifs »

    Son enquête autour de ce « un craignant-Dieu » le porte vers la philosophie et par exemple le thème de la souffrance développé par Marcel Conche dans Orientation philosophique. Mais il va aussi inviter à une promenade littéraire parmi ceux que le livre de Job a inspiré ou questionné : Kafka, Camus, Unamuno...

     

    Roman ou bien sûr car Assouline s’accorde une grande liberté de cheminement qui laisse parfois la place à un livre très personnel qui le dévoile avec pudeur et émotion

    « La mort de mon frère m’a éloigné de Dieu, celle de mon père m’en a rapproché »

    Le témoignage de sa présence auprès de François Nourissier dans les dernières semaines de sa vie ou de ses échanges avec Carlos Fuentes qui a vu mourir ses deux enfants ou cette cette confidence qu'il livre : pendant un an et trois fois par jour Pierre Assouline a récité le kadish pour son père disparu.

     

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    Job sur le fumier - Jean Fouquet

    " On y trouve toutes les qualités du style ancien, la concision, la tendance à l'énigme, un tour énergique et comme frappé au marteau" Ernest Renan cité par Pierre Assouline 

    C’est ce mélange qui m’a rendu ce livre très proche, je l’ai trouvé grave et intense, les digressions aidant à ne pas s’appesantir. Job fait déormais partie de la " famille de papier " de l'auteur et de la mienne.

    C’est un livre auquel je reviendrai moi l’incroyante absolue, parce que c’est un livre qui touche tous les hommes bien au-delà de leurs croyances ou de leur appartenance à une religion. 

     

    Le livre : Vies de Job - Pierre Assouline - Editions Gallimard