Retour à la montagne
C’est un jeune homme, la trentaine tout juste, il quitte la ville, la douleur accompagne cette évasion.
« J’avais trente ans et je me sentais à bout de forces, désemparé et abattu, comme quand une entreprise en laquelle tu as cru, échoue misérablement. »
Il va passer du temps dans une solitude quasi totale pratiquant ainsi une rupture radicale avec sa vie d’avant, plusieurs semaines sans voir âme qui vive, il va ainsi tenter de reprendre pieds dans la vie.
Il nous invite sur les pentes de sa montagne où
« les pâturages étaient encore en sommeil, teintés des couleurs brunes et ocres du dégel; les montagnes et les vallons ombragés encore recouvert de neige. » pas très loin du Grand Paradis.
Paolo Cognetti est un admirateur de Thoreau mais pour autant il ne construit pas sa cabane, non il a pour s’enfouir loin du monde
« une baita en bois et en pierre à deux mille mètres d’altitude, là où les dernières forêts de conifères cèdent la place aux hauts pâturages. »
Il emporte de quoi lire et écrire, Thoreau bien sûr, Elisée Reclus le géographe et puis il a en tête des auteurs choisis : Mario Rigoni Stern, Erri de Luca, Charles-Ferdinand Ramuz ...
Il trace la carte du pays, il a envie comme Reclus de cataloguer la faune et la flore « une tentative de lire les histoires que le terrain avait à raconter. »
Il parcourt les pentes, contemple « les nuages gonflés d’eau » et prend avec les aigles « une leçon de voltige » ou entendre le bruit d’éclatement du mélèze frappé par la foudre. A sa suite on surprend le renard dans sa clairière et on l’entend imiter le sifflet des marmottes.
Après quelques semaines l’envie d’échanger à nouveau avec les hommes revient et lorsque quelqu’un toque à la porte il pleinement heureux, il va faire une rencontre prémices d’une belle amitié.
Dans sa baita il découvre un livre de poésie et c’est une vraie chance pour nous lecteur que de lire pour la première fois un poème d’Antonia Pozzi, poétesse qui se donna la mort à 26 ans lors de la montée du fascisme en Italie.
Dire que j’ai aimé ce livre est peu dire. Ce petit livre se classe dans la catégorie des livres d’ermitages, à côté de Thoreau bien sûr mais il a aussi une parenté très forte avec Mario Rigoni Stern que Cognetti cite souvent et qu’il admire manifestement.
C’est un recours aux montagnes comme Thoreau proposait un recours aux forêts, un voyage vers soi-même. Paolo Cognetti met dans cette introspection beaucoup de pudeur et de poésie.
Et pour vous donner envie de découvrir Antonia Pozzi
J'ai écumé les monts
hérissée comme une fleur —
regardant les rochers,
les hautes parois
dans les mers du vent —
et, chantant à mi-voix, je me souvenais
d'un ancien été
où les rhododendrons amers
prenaient feu dans mon sang.
Antonia Pozzi - Névés - La route du mourir
L'avis positif aussi d'Hélène
Le livre : Le garçon sauvage Carnets de montagne - Paolo Cognetti - Traduit par Anita Rochedy - Editions ZOE